M10720   n° 60    2e RC    1er Escadron  2e Peloton

 
Chef de char :    
Brigadier-chef Albert Crépin, fait prisonnier
Pilote :     Cuirassier Louis Taillefumier, fait prisonnier
    

Détruit par un Pz IV près de Merdorp (B) le 13 mai 1940.

 

Extrait du courrier adressé en 1942 par Albert Crépin à son camarade Marcel Janssen, chef du char S35 M10691.

"...Dès que j'ai vu les allemands à l'horizon, avec leurs colonnes de chars et de side-cars, j'ai eu l'impression que nous allions être écrasés, nous malheureuse unité de 5 chars contre cette fourmilière. Donc, dans le secteur à moi assigné, ils sont apparus aux environs de midi un peu passé je crois, et à un peu plus de 1500m. 
Je ne tirais pas encore, j'observais, mais de votre côté vous étiez déjà à l'ouvrage, j'entendais vos coups partir, je regardais de votre côté pour voir si je pouvais vous aider un peu, impossible de voir quelque chose de l'endroit où je me trouvais, puis un court laps de temps se passa et une deuxième colonne arrivait devant moi, en travers à 1000 ou 1200m, là je commençais à tirer des obus explosifs sur les side-cars et les autos sans faire beaucoup de dégâts, je crois, si ce n'est qu'ils ont pris un autre chemin, plus loin et pour mieux nous encercler sans doute.
Je t'assure qu'à ce moment j'en mettais un coup et que je recevais aussi pas mal d'obus anti-char sur la carapace de mon char, dès ce moment, Taillefumier et moi, étions gonflé à bloc, voyant que leurs projectiles ne nous faisaient aucun effet, nous ne savions pas d'où cela venait mais ça ne faisait rien.
Comme il nous manquait un homme d'équipage et que nous étions très occupés tous les deux, Taillefumier et moi, lui servir les obus ou les chargeurs, moi à tirer, il nous était très difficile de rester constamment en liaison avec notre Lieutenant et d'observer.
Puis deux chars allemands un peu plus petits que les nôtres arrivent et passent au travers de moi, à 600m environ, j'attends une trentaine de secondes pendant lesquelles je mets hausse 600 et j'introduis un obus de rupture, je vise à mon idée et pan !! en voilà d'un, il s'arrête, maintenant au tour du second, même topo, à son tour il s'immobilise, quelle joie au milieu du combat, puis je voulais continuer sur les suivants, mais ils avaient compris le danger, les conducteurs se sont détournés et sont allés passer derrière un espèce de talus. 
Pendant ce temps des hommes sautaient des 2 premiers chars immobilisés et couraient se réfugier derrière une haie à proximité, j'arrosais donc le pied de la haie de 2 chargeurs de mitrailleuse et envoyais des obus explosifs dans les chenilles des chars abandonnés.
A ce moment arrive vers les chars allemands, un char ambulance portant un énorme drapeau blanc avec une croix rouge. Je regarde à la lunette périscopique de tourelle et je vois que ce char n'a pas d'arme, je le laisse tranquille.
Je regarde à ma droite pour voir Munier, plus rien, parti , je ne sais quand . En même temps je regarde plus loin et vois d'autres gros chars à 7 ou 800m, je remets un obus dans le canon, mais l'obus n'est qu'à demi engagé dans la chambre , il me tombe des mains, je reçois un coup d'épaulière du canon sur l'épaule et me fait bien du mal, le char se soulève, un choc et une explosion terrible nous secoue, tout cela en même temps bien sûr, nous en sommes abasourdis, je sue beaucoup, puis un deuxième coup semblable, et un troisième. Nous avons reçu là de terribles commotions, ce sont les coups de 77mm dont tu me parles, je remets un obus et veux tourner ma tourelle vers la gauche résumant que cela venait de la gauche. A mi-course, celle ci reste bloquée, pourquoi je n'en sais rien, un obus anti-char reçu sur le joint de la tourelle et de la carapace sans doute et qui aura fait des bavures de métal. 
Nous restons quelques minutes sans prendre de décisions et nous remettre un peu de nos émotions, et notre surexcitation nerveuse tombait à ce moment. Nos 8 membres tremblaient, les gaz de combustion des cartouches et obus nous incommodaient.
Je décide de partir, Taillefumier démarre et fait deux mètres, le char ne veut plus tourner, la chenille droite est coupée, que faire ?
Nous attendons un peu, les allemands nous entourent et nous croient morts sans doute. A ce moment, vous arrivez près de nous avec 2 chars, j'ouvre la porte et vous fait signe des bras que ma chenille est coupée, vous allez tourner et je pense que vous allez nous prendre, mais fatalité, vous ne nous avez pas compris et vous partez.
Des obus d'artillerie tombent à proximité, nous rentrons dans le char.
Nous attendons l'accalmie pour prendre une décision, ça se passe à une quarantaine de mètres. Tailefumier voit une pièce anti-char sur plate forme automobile avec 20à 25 soldats allemands et moi à côté du char, j'aperçois près de la porte un soldat allemand ayant une grenade et autre chose, je ne sais quoi, dans les mains.
Que faire ? Nous allons peut-être sauter avec le char, nous nous rendons donc. J'ai mal au coeur d'abandonner mon char que j'aimais tant, c'est à cet instant que je m'en aperçois.
Nous sommes désarmés et emmenés dans leurs voitures jusqu'à un autre endroit où d'autres prisonniers sont déjà rassemblés. On nous emmène encore plus loin, à pied, puis une petite auto arrive, me prend et me conduit au château de Merdorp où se trouve un état-major allemand avec plusieurs généraux. 
Il fait nuit maintenant, on m'interroge, mais naturellement je ne sais rien. Ils voient qu'ils ne vont rien tirer de moi et me ramènent dans la nuit au château de Varenne où je couche et me donnent à manger. Le lendemain, on nous conduit sur un terrain de sport jusqu'au soir et je retrouve Taillefumier..."

 

 

RETOUR                                               RETOUR LISTE DES UNITES