44e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT
Unité formée à Valence le 16 novembre 1939, avec des éléments du dépôt 504 réservistes du Rhône et des Alpes et armée de R 35
ENCADREMENT
Chef de Bataillon LIBMANN, Commandant le Bataillon.
Capitaine ALEXANDRE, Chef d'Etat-Major.
Lieutenant BARTHES, Officier de Renseignements.
Lieutenant DUGNE, Adjoint Technique.
Lieutenant CHEVALLIER, Chargé des Détails.
1ère COMPAGNIE | 2e COMPAGNIE | 3e COMPAGNIE | COMPAGNIE D'ÉCHELON |
Lieutenant LECLERC, Cdt de Cie. Lieutenant BARDEL Lieutenant MAGNAN Lieutenant NOBLET Lieutenant POLION Lieutenant VIGNON, Sect. Echelon. |
Lieutenant CURRAL Lieutenant AZENAY Lieutenant SANTA-MARIA Lieutenant GARACCIO Sous-Lieutenant CABANEL Lieutenant POISSON, Sect. Echelon. |
Lieutenant ORSAT Lieutenant GOUTTEBARON Lieutenant ZENDO Lieutenant GAUTHIER Sous-Lieutenant JULIEN Lieutenant PERRET, Sect. Echelon. |
Capitaine REYNAUD, Commandant de Compagnie. Lieutenant DUSANT, Adjoint Lieutenant EXBRAYAT, Atelier Lieutenant BERNARD, Approvisionnement. |
I. - 16 NOVEMBRE 1939 - 14 MAI 1940.
16 NOVEMBRE. - Constitution de l'unité à Valence.
28 NOVEMBRE. - Le bataillon est dirigé sur Suze-la-Rousse (Drôme).
28 NOVEMBRE au 14 MAI. - L'instruction est poussée avec quelques appareils F.T. et 3 R 35.
15 MAI. - Le bataillon reçoit l'ordre de se tenir prêt à faire mouvement. Le même jour arrive en gare de Croisière un train de chars R 35 qui lui est destiné. Les appareils ne sont pas débarqués et ne seront affectés aux unités qu'au moment du débarquement.
16 MAI. - Le bataillon embarque de nuit en trois trains.
1er: Chars ; 2e: E.M., 1ère et 2e Cies ; 3e: 3e Cie et C.E.
II. - 17 MAI 1940 - 31 JUILLET 1940.
18 MAI. - Vers midi les trains dépassent Paris. Le troisième est violemment bombardé en gare d'Hormoy-Villers et ne peut poursuivre sa route sur Compiègne.
Dans la nuit un des trains débarque à Crouy. Un quatrième train de matériel auto venu directement de Paris débarque à Verzy.
19 MAI. - Le deuxième train, E.M., 1ère et 2e Cies débarquent au matin à Crouy. A peine le débarquement est-il terminé qu'un sévère bombardement aérien s'abat sur le bataillon.
De nombreuses voies sont coupées et le troisième train (3e et CE) est détourné et à 9 heures débarque à Fismes où également il est bombardé. Après débarquement ces deux unités font mouvement sur le château d'Ecrury.
Le bataillon est affecté à la 4e division cuirassée.
20 MAI. - Les 1ère et 2e Cies sont établies en stationnement gardé à Crouy et dans la nuit elles vont prendre position sur l'Ailette et l'Oise à la garde des ponts.
La 3e Cie et la CE font mouvement sur la forêt de Villers-Cotterêts.
Au cours d'une reconnaissance dans la région de Laon le Chef d'Etat-Major est tué.
21 MAI. - Protection des ponts de l'Ailette.
22 MAI. - Le bataillon est affecté à la 8e demi-brigade. La 3e Cie et la CE parviennent à rejoindre le bataillon. L'ensemble de la DCR fait mouvement sur la forêt de Compiègne (région de Pierrefond) où elle passe la nuit.
23 MAI. - Stationnement gardé dans la forêt de Compiègne. La 2e Cie est mise à la disposition d'une avant-garde (7e RDP).
24 MAI. - Par Compiègne, le bataillon fait mouvement en direction de Moreuil en vue de participer sur la Somme à la réduction de têtes de pont. La 1ère Cie est transportée sur porte-chars, la 3e Cie fait mouvement sur chenilles.
En fin de trajet les compagnies prennent position dans les bois de La Neuville St Bernard, la CE stationne à Rollot.
25 MAI. - A 21h45, le bataillon reçoit l'ordre de se porter à Courcelles pour y être engagé dans la réduction de la poche d'Amiens. Sous un déluge de projectiles le mouvement s'opère par Ailly-sur-Noye et Conty.
26 MAI. - Des positions d'attente sont prises à Courcelles et à midi les unités se portent à leurs positions de départ au bois de Ferrières et au bois d'Ailly par l'itinéraire Quevenvillers et Bourelles.
27 MAI. - La section Bardel (1ère Cie) entre en contact avec des éléments ennemis. Après un bref combat les Allemands se retirent, laissant sur le terrain de nombreux morts.
Le PC à Saissement est bombardé par l'artillerie et l'aviation. A la tombée de la nuit la Division Coloniale déclenche une attaque que le bataillon doit appuyer, mais au moment où la manœuvre va s'amorcer d'autres ordres mettent la DCR à la disposition d'autres grandes unités.
28 MAI. - Au matin le bataillon fait mouvement. Par Riencourt, Warlus, Airaines et Meucourt et à midi atteint le bois de Cambos.
La DCR est mise à la disposition de la 7e Armée pour attaquer la tête de pont d'Abbeville.
Le bataillon se porte à ses positions de départ à Limeux par Wiry-au-Mont, Citerne, Trucourt.
Le bataillon attaque au centre du dispositif avec le 22e RIC à droite la 2/24 BCC et à gauche la 6e demi-brigade de chars. Mission : réduction de la tête de pont d'Abbeville.
Axe d'attaque : Limeux, bois du Mont-Blanc, Vieux Moulin de Limeux, Limercourt, Villers-Mareuil, Mont-Caubert.
Premier objectif : cote 104, Huchenneville, lisière sud du bois des Hetroy.
Deuxième objectif : pentes sud du Mont-Caubert.
Préparation d'artillerie H-10.
H : 17 heures.
Dispositif du bataillon : à droite 2e Cie, au centre 3e Cie, à gauche 1ère Cie.
Sous un tir dense et continu de l'artillerie allemande, l'attaque part. Le vieux moulin de Limeux est nettoyé de tout ennemi, le bois de Hetroy est pris après destruction de nombreuses armes antichars. Les sections filent en colonne par la route jusqu'à Mareuil-Caubert, deux sections patrouillent dans le village à 7 km de toutes troupes amies. Des vues sur la grande route laissent percevoir la montée en hâte des renforts ennemis pour boucher la brèche que la DCR vient d'ouvrir. La colonne ennemie est prise sous le feu de la section Pollion, les hommes sautent à terre en quelques minutes, les mitrailleuses et les canons réduisent la colonne.
A la nuit les objectifs sont atteints par les chars mais l'infanterie n'a pas progressé, le bataillon est contraint d'abandonner les positions conquises et dans la nuit les unités se regroupent au château de Caumont.
29 MAI. - L'attaque doit être reprise à 6 heures. Les unités sont en place, prêtes à déboucher, lorsqu'à 5h30 les chars allemands débouchent sur le plateau, nos chars se lancent à l'attaque de l'adversaire qu'ils prennent de flanc. En quelques minutes 6 de ses chars sont détruits. Les compagnies se portent à l'attaque d'Huchenneville et du bois de Hetroy, Les Allemands ont renforcé leur défense mais grâce au soutien de l'artillerie de la DIC le bataillon s'empare du bois de Hetroy.
La 1ère Cie se lance à l'attaque de Villers-Mareuil et y mène un combat rue par rue, maison par maison, qui dure une heure, où les chars vident leurs casiers à munitions. D'autres appareils atteignent le carrefour des Croisettes et la cote 104.
Les chars se regroupent à la nuit.
30 MAI. - Bombardement intense par l'artillerie allemande. L'ennemi tient les positions du bois de Villers à moins de 300 mètres des lignes françaises.
A 14 heures, le bataillon reçoit l'ordre d'attaquer le bois de Villers. Après plusieurs attaques successives qui échouent, où le bataillon a 7 chars détruits, enfin il livre à l'infanterie (22e RIC) la lisière sud du bois.
Au cours de la journée certaines sections épuisèrent leurs munitions jusqu'à trois fois.
A la nuit les chars sont regroupés à Villers-Mareuil.
31 MAI. - A 4 heures, la 4e DCR est relevée par la 2e DCR. Le bataillon se porte sur Frucourt.
1er JUIN. - Les chars sont sur les camions de la CT 74 qui les transportent à Rothoy (4 km est de Marseille-en-Beauvaisis).
2 JUIN. - La CE rejoint le bataillon et procède à la remise en état du matériel.
4 JUIN. - Bombardement aérien de Rothoy.
5 JUIN. - Mouvement sur Abbécourt (sud de Beauvais), la CE stationne à Haudenc-l'Evêque.
6 et 7 JUIN. - Abbecourt est bombardé.
8 JUIN. - Sur la Somme l'ennemi a rompu nos défenses. A 11 heures 30, le bataillon reçoit l'ordre de se porter au nord de Beauvais pour organiser une position d'arrêt.
