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1940 - 37e BCC Combats en Belgique

                    Le 37e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT en Belgique

                                                15 au 16 mai 1940

 

 

Témoignage des Lieutenants Bounaix et Perrier

Au petit jour, le 15 rnai 1940, les 2e  et 3e compagnies sont déployées sur une crête dominant la route Flavion ­Ermeton. Le chef de bataillon est en retrait avec la 1ère  Compagnie. L’inquiétude est très vive car l’essence n’est pas arrivée ; il reste, dans les réservoirs, moins d’une heure de marche.
Enfin, à dix heures, le capitaine David arrive exté­nué mais heureux ; il ramène nos tracteurs de ravitail­lement. Les équipages exultent, c’est la vie qui coule dans les tuyaux de remplissage.
Un Henschel 126 le “mouchard”  tourne sans arrêt, impunément, à une centaine de mètres au-dessus de nous. Il renseigne ses copains...  La partie de poker est faussée ; il connaît notre jeu.
A 12 heures 15, un ordre radio arrive de la Brigade, retransmis par le commandant de Cissey à la 2e  compagnie : “Contre ­attaquez ! Engins blindés signalés à l’est de FIa­vion ".
La compagnie Gilbert se déploie en effectuant un “à droite”, reste un long moment à mi-pente et, vers 13 h 15, disparaît derrière la crête. Le lieutenant Bounaix raconte la suite.

APPROCHE

14 mai 15 heures

Nos oreilles, habituées depuis des années, se sont particulièrement assurés, ce matin, que la voix des moteurs est bonne. Les graissages sont faits ; vivres à bord pour quatre jours ; armes réglées ; munitions vérifiées, qui jettent des lueurs jaunes dans le duralumin des casiers. Et les cœurs…. ? Prêts… !
Confiance enracinée, géante, dans ce matériel dont les champs de tir, les longues routes, la boue, les réseaux de rail, les forêts nous ont confirmé la puissance.
Foi des uns dans les autres ; foi totale dans nos chefs ; dans nos équipages qui ont tous de nombreuses heures de « bord ».
Car nous sommes le premier bataillon B formé ; celui dont, directement ou indirectement, l'expérience a profité à tous les autres ; celui qui a essaimé le plus ; celui que le colonel Bruneau a formé avec amour, et qui, maintenant, est si fier d'être à nouveau sous ses ordres.
La récompense de tout ce labeur est aujourd'hui tangible dans ce sentiment de confiance ; et elle sera plus encore, nous en sommes sûr, au combat.
Aussi, lorsque que à 15h30, après lecture de l'ordre du jour du général, arrive le « En avant », mes deux officiers chefs de char subordonnés sourient. Le sergent Reverberi, avant de s'installer au poste de pilotage de mon GUYNEMER, mon radio sergent Perles, mes deux aides pilote Le Bris et Millard sourient aussi !
Confiance ! Confiance partout !
«  En avant » ! Des palissades de vergers gémissent, les haies s’entrouvrent, les camouflages tombent, et les trois chars des trois sections apparaissent sur la route, s'alignent derrière l’ADOUR, char du capitaine Gilbert.
Sur l'avant de GUYNEMER flotte le fanion du Sacré-Coeur avec la devise «  tout droit ».
Nous quittons donc Wanfercées-Baulet (12 km N-E de Charleroi, Belgique) par la route d’Onoz. Arrêt au bout de quelques minutes pour attendre (en vain) le DAKAR (lieutenant Brochard, chef de la première section) qui a des ennuis de boîte.
Le capitaine Gilbert me donne alors quelques explications :
«L'ennemi a établi une tête de pont et fait une poche dans la région de Dinant ; la première D.C.R. est chargé d'aller résorber ça ! »
J'ai, d'avance, la vision de notre compagnie, de notre DCR, tout entière, entrant comme un bloc d'acier dans l'ennemi, cet ennemi dont le matériel est d'une flagrante infériorité technique, et dont les équipages ne peuvent pas être plus entraînés, plus ardents que les nôtres…..
Cependant, un doute, précis comme un coup d'épingle, quand j'examine ma carte : « une quarantaine de kilomètres ! L'essence sera bien basse pour attaquer après une pareille randonnée ! »
La compagnie Gilbert ouvre la marche du bataillon.
Ma section, en tête, éclaire et protège la compagnie elle-même.
Les chefs de char ont pris place à bord des tourelles. De la mienne, les yeux au PPL, je vois sous l'effet du tangage se lever et s'abaisser devant moi la ronde goudronnée sur laquelle se rue le bataillon tout entier avec ses 900 tonnes de métal.
En me retournant j'aperçois les tubes aux belles gueules ; car la suprême toilette a été faite les canons : on a enlevé les couvre-bouches de cuir. Et les aides pilotes préparent les obus, fusées à portée de la main. Le Bris m’interroge souvent du regard tandis qu'il engage déjà l’ogive du projectile ; je hoche la tête : « pas encore ». Et tout de même, d'instinct, chaque fois, je pose la main sur la culasse de mon canon de tourelle. L'arme est fraîche, bonne a toucher ! L'oculaire de la lunette de tir luit dans la pénombre. Du couloir machine monte le grondement continu que surveille Millard.
Nous utilisons d'abord un excellent itinéraire jalonné par le Train de la DCR :
Auvelais – Tamines (franchissement de la Sambre) – Arsiment – Fosses.
3 km avant Fosses je reçois par moto l'ordre de m'arrêter ; un deuxième ordre me fixe une base de départ vers laquelle je dois orienter le bataillon : route Ermeton sur Biert - Anthée, en K (carte au 1/40 000) d'après le quadrillage.
À partir de Fosses plus de jalonnage.
A Bambois nouvelle halte sur ordre. Un papier m'arrive vers 17 heures : « portez-vous à Mettet par Saint Gérard » ; donc déviation considérable de l’axe de marche initialement fixé.
La colonne repart. Les fantassins et des chars légers croisent maintenant le 37e avec des attitudes de gens harassés, découragés.
A Saint-Gérard un sous-lieutenant de cavalerie exprime cette opinion au passage des champs de tête : « c'est ça qu'il aurait fallu, hier ! »
Après Saint-Gérard je prends au plus court par Cottaprez.
Des camions, des autobus obstruent en partie les routes. Le bataillon passe sans trop ralentir.
Arrivée à Mettet sur la place de l'église à 19 heures. Attente d'ordres durant 20 minutes. Ils enjoignent de reprendre la direction de la base de départ primitivement fixée.
Le capitaine Gilbert me fixe sur la carte itinéraire : Mettet, Furnaux, Ermeton etc…
Nos chenilles marquent maintenant une piste montante qui, après avoir traversé un bois de crête, doit nous conduire à la route Saint Gérard - Ermeton. La nuit tombe.
GUYNEMER s'engage dans ce bois et les autres chars derrière lui. On n'y voit mal, et il n'est pas question d'allumer les feux. Soudain j'ai l'impression que ce chemin devient étroit. Mais oui ! Juste la place des chenilles ! À droite un remblai ; à gauche une sorte de carrière d'où émergent les cimes d'arbres ! Je ne suis plus moi ; je suis cette chenille droite ; je suis tous les chars du bataillon qui marche sur mes traces dans ce chemin ! J'imagine la longue marche arrière, le demi-tour dans ce bois en pleine obscurité, les cas inévitables avaries, les fatigues supplémentaires ! Et la piste se rétrécit toujours !
Tant que Reverberi ne parle pas, c'est qu'il y a encore l'espoir. J'attends avec terreur le « mon lieutenant…... » qu'il va prononcer…. Jamais, même en plein combat je ne me suis senti aussi lourdement pareil poids sur les épaules ! « Mon lieutenant, c'est trop étroit ; je ne peux plus passer ! » Je m'écoute  répondre sans hâte, avec une conviction désespérée ; « il FAUT passer ».
Le char est reparti. La chenille droite a mordu au remblai, a grimpé ; l'appareil s'est incliné à gauche. Le goulet n'est que de quelques mètres ; l'appareil se rétablit…. Mais plus de piste ; le plein bois. GUYNEMER rit de cette difficulté. Tout droit, à pleines chenilles, à plein poitrail, lentement de peur d'obstacles inconnus, il ouvre sa voie dans le noir du feuillage, sur les troncs écrasés.
Quelques minutes et je vois luire une chaussée ; le choc des patins contre une surface dure : la route !
Peu à peu arrivent les autres chars que leurs pots d'échappement commencent à rendre visibles dans la nuit.
À l'entrée du village d’Ermeton je vois avec un serrement de cœur s'immobiliser le VAR (de ma section : sous-lieutenant de Lamorignière) dans la position significative de l'appareil qui n'a pas pu virer ; il ne pourra rejoindre (joint inférieur de Naeder claqué).
Yeux grands ouverts j'interroge la nuit et ma carte.
Enfin, vers 22 heures, arrivée à la base de départ fixée.
La compagnie s'installe aux lisières du bois de Biert l’Abbé face à l’Est. Liaison au sud avec le 28e BCC, l'autre bataillon B de la 1ère DCR.
Devant nous des lueurs rouges comme celle d'une fin de bataille, à 3 km environ.
Le capitaine et moi partons à pied vers le commandant.
Triste nouvelle : Le SEINE de la première compagnie (Raberin) ayant glissé sur la route goudronnée est tombé dans un ravin ; l'appareil a flambé, portes coincées. Le sous-lieutenant Mathieu, mon cher camarade des ses quatre hommes d’équipage….. !
Les premiers morts du bataillon.
Il reste 100 litres d'essence dans nos réservoirs, soit deux heures de marche !

ENGAGEMENT

15 mai 1940

Aujourd'hui on va tâter du Boche !
Confiance ! Ignorance de la situation générale !
Pourvu que nous ayons de l'essence ! Il paraît que serait arrivée cette nuit, vers la Chapelle de Biert l’Abbé. Aussi à quatre heures la compagnie se rend-elle dans la zone indiquée : pas de tracteurs de ravitaillement !
Le capitaine m'apprend alors que notre mission en attendant l'essence, est de nous installer dans le thalweg formé par le Haut Biert (P2 d'après le quadrillage) et d'interdire tout passage d'engins blindés  ou autres sur la route n° 51, aux environs du lieu-dit La Chapelle. La compagnie forme un V, le capitaine au centre du dispositif.
Le bataillon est formé en A, à cheval sur le Biert, la deuxième compagnie en tête.
Le 28e bataillon occupe les abords du bois de Biert l’Abbé.
Hausses repérées, obus dans les tubes, nous attendons le débouché de la Panzer.
Longue immobilité !
Je vois passer dans un side-car un officier de l'état-major du bataillon, le capitaine David, qui est à la recherche de tracteurs de ravitaillement en essence. Une dizaine de Dorniers nous survolent à très basse altitude, passent et repassent, se contentant de nous repérer.
Nous mangeons. Au sud quelques coups de canons.
À 11 h 30 la grande nouvelle ! L'essence est là !
Avant même d'aller faire nos pleins vers le confluent du Biert et de son affluent, nous recevons le message suivant :
« engins blindés ennemis en marche HZ-HY »
ce qui situe cette colonne à 5 km de nous vers le sud ; à 1 km du village de Flavion. Nous nous hâtons vers les tracteurs. A franchir le Biert et ses bords marneux, au moment où GUYNEMER prend appui sur la berge opposée le terrain cède. L'appareil penche à droite et ses chenilles battent une boue liquide… La panne stupide à quelques minutes de l'attaque !
Vite, marche arrière ! Quelle anxiété, puis quelle joie !
GUYNEMER s'agrippe la terre arrière plus ferme et remonte lentement dans ses propres traces. Un geste à Reverberi : GUYNEMER reprend du champ, revient sur l'obstacle en un point voisin, mais en cinquième cette fois. L’eau, la boue giclent ; un sérieux coup de tangage ; le fossé est franchi.
Hélas, l’OISE (2e section : sous-lieutenant Didot) se débat dans le cloaque. Il y reste, et son équipage devra le brûler lorsqu'il se verra atteint par l'infanterie allemande !
Les tracteurs ravitailleurs en essence ont été survolés à diverses reprises par les bombardiers ennemis. Au moment où je vais partir le lieutenant Vaugien, commandant les tracteurs me dit en montrant le ciel : « ils peuvent faire ce qu'ils veulent maintenant, nous faire sauter ; je m'en fous : vous avez l'essence ».

L’ATTAQUE

La compagnie, avec ses trois sections à deux chars, a repris la formation en V et fait face au Sud.
ISERE et OURCQ (1ère section) ; GUYNEMER et GARD (3e section) constituent l'échelon de mouvement.
SAONE et HERAULT (2e section) forment échelon de protection. Le capitaine avec ADOUR est au centre du dispositif.
La compagnie est immobile dans le thalweg du Haut-Biert.
Les moteurs tournent ; je vois les gaz d'échappement monter dans cette lourde atmosphère d'après-midi de mai. Mon sectionnaire, le GARD, (lieutenant Lelong) est à 100 m à ma droite, légèrement en retrait. Sans doute les autres compagnies du bataillon se préparent-t-elles derrière nous a formé de protection. Irrésistiblement la ruée de ces 30 tubes de 75, de ces 30 tubes de 47, de ces 60 mitrailleuses ; tout cela commandé par radio, se mouvant à 30 km à l’heure en tout-terrain, derrière des blindages «  encaissant » l'obus de 75 à la gueule même des canons ! Et dans ces appareils, des équipages conscients de cette force !
13 heures 30.
De l’ADOUR : « EN AVANT ! »
GUYNEMER et son fanion du Sacré-Coeur vont recevoir le grand baptême !
Nous franchissons la première crête, descendons vers le premier thalweg, au fond duquel court chemin creux ; puis nous remontons. Nous abordons une espèce de plateau constitué par deux croupes assez molles orientées Est-Ouest, dont la séparation est à peine marquée par un thalweg naissant à la route Ermeton-Flavion (n° 51) et qui va s'accentuant en direction de l'Ouest vers l'affluent du Biert. Ce plateau s'inscrirait dans un carré de 2 km de côté. L'angle nord-est est occupé par le bois de Biert l’Abbé. Le côté sud est parsemé de boqueteaux.
En passant près du bois de Biert-l’Abbé, je m'inquiète du bataillon « frère » du notre : le 28e. J'aperçois quelques-uns de ses chars embossés en lisière. J’en distingue même un autre au rebord sud du plateau, paraissant « tenir » la crête. Serions-nous donc en deuxième échelon ? l'autre bataillon a-t-il attaqué ?
“A peine ai-je doublé ce bois que mon char GUYNEMER, ailier extrême-gauche de la compagnie, reçoit un obus à bâbord. Choc sourd. Le Bris annonce cal­mement, avec ironie même : “On tire dans le cirque, un boulon sauté !" L’ennemi si près de nous... J’ai peine à le croire. Pourtant, une lueur rouge s’allume, large traînée horizontale là-bas, au ras de la route, à huit cents mètres environ. J’oriente ma tourelle vers la lueur entr’aperçue, j’expédie quatre ou cinq explo­sifs de 47. Mes projectiles encadrent le but. Pourtant, la lueur se rallume toujours. Toujours le martèlement sur mon blindage, côté gauche. “Char défilé ou arme enterrée” pensai-je. Je passe alors aux obus de rup­ture; deux coups et l’adversaire se tait.
GUYNEMER reprend sa marche et après 200 m environ est à nouveau accroché dans des conditions analogues. Pour vérifier le réglage je charge le 75 de la besogne, cette fois. Mais quelle difficulté pour désigner au pilote un objectif ! La désignation d'objectifs entre observateurs, debout, à pied, sur le terrain de manœuvre est chose parfois ardue : mais elle l'est bien plus encore, celle qui doit se faire par tube acoustique, en char, dans l'ambiance de combat, alors que l'objectif est visible par intermittence, que les fractions de seconde comptent (cas de la flamme d'un antichar). Néanmoins, en quelques explosifs Reverberi règle la question.
Durant une nuit de garde, quelques jours après, Millard me confiera que mon équipage avait, d'un geste puéril, gravé les cinq premières fusées de 75 : « de la part du lieutenant Bounaix : à refondre… De la part du sergent Reverberi : à repasser en usine….. Et ainsi de suite pour chacun de l'équipage du GUYNEMER.
Nous rattrapons GARD et ADOUR qui n'ont pas ralenti et arrivons aux boqueteaux qui garnissent la deuxième crête au rebord sud du plateau.
Là commence la vraie bagarre ! Les languettes de bois déterminent de véritables couloirs de feu. Je n'identifie pas instantanément l'adversaire, vient que de nombreux coups sonnent sur nos tôles. Je cherche, tourelleau orienté vers le sud-est. Le pilote, face à l'est me crie : « un char à gauche, au coin du bois ! » C'est bien un lourd allemand ; un Panzer IV avec canon de 75 sous tourelle. Et le duel s'engage.
Je règle le tir de mon pilote : “Hausse 450 et court !" Pourvu que notre blindage tienne jusqu’à ce que nous ayons trouvé la bonne hausse ! L’adversaire l’a trouvée, ayant sans doute repéré son terrain depuis long­temps. Ses coups précis, à vive cadence, nous arri­vent en pleine caisse, ébranlant le char tout entier, faisant sauter des boulons. Mais GUYNEMER tient bon. “Hausse 500 court !"
Il y a maintenant une belle fumée, une telle pous­sière soulevée que je vois mon adversaire dans une espèce de halo. “Hausse 550 !"  Dans mes oreilles sonne encore le cri de mon pilote : “Je l’ai !" Deux ou trois hommes ont sauté du char ennemi et roulé dès que nous avons vu une énorme lueur rougeâtre à l’avant de l’appareil. Joie immense dans GUYNEMER ; notre première victoire indiscutable.
Mais le martèlement sur notre blindage n'a pas décru. Je m'aperçois alors que tout notre flanc gauche est garni de ces gros chars ! On devine plus ou moins leurs silhouettes, car ils sont camouflés, embossés, immobiles ; mais toutes leurs gueules crachent leurs coups précis atteignent le but. Ma porte latérale est à demi arrachée par un obus qui a cogné juste au-dessous d’elle : elle s’ouvre ! Millard plonge à l'extérieur, la rattrape et la tient fermée tant bien que mal. Sous le choc du projectile le casier de porte a été projeté à l'intérieur est venu me frapper durement à la cuisse. Un obus explose sur la face avant tout près du volet du pilote, piquetant de paillettes incandescentes le triplex protecteur que j'ai fait disposer derrière la fente de vision.
De tous côtés les coups pleuvent maintenant; une véritable grêle ! Les casiers à obus du fond du char ont eu leurs supports cisaillés et se promènent dans le couloir machines. L’ambiance y est. On en découd. Ce coin de plateau est un véritable enfer.
Le 75 et le 47 de GUYNEMER parlent à qui mieux mieux. Soudain, le pilote me crie : “Legac ! Legac est là !" Legac, aide-pilote du capitaine... J'ouvre ma porte de tourelle et j’aperçois l’homme, couvert de terre et de cambouis, mais calme, debout dans l’oura­gan de ferraille qui s’abat en ce moment sur GUYNEMER : “Capitaine blessé ! Prenez le commandement !"
Je saurai plus tard que le char ADOUR a été touché par une bombe d'avion. Legac rescapé a raconté au capitaine Raberin (1ère compagnie) la fin de l'histoire : l'équipage évacue l'ADOUR ; le capitaine, légèrement blessé envoie Legac vers GUYNEMER ; quelques instants après il est touché à la nuque par une rafale de mitrailleuse d'un char allemand, alors qu'il se préparait à quitter le fossé qui l’abritait. Le radio, sergent chef Baur, et l’aide-pilote Erhardt furent également mitraillés au sol et tués comme leur chef de char. Le pilote sergent Vandelet fut blessé à la main et au visage (prisonnier). Le deuxième radio Guyard est indemne mais prisonnier.
Je retourne mon canon cherchant la hausse correcte contre un char qui me canonne avec une précision et une régularité mathématiques. « 550 : trop court ! ». Il me faut donc augmenter ; tourner légèrement le tambour de hausse. S'astreindre à cet effort précis, minutieux, alors que chaque fraction de seconde perdue peut coûter la vie de tous, est un véritable supplice. On a une telle envie de tirer, de tirer sans contrôle ! «  600 ! » Mon obus de rupture a fait une flamme en touchant le blindage allemand ; l'adversaire reste muet définitivement.
Je donne au pilote un secteur boisé d’où j'ai vu naître des lueurs rouges. Sous ses explosifs ce coin de boqueteau devient bientôt silencieux et calme. Pendant que le pilote besogne, je m’escrime contre un deuxième char que je réduis au silence ; il a failli gagner, car un de ses projectiles a cogné sur mon masque de mitrailleuse et j'ai eu les mains piquetées de fines aiguilles brûlantes qui ont passé dans les déchirures du cuir d'étanchéité.
Mais les réelles difficultés commencent : « un obus dans les radiateurs ! » crie Millard. Le moteur s'est arrêté de lui-même. Angoisse mortelle ; nous écoutons le glougloutement de l'eau qui s'échappe, aussi précieuse que du sang. Cependant un coup de démarreur et le moteur tourne….. ! Millard me dira plus tard : « c’est miracle ! » De l'eau sortait par une bougie !
« 75 foutu ! » annonce Reverberi. Je constate que le tube est au recul maximum, inutilisable : un coup sur la tranche de bouche probablement.
Le 47 est intact ! Continuons ! Me sentant trop bien repéré, et voyant que de tous côtés des tubes tirent sur moi, je me déplace et veux entrer dans le bois qui est à une cinquantaine de mètres de moi ; des entonnoirs énormes se creusent à la lisière ; je sent le souffle et les explosions à travers les épiscopes PPL ; on dirait un barrage d'artillerie de fort calibre. Depuis j'ai pensé qu'à ce moment j'avais été attaqué par de l'aviation. Je reste au milieu de la clairière et démolit sans conteste mon troisième char lourd : je vois les tôles de s'ouvrir et voler en morceaux !
Les coups augmentent de densité sur la droite ; un tour de ce côté là. J’aperçois le GARD, immobile, porte de tourelle ouverte par laquelle le radio, Waslet, bran­dit un pistolet automatique. Que signifie... ? Nulle explication ne se présente à l’esprit, sauf celle de la porte ouverte volontairement, par laquelle un projec­tile malencontreux aura blessé ou tué le chef de char. Quelle que soit la vérité, l’issue fut fatale à tout l’équi­page, dont les cinq membres trouvèrent la mort : lieu­tenant Lelong, sergents Barbet et Waslet, chasseurs Baumgartner et Frechin.
Je ne puis interrompre mon combat car je suis une cible parfaite pour tous mes adversaires des boqueteaux Ouest. À ce moment, les deux chars de la première section, OURCQ et ISERE m’encadrent et nous formons section. Quel bon travail ils font ; je les dois tirer, changer de place, tirer encore. Sur eux aussi les coups pleuvent ; mais nos carapaces tient debout, tandis que les tôles adverses, suivant les paroles du sous-lieutenant Bruthiaux, de l’OURCQ, « s'ouvraient comme du carton ».
Nos adversaires Ouest sont si nombreux que, au début, durant un instant je les ai pris pour un de nos bataillons de H 39 étrangers en lisière, aussi bien alignés que pour la parade. Cependant ces chars sont des Panzer III, armés du 37 ; ils n'acceptent pas le combat. Ils tirent tous avec précision, vitesse, mais dès que l'un d’eux se sent menacé par une de nos tourelles, il rentre sous bois ; j'ai tout de même la consolation d'en faire sauter un qui n'a pas battu assez vite en retraite.
Nous avons dû rentrer entre deux échelons de chars renseignés par l'aviation : un échelon avancé, léger, qui a fait front sur notre droite ; un lourd qui tient à gauche.
Mais où sont les nôtres ? je cherche vainement des yeux ; nous ne sommes plus que trois sur ce coin du plateau, pris dans ce croissant d'appareils allemands dont le nombre a été évalué par les chefs de char de GUYNEMER, OURCQ et ISERE à une soixantaine.
Le bilan exact des pertes de l'adversaire est impossible à faire mais sans préjudice des chars allemands détruits par ADOUR et GARD, sans tenir compte du travail fait par la deuxième section, sans parler des coups douteux,GUYNEMER, OURCQ et ISERE sont sûrs d'avoir détruit chacun au moins quatre adversaires.
J'aperçois le char du 28e bataillon qui « tenait la crête ». C'est un char cadavre ; nous avons été leurrés par cette carcasse. Mais où est la deuxième section ? elle n'a pas dépassé le thalweg médian du plateau ; le SAONE (sous-lieutenant Moine) est tombé en panne de terrain en essayant de franchir le chemin creux dans le premier petit vallon que la compagnie a rencontré sur son axe d'attaque. Il a été tiré de là par l’HERAULT (sous-lieutenant Harauchamps). Les deux chars ont continué et ont été accrochés par des adversaires non identifiés camouflés dans le bois de Biert-l’Abbé. Les deux chars ont été immobilisés en plein combat : le SAONE par une panne mécanique (rupture de commande d'arbres à cames) ; l’HERAULT par un obus dans le barbotin gauche. Les équipages voyant leur char inutilisable, les brûlèrent pour ne pas les laisser aux mains de l'ennemi. À signaler que le chef de char de l’HERAULT bien qu'ayant été vu après le combat a été fait prisonnier.
Je cherche aussi des yeux des autres compagnies du bataillon qui immanquablement ont dû partir en protection derrière nous. Rien ! Quelque chose s'est passé que je ne comprends pas ; mais mon premier devoir est de rendre compte au commandant de Cissey de l'importance de la colonne blindée ennemie, pour que le reste du bataillon puisse être engagé avec profit. Car j'ai la certitude que si les trois compagnies étaient entrées dans cette poche, nous étions vainqueurs, …. Et de loin ! Nos B était de taille à lutter un contre deux ; un contre quatre, j'ose dire !
Ma mécanique réclame impérieusement ; l’eau de mon radiateur commence à s’épuiser. La chenille droite, touchée, grogne d’une inquiétante façon ; le blindage s’est disjoint en plusieurs endroits. Surtout, GUYNEMER n’a plus d'armement ! Le 47, dont l’huile du frein s’est dilatée, ne revient plus en batterie.
Je suis maintenant convaincu qu’il faut rendre compte sans plus attendre, afin de permettre aux deux autres com­pagnies de venir balayer cette vermine.
Seul le 47 de l’OURCQ parle encore. Ma radio ordonne “Ralliement !"  L’OURCQ et l’ISERE obéissent en em­pruntant un chemin creux, je les suis et j’aperçois au passage l’HERAULT qui flambe.
Arrivés à la base de départ, les trois appareils sont à bout de souffle. Le moteur de l’OURCQ, avarié, s’arrête définitivement. La chenille droite de GUYNEMER casse. L’lSERE subit le même accident, quelque cent mètres plus loin. En sor­tant, je fais le tour de GUYNEMER... Toutes les su­perstructures de l’appareil sont arrachées ; un des gardes-boue a disparu, l’autre est vertical. Les chaînes de dépannage sont brisées, les tôles sont labourées, entaillées, beaucoup de boulons cisaillés. Plus de cin­quante points d’impact dans la carcasse ! Mais sur la face avant, miraculeusement intact, le fanion du Sacré-Coeur flotte toujours. Je l’arrache !”
J'ai donné l'ordre de brûler ces trois appareils, puis je l'ai retiré, estimant que c'était manquer de confiance ; les autres compagnies avaient sûrement venir et reprendre le terrain.
À pied, avec les équipages, salué par quelques rafales allemandes, je vais vers la troisième puis vers la première, cherchant le commandant afin de lui rendre compte : il sait déjà ; le sous-lieutenant Harauchamps m'a précédé de quelques minutes.
Le Haut Commandement a donné l'ordre de lancer une compagnie seule et après l'engagement de la compagnie Gilbert à fait replier les deux autres.
Elles ne sortiront du reste pas de Belgique : la compagnie Lehoux finissant le soir même sur des batteries allemandes, son capitaine y trouvant la mort ; la compagnie Raberin, le lendemain, sur des pièces également et le capitaine et le commandant sérieusement blessés.
Le capitaine Gilbert, blessé après avoir détruit lui-même trois chars ennemis, sort de son char, inutilisa­ble, avec son pilote dont la joue est déchiquetée et la main en charpie, et son radio, criblé d’éclats dans la poitrine. Tous trois se cachent dans un petit bois. Le capitaine essaie de s’en sortir; il sera tué d’une balle en pleine tête.
Du char sort une épaisse fumée. La porte latérale est ouverte; sur la face blanche, éclairée par le grand soleil de mai, apparaît une inscription peinte en bleu par la marraine, Jeanne Boitel, le jour du baptême des chars : “Mes vœux accompagnent l’ADOUR, le capi­taine Gilbert et ses hommes.”
Vers 16 heures, Cissey est avisé de la destruction de la 2e Cie. Il donne l’ordre à la 1ère et à la 3e de s’installer défensivement à l’Est de Mettet où il se rend avec les deux chars de commandement ESCAUT et BEARN et la 1ère compagnie. La 3e semble suivre mais, surprise, elle s’oriente ensuite vers Furnaux et rapidement disparaît... Cinq mois après la bataille, en octobre 1940, le lieutenant Gaudet reviendra sur les lieux, pour y découvrir les cadavres de tous les chars de la 3e Cie et, dans le cime­tière, les tombes de 16 de ses camarades. Ce n’est qu’au début de 1941 qu’il recevra le compte rendu du lieutenant Perrier sur l’engagement, rédigé dans son Oflag, en Allemagne. Le voici, résumé :
“Le char POITOU passe devant moi. Ne voyant pas venir les chars de la 1ère section, je dis à mon pilote de se placer derrière le char du capitaine. Les autres chars arrivent en colonne. Nous traversons le village d’Ermeton-sur-Biert.
Parvenu à la hauteur du pont du chemin de fer, la colonne s’arrête quelques instants. Le capitaine demande des renseignements à des fantassins du 77e régiment d’infanterie et nous repartons en direction de Mettet. Comme nous allions atteindre la route nationale bordée d’arbres, je vois distinctement à la lunette, sur ma droite, à deux cents mètres, une arme anti-char qui émerge d’une haie et qui est dirigée sur le char du capitaine. Je fais stopper et pointe, et, comme je vais tirer, je vois que l’arme anti-char a fait feu exactement au même instant que le 75 du char POITOU ; le capitaine tire aussitôt après un coup de 47, ainsi que moi-même. L’arme anti-char est neutra­lisée.
La colonne tourne aussitôt à droite et s’engage sur la route nationale. Elle est alors prise à partie par de nombreuses pièces anti-char. Mon char reçoit des coups venant de toutes parts ; ces coups ne percent pas le blindage. J’observe avec attention dans le tou­relleau. Les chars de la compagnie ont abandonné la route et engagé le combat. Mon pilote et moi repérons des objectifs nombreux, sur lesquels nous tirons l’un et l’autre sans répit.
Nous longeons, en tirant, les lisières du bois, tou­jours sous le feu intense des batteries ennemies. Bien­tôt, la compagnie se dirigeant sur Mettet parait hors de portée des armes anti-char, mais le capitaine Lehoux (qui devait trouver, quelques instants plus tard, la mort en pleine action) ne veut sans doute pas arriver au point de ralliement sans avoir anéanti les batteries ennemies déjà dépassées, car il fait demi-tour. La compagnie suit l’exemple du capitaine et se dirige à toute vitesse sur les lisières du village de Denée où la résistance allemande paraît le plus solide­ment organisée. Les sept chars sont alors complète­ment isolés et sans appui.
Le combat se poursuit avec le même acharnement, mais bientôt, mon pilote me signale qu’un obus a rendu le 75 inutilisable. Je continue de tirer, à la mitrailleuse et au 47. Quelques instants plus tard, j’aperçois à cinq cents ou six cents mètres une batterie de deux pièces de 77 ou 88 (une troisième se trouvait à droite en flanquement, à cent mètres des premières, et une quatrième derrière) dont les servants sont debout, et qui, vraisemblablement, prend mon char pour cible. Je tire, arrêté, un premier coup de 47, puis je décide de foncer sur la batterie à toute vitesse afin que, parvenu tout près, je ne puisse manquer mon but. Mes moyens sont très limités mais je compte beaucoup sur l’effet moral produit par l’arrivée rapide du char.
Mon pilote, qui a fait preuve depuis le début de l’engagement du plus grand sang-froid et qui, comme nous tous, a une confiance illimitée dans son matériel, exécute mon ordre avec rapidité. (...) Les coups pleu­vent sur la tourelle elle blindage. Mon char atteint la route, à cent cinquante mètres de la batterie; je fais stopper, pointe et fais feu. Que se passe-t-il alors ? Je n’ai pas vu l’obus arriver, et cependant je n’ai pas tiré long. D’ailleurs je ne vois plus l’objectif (après le combat, je me suis rendu compte qu’un obus ennemi avait cassé ma chenille gauche, déportant le char sur la gauche). Je remonte rapidement dans le tourelleau pour repérer de nouveau la batterie; j’y suis à peine installé qu’un nouvel obus atteint de plein fouet le tourelleau, le faisant sauter.
Je suis atteint moi-même près de l’œil gauche par un éclat ou un boulon cisaillé par le choc, et je m’écroule au fond du char, perdant mon sang en abondance. Lameger, Petit et Rebiffé s’empressent autour de moi, mais je ne perds pas connaissance. Dans l’impossibilité de continuer le combat, je dois au moins sauver mon équipage.
De nouveaux obus, tirés à moins de deux cents mètres, tombent sur le char immobilisé. Je me glisse vers la porte latérale et me laisse tomber à l’extérieur. Suivant mon exemple, mon équipage sort à son tour. L’ennemi tire maintenant sur nous à la mitrailleuse. Nous rampons dans le fossé de la route. Je quitte le fossé dans l’espoir de trouver un petit bois qui sur­plombe la route mais, en relevant la tête, je vois à une dizaine de mètres un soldat allemand qui, debout, me vise avec son fusil. Mon pistolet est resté dans le char. Je n’ai que le temps de baisser la tête pour parer le coup. Je redescend alors vers le fossé où je retrouve mon équipage indemne.
Le sergent Caquard panse avec dévouement ma blessure. Je suis alors dans un grand état de faiblesse. Quelques secondes après, deux Allemands, pistolet au poing, nous cernent. Il n’y a plus qu’à se rendre, la mort dans l’âme. Il est environ 18 heures. Mon char, à trente mètres de là, flambe, sans tourelleau, la che­nille gauche cassée, le bouclier du 75 démoli, traversé par plusieurs obus; il est gravement mutilé. Tout près aussi, le char du capitaine, toutes portes tombées, flambe et explose.”
D’après les témoignages des officiers survivants, il faut estimer à dix ou quinze le nombre des pièces anti­char (d’un calibre de 77 à 105) qui étaient en batterie devant nous, sur un front de un à deux kilomètres. La moitié au moins a été neutralisée au cours du combat, sans compter les canons de petit calibre et les mitrailleuses.
J’ajoute qu’après le combat, le commandant alle­mand des batteries anti-char, s’adressant aux mem­bres survivants des équipages de la 3e compagnie, pour la plupart blessés, s’est exprimé ainsi, en fran­çais: “Vous êtes des soldats braves, vous vous êtes battus merveilleusement”.
A 18 heures la 1ère compagnie et les deux chars de commandement sont en bataille, face à l’Est sur la route Oret-Estroy, mais l’ennemi, ce soir-là, ne viendra pas.
Le lendemain matin, 16 mai, de Cissey a envoyé le lieutenant Gaudet à Acor pour orienter la colonne.
Elle n’arrive pas. Après deux heures d’attente, l’offi­cier, persuadé qu’une erreur d’itinéraire s’est pro­duite, se remet en route. A 14 heures, peu avant Beaumont, il découvre trois chars immobilisés. Cis­sey et Raberin, commandant de la 1ère Cie sont assis contre un arbre, livides, le visage ensanglanté. David est inerte, étendu dans le fossé, la cuisse arrachée. Dans le ravin, en contrebas, le GARONNE est complète­ment renversé. Les trois blessés sont placés avec pré­caution dans une voiture Laffly de cavalerie. Beaumont est traversé sans problème. Dans la ville, les derniers chars de la compagnie brûlent. A Maubeuge, les trois blessés sont déposés à l’hôpital.
Après 36 heures de combat, le commandant et les 4 capitaines sont morts ou blessés. Les trois compa­gnies sont détruites.