Le bataillon occupe une position en bouchon à la Place, près de Pierrefitte, puis à la nuit à Pierrefitte même.
9 JUIN. - L'ennemi bombarde Pierrefitte par avions et artillerie. L'ordre de repli de la DCR prescrit au bataillon de couvrir la division au nord et à l'ouest en établissant un bouchon à La Vallée.
La 2e Cie est détachée en avant-poste au carrefour des Fontainettes où elle est surprise par une attaque allemande et se trouve scindée en deux. Après une résistance acharnée deux sections sous les ordres du Lieutenant Azenay cherchent à dégager le reste de la Compagnie. Ils ne peuvent malheureusement y parvenir et les autres éléments tombent aux mains de l'ennemi. Afin de dégager cette Compagnie, le chef de bataillon s'apprête à lancer la 1ère Cie quand parvient l'ordre de la DCR de porter le bataillon sur Marines.
Les unités y parviennent à la nuit et les deux sections de la 2e Cie rejoignent dans la nuit.
10 JUIN. - Le bataillon passe la Seine au pont de Poissy et par Gisors et Marines atteint Chartron.
11 JUIN. - La CE établie à Neauphle-le-Château y est bombardée par avion.
12 JUIN. - L'ennemi a franchi la Seine en plusieurs points, le bataillon reçoit l'ordre de se porter à Condé-sur-Vesgre par Epernon et Auneau.
13 JUIN. - Le bataillon est établi en bouchon défensif à Condé-sur-Vesgre et à 14h30 reçoit l'ordre de décrocher. Nouveau PC à Ensonville (sud de Chartres).
14 JUIN. - Stationnement gardé à Ensonville.
15 JUIN. - Le bataillon est envoyé à Chartres pour coopérer à l'établissement d'un bouchon. PC Luisan (lisière sud de Chartres). Les bombardements aériens sont incessants. La 8e demi-brigade est chargée de couvrir la retraite de la DCR et le bataillon reçoit la mission d'assurer l'arrière-garde.
16 JUIN. - Nouveau repli sur Bonneval et établissement d'un bouchon à Mérogier,
17 JUIN. - Bouchons autour de Bonneval. PC Guibert puis Montradille. Nombreux accrochages avec les avant-gardes allemandes. A midi repli sur Châteaudun. Bombardement par des avions italiens.
PC successifs Lavarenne et Thiville, où le bataillon assure la sécurité de l'embarquement des éléments de la 85e DI. A 20 heures, le bataillon se replie et passe la Loire au pont de Blois qui saute après le passage du dernier char du bataillon.
18 JUIN. - PC Colettes. A midi le bataillon se porte aux lisières sud de Blois. PC Saint-Gervais.
19 JUIN. - A 2 heures mouvement sur Chambord, organisation d'un bouchon. PC parc du Château.
A 5 heures le PC est porté à Huisseau et à midi au nord de Cellettes. La 3e Cie patrouille sur la rive gauche de la Loire et détruit de nombreux radeaux et embarcations sur lesquels les Allemands tentent de franchir le fleuve, tandis que notre artillerie effectue des tirs sur la rive droits.
L'ennemi réussit à franchir la Loire en amont et en aval de Blois, menacée d'encerclement la DCR se replie. Le bataillon s'installe en bouchon à Contre.
20 JUIN. - Mouvement général, le bataillon passe le Cher au pont d'Augé. Le pont saute juste au moment où l'ennemi prend position sur la rive droite. PC Cère.
A 17 heures, le repli est repris. PC Briare, franchissement de l'Indre à Saint-Jean-Saint-Germain. Itinéraire : Loches, Perrusson, Saint-Senoch, Châtillon-sur-Indre.
21 JUIN. - Décrochage, bouchon à Cléret-au-Bois. PC Ferrières, nouveau repli sur Saint-Cyran-Saint-Michel où un bouchon est établi.
22 JUIN. - A 11 heures repli et ordre d'organiser la défense de Tilloux et de tenir sans idée de repli, la DCR étant encerclée. Dans la nuit le passage a été forcé et le bataillon se replie sur le carrefour de Gouex puis sur Le Blanc.
23 JUIN. - A 16h15 décrochage, bouchon à Peyroux et à L'Isle-Jourdain.
24 JUIN. - A 13 heures décrochage repli sur la Péruse et Confolens.
25 JUIN. - A 3 heures repli sur Vayres et à 8 heures sur Chalus. A midi parvient au bataillon le renseignement que les hostilités ont cessé à 0h35.
26 JUIN. - A 13 heures mouvement sur Mensignac (Périgueux). La CE rejoint le bataillon.
15 JUILLET. - Le bataillon rend son matériel à Périgueux.
17 JUILLET. - Démobilisation du personnel.
31 JUILLET. - A 24 heures le 44e BCC est dissous.
POINTS REMARQUABLES
Durant six mois ce bataillon n'aura que 3 chars R 35 pour former 45 chefs de chars et 90 mécaniciens, c'était vraiment peu pour créer une unité. Il fallait que les cadres et hommes, tous réservistes aient conservé de leur service actif de solides connaissances. D'ailleurs c'est une constatation générale, dans toutes nos formations, après 15 jours de mobilisation il n'y avait plus de différence entre active et réserve, les réflexes acquis en temps de paix revenaient avec une fidélité et une rapidité remarquable.
La naissance du 44e BCC est pleine d'imprévus, imprévus qui auraient pu friser la catastrophe.
Le jour même où le bataillon (sans matériel) va s'embarquer à Suze-la-Rousse, arrive en gare un train de 45 chars qui lui est destiné. Ce ne sera qu'au débarquement dans la zone des armées que les unités percevront leur matériel. A lui seul le débarquement du bataillon mérite d'être relaté.
Le train de 45 chars arrive en gare de Crouy le 18 mai, convoyé par une dizaine d'hommes.
Le personnel des compagnies de combat se trouve dans un autre train et à Crouy on ignore où il peut se trouver. Il faut décharger le matériel et il n'y a que trois hommes qui connaissent le matériel, les autres n'ont que leur bonne volonté, elle va remplacer toutes les ignorances. En pleine nuit, après avoir tiré à la ficelle les appareils récalcitrants, cassé beaucoup de prolonges, le train est enfin vidé. Il est trois heures du matin, lorsque d'un coin de la gare partent et montent dans le ciel deux belles fusées blanches. Deux hommes sont trouvés dans le local d'où elles ont été lancées. Interrogés sur le motif de cette signalisation ils répondent qu'en raison de la coupure du téléphone avec Soissons ils doivent prévenir cette ville de la fin du débarquement.
Leur identité vérifiée, ces hommes semblent bien appartenir à la S.N.C.F. Mais deux sous-officiers ont le pressentiment qu'il y a autre chose. Ils fouillent les deux hommes et dans la doublure de leur veste, contre la poche, sentent quelque chose. Un coup de canif et un papier est extirpé. C'est un ordre, un itinéraire de repli, un point de ralliement, le tout en allemand. Les deux hommes n'ont jamais pris l'itinéraire de repli.
Enfin le 20 les compagnies sont pourvues de leur matériel. Le bataillon eut beaucoup de chance car ne l'oublions pas dès le 16 mai sur le front de l'Aisne l'insécurité était déjà chose courante.
Après sept journées de marche épuisantes tant de nuit que de jour le bataillon va se trouver à 180 kilomètres de son lieu de débarquement.
Dans une dernière marche de nuit du 27 au 28 mai, sous la pluie, sur des routes encombrées le bataillon effectue une marche d'approche. Le personnel tombe de fatigue, les pannes sont nombreuses. Les ordres parviennent dans l'après-midi et c'est plein d'enthousiasme que les unités partent à l'attaque. Les équipages foncent, entament la ligne ennemie, des sections parviennent à 7 kilomètres de leur base de départ, malheureusement l'infanterie ne peut pas suivre. La chance est passée car les attaques du 29 et du 30 l'ennemi a pu renforcer sa défense et c'est en vain que les derniers équipages se sacrifient sans succès appréciable.
Après douze jours et douze nuits de marche et de combat sans sommeil, les rescapés sont à bout.
En 1943, le Lieutenant Bardel, dans un ouvrage intitulé " Quelques-uns des Chars " a fait le récit de la vie du bataillon. Pour qui a vécu sous le blindage on trouve dans cet ouvrage des souvenirs bien émouvants de vérité et de simplicité. Mais lorsqu'il s'excuse de ne pas conter une épopée il fait preuve de modestie car c'est justement cela l'épopée des chars.
Les équipages de chars lancés en avant de tous ne trouvant leur soutien moral et matériel qu'en eux-mêmes, pour ces quelques êtres qui servent d'appats, n'est-ce pas cela l'épopée ?
Ce camarade a fort bien analysé les événements qu'il a vécus, il est resté humain et malgré les douloureuses heures qu'il a vécues dans tout ce récit montre une âme sensible. Tous les combattants ont ressenti le sentiment troublant du lever du jour précédant une attaque où la nature se venge des hommes avant qu'ils se tuent. Bardel exprime avec force l'état d'âme du combattant à cet instant : " Avant le réveil de la terre, à cette heure-là le pilote plus que jamais se sent seul avec sa machine, délivré des dures servitudes du sol, jamais mieux l'idée de paix n'apparaît dans sa calme grandeur. Hélas, pourquoi les hommes choisissent-ils cette heure-là pour préparer leur œuvre de destruction ? "
Vraiment le 44e a été une bien belle unité. Cadres et hommes ont rivalisé de courage, d'entrain et d'endurance. Tous peuvent être fiers d'avoir appartenu à cette formation. C'est au récit de semblables actions que l'on comprend l'esprit Chars.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.