 

1940 - 37e BCC Journal de guerre du Colonel de Cissey

JOURNAL DE GUERRE

    DU COLONEL

    DE CISSEY

 

     Commandant le

     37e Bataillon de Chars

       Source : Archives de la Ville de Beaune

 

 

1er Septembre 1939

Ça y est, nous voilà encore embarqués dans une nouvelle guerre. Je la commence, il faut l’avouer, plus agréablement que la dernière, mais j’ai près de cinquante ans et le coffre n’est plus très solide. Il faudra tout de même qu’il tienne jusqu’au bout.

Tout mon bataillon est aujourd’hui rassemblé et David m’a rejoint comme adjudant–major. J’ai eu beaucoup de mal à l’obtenir, mais je l’ai. Sa bonne figure réjouie m’a fait rudement plaisir quand il est venu en descendant de voiture se coller au garde à vous devant moi ; la poignée de main que nous avons échangée en disait long sur nos sentiments réciproques. Malheureusement mon état-major en dehors de David n’est pas brillant. Mon adjudant technique est un ballot et je lui fait uniquement faire la popote. S’il nous fait bien bouffer ce sera déjà ça. Mon officier de renseignements est d’un commun exagéré, mais lui au moins pige vite et ne craint pas sa peine. Mon officier de détails est le roi des cons et avec ça d’une prétention… heureusement je l’ai doublé malgré le règlement de l’adjudant Perrot qui est un as au point de vue comptable. Le toubib est un jeune type de Boulogne, il est crevant et mettra de la gaieté dans nos repas. Mon officier de transmissions est une mouche du coche dans toute sa splendeur.

Les compagnies sont au contraire très bien encadrées :

A la 1ère compagnie Laude, 2e Gilbert, 3e Obe, ce dernier qui tirait un peu a enfin pris le dessus et j’espère qu’il marchera.

La compagnie d’échelon avec Reynaud marchera très bien. Tous les réservistes m’ont fait très bonne impression.

Nous sommes installés au château de Clemery qui est une splendeur, avec le groupe de bataillon 511 et le soir par un temps magnifique de fin d’été, nous faisons Sandrier et moi des gibernes interminables. Il continue d’être des plus ouverts avec moi, j’espère qu’il n’y aura pas trop de tirade.

Aujourd’hui encore pour l’arrivée, le pôvre Totu s’est fait engueuler par lui de verte façon. Je dois reconnaître que son bataillon est un vrai bordel et pourtant il a trois commandants de compagnie qui sont très bien et qui sont désespérés.

2 septembre 1939

Sandrier vient de Nancy où on lui a annoncé la formation de la division cuirassée. Il prend la 1ère demi-brigade avec mon bataillon le 37e et celui du 512 le 28e. Il est dans une joie folle d’être débarrassé de Totu et de prendre le commandement de deux bons bataillons et du 5e Bataillon de chasseurs portés.

Le 28e n’est pas encore très au point mais je pense que le brave Pinot l’y mettra vite si l’on peut travailler avant d’être engagé.

3 septembre 1939

Coup de Trafalgar épouvantable, Keller vient de téléphoner à Sandrier avec des quantités de belles phrases que ce n’est pas lui qui prenait la demi-brigade mais le père Rabanit. Bruneau est aussi évincé de la division cuirassée, pour nous cela vaut peut-être mieux car il est vraiment trop fou ; mais moi personnellement je le regretterai peut-être un jour car il ne jurait plus que par moi. Sandrier est effondré, il part avec son état-major à Fay en Haye.

4 septembre 1939

La 1ère brigade cuirassée est constituée. Sandrier est parti ce matin en m’embrassant. Rabanit était là au moment du départ jurant qu’il ne comprenait rien au changement et qu’il s’en étonnait. Je crois qu’il était sincère et que Sandrier a été évincé parce qu’un type plus jeune que lui du Ministère voulait être adjoint à Keller à la division (Penet).

8 septembre 1939

Les premiers contacts avec Rabanit sont excellents ; il n’y connaît pas beaucoup mais possède un gros bon sens qui vaut énormément, il nous laisse absolument libres Pinot, Journois (5e B.C.P.) et moi et nous à déclaré qu’il ne se considérait notre supérieur que pour nous soutenir.

10 septembre 1939

Nous partons à l’arrière pour pouvoir manœuvrer et mettre au point le 28e et toutes nos liaisons. Marche de nuit de 90 km, tous feux éteints, terrible… J’arrive à Moyen à 6 heures du matin étant parti à 21 heures avec tous mes chars ; c’est un succès formidable qui me prouve que mes équipages sont bons. Seuls les véhicules de réquisition m’ont donné des déboires, un renversé à Art sur Meurthe et trois ou quatre en panne sur toute la route. Les dépanneurs  se sont bien débrouillés et à la nuit tout le monde était à son cantonnement. Le pauvre 28e est arrivé vers 9 heures avec 7 chars sur 33, tout le reste éparpillé sur 80 km. Pinot était navré. A mon avis il a voulu aller trop vite avec de jeunes pilotes et des officiers qui s’en foutent.

11 septembre 1939

Visite de Keller. J’ai rouspété ferme sur la longueur de l’étape, sur la difficulté du parcours et j’ai la promesse qu’on ne recommencera pas. Malgré tout j’ai été couvert de fleurs. Il paraît du reste que c’était Bruneau qui avait conseillé l’étape, ce qui me montre que la réflexion que j’ai faite plus haut était bonne.

Les lettres n’arrivent pas, je suis obligé de faire faire des centaines de kilomètres à mon vaguemestre et c’est souvent pour rien.

15 septembre 1939

Nous travaillons dur et les chars en prennent un vieux coup. Les officiers de réserve se sont vite mis dans l’ambiance et nous tranchons nettement sur le 28e.

Vu ce bon Magnienville à Lunéville et raté Ponpom de quelques heures. Ce dernier est parti pour le Jura retrouver sa division de cavalerie.

20 septembre 1939

Grande algarade au 4e bureau des étapes. A force de rouspéter pour la correspondance, on finit par s’émouvoir en haut lieu. Il faut du reste reconnaître que les état-majors font ce qu’il peuvent pour nous venir en aide.

Octobre

Nous avons beaucoup travaillé ce mois ci, le bataillon s’est rudement vite mis d’aplomb. J’ai peut-être été très dur dans mon commandement, je sais qu’il le fallait pour mettre tout le monde en mains. Je vais pouvoir maintenant desserrer la main de fer. J’ai été bougrement aidé par David et mes trois capitaines. Obe lui-même s’est bien mis à la page, mais le pauvre type a pris quelque chose et sa compagnie en a bavé. Cela m’a permis de remarquer chez lui un type épatant qui a violemment réagi sous les engueulades générales : c’est le lieutenant Gaudet. Il est malheureusement très jeune comme lieutenant, mais il commanderait la compagnie bien mieux que son capitaine.

La compagnie Laude a touché le 28 septembre ses chars B1 bis tout neufs, les équipages étaient fous de joie. L’amour du matériel est vraiment une chose formidable. Du reste comment ne pourrait-on pas s’attacher corps et âme à un aussi bel engin qu’est notre char. La distribution des chars a été homérique sur le quai de la gare de Lunéville, et avant de débarquer Laude a été obligé de me demander de la faire. Il a pris pour lui le GARONNE, j’ai donné le LOIRE à Larcher ; les fanions sont déjà commandés et les marraines vont avoir à travailler dur. Valentine Tessier a écrit à cette occasion une lettre absolument charmante.

Petites choses si françaises et amour du panache que j’ai donné à tous ; chez Laude du reste cela a particulièrement bien rendu.

Cela m’a fait de la peine de voir partir les vieux chars qui ne se sont pas battus et qui gardaient mes souvenirs de Verdun.

Le STRASBOURG de Laude, le DIXMUDE de Brusaut s’en vont.

23 octobre 1939

Quelle belle compagnie. Laude a fait, un entrain, un chic, c’est une joie pour moi d’y aller. Laude est devenu du reste pour moi un véritable ami. Mon premier renfort en officiers arrive du dépôt. Je garde à mon état-major un type qui m’a l’air très bien, le lieutenant Lecoeur et j’en ai profité pour me débarrasser sur la demi-brigade de mon officier de transmissions qui était vraiment trop le Con intégral.

22 novembre 1939

Le capitaine Aulois vient de m’arriver pour faire un stage, c’est Préclain qui ,me l’envoie. Tiens, tiens… le 37e prendrait-il déjà une certaine réputation ? Il est bien cet Aulois, très bien même. Déjà assez âgé, il est volontaire pour prendre une compagnie B. Nous nous sommes accrochés du premier coup.

26 novembre 1939

Nous venons d’avoir le théâtre aux armées, avec Jeanne Buitel, Nadia Dauty, Denisis. Nous leur avons fait une réception monstre dont elles se souviendront. Elles ont été absolument charmantes et feront de nouvelles marraines, je suis certain, pleines de cœur. Je les ai nommées 1ère classe. La remise des galons a été épatante. Nadia pleurait tout ce qu’elle savait, et c’est une vraie fontaine qui m’a embrassé.

Décembre 1939

Départ de Moyen. Nous avions fait, Laude, Lecoeur et moi, la reconnaissance de nos nouveaux cantonnements dans la région de Chalons sur Marne et en déjeunant à la Haut Mont Dieu, j’ai fait la connaissance d’une amie de Laude, Odette de Seiyes, qui est absolument charmante. Comme nous restions coucher à Chalons, nous avons eu le soir au bar, les trois petits le Conte et les deux Pithois. Soirée charmante qui nous a changé. En rentrant je suis passé par Brouthin embrasser ma petite sœur. Elle était comme d’habitude charmante et si affectueuse, et puis c’est tellement agréable d’embrasser une femme qui sent si délicatement bon.

10 décembre 1939

Les embarquements et débarquements se sont faits par un véritable temps de cochon, avec des retards énormes. Les état-majors sont vraiment en dessous de tout ; les trains étaient formés avec des wagons trop faibles pour mes chars, le bordel quoi…

17 décembre 1939

La 2e compagnie touche ses chars neufs. Nous sommes accueillis Laude et moi à bras ouverts chez les le Conte, les deux petits sont charmants et très gais, çà nous change un peu. Laude me disait : « je vois très bien la petite Annick aux bras de Jacques », c’est vrai que cela ferait une très chic petite belle fille. (Il faut déjà que j’y pense, c’est assez drôle).

Aulois nous quitte, son stage terminé, il va prendre une compagnie au bataillon Préclain. Quel chic type, un allant, un cœur, un cran. Que n’avons nous uniquement des types dans son genre.

8 janvier 1940

Je pars suivre un cours à Versailles, où je me propose bien de faire une pâle noce avec Mlle Bobette, cela lui fera du bien à elle aussi, car Bourmont… brou….

14 janvier 1940

Mon cours est interrompu, et je rejoins en vitesse, pour rien du reste.

16 janvier 1940

La 1ère division est constituée, c’est Bruneau qui la prend avec Sandrier comme adjoint, ça nous en promet de belles. Pour le moment nous nous rapprochons de Suippes, et cantonnons à St Souplet. Assez bien installés. Le déplacement par un froid noir a été assez difficile. Heureusement le bataillon était le premier de la colonne sur la route verglacée. Le pauvre Pinot qui me suivait a trouvé la route complètement amochée et a eu un mal du diable à arriver.

22 janvier 1940

Je par en permission de six jours à Paris.

12 février 1940

Nous voilà perdus dans des exercices de cadres à la Bruneau, c’est une barbe sans utilité. Une manœuvre de division par semaine que Bruneau rate à chaque coup, c’est gai pour l’avenir.

21 février 1940

Coup très dur, Laude est muté au 47e comme adjudant-major ; c’est pour moi une catastrophe et j’en suis désespéré : c’est un ami qui s’en va et la bagarre arrive. Je n’ai naturellement pas été prévenu. Il est remplacé par Raberin qui vient de l’ancien 511e, il est très bien mais il faudra le dresser/ En même temps Obe est désigné pour l’instruction du dépôt. Je donne la compagnie à Gaudet, mais je crains bien qu’on ne m’impose un capitaine d’ici peu.

25 février 1940

Ca n’a pas manqué, on m’envoie un nommé Lehoux, c’est un ballot intégral, mais un ami du fils du général Bruneau. Ca ne m’a pas empêché d’aller dire à Bruneau ma façon de penser, et ça été ma première très forte engueulade. On m’a mis en boule, tant pis je m’en fous. J’ai du aller un peu fort, car Bruneau m’a flanqué à la porte de son bureau, en me disant que j’avais un caractère impossible, à quoi je lui ai répondu en claquant les talons : « c’est possible, n’empêche que c’est moi qui me ferai casser la gueule pour réparer les conneries d’un olibrius qui n’a qu’une qualité : être l’ami de Jacques Bruneau.

Mars

Il a fallu que je remette mon bataillon d’aplomb. Pour Raberin cela a été tout de suite très bien, il pige bien et vite. Quant à Lehoux, c’est impossible, je sens tellement qu’il va me faire casser la figure. Et puis il a une sale gueule de mouchard. Je lui ai retiré Gaudet et l’ai pris à l’état-major. Celui-là c’est un chic type et je sens qu’il va me rendre bien service. Pris aussi à l’état-major le bon gros Picarel après une histoire idiote qu’il avait eu avec Reynaud à la compagnie d’échelon. C’est un type épatant, beaucoup trop fin pour vivre avec l’équipe de la compagnie d’échelon qui est bien mais vraiment trop commune. Je ne comprends pas comment Bertin qui est très bien puisse s’y plaire.

Avril

Et les exercices continuent, et Bruneau les rate toujours, si nous sommes engagés comme cela, cela sera une catastrophe. Les deux bataillons 35 sont très en arrière de la main et nous jouerons la pièce, c’est certain.

9 mai 1940

Serait-ce vraiment le commencement de la guerre. Suippes a été sérieusement bombardée. Il y a pas mal de dégâts. L’état-major de la division l’a échappé de peu. Le boche a eu pas mal de casse. La D.C.A. anglaise et la Chasse ont donné toute la journée. Un obus non éclaté est tombé à côté de mon P.C. Les anglais m’ont envoyé la douille le soir même avec leurs excuses (j’aurais mieux aimé du tabac). Le pauvre Durand qui faisait des courses de popote à Suippes est revenu décomposé, cela lui aura fait du bien comme apprentissage.

10 mai 1940

Ce coup là c’est pour de bon, nous embarquons pour la Belgique. Comme par hasard, on commence par une connerie, les chars sont sur voie ferrée et je pars avec les véhicules par la route. J’ai eu beau râler il n’y a rien eu à faire, le chef est débordé, quant à Bruneau, il joue au petit soldat. Les embarquements ne se font pas facilement, nous sommes constamment bombardés par les avions malgré les deux ou trois escadres anglaises qui sont à côté de Suippes. La division ne faisant rien, je me décide à envoyer Larcher directement au commandant de groupe de chasse. Il revient vite en me disant que c’est entendu. De fait une fois la chasse en l’air nous sommes tranquilles jusqu’à la fin de la soirée. Je ne suis du reste pas mécontent que les hommes aient commencé à entendre siffler les éclats.

11 mai 1940

J’abandonne les chars et je pars avec la colonne des véhicules, pas de régulation de la circulation, un bordel effrayant sur les routes. Nous passons à côté d’un terrain d’aviation qui a pris quelque chose cette nuit., de Reims bien touchée, puis du quartier général anglais, mais nous ne sommes pas inquiétés du tout.

Nous cantonnons le soir à Curieux, on va coucher tout habillés car nous nous attendons à partir cette nuit.

12 mai 1940

Naturellement nous sommes partis très tard, bous faisons une grande rocade pour nous mettre dans le fuseau de l’armée qui monte.

A midi, Bruneau fait appeler les chefs de bataillons. Les chars commencent à débarquer à la frontière belge, et il voudrait que nous y soyons déjà. Je fais très respectueusement remarquer que si nous n’y sommes pas, ce n’est pas de notre faute mais de la sienne. Il me répons assez vertement : « la question n’est pas là, il faut simplement savoir si vous pouvez les rejoindre ce soir » A quoi je réponds aussi sèchement et rapidement : « la manière est simple, nous donner notre liberté de manœuvre et ne pas toujours nous considérer comme des nourrissons au biberon en train de téter leur nourrice ». J’ai cru un quart de seconde que Bruneau allait éclater mais il s’est contenu et a simplement répondu : « C’est entendu, les chefs de bataillon rejoindront d’urgence les chars. Messieurs, je vous remercie ». Nous nous sommes tous levés dans un silence glacial, j’ai salué et me suis dirigé vers la porte, il m’a rappelé et m’a dit : « vous serez donc toujours aussi hargneux, dites moi au revoir » la main était largement tendue, j’ai bien senti que j’avais tort, mais comme toujours il a fallu que je réponde en prenant la main qui ne me lâchait pas : « Mon général, Pinot et moi avons 50 ans, je crois que nous avons montré tous les deux que nous savions commander et mener notre barque, nous souffrons d’être ainsi tenus en laisse et de croire que nous n’avons pas entièrement votre confiance. Au moment où nous allons peut-être aller nous faire casser la gueule, je vous le redis encore, pourquoi n’avez-vous pas confiance en nous ? » Il m’a regardé dans les yeux pendant un bon moment me tenant toujours la main qu’il serrait à craquer, j’ai bien vu qu’il était très ému et c’est d’une voix couverte qu’il répondit : « Vous êtes Pinot et vous, deux chics officiers et je vous jure que vous pouvez avoir confiance en moi, comme j’ai confiance en vous. » Pauvre vieux type, c’est moi qui ai eu tort, mais il fallait que ce soit dit.

En sortant Pinot jubilait en me disant : « Ça ne fait rien, vous avez un sacré culot ». « C’est possible ai-je répondu, mais pour lui prouver que c’est moi qui commande mon bataillon, non seulement je rejoins les chars mais j’emmène avec moi mon P.C. et je laisse les véhicules à un lieutenant, c’est bien suffisant.

Après avoir bouffé en vitesse, nous sommes partis David, Gaudet et moi et après l’entrée en Belgique où toute la populace nous lançait des fleurs et où tous les gens riches foutaient le camp en voiture et encombraient les routes, nous sommes arrivés à Lambusart avant les premiers chars, après avoir été coursés à plusieurs reprises par les avions boches, mais les bombes n’éclataient jamais sur la route où nous sommes passés sans incidents.

Première récompense de mon dur travail de l’hiver : l’air réjoui de tous en me voyant au débarquement « ah mon colonel, enfin vous voilà, ce qu’on avait peur que vous ne soyez pas là, maintenant que vous êtes là on est tranquilles, etc… etc…». Mon bataillon fait corps avec moi, le résultat que j’ai cherché, je l’ai obtenu plus beau que je n’aurais jamais cru et si demain nous sommes engagés, c’est une seule et même âme, l’âme du 37e qui battra dans tous les cœurs des équipages.

J’essaie de me durcir et d’effacer en moi les affections particulières que je puis avoir, demain cela pourrait me gêner dans mon commandement. Ce soir, j’ai tutoyé Raberin pour la première fois et lui, si protocolaire, m’a tendu la main en me disant « ah merci mon colonel, il y a longtemps que j’attendais cela.»

Il n’y a plus que Lehoux que je ne tutoie pas, je crois que je n’y arriverai jamais, et pourtant je voudrai tant le soir, n’avoir de rancune pour personne. Il m’a déjà fait tellement de conneries, que fera-t-il demain ?

13 mai 1940

Peu dormi cette nuit, on ne sait rien que de vagues tuyaux de réfugiés qui sont très déprimés. D’après eux toute la ligne belge est enfoncée et les boches sont déjà devant Namur qui flanche. Nous sommes gagnés de vitesse. Alors que sommes nous venu faire dans cette galère et pourquoi ne nous sommes pas défendu à la frontière ? Nous ne serons jamais assez nombreux ici pour tenir et nous allons à un nouveau Charleroi. J’ai passé toute la journée en reconnaissance puis dans les compagnies. Tout le monde est gonflé à bloc, ça fait plaisir à voir et à entendre.

20 mai 1940

Me voilà à l’hôpital, bien amoché. Vais-je pouvoir physiquement m’en sortir ? je n’en sais rien, je me sens très vieux, mais moralement je puis dire que je viens de passer les plus beaux jours de ma vie de soldat. Je voudrais tant pouvoir tout me rappeler et tout mettre dans ce carnet, tout sans même laisser de côté les tristesses ; en aurais-je le courage et surtout ma mémoire ne sera-t-elle pas défaillante ?

Je vais essayer de reprendre ici cette page de combat que mon beau 37e a inscrit les 15 et 16 mai avec son cœur et combien de son sang.

Le combat

Le 14 mai dans la matinée, Bruneau nous a rassemblé à son P.C. à Lambusart ; il avait été en liaison dans les état-majors du secteur. Ça va mal, les Belges ont lâché sur toute la ligne. Nos éléments de cavalerie se cramponnent comme des poux et font du retardement, mais sont submergés. La division doit être prête à intervenir sur un préavis de 2 heures. Laïus du cœur naturellement « Messieurs, la 1ère division Cuirassée fera son devoir j’en suis certain ; quelle que soit la mission que l’on nous donne nous la remplirons jusqu’au bout. Je compte que chacun dans sa sphère donnera tout ce qu’il peut donner et si on nous demande un sacrifice total nous serons prêts à refaire Sidi-Brahim… »

Brou… un petit froid dans le dos, une division cuirassée est pourtant faite pour attaquer, enfin n’y pensons pas, et Bruneau continue « Je vous demande à tous d’exécuter à la lettre mes ordres, et pour le 37e, à vous Cissey de savoir qu’il faut souvent se contenter d’une tâche modeste quand le sort du pays est en jeu ».

C’est net, on va se faire casser la gueule bêtement, j’ai de nouveau très froid dans le dos et c’est la gorge serrée que je réponds : « mon général j’ai l’habitude d’obéir »

« Je le sais ». Ça a été le dernier contact avec le grand enfant que nous avons comme général de division.