Chars R 35 Canons de 37 mm.
Chef de Bataillon : Roger DELACOMMUNE (Réserve). En captivité du 22 Juin 1940 au 2 septembre 1941.
Devise "A fond et jusqu'au bout"
Le 43ème Bataillon de chars est effectivement formé le 11 Novembre 1339 au Centre Mobilisateur 503 (C.M. 503) à VERSAILLES-SATORY. Il est présenté à cette date au Lieutenant-Colonel SOULARD par le Commandant DELACOMMUNE.
Le 13 Novembre 1939 à 11 heures 26, il part pour ARGENT-SUR-SAULDRE (Cher), où se poursuivra sa formation.
Le 13 Novembre 1939 à ARGENT-SUR-SAULDRE, il perçoit son matériel, tant de GIEN que BOURGES -VINCENNES - VERSAILLES; il est équipé de chars R 35 ; le matériel est complètement neuf (chars et véhicules divers).
Non loin d'ARGENT, le 41ème BCC (Cdt. MALAGUTI) Chars B1 bis, est en formation à AUBIGNY-SUR-NERE (Cher) et sera affecté à la 3ème D.C.R., à sa formation.
Le 26 et 27 Janvier 1940 - Le 43e B.C.C. quitte ARGENT-SUR-SAULDRE, embarqué à GIEN sur 4 trains, il part pour une destination inconnue.
Le 28 Janvier 1940 il débarque à 0 heures 30 en gare de METZ. Il cantonne à 4 km de METZ, à MAGNY-SUR-SEILLE, le matériel est rassemblé à POUILLY.
Le Bataillon est mis à la disposition, en réserve, de la 3ème Armée, sous les ordres du Lt. Colonel GIRARD, commandant le 532ème Groupe de Bataillons de Chars (532ème GBC.)
Les chars de la 3ème Armée sont placée sous le commandement du Colonel BOIRON.
Le 10 Mai 1940 - L'alerte est donnée et le Bataillon se tient prêt à partir ; MAGNY est survolé par les stukas à 4 heures du matin. Des bombardements sont effectués sur METZ et le terrain d'aviation de FRESCATY...
Il y a, à ce moment là, une fausse manœuvre de la part de l'Etat-major. En effet, des Compagnies de transport devaient venir prendre les chars entre le 10 Mai et le 19 afin de les amener à pied d'œuvre et afin qu'elles soient engages avec le 41ème B.C.C.; ces compagnies ne se présenteront jamais.
POUILLY, où se trouve le matériel, est soumis le 13 Mai à un bombardement qui ne provoqua aucun dommage ; le bataillon reste toujours en attente.
Le 19 Mai 1940 les véhicules du 43ème B.C.C. quittent MAGNY par la route à 19 heures, tandis que les chars sont embarqué sur voie ferrée ; le Bataillon est poussé dans la région de STENAY, MONTMEDY, en vue d'une action destinée à couvrir la retraite des éléments du secteur fortifié de la ligne Maginot, à l'Ouest de la MEUSE.
Depuis le 17 Mai le G.B.C. a quitté la 3ème Armée pour la 2ème; le 43ème B.C.C. est mis à la disposition de la 2ème Armée (Général HUNTZIGER) pour agir entre la CHIERS et la MEUSE (Lt. Colonel GIRARD).
Le 20 Mai 1940 les véhicules du 43ème Bataillon parviennent à 2 heures du matin à l'Est de DAMVILLERS au bois des MERLES.
Les chars atteignent CONSENVOYE.
La 1ère compagnie s'installe au BUIS-BRULE en face de la cote 311, avec le 11ème Etrangers ; BROUENNES au Nord-Est de STENAY est bombardé après que le passage de la compagnie dans le village ait été repéré par l'ennemi.
La 2ème compagnie gagne CHAUVENCY, 10,5 km au Nord-Est de STENAY ; elle s'installe au BOIS ROBERT puis en dessous de MONTMEDY par les deux CHAUVENCY.
La 3ème compagnie gagne la route de CHARMOIS à MOUZAY, 3,5 km au Sud-Est de STENAY, près du château de CHARMOIS.
La C.E. stationne dans le BOIS DE MERLES et le P.C. du 43ème Bataillon s'installe au château de LOUPPY, à 10 km au Sud de MONTMEDY.
Le 6 Juin le Bataillon commence une retraite de près de 300 kilomètres, qui se poursuivra sur la rive Ouest de la MEUSE. Les 3 compagnies de combat du Bataillon, échelonnées sur un long front, avec comme axe général la MEUSE, vont rester en position d'attente de contre attaques éventuelles.
Le 9 Juin le 43ème B.C.C. se dirige vers BRIEULLES au Sud de DUN-sur-MEUSE ; il effectue la traversée de la MEUSE à SIVRY, après une reconnaissance de ses motards et afin de ne pas prendre de retard, une partie du Bataillon traverse la MEUSE plus au Nord malgré les ordres reçus et l'incertitude qui règne dans la zone de DUN-sur-MEUSE.
Le Bataillon s'installe à DOULCON.
Le 10 Juin le Bataillon y passe aux ordres du Colonel FLEURY, Cdt le G.B.C. 503 ; il est mis, ainsi que le 73ème G.R.D.I. (Chef d'Escadrons de SAINT-SERNIN), à la disposition du 14ème G.R.C.A. (Colonel J. GALLINI), afin que celui-ci l'utilise au mieux des circonstances.
Le XXIème C.A. (Général FLAVIGNY) lui a confié la mission de barrer le rentrant de BEAUFORT-EN-ARGONNE, dans la région de BARRICOURT.
Mais, le 11 Juin à 11 heures, l'ordre de la contre-attaque avec les chars est annulé et le Cdt. DELACOMMUNE, que ses appareils n'ont pas encore rejoint, quitte le P.C. du Colonel GALLINI afin de les retrouver.
Le Bataillon pendant ce temps, se déplace de DOULCON à NANTILLOIS, MONTFAUCON, CHEPPY, VARENNES-sur-ARGONNE.
Les liaisons et les reconnaissances restent constantes avec la Division d'Infanterie auxquelles le 43ème Bataillon est successivement affecté.
Le 14 Juin 1940 le 43ème B.C.C. contre-attaque.
La 1ère compagnie, qui disposait encore le 13 Juin de 12 chars, est engagée devant la cote 304 sous le commandement du Capitaine GENEVES, au Nord de VERDUN.
Elle appuie l'action des unités d'Infanterie chargées en particulier de la défense de la cote 304. En plusieurs contre-attaques successives, infligeant des pertes très sévères à l'ennemi et au prix de lourds sacrifices, elle soutient les fantassins pour le maintien de la position et l'exécution de sa mission. Elle se heurte sous un violent bombardement au tir très nourri de canons antichars ; deux chars sont incendiés, celui du Lieutenant Gilbert LARDANS, parti à l'attaque à la tête d'un groupe de sections malgré la défense antichar très meurtrière, est touché et prend feu immédiatement dans les lignes allemandes, il se dégage mortellement blessé et son mécanicien, le chasseur DUMONT est porté disparu.
Le char du Sergent LAFFONT, pris lui aussi à partie par des canons antichars, est atteint et incendié. Le chef de char sort de son appareil en feu et il réussit à rejoindre nos positions sous le feu ennemi avec son mécanicien, le chasseur TOURNET.
Le 3ème char de la section, celui du Caporal GASPARD se porte en avant, avec son mécanicien le Chasseur VIMWERE, malgré l'action des armes antichars qui ont incendié les deux autres chars de sa section. Il ramène à son bord un camarade blessé.
Le char du Sous-Lieutenant Antoine BAUD, qui appartient au même groupe de sections, réussit à se maintenir durant plus de deux heures sur la ligne de combat malgré un violent bombardement ; il soutient du feu de son char une compagnie d'Infanterie privée momentanément de munitions et qui peut ainsi conserver sa position.
Le Lieutenant Maurice JABART, à la tête de son groupe de sections, réussit à dégager deux sections d'Infanterie complètement encerclées : il ramène avec lui un Officier Allemand qu'il a fait prisonnier.
Le Sergent-Chef CHIARONI est blessé.
Pendant ce temps la 2ème compagnie, sous les ordres du Capitaine FRUHINSHOLZ et la 3ème compagnie, commandée par le Lieutenant GEORGES, sont engagées pour former bouchon à AUDREVILLE au Nord de CLERMONT-en-ARGONNE.
Les deux compagnies trouvent devant elles une violente défense antichars, bien organisée, qui s'oppose à leur progression.
A la 2ème compagnie, le char du Lieutenant Emile DENISE, chef de section est tombé en panne de terrain : il est renversé. Sous le feu intense de l'Artillerie et le tir des mitrailleuses, il le prend en remorque à l'aide des chaînes des deux autres chars de sa section, le dépanne et reprend peu après le combat.