A 14 heures le délai d’alerte était réduit à une demi-heure. J’ai tout de même donné l’ordre aux équipages de dormir. A 14h25 l’ordre de départ était donné par la division. Naturellement nous nous dirigeons vers la Meuse qui paraît-il vient d’être forcée entre Namur et Dinan. Cela aurait pu être bien beau de reflanquer tout cela à l’eau mais…

Le point initial est Spinay à 15h30. Par suite d’une erreur, Gilbert avec sa 2e, passe trop tôt. Pour ne pas faire de pagaille je le laisse en tête et Raberin avec la 1ère passe en queue… la fatalité…

Il n’y a rien à faire, pauvre Gilbert, son erreur lui coûtera la vie demain.

Les routes sont affreusement encombrées, c’est déjà une débandade folle, réfugiés, trains d’artillerie, fantassins, tout cela mélangés, sans ordre, sans police, c’est infernal. Je suis obligé de passer à travers champs et de contourner les villages. Nous devions être à 17 heures à la base de départ, rien à faire, à 17 heures j’en suis encore au moins à 20 km. Un motard de Rabanit, m’apporte deux fois des ordres que suivent un contrordre. J’arrive enfin vers 19 heures à Mettet où la division devait se trouver et donner des ordres. De division point, mais j’apprends que le SEINE avec le petit Mathieu comme chef de char, s’est renversé dans un ravin et brûle sans que l’équipage ait pu sortir et que le DAKAR étant en panne de coupleur le jeune Brocard a trouvé le moyen de simuler une crise nerveuse et de se faire évacuer ; j’aurais du m’y attendre avec ce petit salaud là. Bourlier qui est venu me rendre compte de tout cela me dit avec un air de petite fille : « Mon commandant, je suis haut le pied, si vous me donnez le DAKAR,  je vous jure bien qu’il arrivera à temps. Naturellement, j’ai dit oui, et il a rejoint dans la matinée  du lendemain juste à temps pour s’engager avec Gilbert, mais pour nous avoir rejoint, c’est vraiment qu’il l’a voulu.

N’ayant pas d’ordres, je me décide à partir tout de suite pour la position qui avait été désignée le matin et qui est encore à 5 ou 6 km et j’en rends compte à Rabanit. A peine en route je reçois du reste un papier de lui me disant : « Je suis désespéré de tous ces ordres et contre-ordres qui doivent vous faire bouillir, mais il est impossible de savoir où est passée la division, je n’ai rien, plus rien d’elle depuis plus de trois heures.  De toutes façons, nous ne pouvons attaquer ce soir. Installez vous sur votre position et gardez-vous, car j’ignore absolument ce que nous avons devant nous. Pinot est à peu près à votre hauteur et doit arriver en même temps que vous, faites l’impossible pour prendre contact avec lui et rendez-moi compte, à partir de minuit je serai à l’écoute. En dehors de cela, pas de radio, mais prenez l’écoute dès que vous pourrez ».

Dans le lointain, on entend le canon, un officier d’état-major que je rencontre complètement harassé et crevant de soif me met vaguement au courant : l’armée Corap est complètement enfermée, il est tué, son état-major doit être pris car on est sans nouvelles de lui, le boche qui a passé la Meuse on ne sait comment, pousse dur. Nous n’avons plus devant nous que quelques éléments de cavaliers (G.R.D. et débris de D.L.M.). Il faut évidemment faire la part du vrai et du faux dans ces nouvelles, mais bon dieu de bon dieu, Michel est dans ce coup là, quelle joie si demain on arrivait à tout bousculer et à le délivrer. Hélas demain sera un jour de folie où nous serons cloués sur place.

Je n’arrive qu’à 22 heures à ma position, elle est très mal choisie, mais il est trop tard, je l’encaisse. Les compagnies s’installent en garde comme elles le peuvent. J’en fais le tour et je rends compte à Rabanit en demandant mon ravitaillement d’essence. Dès ce moment et pendant toute la nuit, j’ai certainement passé moralement les moments les plus durs. Je sentais mes chars à peu près vides d’essence et j’ignorais absolument où était mon ravitaillement puisque le principe de Bruneau était de le prendre à son compte et de l‘envoyer quand il le jugeait à propos. Sandrier en était chargé, mais Sandrier roupillait comme d’habitude et du ravitaillement il se foutait largement. Ce type là n’était bon que pour critiquer mais pour agir c’était vraiment un zéro.

Vers 24 heures je me décide d’envoyer David à la recherche des tracteurs et je lui donne l’ordre formel de les ramener coûte que coûte. Le pauvre type dévoué comme toujours, part en side, trouve le convoi qui avait ordre de se replier, lui fait faire demi-tour et lui indique exactement mon emplacement.

Lecoeur qui commandait le convoi qui s’en allait la mort dans l’âme, sentant bien que j’avais besoin de lui, fait demi-tour malgré les ordres reçus et nous rejoint vers 9h30.

David qui avait eu un accident en revenant et s’était cassé une côte me rejoint vers 2 heures du matin, ayant par hasard rencontré Bruneau sur un bord de route, il apportait des ordres verbaux avec l’annonce l’arrivée du ravitaillement. Les ordres de Bruneau étaient : Couvrir la division à gauche en s’installant en position défensive le long de la grande route Ermeton – Flavion, interdiction formelle de franchir la route sauf si besoin était, en petites contre-attaques rapides. Bruneau avait ajouté : « Vous direz à Cissey que je compte qu’il obéira » mais le pauvre David qui n’était pas au courant, de lui répondre : « Mon général, le commandant a toujours eu, que je sache, l’habitude d’obéir ». « C’est bon, vous lui direz, il comprendra ».

Oui j’ai compris, alors que notre rôle est d’enfoncer, nous allons être obligés de nous défendre à mort sur place, quelle foutaise. Allons tant pis, remplissons déjà notre mission, on verra après.

15 mai 1940

Je me remets en route laissant David à mon P.C., il n’en peut plus et souffre affreusement de sa côte, pour faire le tour de mes compagnies et leur donner des instructions. Je commence par Raberin que dans la nuit je cherche longuement, il veille et n’est pas tranquille, il a eu quelques coups de feu devant lui. Je lui explique ce que je veux et lui indique exactement sur la carte sa place, il sera à ma gauche légèrement en retrait d’Ermeton face à l’est. Il ne dit pas un mot, mais quand j’ai fini et que je relève le nez de ma carte, je vois ses bons yeux ronds effarés : « Mais mon commandant, comment voulez-vous que je sois sur place au petit jour, la nuit est affreusement noire, jamais je ne pourrai m’y retrouver ». Très doucement je lui ai dit : «Mais si mon vieux, tu vas faire l’impossible pour y arriver et si tu n’y arrives pas, je saurai bien que ce n’est pas de ta faute ». Il m’a simplement répondu : « Bien, mon commandant », et dans sa poignée de main j’ai bien senti qu’il serait en place.

Je vais ensuite vers Gilbert, il est loin, dans la nuit, j’ai du mal à le trouver, je n’ai rien mangé et rien bu depuis 10 heures du matin, je n’en peux plus et suis obligé de m’appuyer sur Gaudet que j’ai avec moi.

Enfin je le trouve, il s’est installé dans une ferme et bouffe, pauvre bon gros ; le champagne l’a rendu très gai et la bouteille qu’il vient de finir sera la dernière de sa vie. Je lui donne les ordres, lui indique sa place, il comprend tout, me dit : « Très bien, entendu » mais au lever du jour il ne sera pas où je voulais et je serai obligé de le faire déplacer. Il a pris liaison avec Pinot à droite ce qui me rassure un peu. Je repars pour aller trouver Lehoux. Lui je le trouve ronflant à poings fermés sur un matelas qu’il a pris je ne sais où, sa compagnie est en pagaille. Il ne comprend rien et m’oblige à répéter dix fois, si bien qu’exaspéré Gaudet me dit : « C’est bien mon commandant, j’irai placer la troisième et je vous rejoindrai après ».

J’aime mieux cela et je repars seul dans la nuit avec mon agent de liaison. La nuit est très noire, le calme est absolu, de temps en temps au loin une lueur suivie d’une détonation. On sent que le jour va venir, il faut que je fasse vite si je veux être en place, mais je n’en peux plus et c’est seulement le commencement.

En rentrant je retrouve David et son bon sourire, il s’est fait bander et souffre moins. Le café est chaud et c’est un délice, mais je ne tiens plus debout. « Allons mon commandant, vous n’en pouvez plus, dormez un peu dans le char, je vous conduirai avec l’ESCAUT à votre emplacement, je l’ai fait reconnaître, ne vous en faites pas ».

Je me suis étendu sur le canon de 75 et me suis endormi d’un bloc. Comme veillée d’armes, on ne fait pas mieux.

Vers 4 heures David me réveille, il fait grand jour avec un brouillard glacial. « Mon commandant voilà le jour, tout le monde est à peu près en place, Gaudet est à l’écoute sur l’ESCAUT mais on ne reçoit rien. Le ravitaillement n’est pas encore là, j’ai peur qu’il ne nous suive pas, je vais au devant de lui et il repart à la recherche de notre vie qui est cette sacrée essence. Il reste à peine 80 litres par char, autant dire rien s’il faut se bagarrer.

Les avions boches passent sans arrêt, ils nous cherchent mais nous sommes bien camouflés, certains passent au ras des arbres en tirant à la mitrailleuse, mais nous ne bougeons pas. Nous entendons Pinot à la T.S.F. qui réclame de l’essence. Le pauvre vieux ne l’aura pas et tout à l’heure il va donner avec ses réservoirs presque vides.

Vers 8 heures les fantassins du 66e arrivent à notre hauteur. Ils ont été ramenés de l’arrière où ils avaient foutu le camp. Leur moral est très bas, ils ont une hantise des avions qui les ont massacrés hier sur la Meuse.

A la première rafale de mitrailleuse ils disparaîtrons et nous serons de nouveaux seuls. Il est vrai qu’ils nous laisseront leurs armes en souvenir.

Vers 8h 30 à notre droite, la canonnade se déclenche en un seul coup, ça doit être Pinot qui s’engage sans moi, que peut-il se passer ? En vain je demande des renseignements à Rabanit. Enfin j’arrive à prendre la liaison et Rabanit me dit lui-même : " Ne bougez pas, ça vient sur vous, des engins sont signalés en marche sur la route d’Ermeton". Immédiatement j’envoie à Lehoux : "Préparez vous à contre-attaquer devant vous sur la route". Naturellement il ne comprend pas, me fait répéter trois fois mon message, si bien que je sors de mes gonds et de mon char et que je vais le trouver à 330 mètres de là. Il a perdu tous ses moyens qu’il avait déjà bien faibles. Il a une bave blanche le long des lèvres, il est hideux à voir, ça me dégoûte. J’appelle Perrin son lieutenant en premier et je lui donne directement les ordres. Un beau type ce Perrin, il comprend tout de suite ce que j’attends de lui et part avec deux sections. Sitôt passé la crête qui le cachait de la route, il tombe non sur des engins blindés mais sur une colonne d’anti-chars qui marchait à toute allure. Quel massacre ! En trois coups de cuiller à pot la question est réglée, tout est détruit ou flambe ou éclate en un immense feu d’artifice. Il rentre tout content ayant laissé un char en observation sous un gros pommier.

Notre présence est dévoilée, les avions recommencent leur sarabande infernale. Enfin voilà David avec l’essence, les pleins sont rapidement faits malgré les avions et quelques gros obus qui commencent à tomber un peu au hasard dans tout le bois.

Mes accus sont complètement à plat, je ne peux plus émettre, j’envoie en demander aux sections. C’est à celui qui me donnera les siens. Les pleins étaient à peine terminés que le char de surveillance signale des engins blindés sortant d’un bois de l’autre côté de la route. Rabarin qui l’entend me demande l’autorisation, je réponds : « Fais vite, mais garde moi toujours à gauche ».

Belle bagarre rapide car les boches se trouvant nez à nez avec Rabarin à 200 mètres font demi-tour en vitesse en laissant quatre chars en flammes. Malheureusement le LOIRE avec Quenot reste en panne, l’équipage ne le quitte pas et fait l’impossible pour le réparer. N’y arrivant pas avec les avions toujours sur lui, il le fait sauter.

A partir de ce moment, ça n’arrête plus, la contre attaque en coup de boutoir continue jusqu’au moment du repli vers 17 heures ; en repassant là j’ai pu compter 22 cadavres de chars et je ne sais combien de pièces anti-char le long de la route.

A midi 30 je reçois l’ordre « Préparer une contre-attaque sur Flavion à une compagnie ». Cela me paraît tellement extravagant que je demande confirmation. Le bon père Rabanit qui comprend parfaitement mon étonnement me répond : « Préparez sur Flavion une compagnie pour permettre à Pinot de se dégager. Pour le bataillon mission inchangée ». C’est net et cette fois j’ai compris, on va attaquer. Presque aussitôt on reçoit l’ordre d’attaque. Dès le premier message j’avais donné l’ordre à Gilbert de se préparer. Il était du reste presque en place et son départ s’est fait merveilleusement. Ne voyant rien de mon char je suis monté sur un sapin et à la jumelle j’ai pu suivre, la mort dans l’âme, pendant un bon moment.

La compagnie s’avançait dans un terrain semé de buissons avec en fond de décor un bois. Presque tout de suite Bounaix qui était à gauche tombe sur des gros chars pendant qu’une véritable nuée de petits et de moyens lui sautent dessus. Bagarre effrayante où tous nos coups portaient. Bounaix à lui seul fait sauter deux gros Panzer IV dont les équipages se sauvent à pied. Quels beaux équipages avait cette 2e compagnie. Quels tireurs merveilleusement entraînés ! Mais tout a une fin, l’aviation s’en mêle et les bombes incendiaires commencent à pleuvoir.

Les chars allemands, comme par hasard, disparaissent du terrain ne laissant que des carcasses en feu. Gilbert reçoit une bombe en plein moteur, c’est une immense gerbe de flammes. Du BEARN II on me crie « Le capitaine Gilbert envoie qu’il va sauter ». Je le vois très nettement sortir de son char avec une partie de son équipage, courir puis tomber, un homme se penche sur lui, tombe à son tour. Je n’en puis plus, vais-je laisser finir comme ça cette compagnie ? Non c’est impossible et puis c’est la fatalité, il était prévu que je n’obéirai pas.

Je laisse Rabarin accomplir la mission qui m’était prescrite et je pars avec la 3e compagnie. Mais tout cela a demandé du temps, les avions sont partis, les chars boches sont revenus. A mon apparition, toute l’attaque allemande fait demi-tour. Il n’y a plus de la 2e compagnie que le GUYNEMER avec Bounaix qui se bagarrait encore. Les équipages se replient après avoir fait sauter leurs chars, tous touchés dans les chenilles ou les barbotins. Bounaix lui-même à mon arrivée prenait feu et sautait après que tout l’équipage fut descendu revolver au poing. Au même moment David qui était sur l’ESCAUT m’envoyait « Ordre de repli, tenir Somtet jusqu’à la mort ». Il était à peu 17 heures, déjà l’ordre de repli… Et pourtant je reste maître du champ de bataille où j’ai l’impression d’être absolument seul. De Pinot, plus de nouvelles sauf sur ma droite quelques carcasses de chars dont les munitions achèvent de sauter. Quelques obus de gros calibre tombent au hasard un peu partout. J’envoie à Rabarin et à Lehoux l’ordre de repli en leur indiquant ce qu’ils doivent faire. Immédiatement Rabarin me répond : « Compris ». Lehoux, naturellement me fait répéter. Je vais le trouver, je le fais descendre de son char, il tremble comme une feuille morte, j’en ai pitié, j’essaie par mon calme de lui redonner un peu d’aplomb et lui explique très posément ce qu’il doit faire. Je lui indique son itinéraire, lui donne des points de repère très nets et lui dit : « Allons mon vieux, reprenez vous, ne pensez plus à ce que vous venez de voir, il va y avoir encore du beau travail à faire, je ne vous en veux pas de votre attitude. Mais c’est fini maintenant, il faut vous conduire en chef, menez votre compagnie à Somtet, installez vous, je vous rejoins car je veux d’abord retrouver Gilbert ». Le pauvre type m’a regardé avec des yeux effarés « Mon commandant, je vous en supplie, ne restez pas ou gardez nous avec vous, ils vont tous vous tomber dessus quand nous ne serons plus là ». Allons il a tout de même quelque chose dans le ventre ce pauvre type. « Allez mon vieux, c’est un ordre, dépêchez vous et laissez moi me débrouiller, je vous assure que j’aurai plus facile tout seul. Il est enfin parti ce malheureux et il a conduit sa compagnie à la mort aussi bêtement qu’on pouvait le faire. C’est lui qui avait raison, j’aurais mieux fait de le garder avec moi.

Je voulais retrouver Gilbert, je ne devais pas être loin de l’endroit où je l’avais vu tomber. Je suis donc remonté en char mais cela commençait à tomber dru tout autour, et j’ai du fermer la tourelle. Le sarabande en rond a commencé. De Gilbert rien, j’ai eu beau fouiller, rien, mais j’ai tout de même ramassé le mécanicien blessé qui était rudement content de monter avec moi.

Prise de contact avec les cavaliers qui sont là avec quelques mitrailleuses vieux modèles. Quels chics types, leurs tenues font contraste avec la nôtre. Ils se battent sans arrêt depuis trois jours et trois nuits et sont aussi propres et corrects que s’il entraient chez eux. Nous, nous sommes sales, débraillés, noirs de poudre et de graisse. Nous nous entendons pour défendre Somtet quand le père Rabanit arrive. Il a la figure tirée mais est d’un  calme épatant, me saute au cou assez ému, en me disant : « Ma brigade n’existe plus. Pinot après avoir bagarré comme un enragé toute la matinée a fait sauter ses derniers chars, faute d’essence, son ravitaillement n’étant pas arrivé. Il me reste juste ce que vous avez là ». Je compte, il y a neuf chars à moi et le sien sur 60 qui sont partis hier de Lambusart, et je n’ai qu’à peine 80 litres par char et très peu de munitions. Que fait ce salaud de Sandrier nom de dieu ?

Rabanit continue : « Vos deux bataillons ont été magnifiques, mais je veux que vous le sachiez et vous vous en souveniez : depuis midi je n’ai plus aucun ordre de la division, vous étiez absolument seul sur le terrain et vous aviez au moins deux divisions Panzer devant vous. Les deux bataillons légers n’ont pas été engagés et se sont fait sauter faute d’essence, pas une pièce d’artillerie ne vous a soutenu. Les bataillons de chasseurs n’ont pas paru. Quand j’ai su que les cavaliers se repliaient parce que débordés, je vous ai donné l’ordre de repli. Je vais essayer de retrouver la division et je ne vous donne qu’un ordre : tenez jusqu’à la limite, vous êtes seul juge du moment où vous devrez vous replier ».

Rabanit venait à peine de partir que Raberin ouvre un tir extrêmement rapide ; je saute à la crête pour voir juste une quinzaine de chars boches faire demi-tour à plus de 800 mètres à la lisière des bois et s’y engouffrer en laissant quatre cadavres en feu. Ils ne se montreront plus de la soirée et chercherons à nous déborder par les bois.

Mon radio arrive avec une suite de messages en clair « Repliez vous sur Charleroi ». D’où cela vient-il ? Impossible de le savoir. « Mon commandant, me dit-il, c’est drôle, mais ce n’est pas tout à fait notre longueur d’onde et ce n’est pas du tout l’accent de la division, venez donc écouter ». En effet, c’est émis à grande puissance, on entend en dehors du char aucun indicatif, aucune signature. « Pour tous les chars, repliez vous sur Charleroi ». C’est tellement contraire aux principes de Bruneau, ce langage en clair que moi seul emploie dans la division, contrairement à ses ordres formels, qu’à la fin la conviction me vient que ça vient d’en face et que je réponds en très clair : « Merde ! ta gueule bougre d’âne ! ».

Nous sommes complètement fourbus, la nuit tombe vite, quelques coups de feu isolés dans toutes les directions, plus de canon. Les hommes ont trouvé deux gros jambons et un tonneau de vin, nous bouffons tout sans pain et nous nous endormons gardés par les cavaliers. Mon équipage m’a trouvé un matelas et David et moi nous nous étendons sous un pommier.

16 mai 1940

A une heure du matin on me secoue, c’est le capitaine du G.R.D. Il a l’impression d’être tourné et pense qu’il y aurait intérêt à filer avant le jour. Lui aussi n’a aucun ordre que celui de se faire casser la figure.

Il sait qu’en s’en allant il se fera enguirlander par son état-major, mais s’il est pris, le bel avantage. Je tourne la difficulté en lui disant : « Moi je m’en fous royalement de votre état-major, on m’a donné ici le commandement et je suis seul juge du moment du départ. Je vais donc vous donner l’ordre écrit de vous replier en vous indiquant votre repli. Après on verra, vos grands As viendront me trouver après ».

Nous consultons la carte, il y a deux routes possibles, je lui donne la meilleure et je prends celle qui longe les bois. J’encaisserai mieux que lui si on nous tire dessus. Nous nous disons adieu et en route. Je ne sais absolument pas ce qu’il est devenu. Pour nous, malgré la nuit noire, nous sommes partis en grande vitesse. David en tête nous dirigeait. Je ne sais pas comment il a pu faire pour ne pas se perdre, mais ce qui est certain c’est que nous sommes passés le long du bois bourré de boches, qu’on entendait parler sans être inquiétés et qu’au petit jour nous nous sommes trouvés sur une grande route dans des convois qui retraitaient dans un bordel inimaginable. Tout cela aura-t-il le temps de passer avant que l’avance ne coupe, j’en doute fort.

Je n’avais plus qu’une idée, prendre du champ et trouver de l’essence. Cette idée là m’a mené jusqu’à un bois à l’est de la Figotterie où mes réservoirs vides, il a bien fallu m’arrêter. Deux chars se sont perdus en route : l’ALLIER avec Dugas et l’INDRE avec Texier.

Nous sommes à quelques kilomètres de Charleroi. J’envoie de suite Gaudet à la recherche d’essence. Il me revient deux heures après avec une citerne de 3000 litres que lui a donné un élément de dépannage de cavaliers. Quel soupir de soulagement, tout n’est pas encore fini…

Nous étions en train de faire les pleins quand le père Rabanit arrive. Il n’a pas trouvé la division mais a vu dans un P.C. de cavaliers l’ordre pour la division de rallier Avesnes par Beaumont. Bigre, il y a là près de 100 km. Heureusement, les pleins sont faits, on bouffera en route.

Le bon père Rabanit me dit : « Si vous voulez de moi je ne vous quitte plus ». « Mais mon colonel vous irez plus vite avec vos six roues qu’à marcher à notre allure ». « Non, je ne veux pas y arriver tout seul ». La destinée toujours, il n’y a rien à faire, pauvre brave homme.

Et nous partons, Rabanit en tête, en voiture et nous, suivant sur nos portes de tourelles.

Un avion boche de reconnaissance nous surveille de très haut. La route que nous suivons et qui descend au sud est libre et nous marchons à bonne allure. En passant à Florennes, je me paie le luxe d’envoyer un coup de 47 dans la fenêtre de la tour où était ma classe il y a quelques 40 ans. Tout se passait trop bien quand en sortant je crois de Ham je vois la voiture du père Rabanit qui était à un kilomètre devant s’arrêter et Rabanit et Pluchon son adjoint sauter dehors et se coucher dans le fossé. Presque aussitôt j’entendais un obus siffler. En vitesse nous rentrons en tourelle. Je crie à David qui me suivait sur l’ESCAUT « Prends vite le père Rabanit » et j’essaie d’avertir Raberin qui suit aussi, mais ma radio est morte, rien à faire.

Heureusement lui a compris de suite, il repère l’endroit d’où on tire et d’un seul jet il flanque ses 5 chars en bataille et commence un feu d’enfer sur une crête à 800 mètres. Quel massacre, tout sautait en l’air et les survivants se sauvaient de tous les côtés.

Déjà, les boches, ces cocos là vont plus vite que nous et nous allons être coupés d’Avesnes. Que s’est-il donc passé à notre droite ? Tout ne peut pas avoir cédé.

L’affaire réglée je vais jusqu’au premier village et je m’arrête pour attendre Raberin. N’ayant plus de radio, je descends du BEARN II et mon avec Raberin sur le GARONNE. Mon beau BEARN II, je ne le reverrai plus et je ne saurai jamais ce qu’il est devenu.

Au moment où Raberin arrive, des rafales de 77 commençaient à pleuvoir dans tous les coins. Ah si j’avais eu encore des munitions j’aurais tenté le coup de liquider ces nouvelles batteries là. Mais je n’ai vraiment pas assez d’essence et d’obus pour engager une affaire comme celle là.

Je monte donc dans le GARONNE et m’installe à la radio derrière le pilote et la marche reprend.

Vers 14 heures, d’après mes calculs nous devons approcher de Beaumont où je veux souffler un peu et faire de l’eau ; en effet voilà la grande route qui doit nous y mettre dans quelques minutes.

David a une grosse avance sur moi, nous marchons pourtant bien. Raberin me crie « Attention, on entend le canon devant nous » quand après un virage je vois l’ESCAUT arrêté en travers de la route et la première maison de Beaumont à 200 mètres. Une flamme de départ de coup et le bruit caractéristique de l’obus qui ricoche sur la tourelle. Raberin a vu aussi, il riposte aussitôt au 47. Je vois l’obus éclater au delà de l’objectif. Je crie au pilote « ferme ton volet bougre d’âne ». Trop tard, nouvelle flamme, l’obus éclate devant le char et je vois le pilote tomber sur son volant en donnant un coup d’accélérateur formidable. Le char bondit. Raberin tire, ce coup là en plein dedans.

Sentant le char filer sans direction je me penche sur le dos du pilote et coupe le contact mais il n’est plus temps. Lancé plein gaz en 5e, le GARONNE se cabre sur un arbre énorme qui est sur le bord de la route, bascule sur la gauche et dégringole en tournant sur lui-même un talus d’au moins huit à dix mètres pour se retrouver en bas, la tourelle en terre et les chenilles en l’air.

Quelle pagaille dans le char, nous sommes à moitié assommés, tout s’est décroché et c’est un affreux mélange de corps, de munitions, de casiers, d’appareils de T.S.F. auxquels se mêlaient deux caisses de vin que Raberin avait trouvé moyen de barboter je ne sais où.

Le malheureux pilote commençait à geindre sur son volant. Raberin la tête en bas et moi par dessus, étions complètement coincés impossible de faire un mouvement. Il fait une chaleur effroyable. L’image du pauvre petit Mathieu nous passe devant les yeux.

Nous échangeons quelques adieux Raberin et moi et nous attendons que le feu prenne. Nous sommes foutus… Non, nous ne sommes pas foutus. Par un hasard qui tient du miracle, l’aide-pilote qui est sur moi s’est dégagé et il arrive par un effort formidable à soulever la porte dite « trou d’homme » et voilà d’un seul coup le soleil qui entre à flots et le petit Platat qui crie : « Allez ! A vous mon commandant, sortez vite ». Mais je ne puis pas bouger, je suis coincé complètement et le brave gosse entre dans le char, me tire dans tous les sens, me dégage et me tire par les pieds. Ma veste de cuir est accrochée je ne sais où, un coup de couteau de toute la longueur et je suis libre. « A toi Raberin ! » « Je ne peux pas bouger ». « Allez Platat, encore un effort, dégages le » et de nouveau le gosse rentre dans le char. J’accroche les pieds de Raberin et je tire pendant que l’autre pousse. On y arrive enfin et nous descendons Raberin qui a la figure pleine de sang et qui perd connaissance sur l’herbe. Il faut maintenant sortir le pilote, c’est dur car il ne s’aide pas mais le risque d’incendie n’existe plus et on peut aller plus doucement car le malheureux est bien abîmé, sa figure n’est qu’une loque. D’un trou dans le talus, Rabanit sort comme Lazare du tombeau. Il est pâle comme un mort. David et Pluchon sont là, grièvement blessés. Tout tourne autour de moi et je tombe d’un seul bloc.

Je ne me souviens plus de rien jusqu’au moment où on me panse à Maubeuge. Devant moi Raberin, la figure en sang, attend son tour. Il a toujours son casque sur la tête. « je ne peux pas l’enlever » dit-il « car il me semble que mon crane partira avec ». David est étendu sur un brancard avec une plaie affreuse à la cuisse. Raberin me dit : « heureusement que les chars qui étaient derrière ont tout enfoncé. J’ai trouvé une voiture de cavalerie dans laquelle nous nous sommes mis tous les trois. Rabanit suit avec Pluchon et les autres blessés ».

Comble de bonheur, voilà les avions boches. Les bombes tombent, c’est un plaisir, tout tremble. Tout le monde fout le camp et nous sommes encore tout seuls, les pansements en l’air.

Les avions partis, les médecins reviennent furieux et nous donnent l’ordre formel de rejoindre l’abri la prochaine fois. On va nous évacuer sur Valenciennes. On monte David dans une sanitaire, il est blanc comme un mort et souffre affreusement.

De nouveau les avions, des infirmiers nous empoignent et nous font descendre à la cave. En y entrant je me heurte à un corps étendu, c’est un médecin qui pense qu’en cette position là il risque moins. Sa position et sa mine sont tellement drôles que le fou-rire me prend.

Enfin nous partons, David se plaint. Je m’aperçois seulement que Raberin n’est pas là. Il est parti dans une autre camionnette.

De Valenciennes où je perds David en m’endormant, je suis embarqué dans un train sanitaire. Je commence à souffrir très fort des côtes. J’ai la tête pleine de pansements et les mains idem. Tout çà ne sont pourtant qu’égratignures mais çà fait bien.

A Rouen, hôpital militaire en plein désarroi. Les médecins ne pensent qu’à préparer leur départ. Heureusement une pauvre vieille infirmière de l’autre guerre nous refait nos pansements. Je souffre affreusement du coffre et de la jambe, le genou ne fonctionne plus et la cuisse est toute noire. C’est certainement cela qu’il faudrait soigner… Mais…

Surprise de voir Jacques m’arriver tout pimpant en aviateur. Il a bonne allure et ça m’a fait plaisir de le voir, mais j’aime autant qu’il retourne s’amuser à Paris, les hôpitaux ne sont pas faits pour eux qui vont se battre.

Les pires rumeurs arrivent. Les boches bousculent tout. Nous sommes complètement écrasés. Cela doit être vrai car le soir même on nous embarque.

Quel voyage, Seigneur, les trains sanitaires prouvent vraiment que le service de santé se fout royalement de la tête des blessés, c’est une vrai honte. Au bout de trois jours de ce supplice infernal on arrive à Bordeaux. Je déclare qu’il m’est impossible d’aller plus loin et on me débarque tout de même. Je n’en peux vraiment plus et je ne peux plus respirer.

Enfin me voilà tout de même dans un hôpital où on me soigne, radios, bandages, massages, électricité. Je n’ai que quatre côtes cassées, mais comme voilà plus de dix jours sans soins, naturellement tout est à refaire.

Ma cuisse est toujours noire et il m’est impossible de poser les pieds par terre. Enfin tout cela s’arrangera. Le plus dur est d’être sans nouvelles de tous. Qu’est devenu mon pauvre bataillon ?

Friquette et Léno viennent me voir.

5 juillet 1940

Je vais arrêter là mon journal de guerre puisque hélas tout est fini.

Nous sommes battus, battus à plate couture malgré des actes individuels magnifiques mais le cœur de l’infanterie française n’y était pas et il a flanché comme toute la Nation.

Pauvre infanterie, où est sa gloire de 1914 ?

Mais avant de fermer ce cahier, je veux tout de même dire ma rentrée au 37e. Elle m’a payé de bien des choses.

Donc j’étais à Bordeaux ou Chonchon est venue me retrouver avec ses gosses. J’avais été transféré dans une magnifique propriété « Haut Brion ». Je jouissais d’un peu plus de calme quand les boches se décidant après l’armistice à pousser jusqu’à la frontière d’Espagne, arrivent pour occuper. Je n’ai qu’une idée : filer. Grâce à madame Alquier-Bouffard qui nous enlève un beau soir dans sa Citroën, le petit Tassigny et moi jusqu’à la Réole. Nous pouvons respirer l’air de la liberté.

Mais je ne savais absolument pas où aller et après bien des réflexions je me décide à gagner Avignon ou Minette Audéoud s’est réfugiée.

Avec taxis et trains à bestiaux je finis par arriver à Auch où le commissaire de gare me signale que la région est pleine d’éléments de chars. Je descends et je sors de la gare pour essayer de manger un morceau quand je tombe dans les bras d’un de mes sous-officiers : « Comment, vous, mon commandant, quelle joie pour le bataillon. Asseyez vous au bistrot, je téléphone qu’on vienne vous chercher ». Je n’ai absolument pas le temps de placer un mot, le type a déjà disparu. J’attends au bistrot par un temps idéal. Une heure se passe, personne… Je me demande si je n’ai pas rêvé quand une vieille 402 toute criblée d’éclats s’arrête devant moi. Raberin en saute et me tombe dans les bras. Brave vieux type, nous nous embrassons, incapables l’un et l’autre de dire un mot, de bouger. Il faut pourtant filer car il y a déjà foule autour de nous. Les gens applaudissent et c’est vraiment une ovation quand nous démarrons.

Raberin se dégèle enfin et parle, parle sans arrêt. Il raconte, raconte et tout tourne autour de moi.

Nous finissons par nous arrêter à Simoun sous une magnifique allée de platanes, une foule dense. Je ne me rends pas compte de ce que c’est.

Quand cette foule s’ouvre à notre descente de voiture, quelle n’est pas ma stupéfaction de voir les restes de mon bataillon me rendant les honneurs au milieu de toute la population et c’est dans un silence de mort que, m’appuyant sur ma cane et sur Raberin, la gorge saisie d’émotion, je suis passé lentement, très lentement, devant toutes ces figures bronzées et fatiguées, interrogeant tout le monde, embrassant les officiers. En arrivant devant mon fanion, je n’ai pu résister et j’avais des larmes plein la figure.

Raberin me ramène devant le centre du bataillon et d’une voix triomphante me dit :

« Mon commandant, au nom de tous nos morts, de tous nos disparus, de tous nos blessés, de tous ceux qui viennent ici de vous montrer que vous êtes toujours notre chef et qu’avec votre retour revient aussi l’âme du 37e, je veux vous dire mes respectueuses félicitations pour la rosette et la magnifique citation à l’Armée qui viennent d’arriver ce matin pour vous et dont la gloire rejaillit sur tout le bataillon que vous avez formé et mené au feu et qui vous a suivi jusqu’au bout avec la plus grande confiance et la plus grande affection.

Officiers, sous-officiers, caporaux et chasseurs, saluez ! Le commandant est là, le 37e n’est pas mort ».

1940 - 37e BCC jmo

                                         JOURNAL DE MARCHE
                         DU 37e BATAILLON DE CHARS B

 

23 août 1939 0h10 :
Mise sur pied de l'échelon "a".
H=2H
Au cours de la journée, perception des chars, des munitions. Habillement des hommes.


24-25-26 août
Mise en état du matériel.

27 août
Le Bataillon forme Corps à partir de 0h00 et prends le n°37.
Départ du Bon (échelon "a") à 6h45.
Mouvement par voie de terre.
Arrivée à Atton (Meurthe et Moselle) à 17h20.
Aucun incident sérieux de route.

Composition des Unités de l'échelon "a"

 

Officiers

S/offs

Troupe

Chars

Véhicules

E.M. Du Bon

1

1

5

1

4

1ère Cie

6

9

58

10

14

2e Cie

7

9

58

10

14

3e Cie

7

9

58

10

14

C.E.

 

2

13

 

 

Total

21

30

192

31

52

 

Etat nominatif des Officiers

 

 

E.M.

1ère Cie

2e Cie

3e Cie

Chef de Bon

Cdt de Cissey

 

 

 

Cdts de Cie

 

Cne Laude

Cne Gilbert

Cne Obé

Lieutenants

Dugas

Bounaix

Gaudet

 

 

 

Marsais

Valois

Veiler

 

 

Mathieu

Moine

Pourtal

 

 

Texier

Harauchamp

Reynaud

 

 

Jacquier

De Laromignière

Lecocq

 

 

 

 

Silhol

Aspirant

 

 

Adde

 

 

28-29-31 août
Installation dans les cantonnements.
Les véhicules à chenilles sont installés dans la forêt de Facq.
Cantonnement des Unités à Atton.

1er septembre
L'E.M. Du Bon s'installe à Clemery.
1ère Cie et C.E. À Port/Seille et ferme de Dombasle.
2e et 3e Cies à Atton.
L'échelon "b" rejoint le Bon. Départ de Verdun à 8h00 en trois colonnes.colonne légère :
- touristes et camionnettes
- colonne lourde : camions
- colonne sur chenilles : chars et tracteurs de ravitaillement.
Arrivée dans la zone de cantonnement du Bon à 11h et 17h suivant les colonnes.
Le Bon est alors à effectifs complets.

 

 

Officiers

S/offs

Troupe

Chars

Véhicules

E.M. Du Bon

7

7

48

 

16

1ère Cie

11

19

109

10

27

2e Cie

12

19

109

10

22

3e Cie

11

19

109

10

25

C.E.

9

23

169

3

44

Total

48

84

544

33

134

 

Etat nominatif des Officiers

 

E.M.

1ère Cie

2e Cie

3e Cie

C.E.

Chef de Bon

Cdt de Cissey

 

 

 

 

Cap. Adjoint

Cne David

 

 

 

 

Cdts de Cie

 

Cne Laude

Cne Gilbert

Cne Obé

Lt Raynaud

Lieutenants

Marsly

Clouet

Valois

Gaudet

Picarel

 

Legrain

Larcher

Bounaix

Mercier

Bertin

 

Durand

Maurette

Vaugien

Chambon

Lardenet

 

Teillac

Grandjean

Brocard

Perrier

Boulin

 

 

Lecoeur

Rapin

 

Laporte

 

 

 

Lelong

 

 

S/lieutenants

 

Dugas

Moine

Pourtal

Duché

 

 

Jacquier

Harauchamp

Lecocq

 

 

 

Texier

De Laromignière

Silhol

 

 

 

Marsais

Didot

Bonnard

 

 

 

Mathieu

 

 

 

Aspirant

 

 

Adde

 

 

Médecin Lt

Laurence

 

 

 

 

 

 

Répartition des chars

1ère Cie

2e Cie

3e Cie

C.E.

102 ARMORIQUE

106 METZ

109 NANCY

119 BEARN

105 STRASBOURG

108 DIXMUDE

110 BELFORT

121 BOURGOGNE

111 DUNKERQUE

113 COLMAR

116 NORMANDIE

107 REIMS

115 ARDENNES

114 BRETAGNE

117 VENDEE

 

124 DAUPHINE

120 FRANCHE-COMTE

118 AUVERGNE

 

128 FLANDRES

126 PYRENEES

127 JURA

 

133 NIVERNAIS

130 ILE DE FRANCE

131 TOURAINE

 

129 LANGUEDOC

135 MORVAN

132 POITOU

 

134 CHAMPAGNE

112 MULHOUSE

103 LORRAINE

 

 

Le Bataillon a connaissance de l'Ordre de Mobilisation Générale par les affiches apposées dans les mairies vers 15h.

2 septembre
Amalgame de l'échelon "a" et de l'échelon "b".

3 septembre
Ordre de prendre les dispositions en cas d'alerte d'avions .
Mise en place des poste de guet et de D.C.A.

4 septembre
Par note du G.Q.G. N°2/I.F.T. "Création de Brigades Cuirassées".
Le 37e Bon entre dans la constitution de la 1ère Brigade de Chars formée des
Commandement du Groupe de Bons de Chars n°512
Bataillon de Chars B n°28/512
Bataillon de Chars B n°37/511
5e Bataillon de Chasseurs type porté.

5 septembre
Adieux du Colonel Sandrier commandant le Groupe de Bons 511

6 septembre
Note 301/S de la 1ère ½ Brigade de Chars "L'appellation officielle du groupent constitué par les 28e, 37e Bataillon de Chars et le 5e Bataillon de Chasseurs à pied est : 1ère Demi-Brigade de Chars".

Note de service n°295/S de la 1ère ½ Brigade.
"En prenant le commandement de la 1ère ½ Brigade de Chars le Colonel Rabanit adresse aux Officiers, Sous-Officiers gradés et chasseurs des 37e B.C. et 5e B.C.P. l'assurance de son absolue confiance, certain qu'il est est de pouvoir compter sur l'entier dévouement, sur le courage, l'esprit d'abnégation et de sacrifice dont sont faites les traditions des Chars et des Chasseurs."

9 septembre
Le Bon reçoit à 11 heures l'ordre préparatoire n°338/S
"Les Bons de la 1/2 Brigade se porteront dans la nuit du 9 au 10 dans la région de Flin, dans des conditions d'exécution, qui feront l'objet d'un ordre ultérieur.
Stationnement en fin de mouvement...........
37e Bon Moyen-Bois de Haute de la Paxe."
En exécution de cet ordre, les campements des Unités sont commandés pour 15h. à Atton.
L'ordre de mouvement arrive à 15h. (n°339/S).
Les campements se portent à Moyen sous le commandement du Capitaine David.
Le mouvement de la colonne Chars véhicules commence à 20 heures. Passage au point initial à 21 heures par le 37e Bon.
La marche est rendue très pénible par l'obligation de marcher tous feux éteints par une nuit très sombre dans des fonds remplis de brouillard.
Cependant la marche s'exécute correctement. Les premiers éléments sur roues arrivent à Moyen à 4 heures du matin. La colonne de Chars arrive à son point de stationnement dans le bois de la Taxionnière et le bois des Rappes à partir de 6h15. Deux chars en panne à Saint Nicolas de Port rejoignent dans la journée. Un camion culbuté dans le fossé à Art/Meurthe est relevé et rejoint également dans la journée.

10 septembre
Installation P.C. du Bon à la Mairie.
Instructions sur le travail à effectuer dans la zone de terrain dite "Camp de Flin" (note 346/S et 350/S de la 1/2 Brigade).
Il est prévu :
- L'instruction de détail des unités
- des exercices chats-infanterie avec le 5e B.C.P.
- des exercices d'ensemble de la 1/2 brigade
- des tirs.

13 septembre
Travail sur le terrain : dressage des équipages et en particulier des Officiers de réserve.

14 septembre
Note du Colonel cdt la 1/2 brigade.
"Pour se porter de la région de Pont à Mousson - Nomeny dans celle de Moyen - Flin les bataillons de la 1/2 brigade ont exécutés un déplacement extrêmement pénible de 80 km de nuit.
Le Colonel a pu constater que malgré toutes les difficultés matérielles le déplacement s'était exécuté dans un ordre excellent et que tous ont surmonté fatigue et difficultés avec discipline et entrain.
Il est heureux d'exprimer ses félicitations aux Bataillons et à leurs Chefs pour le résultat obtenu dans cette première manifestation d'ensemble de la première unité Cuirassée constituée."

16 septembre
Manoeuvre avec le 5e B.C.P. Très mauvais temps. Réclamations nombreuses de la population de Moyen pour les dégâts causés dans les champs.
 
18 septembre
La manoeuvre prévue avec les chasseurs est remise par suite du mauvais temps et remplacée par un exercice en salle.

19 septembre
Des tirs d'exercice sont prévus à Glonville. Les conditions de tir étant  mauvaises, le Bon reçoit l'autorisation d'effectuer des tirs au champ de tir de Baccarat.
Le Sergent Guérin admissible à St Maixent est dirigé sur le dépôt 511 à Bourges.

20 septembre
Tir de la 1ère Cie à Baccarat.

21 septembre
Tir de la 2e Cie à Baccarat.

22 septembre
Tir de la 3e Cie à Baccarat.
Le service postal fonctionne très mal. Aucun courrier n'est arrivé au Bon depuis le début de la mobilisation. Le vaguemestre est envoyé à Troyes d'où il ramène 18 sacs de lettres en souffrance.

Mutation des chars
Le TOURAINE est versé au dépôt 508 à Lunéville.
Le REIMS passe de la C.E. à la 3e Cie.
Le SIMOUN (B1bis) est perçu au dépôt 508 à Lunéville et affecté à la C.E.
Le VERDUN venu par voie ferrée de Verdun est affecté à la C.E. pour servir de P.C. arrière.
L'appellation officielle du Groupement constitué par les 28e - 37e Bons de Chars et  le 5e B.C.P. est : 1ère Brigade Cuirassée.

24 septembre
Manoeuvre de brigade. Travail en accompagnement des chasseurs.

27 septembre
En vue de la perception à Chalons de dix chars B1bis, des équipages sont envoyés par camions. Départ 8h.
A 8h15 un coup de téléphone du Groupement d'instruction avertit que ces chars arriveront à 15h. à Lunéville. Un motocycliste envoyé d'urgence rattrape le convoi de camions.
A 15h30 les chars arrivent à la gare de Lunéville. Le débarquement est terminé à 17h.

28 septembre
La 1ère Cie reçoit les chars B1bis et commence la mise au point du matériel très incomplet en prélevant des accessoires sur les chars à reverser.
Les chars B1 de la 1ère Cie en bon état sont versés aux 2e et 3e Cies en échange de leurs chars en mauvais état.
Après ces opérations et le reversement des chars B1, la constitution des Cies devient la suivante :

 1ère Cie  2e Cie
3e Cie C.E.
 306 SEINE  106 METZ 103 LORRAINE 104 VERDUN
 307 LOIRE 113 COLMAR 109 NANCY 119 BEARN
 308 GARONNE 114 BRETAGNE 110 BELFORT 121 BOURGOGNE
309 RHONE 120 FRANCHE-COMTE 111  DUNKERQUE 264 SIMOUN
310 MEUSE 125 PROVENCE 115 ARDENNES  
319 AIN 128 FLANDRES 117 VENDEE  
329 ALLIER 129 LANGUEDOC 122 ALSACE  
330 CHER 130 ILE DE FRANCE 127 JURA  
331 INDRE 134 CHAMPAGNE 132 POITOU  
332 MARNE 135 MORVAN 133 NIVERNAIS  


2 octobre
Les chars B1 suivants sont embarqués pour être dirigés sur
Versailles (Ecole des Chars) STRASBOURG PYRENEES ALPES
Bourges (Dépot 511) ARMORIQUE DIXMUDE AUVERGNE NORMANDIE REIMS

3 octobre
Manoeuvre de transmissions à l'intérieur du camp.

4 octobre
Reconnaissance d'une zone de stationnement éventuelle région sud de Toul.
Nomination J.O. du 25 septembre 1939.
Le S/Lt Dugas Robert est nommé au grade de Lieutenant à titre définitif à compter du 1er octobre 1939 (décret du 20 septembre 1939).

5 octobre
Sortie d'essai de la 1ère Cie.

7 octobre
Manoeuvre de Brigade.

9 octobre
Note de la Brigade n°679 :
"Le général Inspecteur des chars a exprimé au Colonel commandant la Brigade sa satisfaction pour l'exécution de la manoeuvre du 7 octobre à laquelle il a assisté.
Cet excellent résultat, ainsi que la présentation impeccable effectuée par le 28e B.C. ce matin devant les journalistes accrédités aux Armées, montre qu'après un séjour de quatre semaines dans la région de Flin - Moyen, les éléments de la Brigade sont parvenus à une cohésion et une aptitude manoeuvrière très satisfaisantes, qu'il y aura lieu de développer encore par un travail continu dans les exercices de détail sur les points laissant encore à désirer.
Le Colonel est heureux d'exprimer à tous sa satisfaction et de transmettre les hauts témoignages des autorités ayant assisté aux exercices des 7 et 8 octobre".

14 octobre
Manoeuvre de transmission de Brigade.
Le char FRANCHE-COMTE est dirigé sur Lunéville pour réparation à la boite de vitesses.

16 octobre
Le cantonnement de Fraimbois est affecté au Bon.

17 octobre
Le cantonnement de Vathiménil affecté au Bon est occupé par la 2e Cie.
Tous les chars qui sont parqués dans les bois sont ramenés dans les cantonnements des Compagnies.
Ordre du G.Q.G en date du 14 octobre.
"Soldats de France,
D'un moment à l'autre une bataille peut s'engager dont une fois de plus au cours de notre histoire dépendra le sort de la Patrie.
Le Pays, le Monde entier ont les yeux fixés sur nous.
Haut les coeurs ; servez vous au mieux de vos armes ; souvenez vous de la Marne et de Verdun."
                                                                           Signé : Gamelin

23 octobre
Arrivée du renfort envoyé par le dépôt :

Officiers : Lt Bouille             affecté à la C.E.
  Lt Lecoeur               "           E.M.
  S/Lt Quenot             "           1ère Cie
  S/Lt Baston              "           3e Cie
Troupe 1 Caporal et 4 Chasseurs affectés à la 2e Cie
  1 Chasseur affecté à la 3e Cie

24 octobre
Exercice en salle du Groupement d'Instruction de Lunéville.

25 octobre
Départ pour Bourges (Dépôt 511) d'un détachement pour la formation de nouveaux Bataillons.

Composition : Lieut. Clouet (1ère Cie),  S/Lt Bonnard (3e Cie)
  Sergent-chef Py, Sergent Dumay, Adjudant Guegen (2e Cie)
  Adjudant Maréchal (3e Cie)
  3 Caporaux (2e Cie), 1 Chasseur (3e Cie)


30 octobre
13h30 La 2e Cie signale un parachutiste à 5 km sud est de Vathiménil. Brigade alertée.
15h45 Un avion allemand jette des tracts.

31 octobre
Manoeuvre de transmissions.

1er novembre
Départ du Lieutenant Rapin (2e Cie) en affectation spéciale.

4 novembre
Manoeuvre de transmission de Brigade.

6 novembre
Manoeuvre de transmission de Brigade.
L'Aspirant Adde (2e Cie) est nommé Sous-Lieutenant avec prise de rang au 10 octobre 1939.

7 novembre
Visite des cantonnements par le Colonel de Gaulle commandant les Chars de la Ve Armée.

11 novembre
Cérémonie de l'Armistice. Dans chaque cantonnement les honneurs sont rendus au monument aux Morts.
Départ d'un détachement pour suivre les cours d'armement à Suippes.
Composition du détachement : Adjudant Cher, 2 Chasseurs.

13 novembre
Reconnaissance d'itinéraire entre Chaumont et Bar/Seine par Eguilly/bois et Vandoeuvre par les Capitaines David et Laude.

16 novembre
Perception de 3 véhicules au P.E.B. 5 comprenant :
2 touristes affectées à l'E.M.
1 break           "         2e Cie
1   "               "         C.E.
1 camionnette  "         C.E.

21 novembre
Perception de 2 camionnettes au P.E.B. 5 affectées à la C.E.

22 novembre
Arrivée d'un renfort de 20 hommes venant du dépôt 511.

Répartition : E.M. 2
  1ère Cie 4
  2e Cie 2
  3e Cie 5
  C.E. 7

27 - 28 novembre
Reconnaissance de la région N.E. de Chalons/Marne par le Chef de Bon, le Capitaine Laude et le Lieutenant Lecoeur.

29 novembre
Arrivée du Capitaine Aulois envoyé par la direction des Chars pour effectuer un stage au 37e Bon.

3 décembre
Le Chef de Bon est convoqué à 17h. à la Brigade pour recevoir les instructions nécessaires en vue d'un départ dans la région de Chalons.

5 décembre
Les détachements précurseurs doivent être prêts à partir dans un délai de 4 heures.

6 décembre
Le Bataillon est informé qu'il se rendra par voie ferrée dans ses nouveaux cantonnements et que le mouvement commencera le 9 décembre.

7 décembre
Le détachement précurseur quitte Moyen.
Composition : Capitaine David, 1 Officier, 4 S/officiers, 3 Chasseurs par Cie.

8 décembre
Le Bon sera embarqué à Lunéville et transporté par 6 trains. Le premier point de destination est Revigny.

9 décembre
1er train  Lt Boulin     le 9 à 14h09  E.M. + 1 section C.E.
2e train   Cne Gilbert           21h09 2e Cie + 1 section C.E.

10 décembre
3e train   Cne Laude  le 10 à  5h09  1ère Cie + 1 section C.E.
4e train   Cne Obé              11h09  3e Cie + 1 section C.E.
5e train   Lt Gaudet             19h09  C.E.

11 décembre
6e train   Lt Raynaud  le 11 à 1h09  C.E.

Répartition des cantonnements :
Herpont : E.M., 1ère Cie, 2e Cie moins 2 sections
Herpine : 2 sections de la 2e Cie
Dommartin : 3e Cie
Varimont : C.E.
Les débarquements se font normalement malgré le froid à Villers-Daucourt.
La 2e Cie verse à Mourmelon ses chars B1 pour toucher des B1bis.

17 décembre
Perception au P.E.B. 4 de Moumelon de 10 chars B1bis en remplacement des 10 B1 de la 2e Cie.
Chars perçus : OUARGLA - DAKAR - ADOUR - SAONE - ISERE - VAR - GARD - HERAULT - OISE - OURCQ.

19 décembre
Visite du Colonel Perré commandant en second le Groupement Cuirassé.

27 décembre
Sortie de rodage de la 2e Cie.
Visite du Général Keller inspecteur des Chars de Combat.

ANNEE 1940

4 janvier
Tir à Navarrin.

8 janvier
Un détachement destiné au 49e Bon est mis en route sur l'intérieur.
Composition du détachement :
Lieutenants : Valois - Reynaud - Duché
S/Officiers : Vayne - Marquet - Boyer - Honor
Caporaux : Tavenart - Aujérin - Courtier
Chasseurs : Sausse - Beauché.

10 janvier
Le Chef de Bon partant suivre un cours à Versailles, le Capitaine David prend le commandement du Bon.

11 janvier
Etude du thème de l'exercice de Brigade

12 janvier
Exercice de cadres de Brigade

14 janvier
Les permissions sont suspendues.
Le Bon reçoit l'ordre d'être prêt à faire mouvement sur préavis de 12 heures.

15 janvier
Le Chef de Bon rappelé par ordre du Général inspecteur, reprend le commandement du Bon.
Ordre de préparer le rappel des Officiers en permissions.

16 janvier
La 1ère Brigade de Chars est dissoute et le Bataillon constitue avec le 28e la 1ère 1/2 Brigade de la 1ère Division Cuirassée.

18 janvier
Le Bon reçoit l'ordre préparatoire de mouvement à faire pour occuper les cantonnements de St Souplet et de Ste Marie à Py.
Les unités sont réparties comme suit :
St Souplet : E.M., 1ère Cie, C.E.
Ste Marie à Py : 2e et 3e Cies. 

19 janvier
Les détachements précurseurs sont envoyés pour organiser le cantonnement.
Le Bon reçoit à 15 heures l'ordre de mouvement pour le 20 janvier.
Colonnes sur chenilles : point initial 10h. Herpont.
Colonnes sur roues : point initial 13h. La Grande Romaine.
A 18h. la 1/2 Brigade communique que le départ est retardé de 24h.

21 janvier
Le déplacement s'effectue normalement malgré un très gros froid et des routes glissantes.

23 janvier
Le Chef de Bataillon partant en permission, le commandement du Bon est assuré par le Capitaine David.

25 janvier
Reconnaissance d'itinéraire pour une prise d'armes.

27 janvier
Prise d'Armes Zone de Souain pour la remise de décoration par le Général Bruneau commandant la 1ère Division Cuirassée.
Le Capitaine David est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
Les adjudants Perrot et Barthélémy reçoivent la Médaille Militaire.

29 janvier
Le Chef de Bon rentrant de permission reprend le commandement du Bon.

30 janvier
Sortie Est de Souain pour la 1ère Cie.
Arrivée d'un renfort venant de Besançon composé de 3 Officiers et 16 hommes.
Lieutenant Duhourceau 1ère Cie.
S/Lt Bruthiaux 2e Cie.
S/Lt de Dufourcq 3e Cie.

31 janvier
Le Capitaine David est désigné pour assister à une expérimentation de véhicules de commandement à Issy.

1er février
Les consignes de dégel sont applicables jusqu'à nouvel ordre.

7 février
Un détachement de 1 sous-Officier et 10 Chasseurs est dirigé sur Mariselles pour y percevoir des tracteurs P17 et les convoyer à Issy.

12 février
Le Capitaine Obé est dirigé sur le dépôt 511 pour l'instruction.
Le Lieutenant Gaudet prend le commandement provisoire de la 3e Cie.
Les barrières de dégel sont levées.

14 février
Evolutions des Compagnies.
Le Capitaine David est à nouveau désigné pour des expériences à Issy.
Le Lieutenant Duhourceau passe de la 1ère à la 3e Cie.

16 février
Evolutions de la 3e Cie dans la région de Souain.
Matin : Exercice de cadres de Division à Suippes.
Soir : Exercice de cadres de la 1/2 Brigade.
Un renfort de 3 Officiers arrive de l'Ecole des Chars.
S/Lieutenant Warisse affecté à la 1ère Cie.
     "            Bourlier     "            2e
     "            Besnier     "            3e.

17 février
Exercice de combat de Bon région de Souain.
Les Lieutenants Larcher, Durand, Moine assistent à une conférence à Verdun.

20 février
Les barrières de dégel sont posées.

21 février
Exercice de cadres de 1/2 Brigade avec transmissions.
Le détachement précurseur du 41e Bon de Chars est pris en subsistance.

22 février
Exercice de transmissions.

24 février
Les Capitaines Raberin et Lehoux sont affectés au Bon.

25 février
Le Capitaine Laude et le Lieutenant Drapier sont mutés au 47e Bon de Chars.
Le Capitaine Raberin prend le commandement de la 1ère Cie.
Le Capitaine Lehoux prend le commandement de la 3e Cie.

26 février
Exercice de cadres de Bon avec transmissions.

28 février
Le Lieutenant Dupont est muté au 47e Bon de Chars.

29 février
Exercice de transmissions.

1er mars
Exercice de transmissions

2 mars
Exercice de transmissions de Division.
Le Lieutenant Durand passe de l'E.M. à la C.E.

4 mars
Evolutions de Bon.

5 mars
Evolutions de combat du Bon.