A la 3ème compagnie le Sous-lieutenant Camille VEDEAU entraîne sa section malgré le tir intense et précis de canons antichars ; son appareil est touché de plein fouet et il est blessé mortellement. Au moment du repli, sur le plateau de RECOIS, le Lieutenant DENISE ira chercher son mécanicien entre les lignes, le chasseur LETINNIER, qui est blessé auprès de son char incendié et réussira à le ramener vivant à l'arrière, malgré le tir des mitrailleuses ; celui-ci aura vainement tenté de dégager son chef de char tué à l'intérieur.
Le char de l'Adjudant-Chef : MALLET chef de section à la 3ème Compagnie également, est pris à partie lui aussi par des canons antichars ; le chef de char est gravement atteint, il a toutefois le temps de terminer se mission, mais sortant de son char, il tombe blessé mortellement. Son mécanicien, le chasseur FAYAYBOST a continué à opérer avec la section et réussit à ramener dans nos lignes le char criblé de balles.
Le char du Caporal-Chef CHIRON détruit un canon antichar qui a incendié un char de sa section et le char du Sergent RICHE, de la 3ème Compagnie également est touché, par cinq fois, par des antichars qui n'arrêtent pas son action.
Les pertes sont lourdes : 2 chars incendiés pour la 1ère Cie, 3 chars pour la 2ème Cie, 7 chars pour la 3ème, et deux chefs de sections ont été tués.
Le Sergent NYSSEN, les chasseurs SERANS et POTIER de la 2ème Compagnie, qui se déplaçaient avec l'échelon sur roues, sur la camionnette 45217, sont portés disparus ainsi que le chasseur BRUMENT, de la 3ème Compagnie, qui, blessé une première fois, était resté à son poste.
15 Juin 1940 Le XXIème Corps d'Armée, face au Nord et fortement pressé devra peu à peu céder du terrain. La 35ème D.I. dont le 14ème G.R.C.A. protégeait le flanc gauche se replie entraînent le recul en combattant de ce dernier.
A 18 heures, les régiments de la division qui ont perdu chacun leur Colonel, s'engouffrent, sous les obus, dans BAUDREMONT au Sud-Est de PIERREFITTE, où le 29ème G.R.D.I. (Chef d'Escadrons de ROLLAND) venant de EVRES, BEAUZEE-sur-AIVRE se replie lui aussi.
Un extraordinaire embouteillage se produit dans le village :
Le regroupement du 43ème B.C.C. s'opère dans le Bois de PIERREFITTE ; la 1ère Cie. reçoit 4 chars de remplacement et un char indisponible. Le 43ème Bataillon appuie le 14ème G.R.C.A. à ERIZE-la-BRULEE à 7 kilomètres au Sud-Ouest de PIERREFITTE. Le bataillon a récupéré à SEIGNEULLES des éléments de la 1ère Compagnie du 67ème B.C.C., sous le commandement du Capitaine LAPICHE, avec 3 chars D 1 qui lui restent ; ils viennent de NETTANCOURT où il ont retrouvé la camionnette M 40225 armée d'une mitrailleuse Hotchkiss avec comme chef d'équipage le Sergent Roger VINCENT de la 2ème Compagnie et les chasseurs FLECK, CACHALOU, MUNEZ et GUILLEMINOT. Les éléments du 67ème Bataillon, qui ont perdu toute liaison avec leur Bataillon ont combattu durant la journée pour la défense de NETTANCOURT, avec le 76ème G.R.D.I. (Lt. Colonel DU PATY DE CLAM) du 14 Juin, avant d'être recueillis et pris en charge par le 43ème B.C.C.
Le chasseur PRAUD, mécanicien de la section LESCROART de la 2ème Compagnie du 43ème Bataillon qui a été évacué le 28 Mai dans le bois de LOUZY, pour abcès dentaire, est tué à VITTEL, le 15 Juin au cours d'un violent bombardement, alors qu'il recueillait des blessés.
Le 16 Juin 1940 le 43ème B.C.C. assure seul, avec les 25 chars qui lui restent, la défense de PIERREFITTE (entre SAINT-MIHIEL et CHAUMONT-sur-AIRE (Meuse) de 8 heures à 11 heures.
L'Infanterie, que les chars avaient la mission d'appuyer fait défaut. Le Bataillon se trouve en présence d'une colonne motorisée au devant de laquelle les chars se portent à l'attaque.
Le char du Lieutenant Emile DENISE (2ème Cie.) entraînant sa section, s'offre en cible au tir d'un canon antichar qui est signalé aux lisières du bois de RUMONT, afin de l'obliger à se dévoiler ; il le détruit, mais il est lui-même aussitôt pris à partie par un autre canon qui le blesse grièvement d'un éclat d'obus à la jambe. Il est capturé après avoir incendié son char, avant de s'évanouir ; il sera plus tard amputé.
Le Lieutenant Hippolyte SICARDET (2ème Cie), à la tête de sa Section, détruit du matériel et du personnel de la colonne motorisée ennemie. Le Sergent COLIN, de la même Compagnie, incendie une auto-mitrailleuse de la colonne blindée et neutralise des armes automatiques, tandis que les chefs de chars, le Caporal Lionel MAIRE et le Sergent Ernest MIEL, de la 2ème Cie. ralentissent, par leur tir précis, la progression des éléments motorisés.
Le Capitaine Roger FRUHINSHOLZ, qui dirigeait à pied les sections de sa 2ème Compagnie, est grièvement blessé ; il ne consent à être évacué qu'après le repli de ses chars et leur regroupement.
Le Lieutenant Jean CORNELY, qui précède sa section à pied, le remplacera à la tête de la 2ème Compagnie, après son évacuation.
A la 3ème Compagnie, le Lieutenant Georges réussit à dégager les chars de sa section, qui se heurte à une vigoureuse défense antichars ; il détruit une pièce qui venait d'atteindre un de ses appareils. Le Lieutenant Maurice JABART, malgré une blessure, refusant d'être évacué, continue à diriger le combat de sa section ; le char du Sergent Jean-Baptiste CHATEL est atteint par un obus antichar. Le Sergent Alain DELACOMMUNE blessé, continue pendant plusieurs heures à commander une section, privée de son chef, à la tête de laquelle il s'est placé.
Le Caporal Léon DUFAS réduit les pièces antichars qui menaçaient sa section, tandis que le sergent Gaston BRISSARD ainsi que des chars de la 1ère Compagnie neutralisent une pièce de 105 ennemie.
Pendant ce temps, un groupe à pied, formé du sous-officier de renseignements de la 1ère Compagnie, le Sergent-Chef Robert GIREAUD, et de chasseurs motocyclistes et agents de liaison de la compagnie, fait le coup de feu en participant en l'absence de l'Infanterie à la défense du village que l'ennemi tente d'investir par infiltration.
A la fin de la journée, le Caporal-Chef Fernand SIMARD, chef de char de la 2ème Compagnie, est blessé au cours d'un violent bombardement. Il est évacué ainsi que le Sergent DE GOUZILLON, le Caporal HALLET et les chasseurs BURG et FERRIER de la 2ème Compagnie.
Le périple du 43ème B.C.C, se poursuit après la défense de PIERREFITTE et le Bataillon fait mouvement sur ERIZE-SAINT-DIDIER, GERY, SILMONT, BREMOIS, NANT-le-GRAND, LIGNY-en-BARROIS. La C.E. stationne dans la forêt de LIGNY, puis dans celle de COMMERCY.
Le 14ème G.R.C.A., qu'il continue à renforcer, protège du 16 au 18 Juin les flancs de la 35ème D.I. et de la 6ème DINA (Général de VERDILHAC) avec les 29ème et 96ème G.R.D.I. ; après avoir combattu le 15 Juin à PETIT-RUMONT, à ERIZE-BRULEE et à LIGNIERES où il est presque encerclé, il se regroupe dans le région de VAUCOULEURS avant d'être remis à la disposition du Général FLAVIGNY, commandant le XXIème C.A.
Le 17 Juin le 43ème B.C.C se regroupe en forêt de VAUCOULEURS près de MAUVAGES.
Le Sergent Pierre DELIGNIERE, de la 2ème compagnie est placé avec son char à la tête de pont de PAGNY-sur-MEUSE, entre TOUL et COMMERCY. Il y reste du 17 Juin à 22 heures 30 au 18 Juin à 5 heures, au carrefour de la route de VOID, en appui d'un petit groupe de G.R.D.I. (29ème, 73ème, 96ème G.R.D.I.). Son mécanicien est blessé au pied en tentant de porter secours à un blessé, gravement touché, laissé par un G.R.D.I. après son départ. Celui-ci est ramené dans nos lignes. Le char, sa mission terminée, se retire le dernier, tandis que le pont de PAGNY saute derrière lui.
Le Sergent WIEL et le Caporal BECKSICH, de la 3ème compagnie, blessés, sont évacués.
Le 18 Juin le 43ème Bataillon opère en action de soutien à VOID, puis à RIGNY-SAINT-MARTIN, au Nord-Est de VAUCOULEURS.
Il fait mouvement ensuite vers ROSIERES-en-BLOIS, BADONVILLERS, VOUTHON-HAUT, CREUX, DOMREMY, COUSSEY et NEUFCHATEAU.
Il participe alors aux combats de la 58ème D.I.