7 mars
Tir de la 2e Cie à Navarin.
Exercice de cadres de la 1/2 Brigade avec transmissions.

12 mars
Manoeuvre de Bon région de Souain.
Renfort venant du dépôt 511 :
S/Lieutenant Gossin affecté à la 1ère Cie.
Aspirant Lapie               "          2e.

13 mars
Exerce de transmissions de Division.

16 mars
Evolutions des 1ère et 2e Cies.

18 mars
Exercice de cadres de Division à Suippes.

26 mars
Le Lieutant Gaudet de la 3e Cie est détaché à l'E.M.
Le S/Lieutenant Gossin passe de la 1ère Cie à la 3e Cie.

29 mars
Manoeuvre de Division au camp de Mourmelon.

6 avril
Manoeuvre de Division au camp de Mourmelon.
Au cours de la manoeuvre le motocycliste Girola est grièvement blessé et décède dès son arrivée à l'hôpital de Mourmelon.

7 avril
Le Capitaine David part pour 5 semaines suivre le cours des Chefs de Bataillon à Mourmelon.

8 avril
Obsèques du Chasseur Girola à Mourmelon.
Le Lieutenant Picarel passe de la C.E. à l'E.M. pour remplir le rôle d'Officier de transmission.

9 avril
La 1ère Cie tire au champ de tir de Navarin.
Les permissions sont suspendues.

10 avril
Exercice de transmissions du Bon.

11 avril
Tir au champ de tir de Navarin pour les 2e et 3e Cies.
Un détachement de 6 sous-Officiers 8 Caporaux est mis en route sur le dépôt de Bourges.

13 avril
Reconnaissance de la gare de Somme Py.

15 avril
Exercice de transmission de Division.

18 avril
Exercice de cadres de la 1/2 Brigade avec fonctionnement s/P.C.
Arrivée d'un renfort de 10 hommes du dépôt 506.

19 avril
Arrivée d'un renfort de 1 Sergent et 4 radios venant du 25e Bon.

20 avril
Manoeuvre de Division 

2 mai
La 3e Cie perçoit 10 chars B1bis.
La C.E. perçoit 3 chars B1bis.
Chars perçus par la 3e Cie :
POITOU II - NIVERNAIS II - BERFORT II - VENDEE II - NANCY II - GUEPRATTE - YPRES - YSER - SOUAIN - GUYNEMER.
Chars perçus par la C.E. :
VERDUN II - BRETAGNE II - JURA II (destiné au P.C. de la Division).

3 mai
Le GUYNEMER passe à la 2e Cie.
Le OUARGLA passe à la 3e Cie.

4 mai
La C.E. perçoit le char B1bis BEARN II destiné au P.C. du Chef de Bon.

6 mai
Versement au P.E.B. des chars B1 de la 3e Cie et de la C.E.
Le Lieutenant Larcher est promu Capitaine et passe à l'E.M.

10 mai
Le Bon reçoit l'ordre de se tenir prêt à partir sous préavis de 6h.
Les Officiers en permission sont rappelés.
Le Capitaine David rentre de son cours.
Perception par la C.E. du char B1bis ESCAULT.

11 mai
Les éléments sur chenilles embarquent à Somme Py.
Les éléments sur roues font mouvement par voie de terre.
Bombardements par avions de St Souplet - Ste Marie à Py - Somme Py.

12 mai
Les éléments sur chenilles débarqués à la frontière belge arrivent en fin de journée dans la région N.E. de Lambusart où ils cantonnent.

13 mai
Arrivée des éléments sur roues.
Reconnaissance des régions de Gembloux et Fleurus.

14 mai
Le délai d'alerte est porté dans la matinée à 1/2 heure pour la 1ère Cie et 1heure 1/2 pour les autres Cies.
14 h. Le délai d'alerte est porté à une 1/2 heure pour tout le bataillon.
14h45 Ordre de départ.
a) Point initial : Spinoy 15h30.
b) Itinéraire : Spinoy - Tamines - Falisole - Aisémont - Fosse.
c) Liaison à prendre avec le 28e Bon sur trois transversales.
La formation de la colonne s'effectue normalement dans l'ordre 2e Cie - P.C. du Chef de Bataillon - 3e Cie - 1ère Cie.
Les P.C. 1 et 2 restent à Lambusart et passe aux ordres de la Division.
Les routes sont affreusement encombrées sans aucune discipline, les convois de Belges, de réfugiés bouchent les carrefours obligeant le Bon à prendre souvent à travers champs pour contourner les villages.
Aucune liaison ne peut être prise avec le 28e malgré les nombreux motocyclistes envoyés à cet effet.
A Arsimont le Bon reçoit par motocycliste l'ordre de la 1/2 Brigade de se porter à Mettet, puis à Mettet l'ordre de se porter par St Gérard au sud de la route Ermeton - Flavion 1500 mètres au nord du parallèle 390 de façon à interdire tout passage de la route.
Le Bon arrive à sa position à la nuit tombante et prend les dispositions indiquées sur le calque n°1. Les liaisons sont recherchées avec l'Infanterie, avec le 28e et la 1/2 Brigade.
Le char SEINE (S/Lt Mathieu) versé dans un ravin aux environs d'Arsimont a brûlé sans que son équipage puisse être sorti.
L'écoute radio est prise à partir de 22 h.
Aucune infanterie n'existe dans les parages. Quelques motocyclistes de cavalerie passent sur la route se rendant à Flavion.
La liaison est prise par la 2e Cie avec le 28e à 23 h.
Les réservoirs étant à moins de 80 litres, le Capitaine David chef d'E.M. du Bon est envoyé à la recherche des T.C.I. avec ordre d'amener le ravitaillement dans les bois sud-est d'Ermeton.

15 mai
2 h. Après des recherches nombreuses et après avoir été victime d'un accident qui lui coute deux cotes cassées, le Capitaine David rejoint le Bon ayant trouvé les T.C.I. et apportant l'ordre verbal du Général Bruneau commandant la 1ère D.C.R. de tenir sans idée de repli la route Ermeton - Flavion avec interdiction de la franchir.
Des coups de feu partent de s/bois à l'est de la route.
Dès réception de l'ordre du Général Cdt la Division le Bon prends les dispositions indiquées dans les premiers couverts à l'ouest de la route, des éléments de surveillance sont laissés dans une ferme dominant toute la route.
Les trois Cies sont prêtes dès le petit jour à remplir leur mission.
8 h. Des éléments du 66e d'Infanterie viennent s'installer à la lisière des bois occupés par le Bon. Ils n'ont aucune mission et ne pensent qu'à regarder en arrière. Au premier passage d'avions qui tirent quelques coups de mitrailleuses ils disparaissent laissant des quantités d'armes sur place. Le Bon qui n'avait pas son complet en révolvers en profite.
9 h. Des obus de gros calibre venant de la droite tombent en arrière du Bon.
9h30 Un petit élément motorisé est signalé sur la route, une section de la 3e Cie le disperse rapidement.
Des avions ennemis survolent le Bon et tirent des rafales de balles.
La 1ère Cie qui signale des infiltrations ennemies au sud d'Ermeton reçoit l'ordre de déblayer le terrain jusqu'à la route.
10 h. Le Capitaine David qui a été renvoyé au devant des ravitaillements arrive avec tout au complet et à 11h30 malgré le passage de nombreux avions le Bon peut rendre compte à la 1/2 Brigade qu'il est prêt, ravitaillement fait.
12h30 Le Bon reçoit par radio de la 1/2 Brigade :
"Engins blindés en marche 1 km sud de Flavion, marche est - ouest. Préparez contre attaque d'une compagnie sur engins blindés en GZO vers GYO (région nord de Flavion)".
Cet ordre de contre attaque par une seule compagnie semble tellement anormal qu'il en est demandé confirmation. Cette confirmation arrive de suite suivie de "Bon mission inchangée" puis presque aussitôt "Engins blindés sur route Ermeton - Flavion".
La 3e Cie reçoit immédiatement l'ordre d'attaquer face à la route avec deux sections en premier échelon et une section en soutien et en protection à droite.
La colonne d'engins anti-chars surprise sur la route est détruite en quelques minutes et un char ennemi est également détruit.
13h20 L'ordre radio de la 1/2 Brigade "Exécutez contre attaque" est immédiatement transmis à la 2e Cie.
Cette Cie avait pris dès l'ordre préparatoire une formation en V face au sud.
Les 1ère section (OURCQ et ISERE) sous le commandement du S/Lt Bruthiaux (le DAKAR avarié sera détruit le 16), 3e section (GUYNEMER - GARD) (VAR avarié) sous le commandement du Lt Bonnaix forment l'échelon de mouvement.
La 2e section (SAONE - HERAULT et OISE) sous le commandement du S/Lt Moine forme l'échelon de protection.
Le Capitaine Gilbert sur l'ADOUR est au centre du dispositif.
13h25 La Cie franchit la première crête, descend le thalweg au fond duquel court un chemin creux, aborde un plateau constitué par deux croupes assez molles orientées est - ouest dont la séparation est à peine marquée par un thalweg naissant à la route Ermeton - Flavion et qui va s'accentuant en direction de l'ouest vers l'affluant du Biert. Ce plateau peut s'inscrire dans un carré de 2 km de côté dont l'angle nord est est le bois de Biert l'Abbé et dont le côté sud est parsemé de boqueteaux. Des chars B semblent embossés au sud du plateau (ce ne sont en réalité que des "cadavres" du 28e Bon).
La Cie aborde la 1ère croupe, la 3e section longeant la lisière du bois de Biert l'Abbé quand le GUYNEMER (Lt Bounnaix chef de section) qui est à l'extrême gauche reçoit un obus dans son blindage côté gauche. Une lueur rouge s'est allumée à environ 800 m au ras d'une haie. Le GUYNEMER riposte, suivi par la section. Après le 3e explosif la lueur ne se rallume plus et la section poursuivant sa route en accélérant pour reprendre sa place de combat arrive aux boqueteaux qui garnissent la 2e crête au rebord du plateau où commence la vraie bagarre.
Les chars Panzer IV et III embossés dans les boqueteaux et les languettes de bois qui déterminent de vrais couloirs de feu, donnent un feu d'enfer. A la hausse 500 la 3e section, malgré le martellement continu sur les blindages, risposte ferme. Un, deux, trois puis quatre Panzer IV sont détruits par le GUYNEMER.
Des avions ennemis se mettent de la partie et l'ADOUR, char commandant de Cie, qui venait de réduire au silence un Panzer IV est gravement touché. Le Capitaine Gilbert blessé transmet par radio "Atteint par bombe incendiaire, je saute" évacue son char avec son équipage et tombe mortellement frappé par des balles de mitrailleuses.
Les survivants de l'équipage feront tous leurs efforts pour ramener le corps de leur Capitaine mais n'y arriveront pas.
Le GARD de la 3e section (Lt Lelong) a son équipage tué à son poste de combat. Le char saute.
Le Lieutenant Bounaix (GUYNEMER) prend le commandement, rassemble autour de lui l'OURCQ et l'ISERE de la 1ère section et continue un combat acharné pendant lequel suivant l'expression du S/Lt Bruthiaux (OURCQ) "les chars ennemis s'ouvraient comme du carton".
Le nombre de chars ennemis détruits dans cette partie du combat a été impossible à déterminer.
Mais de graves difficultés commencent. La 3e section qui n'a pu être aidée par par la section de protection (SAONE panne mécanique, rupture de commande d'arbre à cames - HERAULT obus dans le barbotin) est prise par le feu ennemi à droite et à gauche. Sur le GUYNEMER le 75 a reçu un coup sur la tranche de bouche et reste à la position de recul maximum ; l'huile de frein du 47 s'est dilatée, il ne revient plus en batterie ; toutes les superstructures sont arrachées, les tôles labourées et entaillées ; beaucoup de boulons cisaillés, plus de 50 points d'impact sur la carcasse.
L'OURCQ et l'ISERE sont à peu près dans le même état, seul le 47 de l'OURCQ tire encore.
Le Lt Bounaix se décide à lancer l'ordre de ralliement. Les chars ennemis ne suivent pas.
Mais sur les trois chars les chenilles grognent terriblement. Elles finissent par sauter successivement et la mort dans l'âme les équipages font sauter les trois survivants de la 2e Cie et rejoignent à pied.
Pendant la contre attaque de la 2e Cie les infiltrations d'infanterie et d'engins anti-char sur la route Ermeton - Flavion nécessitent des actions fréquentes exécutées avec rapidité par les 1ère et 3e Cies.
15h40 Les équipages de la 2e Cie rentrent à pied et il est rendu compte par radio à la 1/2 Brigade "J'ai perdu 1/3 de mes moyens - chars ennemis arrêtés en GYO - je me garde sur ma droite".
16h10 Par radio de la 1/2 Brigade "Portez vous à hauteur de Somtet et barrez sans idée de repli".
L'ordre de repli sur Somtet est transmis par radio à la 1ère Cie et donné verbalement à la 3e Cie.
La 3e Cie (Capitaine Lehoux) gênée par le passage du ruisseau d'Ermeton perd sa direction et au lieu de se diriger sur Somtet comme elle en avait reçu l'ordre, prend la route du nord en direction de St Gérard. Elle est en colonne sur la route quand en arrivant vers Denée elle est prise par un feu d'enfer de Panzerjäger et d'armes d'infanterie qui étaient en position des deux côtés de la route.
Quoique surprise la Cie riposte rapidement. Deux chars BELFORT II (S/Lt de Dufourcq) et GUEPRATTE (Lt Chambon) sont mis hors de combat et flambent.
Il semble qu'à ce moment le Capitaine Lehoux se sentant en très mauvaise position ai voulu rallier ses chars dans une carrière à gauche de la route. Puis malgré ses premières pertes, avec beaucoup de cran, se relancer à l'attaque des batteries ennemies.
Il est impossible de dire actuellement les pertes infligées à l'ennemi, premièrement dans la surprise puis dans la 2e attaque mais les groupes qui étaient sur la route semblent avoir été durement traités.
Quoi qu'il en soit, le POITOU II char du Capitaine Lehoux est mis hors de combat dès sa sortie de la carrière et flambe toutes portes fermées. L'YPRES (Lt Duhourceau), l'YSER (S/Lt Gossin) sautent à leur tour.
Le NIVERNAIS II (Lt Perrier) continue l'attaque avec le SOUAIN (S/Lt Pourtal) le VENDEE II (S/Lt Baston) le NANCY II (S/Lt Lecocq) ; mais la lutte est par trop inégale ; successivement sans vouloir lâcher le terrain tous les chars sont mis hors de combat.
Ce n'est que très tard dans la soirée après avoir découplé tous ses motocyclistes disponibles à la recherche de la 3e Cie que le chef de Bataillon qu'avait rejoint le Colonel Rabanit commandant la 1/2 Brigade apprit par quelques rares rescapés la perte complète de la 3e Cie et les actes d'héroïsme des Officiers chef de char restant en char et tirant jusqu'aux dernières munitions pour protéger la sortie des équipages.
A Somtet le champ de tir étant mauvais, il est décidé d'accord avec le Colonel commandant la 1/2 Brigade de s'installer avec la même mission autour d'Estroy.
Liaison est prise avec les groupes de reconnaissance qui tiennent Estroy et il est convenu que les 9 chars restants au Bon tiendront la ligne qu'ils occupent jusqu'à épuisement des munitions.
Il reste à ce moment environ 60 litres par char et à peu près la moitié des munitions.
Aucune liaison n'est possible avec la Division et avec les T.C.

16 mai
1 heure Le Capitaine commandant le G.R. prévient que de grosses infiltrations se sont produites et qu'il était obligé de se replier pour ne pas être débordé.
La position ne pouvant être tenue par le Bon seul avec 9 chars et les réservoirs presque vides, le Chef de Bon décide d'aller se ravitailler au premier poste d'essence qu'il trouvera.
1h30 L'ordre de départ est donné.
En cours de repli 2 chars ayant des difficultés ne peuvent suivre. Ils essayeront de de rejoindre plus tard et ne retrouvant pas le Bon se mettront jusqu'au 18 mai à la disposition de plusieurs unités.
5 h La colonne réduite à 7 chars arrive au bout de son essence dans un bois à l'ouest de la Fijotterie.
Le Lieutenant Gaudet arrive avec une citerne de 3000 litres prêtée par un élément de cavalerie.
Les pleins étaient en train de se faire quand le Colonel Rabanit commandant la 1/2 Brigade apporte l'ordre pour toute la 1ère D.C.R. de rallier Avesnes avec Beaumont comme point de première destination.
10 h La colonne de 7 chars et du char du commandant de la 1/2 Brigade se met en route pour Beaumont.
En sortant de Ham une batterie anti-chars ennemie prend la colonne à partie à une distance d'environ 600 mètres.
Le Capitaine Raberin suivi d'une section riposte par un tir très rapide dont tous les coups portent. La question réglée la marche reprend. Le Colonel et son E.M. prennent place dans l'ESCAULT char du Capitaine David et le Chef de Bon n'ayant plus de liaison radio monte dans le GARONNE char du Capitaine Raberin. La marche sur Beaumont reprend.
En arrivant devant Beaumont, L'ESCAULT très en avance sur la colonne est accueilli à coups de canon et de mitrailleuses. Le pilote est tué, les Capitaine David et Pluchon (E.M. Brigade) grièvement blessés. Le reste de la colonne en arrivant est également accueilli à coups de canon. Le Capitaine Raberin en deux coups de 47 réduit la résistance mais le pilote du GARONNE, blessé à la figure, perd le la direction de son char et le lance dans un ravin où il se retourne. Le chef de Bon, le Capitaine Rabarin sont sérieusement blessés.
Les chars qui suivent enfoncent les barricades du village et y pénètrent de vive force. La résistance cesse immédiatement mais les chars sont à bout d'essence. Le Lt Grandjean prend le commandement et décide de brûler les 5 chars restants.
Les équipages rescapés parviennent à Avesnes par des moyens de fortune ; certains y sont pris le 17 mai, d'autres arrivent à rejoindre les T.C. qui se sont regroupés à Esternay.

Pertes des 14 - 15 -16 mai 1940

14 mai Tués Officiers 1      S/Lt Mathieu
    S/Officiers 1
    Troupe 3
15 mai Tués Officiers 6  Capitaine Gilbert, Capitaine Lehoux, Lieutenant Lelong, Lieutenant Duhourceau, S/Lt Gossin, S/Lt Lecocq
    S/Officiers 6
    Troupe 12
  Blessés prisonniers Officiers 2 Lieutenant Perrier, S/Lt Pourtal
    S/Officiers 4
    Troupe 9
  Prisonniers Officiers 3  Lieutenant Chambon, Lieutenant Baston, S/Lt Harauchamp
    S/officiers 2
    Troupe 12
16 mai Blessés Officiers 4  Commandant de Cissey, Capitaine Raberin, Capitaine Larcher, Capitaine David
    S/Officiers 1
    Troupe 2
17 mai Prisonniers Officiers 4  Lieutenant Grandjean, S/Lt Marsais, S/Lt Warisse, S/Lt Dugas (blessé)

 

1940 - 36e BCC jmo



JOURNAL DES MARCHES ET OPERATIONS DU

36e BATAILLON DE CHAR DE COMBAT

Source SHD - Retranscrit de l'original par Marie-Claude Toubin

 


1ère PARTIE : L'ATTENTE

5 septembre 1939 :
Constitution du 36e Bataillon de Chars de Combat le 5 septembre 1939 par le C.M. 506 à Besançon. Le procès verbal de formation est daté du 5 septembre 1939 à 9h.
Le cadre officier comprend 7 officiers d'active provenant de l'Ecole des Chars à Versailles et 19 officiers de réserve. Un certain nombre de sous officiers et chasseurs proviennent également de l'E.C.C. et antérieurement de tous les régiments de chars, donc de recrutement les plus divers.
Alsaciens et Francs-Comtois garnissent le reste des effectifs. Plusieurs gardes républicains sont affectés comme chefs de demi-section dans les Compagnies de combat.

Tableau des officiers du Bataillon

 

ETAT-MAJOR           

Chef de Bataillon ROUSSELOT (A)
Capitaine WANKEBROUCQ (R)
Lieutenant LAFILLE (R)
Lieutenant TAILLENS Paul (R)
S/Lieutenant GAIRE (A)
Médecin-Lieutenant PELISSIER (R)

CIE D'ECHELON           

Capitaine COUDERC (A)
Lieutenant POU DUBOIS (R)
Lieutenant BESLAY (R)
S/Lieutenant CASSAIGNE (A)
Lieutenant DELPRAT (R)

1ère COMPAGNIE        

Capitaine BRUNEAU (A)
S/Lieutenant ZINDY (R)
Lieutenant DREYFUS (R)
Lieutenant TAILLENS Henri (R)
Adjudant-chef JUNON (A)

2e COMPAGNIE         

Capitaine LEHOUX (A)
Lieutenant LANDEAU (R)
Lieutenant DESPATIN (R)
Lieutenant THEVENAU (R)
Adjudant-chef TESSIER (A)

3e COMPAGNIE           

Capitaine BARUE (R)
Lieuenant DE THOISY (R)
Lieutenant CANDER (R)
Lieutenant SCHELLER (A)
Adjudant-chef LAVERGNE (A)

 

au 15 septembre 1939 :
Période d'équipement du bataillon

16 septembre 1939 :
Le bataillon quitte St Ferjeux les 16 et 17 septembre pour se rendre à Mortzwiller, 10 km Sud de Thann. Il exécute son mouvement partie par voie ferrée, partie par voie de terre. La colonne sur route arrive sans incident notable à Mortzwiller à 14h30. Les cantonnements et les emplacements des parcs à chars sont reconnus par le chef de bataillon et par l'Officier de Renseignements. Le PC du Bataillon est en cours d'installation immédiate à Mortzwiller (Ecole). A 16h passent le Général DELESTRAINT et le Colonel DUFRASNE commandant respectivement les chars de la VIIIe Armée et le GBC 516.
A 18h les mesures de garde étant prises, les parcs installés et les cantonnements aménagés, les hommes prennent leur repas. Une pluie persistante n'a pas entraîné l'exécution des diverses phases d'actions prévues pour ce jour.
L'itinéraire du point de débarquement des chars à leur parc est reconnu à 18h par un officier de l'EM du Bataillon. Les accès et les parcs présentent toutes les garanties de viabilité et de camouflage requises.
Le 36e BCC appartient aux chars de la VIIIe Armée.

17 septembre 1939 :
Le débarquement des 2 trains amenant le matériel des chars s'effectue correctement en gare de SENTHEIM. Les chars gagnent les emplacements reconnus et sont immédiatement camouflés. Dans la nuit du 17 au 18 septembre le matériel roulant de la Compagnie d'Echelon, débarqué à CERNAY arrive au cantonnement. Des consignes strictes sont données par le Chef de Bataillon en ce qui concerne le camouflage de tous les véhicules et du personnel ainsi que pour le contrôle de la circulation automobile nocturne.
Le Capitaine BRUNEAU de la 1ère Compagnie est muté au 28e Bataillon.

18 septembre 1939 :
Le cantonnement s'organise ainsi que le ravitaillement à la gare de THANN pour les vivres, aux abattoirs de CERNAY pour la viande. Le premier contact avec l'intendance manque d'aménité, mais les choses s'arrangent. A 14h le Chef de Bataillon réunit les Commandants de Compagnies pour mise au point de diverses questions et notamment pour le contrôle strict de la consommation d'essence.

19 septembre 1939 :
Le cantonnement s'organise. A 14h, une réunion des Commandants de Compagnie a lieu au PC du Bataillon pour la mise au point des mesures propres à assurer un ravitaillement régulier et une distribution rationnelle des vivres. Des mesures de DCA sont prises : tranchées creusées par le Bataillon et ordre donné à la population civile de camoufler absolument toute lumière. Les postes de garde placés aux issues refoulent toute voiture ou piéton circulant dans des conditions irrégulières. L'officier de renseignements prend contact avec les unités voisines et notamment avec le GBC 506.

20 septembre 1939 :
Reconnaissance des emplacements favorables à l'installation de postes de DCA.
Le Capitaine NEBUT se présente au Chef de Bataillon (Permutation avec le Capitaine BRUNEAU). Le capitaine NEBUT, venant du 28e Bataillon prend le commandement de la 1/36.

21 septembre 1939 :
Entretien des chars. Installation des postes de DCA à contre pente 200 m Sud de Soppe le Haut.

22 septembre 1939 :
Reconnaissance de zones d'action dans la région d'Altkirch par le Chef de Bataillon et le Capitaine Adjoint.

23 septembre 1939 :
RAS

24/30 septembre 1939 :
RAS. Entretien de matériel et conduite

1-2-3 octobre 1939 :
Reconnaissance de terrain - instruction de la Troupe.

20 octobre 1939 :
A 10h30, le Bataillon reçoit l'ordre de faire mouvement sur BRUNSTATT- ZIMMERSHEIM - ESCHENTZWILLER - HABSHEIM (région Sud et Sud Est de MULHOUSE). Le Bataillon fait mouvement au crépuscule avec ses éléments sur roues. Le matériel transporté par voie ferrée l'est en deux trains.

Le 20 octobre à 18h et le 21 à 21h30 en gare de SENTHEIM, le débarquement a lieu en gare d'HABSHEIM, de nuit. Aucun incident. Les liaisons s'établissent entre les divers cantonnements dès le 22. Une visite médicale est passée dans les divers cantonnements le 22 à partir de 14h.

22 octobre 1939 :
Par ordre n° 850 (CCS) du Général DELESTRAINT, Commandant les chars de la VIIIe Armée, le 36e BCC est mis à la disposition du 7e CA et fait partie du GBC 506 sous les ordres du Lieutenant Colonel HUDRY. Le PC du GBC 506 est établi à THANN-BITSCHWILLER : Usine SCHEURER-LAUTH - Maison Prévot.
Les liaisons à établir entre le Bataillon et le GBC 506 sont précisées par une note de service du Lieutenant Colonel HUDRY.

23-24 octobre 1939 :
RAS

25 octobre 1939 :
La 2e Compagnie (Cap LEHOUX) cantonnée à ZIMMERSHEIM fait mouvement le 25 octobre au matin pour se rendre à l'Ecluse 43 : Fabrique abandonnée à 2 km Est de SAUSHEIM. Le mouvement s'effectue sans difficultés : 12 km sur chenilles.

26-30 octobre 1939 :
RAS

31 octobre 1939 :
Sur Ordre n° 521/EP du Général KELLER, Inspecteur des Chars, sont mutés du 36e BCC au dépôt 511 pour constitution d'un Bataillon B en formation : Lieutenant SCHELLER - Adjudant LEVASSEUR - Sergent LOISEAU.

1-6 novembre 1939 :
RAS

7 novembre 1939 :
Le Chasseur LE DROGUENE François n° 261 de la Compagnie d'Echelon du 36e BCC décède à l'hôpital militaire de MULHOUSE à 20h45 des suites d'une angine de poitrine, le 7 novembre 1939.

8 novembre 1939 :
A 19h, le Chef de Bataillon reçoit par téléphone ordre du Lieutenant colonel Commandant le GBC 506, de se tenir prêt à un état d'alerte. A 21 h l'ordre d'alerte est confirmé. Ordre est transmis aux Cies de prendre toutes mesures pour un départ dans les 6 heures. A 23h15 l'exercice d'alerte est terminé sur ordre du Lieutenant Colonel. Les comptes rendus des ordres donnés sont demandés aux Commandants de Compagnie pour le 9 novembre à 9h.

9-16 novembre 1939 :
RAS

17 novembre 1939 :
Par ordre de mutation n° 12 du GQG (Inspection des Chars et Commandement des réserves générales des chars de combat) en date du 13 novembre 1939, le Lieutenant GAIRE du 36e BCC est muté à l'Etat-Major des chars de la 1ère Armée. Il est mis en route dans la journée du 17 novembre. Le Lieutenant LAFILLE prend le poste d'officier de Renseignements et assure en outre le service des détails.

Novembre - décembre 1939 :
Les jours se succèdent sans apporter aucun changement notable dans la situation militaire. Les unités du Bataillon perfectionnent leur instruction. Un effort vivant est entrepris pour procurer aux hommes les meilleures conditions de vie physique et morale. L'inaction imposée aux troupes par la forme de la guerre rend nécessaire des mesures propres à distraire les hommes en dehors du travail quotidien.
Des foyers de soldats sont créés dans toutes les Compagnies et des représentations théâtrales de réelles valeur sont données par tous les éléments du Bataillon. Une communion d'âme remarquable se manifeste lors de ces réunions entre la population Alsacienne et l'Armée.
Les conditions d'entretien du matériel parqué dans la forêt de Hardt deviennent particulièrement pénibles à partir du 25 décembre. La température en pleine forêt oscille chaque jour autour de -20°.
Toutes les mesures destinées à la protection du matériel sont prescrites par le Chef de Bataillon.

25 janvier 1940 :
Le lieutenant GAY et l'aspirant SIMONET sont mutés du dépôt 506 au 36e BCC.

28 janvier 1940 :
Par ordre n° 4095 FT (Etat-Major) le Capitaine mécanicien COUDERC commandant la Compagnie d'Echelon/36 est muté à l'Etat-Major de la 2e Division Cuirassée. Il rejoint son poste le 28 janvier.

29/30 janvier 1940 :
RAS

31 janvier 1940 :
Le Lieutenant SONREL est muté du dépôt 506 au 36e BCC. Il est affecté à l'Etat-Major du Bataillon.

2 février 1940 :
Le Lieutenant GIRARDOT est affecté au 36e BCC par DM n° 401 BI en date du 13 janvier. Vérification faite, cet officier est réellement affecté au 17e BCC.

3 février 1940 :
Le Lieutenant CLERIVE du dépôt 506 est muté au 36e BCC. Il se présente le 3 février et rejoint la 1ère Compagnie.

5 février 1940 :
Le Lieutenant BARBEROUSSE est muté de l'école des Chars au 36e BCC. Il se présente au Bataillon le 5 au soir et il est affecté au service des détails. Le Lieutenant LAFILLE prend le service des Renseignements.

20 février 1940 :
Le Capitaine LEHOUX commandant la 2e Compagnie est muté au Bataillon de Chars n° 37 en remplacement du Capitaine OBE. (Ordre 965/3P de l'inspection des Chars de Combat).

21 février au 9 mars 1940 :
Le Capitaine TORTAIT est muté du dépôt de Chars 506 au 36e BCC. Il se présente au Chef de Bataillon le 9 mars et prend le commandement de la Compagnie d'Echelon.

18 mars 1940 :
Le Capitaine PINAULT est muté du dépôt 506 au 36e Bataillon par ordre n° 2154/BT du 3 mars 1940. Il se présente au Chef de Bataillon le 18 mars 1940 et prend le commandement du Bataillon pendant la permission du Commandant ROUSSELOT. Il demeure ensuite en surnombre à l'Etat-Major du Bataillon.

18-28 mars 1940 :
Le Capitaine MERCIER chef d'Etat-Major du groupe de Bataillon de Chars n° 515 arrive au 36e BCC le 28 mars 1940 par ordre de mutation n° 79 n° 1503/3P. Inspection des Chars de Combat en date du 11 mars. Il prend le commandement de la 2e Compagnie.

29 mars au 15 avril 1940 :
RAS

16 avril 1940 :
A 11h30 les officiers du Bataillon sont présentés au Colonel DULUC qui prend le commandement des chars de la VIIIe Armée, en remplacement du Général DELESTRAINT appelé à l'inspection des chars. Le Colonel félicite le Chef de Bataillon et les officiers pour leur excellente présentation. Dans une brève allocution, le Colonel DULUC précise qu'une unité qui se tient bien est une unité qui combat bien.
Il incite chacun à orienter des conceptions et ses recherches sur les problèmes posés par les nouveaux matériels que le Bataillon serait appelé à toucher, et vers la recherche particulière des moyens de protection contre les mines.

17 avril 1940 :
RAS

18 avril 1940 :
Par ordre de mutation n° 99 en date du 15 avril 1940, le Capitaine PINAULT est muté du 36e BCC au 16e BCC où il prendra le commandement de la 2e Compagnie. Il sera mis en route le 20 avril 1940.
En exécution de la note n° 10 612 I/NE du 15 avril, du général Commandant en Chef sur le Front NE, le Capitaine NEBUT est mis en route comme officier instructeur sur le dépôt 511.
L'Aspirant CHARNAL, venant du dépôt 506 est affecté au 36e BCC. Il se présente au Commandant du Bataillon et est affecté à la 1ère Compagnie à la date du 18 avril 1940.

23 avril 1940 :
Un exercice de franchissement d'obstacles (fossés et abatis d'arbres) a lieu par des chars 35 R du 16e BCC et des chars FT du 36e BCC. Les chars 35 R, porte-fascines se jouent de la difficulté. Les abatis d'arbres, doublés de câbles et de fascines bâties autour des troncs sont franchis par 2 chars (1 FT et 1 35 R dans les traces du FT). 2 autres chars restent en panne sur l'obstacle. Il est évident que l'obstacle d'aspect absolument infranchissable, peut l'être, surtout après une préparation d'artillerie.

24-27 avril 1940 :
Une Compagnie de Chars du 36e BCC effectue une manœuvre avec le 41e RI.

27-29 avril 1940 :
RAS

30 avril 1940 :
Par ordre n° 2441/3P le Capitaine BOUCAYS de l'Etat-Major des Chars de la VIIIe Armée est muté au 36e BCC.

 
 

2e PARTIE : BIENTOT L'AFFRONTEMENT

3 mai 1940 :
Par ordre 304/CC l'Etat-Major des Chars de la VIIIe Armée relève le 36e BCC par le 18e BCC et fixe l'horaire de départ du 36e BCC. Le mouvement par voie de fer s'effectue comme indiqué par l'ordre le 6 mai 1940. Gare de débarquement : SOMMEILLES - NETTANCOURT (Marne).
Par ordre n° 3596/3S du Groupement Cuirassé (2e Division) en date du 6 mai, la 3e section de la 73e Compagnie de transport est chargée d'assurer le transport partiel des chars du 36e BCC à la zone de cantonnement provisoire de CHARMONT- VERNANCOURT (Marne).

11 mai 1940 :
Réception de l'ordre 3724/3S de l'EM de la 2e Division Cuirassée, en date du 10 mai qui remet à une date ultérieure le mouvement du Bataillon vers la zone des cantonnements définitifs antérieurement prévus à HERPONT-DOMMARTIN s/YEVRE.

12-13 mai 1940 :
RAS - Bombardements divers dans la région de Châlons.

14 mai 1940 :
A 22h30, par communication téléphonique et par l'ordre n° 4 émanant du Général Commandant la 6e Région, ordre est donné au 36e BCC de faire mouvement dans la nuit et de se porter de CHARMONT sur COUPEVILLE - MOIVRE - LE FRESNE. Le Bataillon doit rendre compte de son départ et de son arrivée aux points fixés. Il s'y trouvera en réserve prêt à marcher à la disposition du Général commandant la 6e Région. La 2e Division étant partie brusquement, le 36e BCC se trouve être la seule force à la disposition de la 6e Région. Le mouvement prescrit s'effectue sur chenilles pour les 1ère et 3e Cies, en deux bonds représentant une distance totale d'environ 25 km. Les mouvements ont lieu strictement de nuit, tous feux éteints.

15 mai 1940 :
La 2e Compagnie, prête à faire mouvement sur chenilles à 2h du matin, le 15 mai, reçoit l'ordre d'attendre une section de porte-chars. Celle-ci arrivera très en retard sur l'horaire prévu par suite d'un bombardement aérien massif de son parc à MOURMELON. La 2e Compagnie est transportée dans l'après midi du 15 et cantonne à COUPEVILLE.

16 mai 1940 :
Les chars des 1ère et 2e Compagnies camouflés dans les bois dans la journée du 15 achèvent leur 2e bond et prennent leur cantonnement à MOIVRE (1ère Compagnie) et LE FRESNE (3e Compagnie). PC du bataillon : LE FRESNE. La 2e Compagnie cantonnée à COUPEVILLE est transportée par porte-chars au début de l'après midi pour participer à la défense de Châlons sur Marne. Les routes de SUIPPES - REIMS - Ste MENEHOULDE sont gardées chacune par une section, les chars étant utilisés comme blockhaus.
La section d'Echelon qui devait cantonner à la caserne CORBINEAU, s'installe en dernier lieu au Nord de celle-ci, au Mt BERNARD. Dans la journée, survols d'avions ennemis et bombardements aériens assez lointains. La Compagnie d'Echelon demeure cantonnée à CHARMONT, mais une reconnaissance est faite afin de cantonner éventuellement à VANAULT LE CHATEL.

17 mai 1940 :
Reconnaissance des emplacements tenus par la 2e Compagnie ; En fin de journée, les 3 sections de combat sont établies comme suit :
Route de REIMS : Aspirant SIMONET
Route de SUIPPES : Lieutenant DESPATIN
Route de STE MENEHOULDE : Adjudant Chef TESSIER
Tous les chars sont soigneusement camouflés et les champs de tirs étudiés pour arrêter toute incursion éventuelle de colonnes blindées ennemies. La Section d'Echelon de la 2/36 cantonne hors de ville.
La Compagnie d'Echelon 36 reçoit l'ordre de faire mouvement au crépuscule de ce jour et de se porter à VANAULT LE CHATEL.
Journée calme quant au passage d'avions ennemis.

18/19 mai 1940 :
Réception du télégramme officiel ci-dessous :
Urgent - guerre - 6e Région :
" aucun repli autorisé. Chacun à son poste. Prendre toutes dispositions pour tenir, même encerclé, avec tous les éléments, contre incursion engins blindés qui pourraient agir très en avant des gros. Leur action dissociée doit se briser sur moles de la résistance du pays ".
Signé : DALADIER

20 mai 1940 :
Ordre est donné au 36e BCC par le Général commandant la 6e Région de faire mouvement dans la journée du 21 mai et d'assurer la garde des têtes de ponts sur la Marne à PAGNY et VESIGNEUL.

21 mai 1940
Les Compagnies s'installent à :
3e Compagnie : TOGNY AUX BŒUFS
1ère Compagnie : VITRY LA VILLE
Compagnie d'Echelon et Etat-Major : FAUX SUR ECOLE
La 2e Compagnie tient toujours les routes au Nord de Châlons.

22 mai 1940 :
10h : le Général WELVERT Commandant les chars de la 7e Armée passe au PC du Bataillon, porteur d'un ordre mettant le 36e BCC à la disposition du 17e CA (Général NOEL). La 1ère Compagnie est transportée par une section de porte-chars de la Compagnie de transports 73. Elle doit être rendue le 22 au soir dans les couverts au S-E de MURET et CROUTTES (S-E de SOISSONS)
La 2/36 se rend sur chenilles du Nord de Châlons dans la région des ISTRES (S-E d'EPERNAY)
La Compagnie d'Echelon et la Section de Commandement se rendront dans la soirée du 22 à ISTRES.

23 mai 1940 :
La 1/36 est mise à la disposition de la 28e DI et prend ses positions au Sud du Canal de l'Ailette (de l'Oise à l'Aisne). Les 3 sections de combat en ligne seront occupées à des missions de nettoyage des bois en cas d'infiltrations ennemies ou en blockhaus semi-mobiles. La Compagnie débarque au lieu dit : le Pont Rouge sur la route de PARIS à MAUBEUGE et BRUXELLES 6 km N-E de SOISSONS. Au Sud de VAUXAILLON (Lieutenant DREYFUS). Le GRAND VIVIER (Lieutenant ZINDY). La Compagnie se trouve à la disposition de la 25e ½ Brigade de chasseurs (PC à NEUVILLE/s MARGIVAL).
La 2e Compagnie fait mouvement, transportée par porte-chars de la région des ISTRES, dans la zone de la 87e DI (PC à MORSAIN N-O de SOISSONS). Le PC de la Compagnie est à WASSENS.
La 3e Compagnie ayant fait mouvement par chemin de fer depuis CHALONS débarque à BERZY LE SEC (Sud de Soissons) et se camoufle dans les bois à l'est de BUSANCY (Sud de Soissons).
La Compagnie d'Echelon/36 est installée dans le parc du château de Villers Helon. PC du Bataillon : ferme des Bovettes près MURET et CROUTTES (S-E de Soissons)
PC du 17e CA : MURET
Dans la journée, liaison est prise par le chef de Bataillon et l'Officier de renseignement avec les Généraux commandant les 28e DI (PC CHIVRES) et 87e DI (PC MORSAIN).

24 mai 1940 :
La 3e Compagnie débarquée à BERZY LE SEC et primitivement mise à la disposition de la 87e DI est affectée à la 28e DI (PC à CHIVRES). Le Cne BARUE commandant la 3e Compagnie prend liaison avec le Général commandant la 2
8e DI. La Compagnie fait mouvement dans la nuit du 23 au 24 mai sur chenilles pour gagner les bois de CHIMY Sud de SANCY les Cheminots.
La 1ère Compagnie étant à la disposition de la 25e demi- Brigade de Chasseurs, la 3e Compagnie prendra ses positions en liaison avec les 97e et 99e RI (la 28e DI a en ligne d'Ouest en Est : 25e demi-Brigade - 97e RI - 99e RI).
La 2e Compagnie (PC à VASSENS) prend ses positions de combat dans la nuit du 23 au 24. Les sections sont dans la région de ST PAUL Aux Bois et Sesme, TROSLY S/LOIRE et Nord de VESAPONIN.
La Section d'Echelon est à BLERANCOURT.
A 19h, le sous officier DEBLIC se présente au PC du Bataillon et rend compte de ce qu'une section de protection envoyée par le 110e Bataillon de Gien, et composé de 3 chars FT avec mitrailleuses Hotchkiss, dépourvues de munitions au départ, se trouve isolée avec 2 chars en panne à NOYANT et ACONIN. Compte rendu est adressé au Général commandant les chars de l'armée. La Compagnie d'Echelon/36 prend en subsistance la section DELAUNAY et récupère 3 chars en attendant décision à intervenir.
La section de protection commandée par le Lieutenant DELAUNAY et envoyée de GIEN sans munitions avait pour mission de défendre le passage de l'Aisne à PONT ARCY. Elle ne put prendre ses positions. L'état de son matériel et l'absence de munitions la rendaient incapable d'accomplir sa mission.
Dans la journée du 23 à 10h, la Section du Lieutenant DESPATIN (2e Compagnie) est bombardée par avion. Pas de victimes.

25 mai 1940 :
Le Lieutenant Colonel DU CHOUCHET commandant le GBC 504 vient au PC du Bataillon. Le 17e Bataillon (Commandant CAZALBOU) est annoncé comme arrivant à la disposition du 17e CA.
Le Chef de Bataillon reprend liaison avec la 28e DI (PC à Chivres).
Il est décidé que la 1/36e et la 3/36e mises à la disposition de la 28e DI auront leurs 6 sections de combat en ligne à raison de 2 sections par RI. Cette répartition exigée par l'ID maintient constamment en ligne tout le personnel de combat et ne permet pas de relève. La situation est la même pour les 3 Compagnies du bataillon. A 21h le Capitaine MERCIER commandant la 2e Compagnie rend compte personnellement au chef de bataillon des emplacements tenus par sa Compagnie.
La section du Lieutenant DESPATIN a eu à intervenir pour repousser une infiltration ennemie. Son action s'est bornée à un mouvement de la section, sans combat, les quelques fantassins ennemis ayant progressé, ayant été tué par les feux de l'infanterie. Un motocycliste de la 2e Compagnie qui s'engageait par erreur dans les lignes ennemies fut stoppé par un pont détruit et par le feu ennemi. Il rejoint nos lignes en traînant sa machine.

26 mai 1940 :
Par ordre particulier n° 2584/CC en date du 25 mai, le Lieutenant Colonel DU CHOUCHET commandant le GBC 504 prend le commandement des unités de chars mises à la disposition du 17e CA (17e et 36e BCC).

27 mai 1940 :
Lors d'une mission de nettoyage dans les environs de la ferme de la Tinette (Nord TROSLY S/LOIRE) sur le canal de l'Ailette, le 26 au crépuscule, l'Aspirant SIMONET est tué d'une balle perforante qui l'atteint à la tête. Les conditions d'emploi de la section, réduite à 2 chars, patrouillant seuls, sans soutien de l'infanterie à une centaine de mètres de l'ennemi font l'objet d'une enquête du Général commandant la 87e DI.
Les chars de cette section ont accompli les jours précédents en déplacements successifs, un minimum de 60 km sur chenilles. Il apparaît d'autre part que les chars FT engagés dans les missions demandées par le 18e Régiment de Tirailleurs ont été exposés sans discernement suffisant : de leurs caractéristiques : leur absence de vitesse des engins et faible blindage en faisait des cibles offertes au feu direct de l'ennemi qui tirait à bout portant, alors qu'aucun feu ami ne le neutralisait.
L'aspirant SIMONET, tué le 26 mai à 21h15 près de la ferme de la Tinette, d'une balle ayant perforé net la tourelle à la hauteur de la lunette a été inhumé le 27 mai au cimetière de Trosly sur Loire.
Le mécanicien du char de l'aspirant ramena l'appareil à l'abri sortit le corps de son chef de char râlant et le remit au poste de secours.
Le Lieutenant Paul TAILLENS, adjoint technique, blessé à l'épaule d'un éclat d'obus lors d'une reconnaissance avec le Cap MERCIER commandant la 2e Compagnie et le Lieutenant THEVENEAU commandant la SE 2e. Cette reconnaissance avait pour but se situer et de récupérer un char abandonné par son équipage, parce que mis hors d'usage par le feu de l'ennemi lors de l'action où fut tué l'aspirant SIMONET.

28 mai 1940 :
RAS

29 mai 1940 :
Par l'arrivée de renforts de la 8e DI, le 17e CA se trouve comprendre 3 divisions : de l'Ouest à l'Est : 87-8-28 et sur un front d'environ 40 km. La 8e DI s'enclave au centre (PC à LA PERPIERE - ferme Nord de CROUY).
Le PC du Bataillon installé à Le MONCEL (Est de Bucy le Long) devra être installé à CUFFIERS pour le 1er juin à 8h.
RAS pour les Compagnies.

30 mai 1940 :
Le Chef de Bataillon et le Lieutenant LAFILLE reconnaissent les emplacements des 3 sections de la 3e Compagnie ; embossés au Nord des ravins d'OSTEL et au Nord de la ferme de la Malmaison (extrémité Ouest du Chemin des Dames). La zone Nord d'OSTEL, point de passage souterrain du canal de l'Oise à l'Aisne est considéré comme un point sensible du secteur et 2 sections (Lieutenant GANDER et Adjudant Chef LAVERGNE, ont pour mission de s'opposer à toute tentative d'infiltration dans cette zone).

31 mai 1940 :
RAS. Tirs d'artillerie assez nourris sur le PC de la 3e Compagnie.

1er juin 1940 :
RAS. Nouveaux et violents tirs d'artillerie autour du PC de la 3e Compagnie à JOUY (proximité d'une batterie de 75 qui subit un tir de représailles). Dans la nuit du 1er au 2 juin, la 3e Compagnie s'installe à SALSOGNE au Sud de l'Aisne.
Le PC du Bataillon se trouve à VAUXROT près CUFFIES au Nord de Soissons.

2 juin 1940 :
RAS.

3 juin 1940 :
RAS. Reconnaissance des positions de la 1ère Compagnie vers LAFFAUX et PINON.

4 juin 1940 :
RAS.

3e PARTIE : L'AFFRONTEMENT

5 juin 1940 :
Attaque allemande sur l'Ailette et le canal de l'Oise à l'Aisne.
1ère Compagnie
La section du Lieutenant ZINDY à la disposition du 130e RI effectue une contre attaque efficace le 5 au soir dans la région Nord du GRAND VIVIER.
La section de l'Aspirant CHARNAL demeure embossée à SORNY
La section du Lieutenant DREYFUS est au MOULIN DE LAFFAUX avec le GR 40
L'élément sur chenille de la SE embossé au point d'appui à CLAMECY.
2e Compagnie
Aucune nouvelle précise des sections le 5 au soir. Le Lieutenant DESPATIN, blessé a été évacué. Les sections de combat de l'Adjudant Chef TESSIER et de l'Adjudant KAYSER ne donnent plus de nouvelles. Pas davantage sur la Section d'Echelon emmenée au combat par l'Adjudant Chef CAZELLES
3e Compagnie
La Section du Lieutenant SONREL est dispersée. Les sections GANDER et LAVERGNE au Nord d'OSTEL n'ont pas été engagées.

6 juin 1940 :
3 chars de la section SONREL (3e Compagnie) perdus par leur chef de section se sont agglutinés à la section ZINDY de la 1ère Compagnie. Renseignements confus ou inexistants sur les engagements des autres Cies.
Dans le cours de l'après midi, des trains de combat se replient en ordre mais des fantassins refluent aussi sans commandement. Le PC du Bataillon s'organise en centre de résistance avec les seuls moyens de la section de commandement. Des emplacements d'armes automatiques sont aménagés qui battent les arrivées en direction de CUFFIES et POMMIERS. A 22h l'Etat-Major du Bataillon reçoit l'ordre de repli par la 8e DI et franchit l'Aisne pour rejoindre la Compagnie d'Echelon à MONTGOBERT. L'ordre de repli émanant du GBC 504 non prévenu par le 17e CA est apporté par le Lieutenant LAFILLE qui repasse l'Aisne à 0h15 et rejoint ensuite l'Etat-Major à MONTGOBERT à 1h30.
Tirs fusant ennemis sur SOISSONS à 1h30. Fusées et tirs d'armes automatiques sur l'Aisne vers POMMIERS où des éléments ennemis s'étaient installés dans l'après midi par surprise.

7 juin 1940 :
La situation du Bataillon dont les éléments durant l'attaque des 5/6 juin se trouvaient répandus sur un front de 40 km les 5 et 6 juin est la suivante le 7 au matin :
Point de la situation :
PC MONTGOBERT - Etat-Major et section de commandement : au complet
1ère Compagnie :
Capitaine BOUCAYS - Lieutenant CLERIVET - Lieutenant DREYFUS présents. Les chars de la Section DREYFUS ont été mis hors d'usage ou incendiés par le feu de l'ennemi. 1 Caporal chef serait tué. On sait d'autre part que l'aspirant CHARNAL et 4 chars ont pu franchir l'Aisne. Ils sont retrouvés dans la journée à COURMELLES (Sud de Soissons).
Aucune nouvelle de la section du Lieutenant ZINDY engagée le 5 et sans doute le 6. Pas de nouvelles des 3 chars de la 3e Compagnie qui étaient avec la section ZINDY. On peut présumer que ceux-ci ont fait d'excellent travail ayant demandé un réapprovisionnement intégral en munitions dans la nuit du 5 au 6.
4 chars de la SE de la 1ère compagnie sont retrouvés au Sud de SOISSONS, sans magnéto et sans armement. L'Adjudant JEANGUYOT et le personnel ont été aperçus au Sud de l'Aisne, mais ne sont pas encore retrouvés.
2e Compagnie :
Situation inchangée.
3e Compagnie :
2 sections de combat complètes : Lieutenant GANDER et Adjudant Chef LAVERGNE se sont repliés de leurs positions au Nord des ravins d'OSTEL et ont repassé l'Aisne au pont de VAILLY à 4h du matin. Elles sont en PA dans les bois au Sud de VAILLY, dans le parc d'un château au Nord de CHASSENY. Les 2 sections sont rejointes par le Lieutenant TAILLENS et le Lieutenant LAFILLE vers 13h qui prennent également contact avec le Cpt BARUE, commandant la Compagnie à BRENELLES.
La Section d'Echelon est à BRENELLES, moins 1 char non remorquable abandonné à VAILLY S/Aisne. La 3e Compagnie se trouve donc avec 15 chars et son personnel au complet à l'exception d'un tué par éclat d'obus lors de la traversée de VAILLY.
Lors du repli de l'Ailette, au Sud de l'Aisne, toutes les sections de combats qui ont pu y participer ont accompli sur chenille et de nuit une marche de 10 à 15 km. Lors des attaques effectuées par la 2e compagnie, certaines sections ont du accomplir une marche de 12 km avant d'attaquer.
A la date de ce jour et depuis le 3 juin, les chars du bataillon ont effectué environ 150 km sur chenilles. Le personnel des sections de combat a été constamment en ligne sans relève.
Vers 21h, au Sud de VAILLY s/Aisne, le Lieutenant GANDER de la 3e Compagnie est tué près de ses appareils par un éclat d'obus. Le caporal chef DE VAUBLANC est grièvement blessé. Le corps du Lieutenant GANDER est ramené au PC du Bataillon par le Lieutenant GAY, chef de la SE de la 3e Compagnie. Le Lieutenant GANDER a été inhumé dans un angle du cimetière de MONTGOBERT.

8 juin 1940 :
L'ennemi pousse férocement et a franchi l'Aisne vers VAILLY s/AISNE. Le CA se trouve débordé par l'Est. Vers 12 h le chef de bataillon et l'officier de renseignements se portent au PC de l'ID 28 qui commence à subir un violent bombardement. L'ennemi continue à progresser : on se bat au Nord de NAMPTEUIL, au Mont de SOISSONS. De retour à MONTGOBERT, le chef de bataillon et la Compagnie d'Echelon reçoivent l'ordre de résister sur place à MONTGOBERT. 2 mitrailleuses et 2 FM sont disposés en 2 s/secteurs de défense sous les ordres du Cne TORTAIT commandant la Compagnie d'Echelon/36 et du Cne BOUCAYS commandant la 1/36.
Les volontaires ne manquent pas pour assurer le service des armes automatiques dont on peut disposer.
Un char H 39 récupéré et réparé par la Compagnie d'Echelon est monté par le sergent BOISVERT et le mécanicien THIVARD. Une auto mitrailleuse de Cavalerie remise en état dans les mêmes conditions est montée par le Sgt Chef CATTIN de la Compagnie d'Echelon/36 et le mécanicien COLIN. Ces 2 engins partent sur l'ordre ci-dessous de la 8e DI dont le PC est installé de la veille à MONTGOBERT.
PC 8 juin - 11 h
1 AMR
1 char H 39 aux ordres de ……
sont mis à la disposition du S/Secteur Laversine. Mouvement immédiat et de manière à éviter toute méprise.
Général Commandant CALYPSO
Signé : illisible

Les 2 équipages volontaires patrouillent à outrance couvrant le repli de la 8e DI et maintenant l'ennemi. Le Sgt Chef CATTIN est blessé à la main dans son appareil et ne peut ramener son appareil dont la chenille est coupée par un obus. Le H 39 rejoint nos lignes plus tard abondamment mitraillé par l'ennemi et la poulie de tension traversée par un obus de 37 à quelques cm de la chenille.
L'expédition de ces 2 équipages est une page de haut courage qui s'ajoute à celles ouvertes par les sections de combat des compagnies.
A 17 h arrive l'ordre suivant :
PC 8e DI - 17 h
I - Les éléments automobiles de la Compagnie d'Echelon feront mouvement sur BARGNY par le carrefour de MONTGOBERT.
II - Les cadres et le minimum de personnel disponible continueront à assurer la mission qui leur a été donnée dans le dispositif de sécurité de MONTGOBERT.
Le Général DACLY Commandant de la DI

L'ennemi est proche lorsque le convoi automobile de la Compagnie d'Echelon s'ébranle et tente de gagner BARGNY par la forêt de VILLERS COTTERET. Le convoi s'organise et part en éléments fragmentés pour échapper aux attaques aériennes. (Deux bombardements aériens ont lieu sur la route l'après midi). Le système de défense demeure sur place, dernier organisme de couverture composé d'éléments de la Compagnie d'Echelon/36 et de l'Etat Major du Bataillon. A 18h, ordre es donné par le Général commandant la 8e DI de replier le système de défense et de la porter sur la route de SOISSONS au carrefour du Saut le Cerf et au carrefour à 800 m N-O de celui-ci dans la Forêt de VILLERS COTTERET.
Afin d'éviter la grand route, la colonne des véhicules de l'Etat-Major et 2 camions de la CE 36 transportant le système de défense s'engagent dans le ravin et la route de PUISEUX. Quelques éléments passent le village mais la colonne est l'objet d'une violente attaque aérienne à la bombe et à la mitrailleuse. La route coupée par des maisons éboulées impose un itinéraire de fortune à travers les cours de fermes. La remorque contenant les archives du Bataillon doit être abandonnée.
La colonne est regroupée par les officiers de l'Etat-Major du Bataillon et orientée par l'Officier de Renseignements revenu en arrière à cet effet. Toutefois, le camion transportant le personnel du dispositif de sécurité et une voiture touriste s'engagent directement en forêt pour gagner le carrefour du Saut du Cerf. Un détachement ennemi sans-doute arrivé de l'Est s'y trouve déjà et mitraille le camion à bout portant avant que les nôtres n'aient le temps d'intervenir. Le détachement est dispersé dans la forêt. Le conducteur du camion tombe. Le véhicule est abandonné. Un certain nombre d'hommes pourront s'échapper et regagner l'unité après une marche de 40 km.
L'Etat-Major du Bataillon gagne le ROND POINT DE LA REINE où se trouve le Chef d'Etat Major de la 8e DI. Les premiers éléments ennemis tiraillent à quelques centaines de mètres. Une balle tue un caporal aux côtés du Capitaine TORTAIT dans une voiture automobile.
Tous les éléments groupés au Rond Point de la Reine, privés de moyens de défense reçoivent l'ordre de se replier sur Bargny, atteint vers 22 heures. Un nouvel ordre de repli conduit la colonne des restes du Bataillon à VINCY, atteint vers 2h du matin.
La journée du 8 juin fait subir des pertes essentiellement à la Compagnie d'Echelon engagée dans le combat en dispositif de sécurité. Malgré les infiltrations ennemies en forêt de VILLERS COTTERETS et l'attaque aérienne subie par la colonne, le Bataillon a évité la dispersion et la fuite des éléments qui lui restent. Avec une obstination émouvante et par les moyens les plus divers, les chasseurs égarés rejoignent petit à petit le Bataillon au prix de durs efforts physiques et par un esprit d'initiative remarquable.

9 juin 1940 :
Par éléments de 2 ou 3 véhicules, le Bataillon gagne VILLENNEUVE LE COMTE. Pas d'incidents en cours de route.