Il remonte vers le Nord par SOULOSSE, MARTIGNY-les-GERBONVEAUX, AUTREVILLE, SAULXURES-les-VANNES où s'installe la C.E., BARISEY-au-PLAIN, COLOMBEY-les-BELLES. Pendant 3 jours l'encerclement complet se précise et le Bataillon va tourner en rond de COLOMBEY, THUILLEY-aux-GROSEILLES, CREPEY, GOVILLER à VEZELISE et de VEZELISE à COLOMBEY par SELAINCOURT et FAVIERES (C.E.), plus au Sud, où il est cerné.
Le chasseur Marcel BARY, motocycliste agent de liaison de la 2ème Compagnie, porté manquant à la fin de la journée, le 18 Juin, rejoint la Compagnie en traversant les lignes ennemies.
Le chasseur Louis LEPINE, de la 2ème Compagnie, blessé à la jambe par une balle, continue à piloter son char malgré sa souffrance, ramenant des blessés à l'arrière sous un violent bombardement.
Le 19 Juin le 43ème B.C.C. participe aux combats de la 58ème D.I. (Général PERRAUD); il se place en position d'attente à GREZILLES (10 km au Sud de TOUL). Il est rattaché à un groupement de G.R., qui comprend le 14ème G.R.C.A., le 61ème G.R.D.I. (Chef d'Escadrons DE FURET), le 70ème G.R.D.I. (Chef d'Escadrons VIENNET) et le 29ème G.R.D.I. (Chef d'Escadrons ROLLAND), qui n'a pas rejoint. Ils sont placés sous le commandement du Colonel J. GALLINI, dont le 14ème G.R.C.A. est affecté le 19 Juin au Groupement DUBUISSON ; ils arrêtent l'ennemi les 19 et 20 Juin au bois de COLOMBEY-les-BELLES, à la lisière Ouest de la forêt.
Le 20 Juin le 43ème B.C.C. est en position de combat, en soutien direct de la 6ème DINA, du Général VERDILHAC, aux lisières Nord du Bois de OCHEY, où s'est également regroupé la 96ème G.R.D.I. (Lt. Colonel PAGES). La C.E. stationne dans le bois ; le Bataillon dispose encore de 21 chars et de deux jours de munitions et d'essence jusqu'à l'ordre du " cessez le feu ! ". L'ennemi occupe GERMINY, THELOT, MARTHEMONT, MAIZIERES.
Les bois environnants regorgent de véhicules d'artillerie, de chariots de parcs, de voitures d'infanterie, de cuisines roulantes, le tout dans un effroyable désordre.
Les pertes du 43ème B.C.C. sont de 50% environ, en personnel et en matériel de combat, mais la compagnie d'échelon est intacte.
Tout est consommé le 21 Juin où le Bataillon fait partie des groupements DUBUISSON et RENAUDEAU, qui vont signer leur reddition le 22 Juin à 1 heure.
Les chars ont été sabordés, la rage au cœur ; le fanion du 43ème B.C.C. est enterré, mais dès la libération du Cdt. DELACOMMUNE de son Oflag en septembre 1941, sa liberté d'action retrouvée, il sera récupéré et mis en lieu sûr.
REMARQUES
Le Bataillon, très souple, a rempli pleinement toutes les missions qui lui avaient été confiées, répondant ainsi à la confiance de son chef.
Il l'a fait sans succomber à quelques défaillance que ce soit, avec une grande cohésion et une discipline totale, dans un esprit de corps, digne des belles traditions des chars.
L'emploi des chars a été en contradiction avec toutes les doctrines, opérant de multiples actions d'éparpillement inefficace, nécessitées sans doute par les circonstances, mais déplorables.
Le matériel neuf a été parfait et les appareils ont eu peu d'ennuis mécaniques ; en ce qui concerne l'armement, la mitrailleuse Reibel était excellente, mais le canon court de 37, modèle 1918 très insuffisant, son action antichars étant pratiquement nulle.
Après l'Armistice, la 17ème Division Militaire constituera l'organe liquidateur du 503ème R.C.C. d'où est issu le 43ème B.C.C.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
42e BATAILLON
DE CHARS DE COMBAT
1ère Compagnie Autonome
retranscrit par Alain Cholin
Origine de la Cie : La Cie a été prélevée le 2 mai 1940 sur le 48ème B.C.C à l'instruction au camp de COËTQUIDAN.
Le 48ème B.C.C a été formé le 13 novembre 1939 par le dépôt de chars n° 508 à LUNEVILLE. Le chef de bataillon MASSENA de RIVOLI en a pris le commandement à cette même date.
Le bataillon quitte LUNEVILLE pour COETQUIDAN le 15 Novembre où, avec des chars FT puis des H 39 (1 par Cie), l'instruction est menée aussi rapidement que les moyens dont il dispose.
Choisie et désignée par le Colonel LEBRIGAND, la 1ère Cie du 48ème B.C.C commandée par le Capitaine BERTTRAMELLI rejoint VERSAILLES le 2 mai 1940 pour y percevoir son matériel.
Le 15 Mai la 1ère Cie est sur pied de guerre. Dès lors elle sera désignée sous l'appellation de 1ère Cie du 42ème B.C.C (1/42).
15 mai 1940 : le 15 Mai, la Cie doit embarquer pour rejoindre le 42ème B.C.C dont elle fait normalement partie.
L'ordre d'embarquement est différé et le 15, à 16 heures, elle est alertée et dirigée sur SAINT-DENIS (moins l'échelon) où des manifestations sont signalées.
Elle cantonne dans la caserne de l'infanterie coloniale et y demeure de 10 heures à 17 heures.
À 17 heures, l'ordre est donné de porter la Cie en direction de CHATEAU-THIERRY, où elle est rejointe , le 17 à 5 heures par l'échelon qui a quitté VERSAILLES le 16 à 16 heures.
16, 17, 18, 19 et 20 mai 1940 :
La Cie a pour mission de garder les ponts de la Marne de DORNANS à LA FERTE en plaçant un char à chaque pont. Les équipages ont reçu pour mission de canaliser les réfugiés vers certains points de passage obligés, d'assurer, nuit et jour, la protection des ponts contre les engins blindés. Ils sont en rapport direct avec les éléments du génie chargés de la destruction de ces ouvrages.
L'échelon cantonné à CHATEAU-THIERRY, assure du 17 au 20, l'entretien et le ravitaillement des chars ainsi que l'approvisionnement, par chenillettes et camionnettes sous de violents bombardements aériens.
Certains ponts sont pris comme objectifs par l'aviation ennemie. Quelques chars sont encadrés par les bombes. Aucun appareil n'est atteint. Le personnel est indemne.
21 mai 1940 : La Cie reçoit l'ordre de se porter dans le bois d'EPIEDS. Les pleins sont faits et la Cie gagne MURRET-LES-CROUTTES.
La S.E qui avait fait mouvement de CHATEAU-THIERRY à ESSISES rejoint les sections de combat à MURET.
22 mai 1940 : Départ de MURET pour les bois nord de la ferme de CHEMY. Les chefs de section se portent avec le Commandant de Cie en direction de JOUY, NANTEUIL-la-FOSSE, SANCY, en vue d'étudier le terrain pour des attaques éventuelles.
23 mai 1940 : Départ des bois de CHENY pour CHASSENY. La S.E qui se trouvait à MURET, rejoint les sections de combat.
Travail effectué : Edification de barricades, installation des chars aux issues, mise sur pied de la D.C.A, entretien du matériel, parage des freins de canons. Les chefs de section étudient sur place puis par reconnaissance, le terrain, en vue de contre-attaques éventuelles.
Quatre terrains de contre-attaques sont reconnus en direction de BOURG-en-COMMUN, CEUILLY, PONTAVERT et BERRY-au-BAC.
Le 2 juin, départ de HOURGES pour SERZY et PRIN. Dès l'arrivée à SERZY la garde des issues est organisée, 1 char à chacune des sorties du village.
4 juin 1940 : à 23 heures, la Cie est alertée. Des parachutistes ont été signalés ou sont à craindre.
Tout le personnel est à la garde des issues avec les chars embossés. La section du Lieut. HEYMES est prête à démarrer au premier signal. Ce dispositif est gardé jusqu'au 5 à 11H.
5 juin 1940 : La Cie reçoit à 14 heures du VIIème corps, l'ordre de faire mouvement immédiatement avec tout le personnel et le matériel disponibles.
Le premier point de destination, BRAINE, sera en cours d'exécution du mouvement, reporté à SERMOISE. Le mouvement s'effectue sous un bombardement violent.
A 18h30 à CROUY, le Lieutenant PICOT retrouve le Capitaine BELTRAMELLI qui part en reconnaissance et lui donne l'ordre de porter les chars ainsi que les camions à essence et à munitions au bois sud de CHAVIGNY et la section d'échelon à POMMIERS sous les ordres de l'Adjudant DONJON.
A 20h30 le Capitaine, de retour, fait porter à la Cie à CHAVIGNY avec comme mission d'assurer la protection du village et de prendre une position de départ au Nord de CHAVIGNY en vue d'une attaque en direction du Nord appuyée par le 2ème bataillon de volontaires étrangers.
Le ravitaillement en essence est effectué à 22 heures. À 23h30 ordre est donné par le Colonel Commandant l'I.D. 7 d'attaquer immédiatement en direction de BAGNEUX où des éléments blindés sont signalés venant de la direction de COUCY-le-CHATEAU.