 

 

4e PARTIE : LE REPLI

10 juin 1940 :
Le Bataillon fait mouvement de VILLENEUVE LE COMTE à CHENOISE, au S-E de la forêt de JOUY à 10 km de PROVINS. En fin de journée il est aiguillé sur VILLENEUVE LES BORDES.
Le Lieutenant CLERIVET de la 1/36 est nommé Commandant de Compagnie de la 1/48. Il rejoint son poste le 11 juin 1940.

11 juin 1940 :
Le Bataillon procède à la mise au point de ses pertes en hommes et en matériel. Les archives du Bataillon, les livrets des officiers sont perdus, le véhicule les transportant ayant été bloqué par le bombardement de PUYSEUX. Un rapport circonstancié est établi par chaque Commandant de Compagnie sur les pertes et les circonstances des pertes de son Unité.

12 juin 1940 :
Le Bataillon fait mouvement par route, de VILLENEUVE LES BOEUFS à la POSTOLLE environs de VILLENEUVE L'ARCHEVEQUE (Yonne).

13 juin 1940 :
Dans la nuit du 13 au 14 juin , le Bataillon fait mouvement de la POSTOLLE à BLENEAU (Yonne). Arrivée à BLENEAU à partir de 23h30.

14 juin 1940 :
à 18h, le Bataillon reçoit l'ordre de se replier sur PIERREFITTE (Loir et Cher). Départ vers 19h30 . Arrivée à 24h.

15 juin 1940 :
Séjour à PIERREFITTE. Afflux de colonnes militaires et de réfugiés. Le Bataillon reçoit l'ordre de se replier à MOULINS SUR CEPHONS (Indre), près de LEVROUX.

16 juin 1940 :
Séjour à MOULINS SUR CEPHONS. Les pleins de tous les véhicules sont assurés. Le ravitaillement approvisionnement est assuré malgré de lourdes difficultés. Les déplacements quotidiens et les replis constants des restes du Bataillon rendent les liaisons précaires et difficiles avec les organes de commandement. Celles-ci sont cependant assurées avec les moyens fort réduits du Bataillon. La vie administrative du Bataillon est pour les mêmes raisons, difficile à assurer.

17 juin 1940 :
Par note de service 3141/CC, des chars de l'Armée, le 36e BCC détache d'urgence au PC des chars de la VIe Armées avec les moyens de liaison suivants : 2 officiers, 1 voiture et 1 chauffeur, 1 motocycliste et sa machine.

18 juin 1940 :
A 15h, le Bataillon reçoit l'ordre du Colonel Commandant les chars de la VIe Armée, de se porter dans la région de CONFOLENS. A 20h, le Bataillon cantonne dans la zone prescrite et à son PC installé à l'école de ST CHRISTOPHE DE CONFOLENS.

19 juin 1940 :
A 10h, liaison est prise au château de la Boussardie, près ST CLAUD (22 km Sud de Confolens sur route d'Angoulème) avec le Colonel BARON commandant le Centre de Regroupement des chars. Le 36e BCC est rattaché au groupement PRECLAIRE (Bataillons 3 - 49 - 36)
Le Bataillon doit reverser à ANGOULEME tout le matériel FT conservé par la Compagnie d'Echelon ainsi que les munitions conservées par les Compagnies.

20 juin 1940 :
Le Bataillon effectue un mouvement d'environ 200 km et se porte dans la région de GOURNON (Lot). PC du Bataillon installé à 20h à PAYRIGNAC (Ecole de).

21 juin 1940 :
Liaison est prise avec le Commandant PRECLAIRE commandant le groupement, dont le PC est installé à ST PROJET. Le 21 au soir, ordre est reçu d'envoyer dans la journée du 22, un détachement précurseur à CASTELJALOUX. Le Bataillon fera mouvement le 23 pour cette région.

22 juin 1940 :
8h : le détachement précurseur (1 sous officier et 1 Chasseur par Compagnie) part sous le commandement du Lieutenant LANTEAU.

23 juin 1940 :
15h : Départ du Bataillon, en colonnes de Compagnie. La grande halte a lieu 2 km avant CASTELJALOUX. En fin de journée, le PC du Bataillon est installé A ST MICHEL DE CASTELNEAU. Liaison est prise avec le Commandant PRECLAIRE à la mairie de CASTELJALOUX. Les Cies sont à PICHON - PIJOUAN - LAFILLE.

24 juin 1940 :
A 10h30, le Capitaine commandant le détachement du 196e d'artillerie cantonné à ST MICHEL reçoit par télégramme l'ordre d'établir des barrages sur les routes afin de retarder la progression de l'ennemi. Cet ordre est transmis aux Commandants de Compagnie du 36e BCC qui font établir des barrages. Le soir ordre est donné de démolir les barrages. Une Compagnie de marche est constituée d'après l'ordre ci-dessous, reçu vers 14h30 :
- Chacun des 3e et 36e BCC constituera immédiatement une compagnie de marche à l'effectif de 100 hommes (gradés compris)
- Cette Compagnie solidement encadrée et comprenant par priorité des éléments ayant déjà fait leurs preuves au combat sera pourvue de l'armement suivant :
70 fusils et mousquetons - 6 FM - 1 mitrailleuse.
- Cet armement doit être livré ultérieurement. En attendant, essayer de constituer des unités armées au maximum avec l'armement individuel et collectif disponible dans les Bataillons.
- Première urgence : constituer les Cies en personnel et rendre compte au PC du Commandant PRECLAIRE dans la soirée du 24 juin 1940.
La Compagnie est constituée avec l'encadrement suivant :
Capitaine BOUCAYS commandant la 1ère Compagnie - Lieutenant GAY - Lieutenant DESLAY - Adjudant Chef TESSIER - Chefs de Section - compte rendu est porté au Commandant PRECLAIRE à 18h.

25 juin 1940 :
Signature de l'Armistice. Arrêt des hostilités. La Compagnie de marche n'aura eu qu'une existence théorique.

26 juin 1940 :
Le Capitaine VANNEBROUCQ est détaché à l'Etat-Major du Centre de Regroupement des chars à ASTAFFORT. Le Lieutenant LAFILLE est désigné comme faisant fonction de Chef de l'Etat-Major.

27 juin 1940 :
Le bataillon fait mouvement pour la région d'AUCH. PC du Bataillon installé à ORBESSAN (20 km Sud de AUCH).
Une section de sécurité (1 sous officier - 2 Caporaux - 20 chasseurs) est fournie au QG du Centre de Regroupement des chars à LOUBEZ.

28 - 29 juin 1940 :
RAS

30 juin 1940 :
Ordre du jour du 30 juin 1940 :
Le 36e Bataillon de Chars de Combats est l'objet d'une proposition de citation à l'ordre de l'Armée.
Les propositions suivantes ont été faites pour l'attribution de la
- Légion d'Honneur :
Aspirant SIMONET - 2e Compagnie Tué à l'ennemi
Lieutenant GANDER - 3e Compagnie Tué à l'ennemi
Lieutenant ZINDY - 1ère Compagnie Disparu
Capitaine BARUE - Commandant de la 3e Compagnie
- Médaille militaire :
Sgt BOIVERT - Compagnie d'Echelon/36
Sgt Chef CATTIN - Compagnie d'Echelon/36
Sgt RENO - 3e Compagnie
Sgt ARSAC - 1ère Compagnie
Caporal Chef VIENOT DE VAUBLANC Guy - 3e Compagnie
Chasseur DUFOUR Roger - Section de Commandement
Caporal Chef LEZIER Georges - 3e Compagnie
Chasseur HABERLACHER Aloyse - 3e Compagnie
En attendant l'attribution des décorations demandées, les officiers, sous officiers, caporaux et chasseurs ci-dessus nommés sont autorisés à porter le ruban de la croix de guerre, sans insigne sur le ruban.
La citation de la 2e Compagnie aux échelons : Armée - CA - Division - Brigade ne sont pas encore accordées, par suite du retard apporté par la Compagnie pour l'établissement des propositions.
- Sont cités à l'ordre de l'Armée :
Etat-Major et section de commandement : Lieutenant LAFILLE
1ère Compagnie Cne BOUCAYS
Sgt BRASSIER
Cne GINDRE
Compagnie d'Echelon Cne TORTAIT
Chasseur THIVARD
Chasseur COLIN
Cette citation donne droit au port de la Croix de Guerre 1939 avec palmes
- Sont cités à l'ordre du C A
1ère Compagnie Aspirant CHARNAL
Lieutenant CLERIVET
Lieutenant TAILLENS Henri
Lieutenant DREYFUS
Chasseur DRONEAU
Chasseur LIEGEON
Chasseur CHOISEL
3e Compagnie Chasseur MAUREL Jean
Chasseur ESCAITH
Cette citation confère le droit au port de la croix de guerre 1939 avec étoile de Vermeil.
- Sont cités à l'ordre de la Division
Etat-Major et section de commandement : Capitaine VANNEBROUCQ - Caporal RAISIN - Chasseur VIGUIER Gérard - COMPAGNON - TOUBIN Paul - BARRE René - Lieutenant TAILLENS Paul - BARBEROUSSE - LANDEAU
3e Compagnie : Lieutenant GAY - Caporal PILY - Chasseurs GAUTROT Marcel - CHARRIERE Raymond - AMIOT Alexandre - Caporal TOURNADRE ALBERT - Chasseurs CUROT Fernand - MAILLOT Pierre - ROOEY Jean-Marie -  Sergent VANDIER Jean
Compagnie d'échelon : Caporaux SCHREIBER - DUMONET - Sergent Chef SARRON PILLOT - Adjudant BRUNET - Chasseur BURGYS - Sergent CAPEL Gilbert - Caporal Chef MATHEY Louis - Sergent BLONDEAU
Cette citation confère le droit au port de la Croix de Guerre 1939 avec étoile en argent
- Sont cités à l'ordre de la Brigade
1ère Compagnie : Sergent LEGRAND - Caporal Chef LAMARCHE - Caporal JUNGBLUTT - Chasseur MOSSON - DOMON - DAVIAU - EZANNO - PAGAND - Caporal Chef RIVES - Chasseurs HABERER - CAMBUS
3e Compagnie : Adjudant JEUDY - Sergent Chef CHEVASSUS - L'ANTOINE - Sergent DELAHAYE
Cette citation confère le droit au port de la Croix de Guerre 1939 avec étoile de bronze.
- Sont cités à l'ordre de la Brigade
Etat Major et section de commandement : Medecin Lieutenant PELISSIER
1ère Compagnie : Adjudant JEANGUYOT - Sergent LOY - FEVRIER - Caporal GRENARD - Chasseur MARECHAL - GEIN - GIRON - LE DOUARON - BRILLU - Sergent Chef PAPILLON - Chasseurs CATTIER - BARTHELEMY - REY - MALOT - DUBAIL - LAVIGNE - MULTIER
2e Compagnie : Lieutenant THEVENEAU - Chasseurs LABREMS - DESCHAMPS - RECK Eugène - COMES Adolphe - LORRIAUX Eugène - DUVERNAY Antoine - COQU Henri - GRANCHER Marius - SMIGNABOU Maurice - RICHOMME Gérard.
3e Compagnie : Chasseurs BLANCHARD JuleS - BOUCON Robert - WADEL Anselme - LE BARBIER Jean - HAMON Albert - DIETRICH Auguste - Sergent LAMBLIN Jean - Chasseurs MAGNIN Emile - KUSTER Henri - PLAGNE Henri - PIOTTE Henri - HUSSER Alfred - VANNIER Zéphir - BAUDUET Pierre - HENGY René - LORMON Aimé - Sergent COURANT Paul - Chasseur PORTERET Alfred - Sergent BERGER Michel.
Compagnie d'Echelon : Lieutenants DELPRAT - BESLAY - POU DUBOIS - Chasseurs GOUSSET - STOLL - CLOCHARD - CHALLOIN - Sergent Chef LUCKE - Caporal Chef LEVAIN - Chasseurs CUENET - CONREUR - MOUGIN - GOILLEMOT - ESTERMANN - Sergent KRAFFT.
Port de la Croix de Guerre 1939 avec étoile de Bronze.

TEXTES DES CITATIONS A L'ORDRE DE L'ARMEE
Le Général TOUCHON, Commandant la VIe Armée, cite à l'ordre de l'Armée :
Le Capitaine BOUCAYS - Commandant la 1ère Compagnie du 36e BCC
" Officier d'un entrain, d'une bravoure et d'un allant au dessus de toutes éloges. Pendant les opérations du 5 au 10 juin, s'est dépensé sans compter, assurant lui-même les liaisons les plus dangereuses, travaillant avec acharnement à obtenir d'elle le rendement le plus puissant "
Le Capitaine TORTAIT - Commandant la Compagnie d'Echelon du 36e BCC
" Officier d'un sang froid et d'une bravoure légendaire. Véritable entraîneur d'hommes. Avec de faibles moyens défensifs d'une Compagnie d'Echelon a cependant aidé à couvrir le repli de l'Etat-Major et de la 8e Division et des trains de combat. N'a pas hésité à se porter en voiture à proximité immédiate de la ligne de feu afin d'y installer un point défensif. "
Le Lieutenant LAFILLE du 36e BCC
" Officier d'un sang froid et d'une bravoure remarquable. Toujours volontaire pour assurer les missions les plus dangereuses sous de violents bombardements. Par son initiative a rassemblé et aiguillé une colonne dispersée par une attaque aérienne, évitant à certains éléments de tomber aux mains de l'ennemi. Par un ascendant moral constant et remarquable a toujours suscité chez les hommes la résolution de se battre jusqu'au bout. "
Le Sergent BRASSIER de la 1ère Compagnie du 36e BCC
" Sous officier de très haute valeur, chef de demi-section de chars, a assuré en coopération avec des éléments de cavalerie chargés de retarder l'avance ennemie, la défense d'un carrefour important, s'est parfaitement acquitté de sa mission et ne s'est replié qu'après destruction de ses appareils par le feu de l'ennemi "
Le Caporal GINDRE de la 1ère Compagnie du 36e BCC
" Chef de char plein d'allant et de courage, a participé le 6 juin 1940 à la défense d'un important carrefour, ne s'est replié avec les derniers éléments de cavalerie qu'après la destruction de son appareil par l'artillerie ennemie ".
Le Chasseur THIVARD de la Compagnie d'Echelon du 36e BCC
" Ouvrier de l'atelier et utilisé comme mécanicien de char léger, pour protéger le repli de la 8e DI. A accompli sa mission avec courage et abnégation faisant preuve de brillantes qualités. Malgré une avarie causée par un projectile anti-char dans le train de roulement de son appareil, a ramené celui-ci dans nos lignes, le 8 juin
1940.
Le Chasseur COLIN de la Compagnie d'Echelon du 36e BCC
" Conducteur de tracteur, a été employé pour conduire une auto-mitrailleuse et a rempli sa mission avec bravoure ".
Le Chasseur Paul Toubin EM du 36e BCC
" Motocycliste courageux ayant assuré toutes missions en dépit des difficultés et du danger. Demeuré en arrière garde d'une colonne, en a assuré l'ordre et le sauvetage "

36e BCC - 1ère Compagnie
COMPTE RENDU
relatif aux opérations effectuées par la 1ère Compagnie pendant la période du 5 au 8 juin 1940.
1ère Section : Lieutenant DREYFUS
2e Section Lieutenant ZINDY
3e Section Aspirant CHARNAL
Section d'Echelon Lieutenant TAILLENS - Adjudant JEANGUYOT (groupe sur chenilles)

Mercredi 6 juin
1ère Section : est à la disposition du 40e GRDI et forme point d'appui à LAFFAUX. A 10h, à la demande du Commandant du GRD, 2 chars sont envoyés vers l'Ange Gardien pour y former point d'appui. En cours de route, le Capitaine commandant les pelotons motocyclistes les arrête et les fait placer sur la route de LAON, 300 m est du MOULIN DE LAFFAUX. Les 2 chars y passent toute la journée et la nuit du 5 au 6 sous une série de bombardements violents.
Les 2 autres chars disponibles sont déplacés au carrefour NE de LAFFAUX vers midi, point où se replie également l'équipage du char. A 21h, ces 2 chars sont repliés sur LAFFAUX où ils forment un point d'appui aux abords de l'église. Un service de guet est assuré.
2e Section : Est à la disposition du 130e RI, forme point d'appui au GRAND VIVIER. D'après les renseignements obtenus du Colonel commandant le 130e RI, les 3 chars en ordre de marche de la section ont effectué, dans la soirée, une contre attaque efficace dans la région Nord du GRAND VIVIER, puis se sont repliés sur le point d'appui.
3e Section : Est à la disposition du 102e RI, elle occupe le village de SORNY pour y constituer un point d'appui, en particulier elle fournit des guetteurs sur la crête Nord du village et construit des barricades avec une section de pionniers mise à la disposition du point d'appui par le 102e RI.
A 10 heures, la Section subit un bombardement d'aviation. A 16h, le chef de section fait demander au Colonel commandant le 102e RI à NEUVILLE S/MARGIVAL, s'il est possible de mettre à la disposition des éléments d'infanterie, munis d'armes automatiques pour renforcer le point d'appui. Pendant la nuit, les guetteurs sont doublés, la section est en état d'alerte.
Section d'Echelon : L'élément sur roues, qui stationnait à CIRY-SALSOGNE fait mouvement jusqu'à VAUXROT, sauf le camion à vivres et la roulante qui restent à CIRY SALSOGNE avec le personnel de la SE et de la Section de Commandement non indispensable, sous le commandement d'un sous officier de la SE.
L'élément sur chenilles, arrivé la veille de BRAYE, stationne à CLAMECY où les chars sont embossés pour former point d'appui à la disposition du GRD 40. Il comporte 4 chars, 1 char étant resté en panne à BRAYE (carter de démultiplicateur cassé) et un en panne le 23 mai à BERZY LE SEC (moteur fendu - renvois coniques cassés).
Jeudi 6 juin
1ère Section : les 2 chars du MOULIN DE LAFFAUX se portent à 4h sur L'ANGE GARDIEN, en vue d'un nettoyage, y restent seuls embossés et L'ANGE GARDIEN étant encerclé par l'ennemi, se retirent pour reprendre liaison avec les pelotons du GRD avant de repartir pour L'ANGE GARDIEN où à 10h30 ils se trouvent engagés. Les 2 chars y sont détruits par le tir ennemi (probablement arme anti-char), le mécanicien de l'un d'eux est blessé, le reste des équipages se replie indemne vers le MOULIN DE LAFFAUX, d'où, menacé d'encerclement, il repart vers 18h en direction de MARGIVAL et SOISSONS.
Pour les chars de LAFFAUX, ils restent en place jusqu'à 12h subissant à 4h15 un bombardement violent d'aviation, sans subir de dégât. A 12h ils se portent au MOULIN DE LAFFAUX pour protéger la retraite du peloton motocycliste. Ils subissent un bombardement sérieux, sans pertes. Le repli du peloton motocycliste s'étant effectué, les chars reviennent au MOULIN DE LAFFAUX vers 15h30 pour protéger le décrochage.
Mais à 18h, au cours du bombardement sur LAFFAUX par l'artillerie, les 2 chars sont détruits. L'ordre de repli étant alors arrivé, le personnel de la section se replie vers MARGIVAL et SOISSONS où il est récupéré par la colonne sur roue du Bataillon en déplacement vers MONTGOBERT.
2e Section : D'après les renseignements obtenus indirectement, a été engagé dans la matinée dans les bois NE de PINON, après avoir été renforcé par 3 chars de la 3e Compagnie du 36e BCC . Aucune nouvelle directe et précise n'a pu être obtenue depuis sur cette section.
3e Section : à 5h30, le travail reprend aux barricades. A 6h30, bombardement par l'artillerie ennemie sans résultats . Aucun incident pendant la matinée, les chefs de char demeurant auprès de leur appareil prêts à intervenir. A 11h30 une section d'infanterie, renforcée de 5 FM, envoyée par le colonel commandant le 102e RI arrive à SORNY pour renforcer le point d'appui et occupe ses emplacements de combat.
A 13h30, la Section reçoit l'ordre du Colonel de se porter immédiatement avec tous ses chars disponibles et la totalité de son personnel au PC du Régiment A NEUVILLE S/MARGIVAL. Le 5e char a dû être abandonné sur place (bloc moteur fendu) et laissé à la disposition de l'infanterie occupant SORNY.
A 22h la Section reçoit l'ordre de repli. Elle décroche à 23h15 en protégeant le repli des éléments du 102e RI. L'un des chars remorque un canon anti-char de 47 abandonné sur le terrain. Le repli s'effectue PAR MARGIVAL, VUILLERY, BRAYE, SOISSONS, COURMELLES, LA ROCHE. A Vuillery, vers 24h, un char tombe en panne par suite d'un défaut d'allumage, il est incendié sur place.
Section d'Echelon : Le mouvement GIRY VAUXROT, prévu pour la roulante est annulé en raison des bombardements. Accord est passé avec le lieutenant commandant la SE de la 3e Compagnie pour qu'elle soit intercalée dans l'échelon sur roues de cette dernière en cas de repli (l'échelon sur roues de la 3e Compagnie stationnait à SALSOGNE). Dans l'après midi le personnel de l'élément sur roues participe A VAUXROT à l'organisation du point d'appui (1 mitrailleuse - 2 FM) jusqu'à l'ordre de repli. Départ à 21h 30 en direction de MONTGOBERT.
L'élément sur chenilles subit un violent bombardement par l'aviation à 9h 30 sans pertes. Aucun incident jusqu'à réception de l'ordre de repli qui parvient à CLAMECY à 21h. après avoir rendu inutilisable le char indisponible à BRAYE l'élément gagne VAUXROT, alors abandonné, puis traverse l'Aisne à SOISSONS (le 7 à 2 h30)

Vendredi 7 juin :
1ère Section : stationne à MONTGOBERT - RAS
2e Section : aucune nouvelle
3e Section : arrive à 4h45 à LA ROCHE où se regroupe la 102e RI. Les 3 chars restants sont sous-bois et reçoivent une vingtaine d'obus sans dégâts.
Section d'Echelon : Les 4 chars de l'élément sur chenilles, ayant participé au repli, sont abandonnés dans le bois de PRESLES, sous un violent bombardement. Le personnel rejoint Bercy le Sec où se trouvent déjà la 3e Section (avec 3 chars) et 1 char de la SE précédemment mentionné. L'ensemble du personnel récupéré par les camions de l'élément sur roues, est ramené à Montgobert. Les chars, sauf 1 de la 3e Section hors d'état de marche (rupture du bloc moteur) sont conduits par les dépanneurs à Villers Helon où ils passent sous le contrôle de la Compagnie d'Echelon.

Samedi 8 juin :
Toutes Sections : Le personnel disponible participe à l'organisation du point d'appui réalisé par le Bataillon à MONTGOBERT. Ordre de repli à 18h30 et départ successif des éléments sur roues et du détachement de sécurité en direction de BARGNY - VINCY après avoir subi un très violent bombardement aérien à PUISEUX.
Le Capitaine BOUCAYS, Commandant la 1ère Compagnie
Signé : BOUCAYS

36e BCC
ETAT MAJOR
Copie certifiée conforme
PC le 1er juillet 1940
Le Chef de Bataillon ROUSSELOT, commandant le 36e BCC
Signé : ROUSSELOT

36e BCC - 2e Compagnie
COMPTE RENDU
relatif aux opérations effectuées par la 2e Compagnie du 36e BCC du 28 mai au 10 juin 1940.
Après son mouvement sur porte chars, la 2e Compagnie du 36e BCC a été mise à la disposition de la 87e DIA Le 23 mai 1940.
La 87e DI assurait la défense du secteur situé au Nord de l'Aisne, de HERMANCOURT à CRECY AU MONT. Sa mission était d'interdire à l'ennemi le franchissement du CANAL DE L'AILETTE.
La 2e Compagnie de chars a été répartie de la façon suivante :
Sous-secteur Gauche : Tenu par le 18e Rgt de Tirailleurs Algériens, une section de chars (2e section sous le commandement de l'Aspirant SIMONET)
Sous-secteur du Centre : tenu par le 9e Zouave : une section de chars (1ère section sous le commandement de l'Adjudant Chef TESSIER).
Sous-Secteur de Droite : Tenu par le 9e Zouave puis par le 17e RTA une section de chars (3e section sous le commandement du Lieutenant DESPATIN).
PC de la Compagnie et Sous-Section d'Echelon : à hauteur du PC de la Division.

Opérations effectuées du 24 mai au 4 juin 1940 :
Durant cette période, les 1ère et 3e Sections ont occupé des positions d'attente dans les bois à proximité immédiate des lignes dans l'attente de contre-attaques éventuelles. Aucune intervention n'est à signaler ; les 2 sections ont effectué quelques déplacements rendus nécessaires par l'arrivée du 17e RTA venu renforcer le dispositif.
La 3e Section mise à la disposition du 18e RTA a procédé à quelques opérations de nettoyage. Cette section avait 2 chars en position d'attente dans les bois situés au Sud de LA FERME DE LA TINETTE, les autres chars étaient en réparation à l'arrière, à ST PAUL AU BOIS et à BLERANCOURT.

Le 28 mai 1940, l'Aspirant SIMONET a reçu l'ordre de patrouiller en avant de la Ferme de la Tinette pour détruire quelques éléments ennemis ayant réussi à passer le canal. Il est parti avec le Caporal VAINSONNEAU vers 21h30, les 2 chars patrouillaient devant nos lignes sans rien apercevoir de suspect, lorsqu'ils ont été pris à parti par le feu d'armes anti-char.
L'Aspirant SIMONET a été atteint mortellement à la tête, son mécanicien le Chasseur RAVIZOLLI a pu le ramener dans nos lignes et le faire diriger sur le poste de secours.
Le 2e char s'est arrêté brusquement, malgré tous ses efforts, l'équipage n'a pu le remettre en route, après avoir mis l'armement hors d'état de servir, l'équipage a quitté le char et malgré le feu des armes automatiques, il a pu regagner les lignes amies.

Le 27 mai : l'Adjudant KAYSER de la Section d'Echelon prend le commandement de la 2e Section en remplacement de l'Aspirant SIMONET. Jusqu'au 4 juin, cette Section a été postée en surveillance près du PC du 18e RTA : RAS.
Opérations effectuées du 5 au 10 juin 1940 : L'attaque allemande s'est déclenchée sur tout le front vers 4h du matin avec de violents tirs d'artillerie.
Détail des opérations effectuées par chaque Section :
1ère Section :
5 juin 1940 : Section stationnée dans les bois au Sud de la FERME WALLON (800 m Est de TROSLY S/LOIRE)
6h30 : Reçu ordre de porter d'urgence la section sur la route de TROSLY S/LOIRE pour dégager la ligne d'arrêt du 9e Zouaves. Le char M 73743 en panne de moteur est laissé à la PA avec la remorque citerne. Les 2e et 3e mécaniciens sont mis à la disposition du PC du Bataillon à TROSLY S/LOIRE. Les chars restants ont pu refouler les éléments ennemis, mais l'infanterie amie n'a pas suivi. Pendant cette opération, le char C 73074 (Sgt DUBOIS, Chasseur GENTIER) a eu le tourillon et une porte de la tourelle arrachée par un obus, sans mal pour l'équipage. Le char a continué le combat.
Au retour à TROSLY, 2 chars ont été postés près des chicanes C 73074 sortie Nord de TROSLY et M 67391 sortie est de TROSLY). Dans la matinée, ces deux chars sont partis repousser des éléments ennemis au Nord de TROSLY, puis ils sont revenus aux chicanes.
10h30 : Nos 2 autres chars C 73188 et C 71040 reçoivent l'ordre du 2e Bataillon du 9e Zouaves d'aller appuyer la 7e Compagnie du Bataillon dont on était sans nouvelles.
11h30 : Les 2 chars atteignent cette Compagnie après avoir traversé les éléments ennemis sur 1300 m. Le Lieutenant commandant cette compagnie fait poster les chars pour la défense du point d'appui. La Compagnie est complètement isolée.
6 juin 1940 : 16h : le char n° 67391 resté à TROSLY S/LOIRE repousse des éléments ennemis dans le bois situé au Sud de la FERME WALLON et revient à TROSLY. Les autres chars continuent leur mission de surveillance.
7 juin 1940 : 23h30 : la 7e Compagnie reçoit l'ordre du repli immédiat. Au départ, le char 73188 casse une chenille. Il est abandonné peu après. Le char 71040 une tuyauterie d'essence coupée est laissé sur le terrain. Les équipages se joignent avec les fantassins.
Regroupement des chars et des fantassins à TROSLY S/LOIRE . Le char sans tourelles n° 73074 est abandonné pour boucher complètement la chicane. Le char M 67331 assure la protection entière de la colonne se repliant sur VIC S/AISNE. Actions locales de ce char. Traversée de l'Aisne à VIC S/AISNE. Arrêt à SAILLY. Le Chasseur LE COUIC a disparu pendant le trajet.
8 juin 1940 : 8h : La section est transportée par camions à MONTGOBERT, point de regroupement du Bataillon de Chars. Un équipage ramène le char 67391, mais celui-ci casse une chenille à HAUTE FONTAINE et déraille complètement. Le char est abandonné sous le feu de l'artillerie ennemie. Dépannage impossible de jour.
2e Section :
2 chars de surveillance à la rue de Noyon (PC du Colonel commandant le 18e RTA).
5 juin 1940 : 8 h : ordre de porter les 3 chars de BESNE à ST PAUL AU BOIS pour appuyer l'infanterie chargée de la défense du PC d'un Bataillon. Les deux chars sont libérés à 11 h et rejoignent la rue de Noyon. Ils sont alors portés en surveillance devant le PC du Colonel : char C 73243 et M 68078).
18h : Ces 2 chars reçoivent l'ordre de se porter en avant sur les lisières de la forêt. Ils rentrent sans avoir rien découvert après avoir tiré sur des couverts suspects. A signaler la conduite de l'adjudant KAYSER et du Caporal VAINSONNEAU, partis redresser la marche d'un des chars et rentrés au PC où essuyant le feu de l'Infanterie. Les chars reprennent leur faction au PC du Colonel. Ils sont rejoints par l'Adjudant Chef CAZELLES et le char de la Section d'Echelon C 73042 qui se poste avec les autres chars de la 2e Section.
6 juin 1940 : 7 h : Le char 73240 (Caporal VAINSONNEAU) est utilisé en renfort par l'Adjudant Chef CAZELLES au profit de la Compagnie du 17e RTA qui contre attaque vers les lisières Nord. L'adjudant-Chef est blessé dans son propre char (73042) mais il peut ramener les 2 chars à la rue de Noyon. A partir de ce moment le char 73042 passe à la 2e Section.
13h : Les 2 même chars, pour contre attaquer repartent vers le N-E. Le Sergent SEGUINIOL remplace l'Adjudant Chef blessé. Ils réussissent à dégager la partie E de la rue de Noyon. Au retour, la courroie du ventilateur du char 73240 saute. Néanmoins, le char rejoint son poste de surveillance. La pression ennemie est très forte, les chars jouent un rôle défensif très important. Belle conduite du Caporal VAINSONNEAU et du Chasseur THIEBAUT qui essayent sans succès de dépanner leur char 73240 malgré le danger d'encerclement. L'appareil doit être abandonné au repli.
18h : Ordre de se préparer au repli. Le chef de section obtient des fusils pour le personnel à pied.
21h : Le char C 71039 (Sgt ROY) part assurer avec une section d'infanterie la protection vers St Paul, une fuite importante d'essence l'immobilise. Il est abandonné sous le feu de l'ennemi. Le char C 73042 (Sgt SEGUINIOL) part en avant-garde avec une section d'infanterie pour dégager la route du repli. Les deux autres chars forment la queue de Colonne.
7 juin 1940 : 0h : Départ de la rue de Noyon - Arrivée à BLERANCOURT, point de regroupement du 18e RI. La section entière (chars et personnel) à pied avec une section d'infanterie assure la protection arrière du 18e RTA
8h : Passage de l'Aisne à BERNEUIL avec les 3 chars. Le char 68078 est laissé gardé à CROUTOY en panne d'essence. Les deux autres, avec la Section, arrivent à Pierrefonds à 18h, après avoir parcouru 40 km environ depuis le départ. Les appareils n'ont plus d'essence.
20h : La section est retrouvée par le Capitaine et transportée en camions à MONTGOBERT. Les pleins d'essence faits, les 3 chars sont ramenés par de nouveaux équipages. Le char 73042 une tuyauterie d'essence coupée, ne peut être réparé avant le départ de MONTGOBERT. Il est abandonné.
Le char 68078 prend feu près de MONTGOBERT. Le char 73243 ramené à MONTGOBERT doit être abandonné au départ par suite d'un défaut d'alimentation d'essence.
3e Section
Stationnée sous bois près de PONT ST MARD avec 4 chars ; le 71034 est en panne à Montecouve.
5 juin 1940 : 7h : Les chars se portant sur le chemin PONT ST MARD - CRECY AU MONT avec mission d'arrêter les engins motorisés. Bombardement de MONT ST MARD. Pas d'engagement.
15h : Ordre de rejoindre la ferme de Bonnemaison (PC d'un Bataillon du 17e RTA). L'ennemi par d'autres chemins avait débordé les lignes, pendant le trajet, le char M 67830 est abandonné près de PONT ST MARD, la magnéto ne donnant plus. Le char C 73036 prit feu et est abandonné à 2 km de PONT ST MARD.
17h : Le 2 chars restant arrivent à BONNEMAISON PC du Bataillon, leur mission est de surveiller le groupe.
De 17 à 18h : Violents bombardements de BONNEMAISON. Le Lieutenant DESPATIN et le Caporal BOURGEOT sont atteints par éclats d'obus et évacués sur le poste de secours. Le Sgt RITTER prend le commandement de la section.
Après le bombardement , les 2 chars restants opèrent une contre attaque. Le char 69090 reste sur le terrain, l'embrayage principal ne fonctionnant plus. Nuit calme.
6 juin 1940 : La ferme de BONNEMAISON flambe. Le dernier char 73049 (Sgt RITTER) opère une percée pour permettre le repli du PC. Résultat heureux. De plus le char put ramener un capitaine blessé du 17e RTA. La retraite s'est effectuée sans incident notable. Le dernier char a été abandonné à CAGNY, la boîte de vitesse cassée, le radiateur percé. La Section a été ramenée à MONTGOBERT le 7 au soir, embarquée sur camions près de PIERREFONDS.
Les chasseurs GUTKNECHT - ZIMMERMANN et PEQUIGNOT ont disparus pendant le repli.
Echelon sur chenilles
5 juin 1940 : 8h : l'ID 87 donne l'ordre d'envoyer les chars de la Section d'Echelon à CAMELIN et LE FRESNE, à la disposition du Commandant du Bataillon en réserve du 17e RTA.
Les 2 chars restants C 73042 (Adjudant Chef CAZELLES) et C 73138 (Sgt SEGUINIOL), l'échelon sur roues devant se porter à NAMPCEL près de l'ID.
Arrivée des 2 chars à CAMELIN à 14h. La section reçoit l'ordre de se diriger vers la rue de Noyon encerclée par l'ennemi, en appui d'une Compagnie d'Infanterie du 17e RTA. Le char 73138 s'est renversé complètement pendant le trajet. Le dernier char 73042 est arrivé sans encombre à la rue de Noyon. Il s'embosse alors en surveillance en renfort de la 2e Section.
6 juin 1940 : 7h : L'Adjudant-Chef contre attaque avec 2 chars comme dit à la 2e Section. Il est blessé dans son char à l'avant bras, les deux chars purent rentrer sans encombre. Ils avaient permis de capturer 16 prisonniers dont 1 officier.
Section de Commandement - Groupe sur roues
8h : Les éléments non combattants de la Compagnie sont porté à NAMPCEL près de l'ID. Impossible d'avoir des nouvelles des Sections.
20h : l'ID se constitue en point d'appui et le groupe de DCA poste ses deux mitrailleuses aux endroits indiqués.
L'ID donne l'ordre de repli de tous les éléments non combattants et les trains de combat au Sud de l'Aisne. Le chef de Bataillon de chars fixe MONTGOBERT comme point de regroupement.
6 juin 1940 : 2h du matin : l'ensemble du train de combat se replie avec la DCA en couverture. Arrivée à MONTGOBERT à 5h du matin. Le 6 juin, malgré tous les efforts, la liaison avec les sections n'a pu être établie.
7 juin 1940 au soir : La 2e Section est retrouvée à PIERREFOND, la 3e Section à proximité.
Le 8 juin 1940 à 5h du matin : La 1ère Section est retrouvée à SAILLY et ramenée à 8h à MONTGOBERT.
A 17h, un point d'appui est constitué à MONTGOBERT. Le groupe de DCA et ses 2 mitrailleuse y participent.
A 18h : départ de la Compagnie vers BARGNY. Quelques hommes de la Compagnie embarquée sur les derniers camions de la colonne ont été pris à partie par des éléments ennemis pendant le trajet et cernés. Ont disparu dans ces conditions les chasseurs :
PRUDENT - TERLISKA - CACOU - LEVEAU - CORNIC - CASSELEUX
Bombardement au passage à VILLERS COTTERET, la moto n° 294410 a été perdue au cours du bombardement de VILLERS COTTERETS.
PC le 24 juin 1940
Le Capitaine MERCIER, Commandant la 2e Compagnie
Signé MERCIER

36e BCC - ETAT MAJOR
Copie certifiée conforme - PC le 1er juillet 1940
Le Chef de Bataillon ROUSSELOT, commandant le 36e BCC
Signé : ROUSSELOT

36e BCC - ETAT MAJOR - 3e Compagnie
COMPTE RENDU
relatif aux opérations effectuées par la 3e Compagnie du 36e BCC du 25 mai au 10 juin.
J'ai l'honneur de vous rendre compte de ce que à la date du 26 mai 1940, la 3e Compagnie du 36e BCC a été mise à la disposition de la 28e DI.
En accord avec le Colonel CONQUET commandant le ID de la 28e DI, il fut décidé que la 1ère Section (Lieutenant GANDER) et 2e Section (Adjudant Chef LAVERGNE) seraient embossés aux têtes des ravins au Nord et N-E d'OSTEL et que la 3e Section (Lieutenant SONREL) serait placée en position d'attente dans les ravins de la Garenne (Ouest de la Ferme de l'Orme).
Les Sections regroupées dans les bois au Nord de BUCY LE LONG ensuite du débarquement à BERCY LE SEC firent mouvement dans la nuit du 25 au 26 mai 1940 pour se rendre à VAILLY SUR AISNE (position intermédiaire dans la nuit suivante (26 au 27). Les 1ère et 2e Sections se portèrent au Nord d'OSTEL et la 3e Section dans le RAVIN DE LA GARENNE, les 2 premières travaillant au profit du 1/99e RIA et la dernière au profit du 97e RIA. La Section d'Echelon resta à VAILLY S/AISNE pour assurer la défense des barrages, notamment à l'Est, du Village en direction de CHAVANNE.
Le 5 juin 1940 : l'ennemi déclanche une attaque sur le canal de l'Oise à l'Aisne, à 5h15, le même jour, le Lieutenant SONREL, Chef de la 3e Section reçoit l'ordre du Colonel commandant le 97e RIA de se porter en direction de la FERME MANY, des infiltrations allemandes s'étant produites au Sud du Canal. Il reçoit pour mission de contre attaquer, d'empêcher le repli des éléments du 97e RI. Vers 5h20, il se porte avec sa Section sous un violent bombardement d'artillerie vers la Ferme Many, mais n'aperçoit au cours de sa progression aucun élément français ni allemand. Après avoir louvoyé près des abords de la ferme une trentaine de minutes, il ramène sa Section en colonne par les lisières Sud Est de CHAVIGNON. Le Chef de Section revient alors par son ancienne position d'attente et n'apercevant plus ses 2e et 3e mécaniciens qui s'étaient repliés en même temps que les éléments du 97e RIA et de l'artillerie de montagne en secteur poursuit son chemin par la route de LAON à SOISSONS et s'arrête à la carrière du Fruty en raison d'une panne dans le train de roulement (axe de patin cassé), ceci dans le but de mettre son appareil en dehors des lignes ennemies et de permettre son dépannage. Les 4 autres chars rassemblés par le Sergent RENOT, Chef de la 1ère ½ Section revenant de leur tour à leur ancienne PA se mettent en liaison avec l'Infanterie. Le char du Sergent RENOT ayant pris feu, ce dernier prend le char du Caporal PELLETIER et après avoir refait les pleins d'essence travaille ensuite au profit du 130e RI auquel est affecté la Section ZINDY.
Le Lieutenant SONREL rejoint la 3e Compagnie le 5 juin au soir après être passé au bureau du Bataillon.
Le jeudi 6 juin : l'ordre de repli au Sud de l'Aisne est décidé par le Commandant. L'Echelon sur Chenilles (moins un char en panne à CONDE SUR AISNE) fait mouvement en deux temps pour se replier de VAILLY SUR AISNE sur BRENELLES. Trois chars exécutent le repli de 0h à 5h. Les deux derniers dont celui du Capitaine assurant le garde des barrages à VAILLY SUR AISNE se replient sous la direction de l'Adjudant JEUDY et du Sgt-Chef CHEVASSUS à 4h du matin. Les deux chars sont repliés dans le parc du CHATEAU DE LA TUILERIE, y passent la journée du 7 juin, rejoignent BRENELLE la nuit suivante.
L'échelon sur roues quitte dans la même nuit CIRY SALSOGNE pour la Ferme de RUGNY (Sud du Mont de Soissons). Les 1ère et 2e Sections se replient des têtes de ravins d'Ostel dans le bois Morin (Château de la Tuilerie). Le mouvement s'effectue normalement et à 4h le 7 juin, les deux sections de Combat et la Section d'Echelon sont en place. Avant le franchissement du Pont de Vailly s/Aisne, le Chasseur de 1ère classe HABERMACHER fonctionnaire chef de char est tué par éclats d'obus.
Dans la journée du 7 juin, l'ennemi déclenche des tirs d'artillerie très violents sur le Château de la Tuilerie et le bois Morin. Dans la journée, les chefs des 1ère et 2e Section font des reconnaissances en vue de l'engagement de leur section notamment en direction des Grèves Sablières et de l'Ecluse sur le canal.
Vers 18h, le Lieutenant GANDER et l'Adjudant Chef LAVERGNE me signalent que le bombardement d'artillerie devient plus intense et qu'il est inutile de choisir une nouvelle position d'attente. En commun, une reconnaissance est faite et il est décidé que de nouvelles positions à la gauche de la route de CHASSENY à VAILLY seraient occupées dans la nuit.
Vers 22h, un Chasseur de la 1ère Section visiblement commotionné arrive au PC de la Compagnie et rapporte que le Lieutenant GANDER a été tué et que le Caporal Chef DE VAUBLANC et le Chasseur CHARRIERE ont été grièvement blessés par des éclats d'obus. Cet accident semble être survenu au moment où le Lieutenant GANDER avait rassemblé ses chefs de chars pour leur expliquer le mouvement qui allait être exécuté.
Devant le repli du 3/99 sur une position de soutien, l'adjudant Chef LAVERGNE, chef de la 2e Section replia sa section et celle du Lieutenant GANDER sur BRENELLE en passant par BRAINE, arrivé au PC de la Compagnie le 8 juin vers 2h du matin, je lui donnais l'ordre de rejoindre au plus tôt la région de CHASSENY. Aucun ordre de repli officiel m'ayant été donné et sa Section étant susceptible d'intervenir incessamment. Le Caporal Chef VERDIER qui connaissant l'itinéraire guida la colonne, mais par suite d'un malentendu s'arrêta à une carrière pas trop éloignée de CHASSENY.
Le 8 juin au matin, le Colonel LACAZE commandant le 99e RIA me demande où était ma Section de chars. Je lui indiquai alors qu'elle se trouvait dans les carrières et champignonnières 1000 m Est de CHASSENY. Mais après être rentré téléphoniquement en relation avec le Chef de Bataillon MOUVELET commandant le 3/99 dont le PC se trouvait aux dites carrières, il apparaît que la 2e Section ne se trouvait pas là.
Sur l'ordre du Colonel LACAZE, je me rendis au PC du Commandant MOUVELET pour faire les recherches. On constata alors que la 2e Section s'était rendue à une autre carrière. Aussitôt je fis la reconnaissance d'itinéraire avec l'Adjudant Chef LAVERGNE, travail délicat car le terrain était exposé aux vues de l'ennemi et balayé par un tir d'artillerie assez nourri. L'Adjudant Chef LAVERGNE exécuta alors ce mouvement de jour et s'embossa aux environs immédiat de la champignonnière à 15h, malgré un enfer d'aviation et d'artillerie, la Section était en place vers 17h. L'Infanterie commença son mouvement de repli. L'Adjudant Chef LAVERGNE reçut alors la mission de protéger le repli des éléments du 99e et de ne se retirer qu'après avoir pris liaison avec le GRDI et de ramener vers l'arrière les chars disponibles. Les chars ne pouvant être ramenés devaient être rendu inutilisables avant repli.
L'Echelon sur chenilles et les chars de la 1ère Section qui avaient été placés tant dans des granges qu'aux abords de BRENELLE furent soumis toute la journée du 8 juin à un très violent bombardement aérien et terrestre. Le village de BRENELLE ayant été complètement détruit, les chars et les remorques ne purent être dégagés des décombres. Tous ces chars ont été rendus inutilisables sauf un qui n'a pu être retrouvé parmi les décombres.

36e BCC - Compagnie d'Echelon
COMPTE RENDU
des journées des 7 et 8 juin où la Cie d'Echelon/36 a été utilisée dans la constitution de points d'appui et a couvert avec l'Etat-Major du Bataillon et la Section de commandement, le repli de l'Etat-Major de la 8e DI et de ses trains de combat.
Pendant la Bataille de l'Aisne, la Compagnie d'Echelon a stationné d'abord dans le parc de VILLERS - ECLON puis dans MONTGOBERT.
Le 7 dans la nuit à 0h30, l'Etat-Major et la Section de commandement venant de VAUXROT et les débris des 1ère et 2e Cie viennent se regrouper à MONTGOBERT.
A 20h30 le PC du Général commandant la 8e DI vient s'installer aux emplacements de la Compagnie d'Echelon qui reçoit du Général commandant la 8e DI l'ordre d'évacuer MONTGOBERT.
Aucun ordre n'étant parvenu des chars du CA, le Chef de Bataillon se rend près du Général commandant la 87e DI pour obtenir de rester au château et dans le parc. Le Général refuse de le recevoir. Le Chef de Bataillon de sa propre autorité occupe le parc, le château et les dépendances du château et libère les bâtiments demandés à la 8e DI.
Le 8 dans la matinée, un poste d'observation est placé aux abords du château.
A 10h le Capitaine en observation à ce poste voit des fantassins se replier, et en absence du Chef de Bataillon parti sur la ligne de combats pour se mettre en liaison avec la 28e DI et la 3/36, le Capitaine commandant la Compagnie d'Echelon/36 envoie prévenir le Général. Celui-ci ordonne la mise en défense du PC et confie cette mission au GRD et au Capitaine TORTAIT commandant la Compagnie d'Echelon/36.
Un secteur est attribué à la Compagnie d'Echelon qui dispose de 2 mitrailleuses Hotchkiss (DCA) et 4 FM. Chaque arme est servie par un gradé chef de pièce, un tireur, un chargeur, un aide chargeur. Quelques chasseurs armés de fusils ou de pistolets automatiques concourent à la défense de MONTGOBERT.

PC 8 juin - 11heures.
1 AMR - 1 char H 39 aux ordres de ………………..
sont mis à la disposition du s/secteur LAVERSINE. Mouvement immédiat et de manière à éviter toute méprise.
Général Commandant CALYPSO signé : illisible

Les 2 équipages volontaires patrouillèrent à outrance couvrant le repli de la 8e DI et maintenant l'ennemi. Le Sgt Chef CATTIN est blessé à la main dans son appareil et ne peut ramener son appareil dont la chenille est coupée par un obus. Le H 39 rejoint nos lignes plus tard, abondamment mitraillé par l 'ennemi et la poulie de tension traversée par un obus de 37 à quelques cm de la chenille.
Vers 13h30, le Chef de Bataillon rentrant de la 28e DI se présente au PC de la 8e DI et reçoit l'ordre de prendre le commandement du dispositif de sécurité fourni par le 36e BCC. Il forme 2 groupements : le 1er commandé par le Capitaine BOUCAYS - 4 mitrailleuses DCA des Cies - le 2e commandé par le Capitaine TORTAIT.
Après avoir donné des ordres et installé son PC en arrière de la route VALSERY et LONGPONT, il fait demander au Général par le Capitaine WANNEBROUCQ l'autorisation de faire replier les véhicules de la Compagnie d'Echelon inutiles pour le combat ; en, particulier l'atelier et les citernes à essence. On lui refuse.
Vers 17h, ordre est donné d'envoyer un Officier avec une équipe de FM au carrefour de la route de VALSERY et LONGPONT et route Soissons - VILLERS COTTERETS pour arrêter le repli de l'infanterie et lui faire regagner " Versefeuille " Ferme où un point d'appui est en voie d'organisation (ordre verbal). A 17h30 le Bataillon reçoit l'ordre de faire replier les camions de la Compagnie d'Echelon sur BARGNY. La colonne prend la route de Puiseux.
Vers 19h30, le Chef de Bataillon apprend que le GRD s'est replié sans en avertir les éléments du 36e BCC avec lesquels il était en liaison.
Le chef d'Etat Major de la 8e DI averti par les soins du Commandant ROUSSELOT lui donne l'ordre de se replier sur les autres positions qu'il doit défendre (CARREFOUR DU SAUT LE CERF). Le Chef de Bataillon fait embarquer en camion les dispositifs de sécurité et par PUISEUX donne l'ordre de se porter : éléments Capitaine BOUCAYS au carrefour Ouest du Saut le Cerf - au Capitaine TORTAIT de tenir le Saut le Cerf.
Les camions prennent la route de PUISEUX, mais il leur faut doubler une colonne d'artillerie et celle des véhicules de la Compagnie d'Echelon. Une attaque aérienne à la bombe et à la mitrailleuse coupe la route dans PUISEUX et immobilise les colonnes pendant plus d'une heure.
Vers 20h30, les éléments de sécurité du Bataillon arrivent aux carrefours indiqués mais ils sont pris à parti et dissociés par des éléments d'infanterie motorisée ennemie qui les ont devancés. Deux camions sont criblés de balles, les conducteurs sont blessés ou tués, plusieurs sont touchés.
Un certain nombre de gradés et de chasseurs parviennent à rejoindre le Bataillon qui est près de là. D'autres rejoindront le lendemain ou plusieurs jours après.
A 21h30, le Chef de Bataillon reçoit l'ordre de se replier et de gagner BARGNY puis VINCY où le Bataillon arrive à 3h du matin.
Le Capitaine TORTAIT Commandant la Compagnie.


3 juillet 1940 : Le 36e Bataillon de Chars de Combat forme un Bataillon de marche sous les ordres du Chef de Bataillon ROUSSELOT.
Le 36e Bataillon de Chars de Combat a fait la guerre.
Le 36e Bataillon de Marche veille à la naissance de l'ordre nouveau.
La présente édition du Journal de Marche et Opérations du 36e BCC est arrêté à la date de ce jour 3 juillet 1940. Le PC du Bataillon étant à Orbessan - Gers.

 

 

1940 - 36e BCC historique

             


                   36e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT








Commandement    

Etat major
(6 officiers, 1 sous-officier, 33 hommes, 3 véhicules de liaison , 2 camions , 1 remorque, 2 motos)
Compagnie d'échelon    
(2 officiers)
- Section de services     (4 sous-officiers , 34 hommes, 2 véhicules de liaison , 1 camionnette, 5 camions, 1 remorque, 1 moto),
- Section de réparation     (1 officier, 4 sous-officiers, 32 hommes, 1 véhicule de liaison, 3 camionnettes, 1 camion, 4 tracteurs lourds à roues, 3 tracteurs chenillés, 3 remorques à 4 roues, 1 moto)
- Section d'Atelier     (1 officier, 2 sous-officiers, 34 hommes, 1 véhicule de liaison, 2 camionnettes , 2 camions, 1 remorque à 4 roues, 1 moto)
- Section logistique     (1 officier, 5 sous-officiers, 26 hommes, 1 véhicule de liaison, 3 camionnettes, 9 camions, 2 remorques, 1 moto)

3 compagnies    
- Section de Commandement     (1 officier, 3 sous-officiers, 23 hommes, 1 FT canon, 3 véhicules de liaison dont un avec mitrailleuse AA, 1 moto, 1 moto avec 1 mitrailleuse AA,  3 MG)
- 3 Sections de 5 FT  (1 officier, 2 sous-officiers, 17 hommes , 3 FT canon , 2 FT mitrailleuse)
- 1 Section de réserve de 5 FT    (1 officier, 7 sous officiers, 35 hommes, 3 FT canon, 2 FT mitrailleuse, 1 camion de munitions, 1 camion citerne de 2500 litres, 1 camion de vivres, 1 camion de 5t de matériel, 5 remorques pour char, 1 remorque)

 

Le 36e bataillon se trouva fin mai en première ligne, plaçant à la suite d'innombrables trajets nocturnes ces trois compagnies de combat sur l’Ailette. Les vieux FT - dont certains portaient des traces de balles et d’éclats d'obus datant de 14/18 - cahotant, crachant le feu dans des crépuscules meurtriers, secoués sous le souffle des bombes, décimés par une artillerie meurtrière, ensevelis dans les grottes du Soissonnais, allaient mourir vaillamment, sur les positions avancées de la 87e D.I., de la 7e D.I. et de la 28e D.I.

Trois compagnies de FT devant trois divisions ! Ames des morts de 14/18, âmes de nos camarades tombés sur l’Ailette, au Chemin des Dames, à la Malmaison, dans ces plaines fertiles et nues, dans ces ravins plongeant vers l’Aisne, je conçois que le repos ne vous ait pas gagné, à voir les conditions qui nous menèrent à la mort, avec un matériel périmé.

Le 5 juin, au matin, les FT reçoivent le feu ennemi sur tout le front. Durant quatre jours, toutes les sections de combat s'effritent, puis les sections d'échelon engagées dans le combat. Quand il n'y a plus de chars, les restes du bataillon s'organisent en point d'appui, avec deux mitrailleuses, 1 FM et le pistolet des officiers et des hommes.
Dans toutes les compagnies de combat, à la compagnie d'échelon, à l'état-major et à la section de commandement, un moral de fer conduit chacun. Les équipages savent que leurs engins les désignent aux coups sans les protéger. Peu importe : c'est l'aspirant Simonet patrouillant seul sur l’Ailette, sans appui de feux, tué d'une balle dans la tête à travers sa tourelle, traversée comme une motte de beurre. C'est l'adjudant chef Cazelles et son mécanicien Bousquet qui foncent sur l'ennemi, crachent la mitraille, font prisonniers un officier et 15 hommes. Cazelles, le bras en sang ne s'occupe pas de sa grave blessure, mais écrit au chef de bataillon pour lui signaler l'emplacement de sa remorque à essence !
C'est le sergent Dubois qui a son tourelleau arraché par un obus, sa lunette déréglée par le choc et qui, les yeux brûlés de poudre, continue le combat dans son char découronné. C'est le sergent chef Cattin de la compagnie d'échelon qui remet une A.M.R. en état alors qu'elle était abandonnée et qui fonce sur l'ennemi dans les blés, le torse hors de la tourelle pour mieux voir son champ de tir. Une balle lui fracasse la main, son mécanicien paye sans doute de sa vie leur héroïsme commun et il rampe épuisé, sauvant sa mitrailleuse au long des haies et des fossés. C'est le sergent Boivert qui, dans un H 39 récupéré, maintient l'ennemi et rejoint le bataillon avec un engin criblé de coups.
C'est la section Sindy qui brûle en une journée toutes ses munitions, réapprovisionne de nuit dans une carrière et refait un feu d’enfer le lendemain.
C'est le lieutenant Gander et le caporal-chef de Vaublanc, l’un tué et l’autre grièvement blessé en phase de Vailly sur Aisne.
C'est le sergent Ritter qui, appelé à prendre le commandement de la 3e section de la 2e compagnie, n'a plus qu'un seul char ; avec son FT qu’il pousse à fond, il perce les lignes ennemies, dégage un PC et ramène un capitaine blessé du 17e R.I.A.
Le chasseur Caudeyras mécanicien, saute de son char incendié, s'accroche à l'infanterie et mène le combat, revolver au poing, suivi bientôt par d'autres équipages.
Le motocycliste Dronneau joue avec la mort au Chemin des Dames.
Et, pendant que les chars flambaient, tombaient épuisés, que les équipages farouches défiaient la mort avec gaieté, on pouvait voir les officiers de l'état-major, le chef de bataillon au contact.

Le 8 juin au soir, le bataillon a perdu en tués, blessés, disparus : 115 officiers, sous-officiers et chasseurs.
Six chefs de sections sur neuf ont disparu, deux officiers sont tués, un grièvement blessé, l'adjudant chef blessé et évacué ;
50 % de l'effectif des sous-officiers est perdu ;
Les 63 chars FT sont détruits. Le H 39 récupéré après un véritable raid de nuit, rejoignit seul les débris du bataillon, réorganisés et tenus fermement en mains par le chef de bataillon.
La tragique odyssée du 36e BCC illustre cette vérité qu’en 1940 ceux des chars avaient le coeur bien placé.
C'est pourquoi les survivants du bataillon lèvent la tête, jaloux de leurs morts, fiers de leurs souffrances, l'espoir au coeur, l'espoir de la renaissance de leur arme qui ira avec la renaissance de la patrie. Le 36e BCC prend place au nom dans nombre des bataillons glorieux. Il reste des larmes de rage dans nos voix, mais elles seront plus claires pour reprendre, en des jours meilleurs, le refrain des chars.

 

Sources : Archives du SHAT Vincennes.

  1. 1940 - 35e BCC historique
  2. 1940 - 34e BCC historique
  3. 1940 - 33e BCC historique
  4. 1940 - 32e BCC jmo

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