A 24 heures, la Cie attaque avec ses quatre sections. La nuit est très obscure. La Cie se guide à la lueur des villages en flammes. Pendant une heure, la Cie tire à 150 mètres sur le village de BAGNEUX. A son retour elle est suivie par une série de fusées éclairantes et saluée par de violentes rafales d'artillerie.
6 juin 1940 : Au retour, les chars reprennent leur position initiale en vue d'assurer la protection du village et de pouvoir reprendre l'attaque en direction du Nord.
Vers 7 heures, départ de la Cie (moins la C.E.) de CHAVIGNY pour CLAMECY, par le Nord de SOISSONS. Bombardements à l'arrivée.
Section d'échelon : Le Capitaine donne l'ordre au S/Lieut. LAURAIN d'emmener la S.E. À POMMIERS. Arrivée à destination à 9h30 sous un violent bombardement aérien.
À 11 heures, ravitaillement à CLAMECY, par camionnettes.
À 12 heures, l'Adjudant DONJON part à AINCHAIR pour l'approvisionnement et ne rentre pas. Il est disparu.
Dans l'après-midi, vers 15 heures , le S/Lieut. LAURAIN, voyant les fantassins et les artilleurs reculer et entendant tirer à la mitrailleuse sur la rive Nord de l'Aisne, part reconnaître un emplacement pour la S.E. Et envoie un side-car avec un sous-officier prévenir le Capitaine que l'ennemie est à POMMIERS et l'informer de l'emplacement de la S.E, le side-car revient sous les bombardements et rapporte l'ordre pour le ravitaillement des sections de combat à TERNY-SORNY.
La S.E, se déplace de POMMIERS dans les bois Sud de MERCIN, à peine installée elle subit un bombardement extrêmement violent de 77 et de mortiers et se trouve copieusement arrosée par les mitrailleuses ennemies. De 16 à 20 Heures, il est impossible de faire un mouvement.
À 22 Heures, le S/Lieutenant LAURAIN, envoie un camion pour ravitaillement à TERNY-SORNY et suivant les ordres reçus du Capitaine, emmène la S.E, dans les bois d'HARTENNES, arrivée le 7 vers 7 Heures.
Sections de combat : Dès l'arrivée à CLAMECY des reconnaissances sont faites par les sections de combat pour prendre une P.D au niveau de TERNY-SORNY en vue d'une contre-attaque qui doit être lancée dans le courant de l'après midi direction Nord.
La Cie amorce son mouvement en direction de TERNY-SORNY quand, à 14 h, contre-ordre est donné : La Cie prend immédiatement ses dispositions pour arrêter toute incursion d'engins blindés.
A 17h45, contre-ordre, la Cie se portera à CLAMECY occuper des P.D en vue d'une contre-attaque dont l'heure H, est 19h30.
Arrivée à CLAMECY à 19 heures.
A 19h15 nouveau contre-ordre, la contre-attaque prévue à plusieurs reprises est définitivement décommandée.
Le Capitaine envoie le Caporal VENITA à l'Est de TERNY-SORNY pour rechercher le camion à essence.
La Cie reçoit comme mission de protéger POMMIERS et VAUSRHEZIS. Elle fait mouvement jusqu'au BOIS ROGER où sera effectué le ravitaillement en essence.
Vers 21 Heures, le Capitaine BELTRAMELLI se dirige en side-car vers POMMIERS pour commander l'essence. Il ne sera plus revu. Il était suivi du S/Lieut, WECCHEIDER avec sa section renforcée de 2 chars de remplacement qui doivent rejoindre la S.E. pour réparation .
Vers 21H30 un char de remplacement revient seul : Équipage : Cal-chef BAZIN, chasseurs TREVILLY et LELIEVRE qui déclarent « on nous a tiré dessus à l'entrée de POMMIERS, nous étions le dernier char de la colonne et venons vous prévenir » .
Le Capitaine étant disparu, le commandement de la 1/42 est désormais assuré par le Lieut PICOT. Décision est prise de laisser une section à BOIS-ROGER pour assurer la protection du village et de porter le reste de la Cie à POMMIERS.
Un char est retrouvé seul sur la route à 150 mètres de POMMIERS. Il est complétement fermé, son épiscope est brisé, il reste muet à tous appels ; son canon est dirigé vers POMMIERS.
Des ombres remuent dans les fossés au bord de la route, des ordres en allemand sont entendus.
De POMMIERS un feu nourri de mitrailleuses et d'anti-chars enveloppe la Cie. Tout les équipages reprennent place dans les appareils et font feu en direction de POMMIERS. Le char isolé sur la route retourne son canon et tire à bout portant sur les chars de la Cie. Un appareil est touché.
Il est 22 heures, la nuit est très sombre. Les chars gardent le carrefour POMMIERS-PASLY.
Le pont sur l'Aisne à BOIS-ROGER est déclaré par le Génie inutilisable par les chars.
Le carrefour POMMIERS-PASLY est gardé jusque 22h45, puis les chars font mouvement vers SOISSONS où à l'entrée du pont, le Lieut. PICOT rend compte de la situation au Col GAUTHIER, commandant l'I.D.7. celui-ci donne l'ordre à la Cie d'assurer la protection du repli des éléments se trouvant au N.-O. de SOISSONS et de garder le carrefour POMMIERS-PASLY
Une section restera à SOISSONS pour assurer la protection du pont. Le S/Lieut. LERICHE reste auprès du Capitaine du Génie chargé de le faire sauter. Il obtiendra de celui-ci l'assurance que le pont ne sautera qu'après le passage des chars.
7 Juin 1940 : A 4 heures, le 7 juin, la mission est terminée au carrefour de PAULY. Les chars font mouvement jusqu'au carrefour Nord de SOISSONS où ils restent jusqu'à 4h25 et franchissent le pont derrière les derniers éléments du G.R.CA. A 4h30 le pont de SOISSONS saute.
A 4h35 les chars font mouvement de SOISSONS vers SERZY où ils arrivent vers 12 h.
Trois chars puis 4 sur les 10 restant sont remorqués en cours de route.
A FIMES, le S/Lieut , LERICHE reçoit d'un Général et transmet au Lieutenant PICOT l'ordre de gagner la région de PAVEROLLES.
Liaison est reprise avec le 7ème C.A. qui fournit de l'essence et des vivres pour 2 jours.
A 17 heures à SERZY, visite du Capitaine GLIZE de l 'E.M. des chars de la VIème Armée à qui est remis le compte-rendu des événements survenus.
A 17h30 le Colonel DU CROUCHET informe le Lieut. PICOT que la S.E. stationne dans les bois d'HARTENNES à 17 km au sud de SOISSONS.
A 18h30, le Colonel DU CROUCHET affecte la 1/42 réduite à 6 chars à la 28ème D.I.
P.C. SAINT-MAAST, Général LESTIEN.
La 1/42 est mise à la disposition du 99ème R.I. dont le P.C est à BREUILLE. Les chars devront être dans les bois au Nord de BRAINE le 8 à 4 h.
8 Juin 1940 : La S.E. arrive à SERZY à 4 h du matin. Le mouvement de la Cie est effectué pour 3 h du matin le 8. Liaison est prise avec le Colonel LACAZE commandant le 99ème R.I.
A 10 heures, reconnaissance est faite en vue d'une attaque sur le plateau N.-E. de BRENELLE.
A 11 heures, des positions de départ sont prises à la sortie des ravins N.-E. de BRENELLE.
A 12 heures 30, ordre est donné à la Cie de protéger le repli des éléments d'artillerie et d'infanterie de la division.
La liaison est conservée avec l'infanterie, à 14h30, l'ennemi est signalé au Nord de BRENELLE, la Cie prend immédiatement la formation de combat et se porte en avant pour retarder la progression de l'ennemi et permettre le décrochage des éléments amis.
Tous les chars disponibles à SERZY sont ramenés. De 14h30 à 19 h, la Cie travaille sur le plateau de BRUNELLE et subit les tirs les plus violents de l'artillerie allemande (et même parfois de ceux de l'artillerie française au cours de pointes poussées très en avant dans le dispositif ennemi).
Des tirs sont effectués par des chars sur des avions volant à très faible altitude. L'un d'eux est selon toute probabilité abattu dans les lignes ennemies et un second très certainement touché se trouve en difficulté et s'éloigne.
A 19 h l'ordre est donné au Colonel commandant le 99ème R.I. de se maintenir sur place jusqu'à 20h45 et de replier ensuite la Cie en direction de COURCELLES.
A 19h30 le Lieut PICOT apprend que l'ennemi progresse. Décision est prise de lancer en direction Nord de CHASSEMY, une attaque avec les 6 chars disponibles.
L'action des chars déclenche de violents tirs d'artillerie et d'armes automatiques ennemies. Plusieurs de ces dernières sont détruites.
Les chars, suppléés par l'infanterie, prolongent leur action sur le plateau jusqu'à 21h35, Ils se replient sur COURCELLES en flammes par l'itinéraire indiqué.
Arrivée à COURCELLES à 22h30. liaison est reprise à 23h30 avec le Colonel commandant le 99ème R.I qui répond au Lieutenant PICOT : "Les chars vous m'....., allez à LIMAY ou à RETHEL, c'est à choisir", il y a des témoins.
A 24 heures, un renseignement parvient à la Cie, le P.C de la 23ème D.I. est à BASLIEUX-les-FISMES.
La Cie manque de munitions, il reste très peu d'essence. Le mouvement est repris en direction de SERZY.
10 Juin 1940 : Arrivée à ORBAES-L'ABBAYE à 3 heures. L'élément du P.E.B. 6 est sur les lieux.
Examen du matériel et établissement des plans de dépannage. A 12h30 ordre est donné de transporter toute la Cie à l'échelon lourd du P.E.B.6. La C.T. 79 fournit les porte-chars. Le mouvement est décommandé, quatre chars sont reconnus aptes au combat et mis sous le commandement du Lieut. PICOT, à la disposition de la 20ème DI. dont le PC. est à ORBAES-L'ABBAYE. Les quatre autres chars sont embarqués sur porte-chars et transportés vers l'échelon lourd du PEB 6. A 16h30 violent bombardement du P.C. qui s'est fait repérer au moment de son installation.
11 juin 1940 : Vers 8 heures, le Lieut. PICOT Cdt la Cie reçoit du Colonel commandant les chars de l'armée, de ne conserver à ORBAES que les chars avec leurs équipages et d'envoyer l'échelon dans la région d'ESTENAY.
A 10 h la D.I. affecte les quatre chars au 2ème R.I. P.C. à MONCHEVRET à la disposition du Colonel Cdt l'I.D.
L'échelon sur roues se porte dans la région de CHATILLON-S/MORIN et l'échelon sur chenilles dans la région de VAUCHAMPS.
Arrivée de la Cie (4 chars) à MONTCHEVRET vers 12 h, à 17 h fumigènes sur toute la vallée.
A 19 heures, la Cie est mise à la disposition du 47ème R.I. P.C. à St-AGNAN qui ne peut utiliser les chars et les envoie dans les bois au Nord de VERDON. Un compte-rendu est adressé par le Lieut .PICOT à la 20ème D.I. Les quatre chars sont placés aux quatre angles de la ferme du Tremblay et toute la nuit assurent la garde des issues et la sécurité du Général.
12 Juin 1940 : A 10 h la Cie est remise à la disposition du 47ème R.I. lequel la passe à son 2ème Bataillon. Les chars gagnent les bois des Clapieds. Ils reçoivent pour mission de préparer des contre-attaques éventuelles sur le plateau N.-E. des CLAPIEDS en direction de MOTHODON.
Les reconnaissances sont faites dans le courant de la journée.
Le Lieut. CLERIVET du 36ème B.C.C. est affectée par le Colonel Cdt les chars de l'armée à la 1/42e et en prend le commandement à compter du 12 Juin.
Il prend liaison vers 12 heures avec le S/Lieut. LAURAIN Chef de la S.E. et arrive vers 18 heures au P.C. de la D.I. où le Général le met au courant de la situation sur le P.C. du 47ème R.I. Liaison est prise avec le Colonel Cdt le R.I. et avec le Lieut. PICOT.
À 20h30 ordre est donné par le Colonel Cdt le 47e R.I. de porter les chars à LE BORDET pour assurer la protection de l'artillerie et du nouveau P.C. du R.I.
Le mouvement commencé à 21h30 est terminé à 23 heures.
13 Juin 1940 : A 3h30 ordre est donné par le Général Cdt la D.I de porter les chars à ORBAES-L'ABBAYE où ils seront mis à la disposition du Colonel Cdt le 2ème R.I. dont le régiment renforcé par un bataillon du 115ème R.I. et des organes anti-chars est chargé d'assurer la défense.
Le Lieut. PICOT exécute le mouvement pendant que le Lieut. CLERIVET Cdt la Cie prend liaison avec le Commandant LAPONITE à ORBAES-L'ABBAYE et s'entend avec cet officier au sujet de la place des chars dans le dispositif et de leur rôle dans la défense du point d'appui.
Le Lieut. Cdt la Cie rejoint le P.C. de la D.I. à la ferme de PIGNY au Nord de MONTMORT (ordre du Général).
Le Lieut. PICOT reçoit reçoit du chef de Bataillon LAPONITE l'ordre de protéger ORBAES-L'ABBAYE pendant la mise en place des unités d'infanterie et d'anti-chars.
2 chars sont placés à la sortie Ouest d'ORBAES face à la direction de MONTMIRAIL.
2 autres à la sortie N.-O. face à la direction de BREUIL.
A 10 heures le Lieut. PICOT est informé qu'une colonne motorisée ennemie se dirigeant sur BREUIL est aux prises avec un canon de 25 placé à la sortie S.-O. du village.
Décision est prise par le Lieut. PICOT de pousser ses quatre chars en direction de BREUIL.
La colonne allemande est rencontrée et attaquée au delà du village.
Résultats de l'opération :
22 véhicules détruits au canon et incendiés.
10 soldats ennemis tués.
6 canons anti-chars détruits.
1 side-car mis hors d'usage et un autre pris par les chars et ramené en bon état.
100 caisses de munitions abandonnées sur place par l'artillerie sont également détruites.
À 17h30 Le Lieut. PICOT ramène ses chars à ORBAES-L'ABBAYE où ils reprennent leur place à la sortie N.-O. du village.
Le corps du sergent PRISON du 47ème R.I. tué à l'ennemi est ramené par le détachement à ORBAES-L'ABBAYE.
Les chars restent à la disposition du chef de bataillon LAPONITE et assurent la protection du repli du 47ème R.I., du 115ème R.I et de quelques unités du 2ème R.I.
Ils quittent le village les derniers et assurent, en liaison avec le 31ème G.R.C.A , la protection des arrières de la D.I jusqu'à CHAMPAUBERT où ils reçoivent l'ordre de se porter sur OYES.
Le 13 à 11 heures le Lieutenant CLERIVET est autorisé par la D.I. à quitter le P.C. pour prendre liaison avec l'échelon de la Cie et lui fixer un itinéraire de repli et des points de destination.
Le Cdt de Cie cherche en vain l'échelon sur chenilles dans la région de VAUCHAMPS. Le S/Lieut LAURAIN, sentant le danger avait, de sa propre initiative, regroupé la section d'échelon et amorcé un mouvement de repli à travers la forêt de DRACONNE, en direction de FONTAINE DENIS. Il est rejoint dans la forêt et approuvé par le Cdt de Cie qui lui fixe pour la soirée, au cas où l'avance ennemie se précipiterait un itinéraire de repli et un point de destination : ORVILLERS, au sud-est de ROMILLY.
À 14 heures, le Lieut. commandant la Cie prend liaison avec le P.C du 7ème C.A à GAYE, 5km au sud-est de SEZANNE à qui il demande des renseignements au sujet de l'emplacement du P.C de la 20ème D.I. Ces renseignements, demandés au Commandant POURCHET (ou PORCHET) du 3ème Bureau, sont attendus pendant près de 2 heures. La 20ème D.I appelée à plusieurs reprises au téléphone et par radio ne répond pas. Peu de temps après le dernier appel par radio, le 7ème C.A est avisé que l'ennemi a atteint SEZANNE et que le P.C doit se replier.
La liaison est dès lors coupée entre le Lieut PICOT laissé le matin à ORBAES-L'ABBAYE et le Cdt de Cie qui ne reçoit aucun ordre du 7ème C.A, et prend la décision de replier en direction du Sud les restes de la Cie désormais inapte au combat.
Le mouvement s'effectue à partir de 18 heures, la Cie arrive à ORVILLERS vers 20 heures.
4 tracteurs de ravitaillement, un tracteur SOMUA et un side-car ne rejoignent pas, pris probablement sous le bombardement de ROMILLY.
À 22 heures, sur la recommandation du chef de bataillon cdt le 23ème B.C.C, la Cie se déplace à nouveau vers le S.-O., pour rentrer dans la zone de la VIème Armée et arrive dans la nuit à LA RAMEE, au S.-O., de la forêt d'OTHE à environ 15 km N.-E. de JOIGNY.
14 juin 1940 :
A) Détachement du Lieut. Cdt la Cie : par l'intermédiaire d'un Capitaine du Train, le Lieut. CLERIVET reprend contact avec la VIème armée, dont le Q.G, est à AILLAUT, puis avec le Commandement des chars de l'Armée qui rattache la Cie au 36ème B.C.C, et lui donne l'ordre de la rejoindre immédiatement à BLENIAU.
Arrivée à BLENIAU vers 22 heures, le 36ème B.C.C, est parti, il ne sera rejoint que le lendemain 13 Juin vers midi à PIERREFITTE/S/SAULDRE.
La I/42 rattachée au 36ème B.C.C, le suivra désormais dans tous ses déplacements et atteindra CASTELJALOUX le 22 Juin après avoir cantonné :
le 17 Juin à POMMIERS
le 18 Juin à MONTROLLET
le 19 Juin à SAINT-CHRISTOPHE
le 20 Juin à LES VITARELLES (à coté de GOURDON)
le 22 Juin à CASTELJALOUX, elle est rejointe par le détachement PICOT.
B) Détachement du Lieut. PICOT : arrivé à OYES, vers 23h30 (le 13), le détachement du Lieut. PICOT, y cantonne avec des éléments du 2ème R.I. et du 31ème G.R.C.A.
La liaison est reprise à VILLEVENARD avec le Colonel commandant le 2ème R.I.
Des recherches sans résultats sont effectuées à BANNES par le Lieut. PICOT pour retrouver le P.C. de la 20ème D.I.
A 10 heures, ordre est donné par le Colonel commandant le 2ème R.I. de porter les chars à la sortie Nord du Bois des Allemands, à 800 m au sud du château DE MONDEMENT.
Le Lieut. PICOT reste en liaison avec le Lieut. DUPUIS officier de renseignements du 2ème R.I.
Des éléments du 2ème R.I. partis en direction de BROYES refluent vers le Nord puis font mouvement sur ALLEMANT où ils sont encerclés.
Vers 14 Heures, le Lieut. PICOT prend contact avec l'officier de renseignements du 2ème R.I, qui a pris le commandement d'éléments épars de ce régiment et fournit au Lieut. PICOT toute l'essence dont il dispose pour faire une percée en direction de FAUX, FRESNAY puis de COURCEMAIN.
La percée réalisée, le Lieut. PICOT reprend liaison vers 20 Heures à BESSY, avec le Colonel Cdt le 2ème R.I, qui lui donne l'ordre de se diriger vers le Sud-Est le plus rapidement possible, en évitant ROMILLY.
15 Juin 1940 : les quatre chars sous le commandement du Lieut. PICOT franchissent l'Aube à VIAPRES-le-PETIT, la Seine à PONT-st-JULIEN, S.-E. de TROYES, et font route en direction de TONNERRE. L'essence nécessaire est récupérée dans les véhicules abandonnés au bord de la route puis les pleins sont complétés avec de l'essence d'aviation à l'entrée de la forêt d'AUTMONT, une camionnette 402 PEUGEOT est également récupérée et sert au transport du personnel qui n'entre pas dans la composition des équipages des chars.
Arrivée à 4 heures de TONNERRE, le détachement PICOT est détourné vers le S.-E. tandis que l'infanterie qui se replie continue en direction de la ville. Vers 18 heures, une partie de cette infanterie rejoint les chars et signale au Lieut. PICOT que les allemands sont à TONNERRE avec des engins blindés. Décision est prise par le Lieut. PICOT de pousser avec les quatre chars dans TONNERRE.
Bilan de l'opération : 1 auto-mitrailleuse - 1 canon anti-chars et un barrage de mines détruits. Le Lieut. PICOT assure ensuite avec ses quatre chars, jusqu'à 21h35 la protection du repli d'éléments de toutes armes. Le char du Lieut. HEYMES, atteint au barbotin droit, par un obus anti-chars, devient inutilisable et sera abandonné au Nord d'ANOY-le-FRANC après avoir été mis hors d'usage (canon détruit, munitions, mitrailleuse, magnéto et carburant ôtés du char et toutes connections coupées).
16 juin 1940 : le détachement PICOT réduit à 3 chars, 1 side, 1 touriste et une camionnette, fait route vers DIJON, en passant par MONBART, il rencontre des éléments du 3ème B.C.C, qui le ravitaillent en essence. Arrivée à VITEAU vers 9 heures. Détachement dirigé sur CHALON-sur-SAONE par le Maire qui a reçu des instructions de l'autorité militaire.
À 15 heures, arrivée à ARNAY-le-DUC. Liaison est prise avec le Colonel commandant le 311ème Régiment d'Artillerie qui organise la défense de la ville encerclée par des blindés ennemis.
Les 3 chars sont immédiatement engagés. Le Lieut. HEYMES prend le char d'un sous-officier.
Le S/Lieut. LERICHE part seul en direction de SEAULIEU, fait usage de ses armes, essuie le feu de l'Artillerie antichar et des armes automatiques très nombreuses et est bientôt réduit au silence.
Les 2 autres chars (Lieut. HEYMES et sergent KOBLER) envoyés sur le chemin en direction N.-O. arrivent sur un plateau où ils tombent en panne l'un après l'autre.
Ils sont réparés, sous le feu, par l'équipage de dépannage (les allemands sont à moins de 20 mètres) sous la protection du reste du détachement qui fait usage d'armes individuelles d'infanterie récupérées par le Sergent LABOUNOUX. Le chasseur DELAUME, conducteur de la voiture de liaison abat d'un coup de mousqueton à bout portant, un ennemi qui le sommait de se rendre.
Le char du Lieut.HEYMES, réparé le premier part à la recherche du S/Lieut. LERICHE.
Il est arrêté sur une crête par de nombreux anti-chars et un barrage de mines.
Il rencontre un camion ennemi, muni de la croix rouge et d'un drapeau. Une dizaine d'hommes en descendent armés de mitrailleuses et font feu sur lui.
Le camion est détruit par le Lieut. HEYMES, plusieurs allemands sont tués ou blessés.
Malgré les recherches, le char du S/Lieut. LERICHE reste introuvable.
Le Lieut. HEYMES revient à ARNAY-LE-DUC où il rejoint le sergent KOBLER. Les 2 chars remontent sur la crête où ils sont accueillis par un très violent feu d'armes anti-chars et de mitrailleuses et poussent néanmoins une pointe profonde dans le dispositif ennemi. Le S/Lieut.LERICHE n'est pas retrouvé.
Le Sergent KOBLER est blessé à l'épaule par un anti-char qui a traversé la tourelle. Son char est ramené à l'arrière par son mécanicien. Les deux chars se retrouvent à nouveau à ARNAY-LE-DUC.
Le Lieut. PICOT craignant une méprise se rend auprès du Capitaine Cdt, la pièce pour lui signaler l'arrivée de ses chars.
Cette pièce est immédiatement soumise au feu très intense de l'ennemi et neutralisée. Le Capitaine est très gravement blessé (aux cotés du Lieut. PICOT) et les servants sont mis hors de combat.
Vers 18H40 le Cdt, du 511ème R.A. donne au Lieut. PICOT l'ordre d'assurer la protection du repli des éléments qui se trouvent encore dans ARNAY-LE-DUC, puis de se replier sur BEAUNE et CHALON/S/SAONE. La mission est remplie, les deux chars (Lt HEYMES et sergent KOBLER qui a enfin consenti à se faire soigner) restent sur place jusqu'à 20H30, protégés par le reste du personnel à pied faisant le coup de feu. Les fusées lancées par l'infanterie ennemie dans toutes les directions donnent au détachement qu'il est totalement encerclé. Néanmoins un passage est trouvé. Les deux chars perforés de toutes parts, manquant de munitions, mécaniquement hors d'usage et presque à bout d'essence, sont menés dans un bois voisin et incendiés par leurs équipages avec tout le matériel restant, y compris le side-car allemand récupéré à Breuil, les documents de la Cie détenus par le Lieut. PICOT ainsi que ceux pris à l'ennemi.
La voiture de liaison, incendiée par le tir de l'ennemi doit aussi être abandonnée.
C'est grâce à la camionnette PEUGEOT récupérée que le détachement peut reprendre la route en direction de CLUNY.
17, 18, 19 et 20 juin 1940 : désormais inapte au combat, le détachement PICOT se déplace à la recherche d'une formation de chars à laquelle il pense se raccrocher.
Il passe à CLUNY le 17, à THIERS le 18, à MONTAIGNAC St-HYPOLITE le 19, à TERRASSON le 20.
21 au 26 juin 1940 : Le détachement PICOT se trouve à CONDAT-le-LARDIN, Le P.E.B. 6 le prend en subsistance jusqu'au 26 inclus.
Le 26 juin il rejoint avec son personnel la 1/42 cantonnée à la ferme des Randrognes à 1 km de CASTELJALOUX.
27 juin au 1er juillet 1940 : La Cie regroupée cantonne à SEMEZIES - CACHAN (15 km N.-O. de LOMBEZ).
2 juillet 1940 : Sur l'ordre du Colonel Cdt le Centre de Regroupement des chars, la 1/42 doit quitter le 36e BCC et se trouve désormais rattachée au 42e BCC stationné à LABARTHE (6 km de MURET).
5 juillet 1940 : Par Ordre du Chef de Bataillon Commandant le 42e BCC, la 1/42 cesse d'exister à compter du 5 et se trouve fondue avec d'autres éléments du 42e BCC sous le Commandement du Cne de la Hitte.
42e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT
Unité formée à Vannes le 16 novembre 1939, avec des réservistes provenant des dépôts 505 (Vannes) et 509 (Maubeuge) originaires du Nord et de Bretagne, et armée de chars H 39.
ENCADREMENT Chef de Bataillon VIVET, Commandant le Bataillon. Capitaine MICHELOT, Chef d'Etat-Major. Lieutenant COLIGNON, Adjoint Technique. Lieutenant FORLIARD, Renseignements. Lieutenant COLLOMBY, Détails. |
||
2e COMPAGNIE | 3e COMPAGNIE | COMPAGNIE D'ÉCHELON |
Lieutenant LANNEFRANQUE Lieutenant DEQUENNE Lieutenant DERUPTI Sous-Lieutenant JOURFIER Sous-Lieutenant JOB Lieutenant MERCIER S.E. |
Capitaine DU COS DE LA HITTE Lieutenant DUC Sous-Lieutenant PELLEGRIN Aspirant LESTIENNE Aspirant ANDRIEU Lieutenant VENTAJOU S.E. |
Capitaine AUBRY Lieutenant CEILLIER Lieutenant FUSELIER Sous-Lieutenant SCANVIC 1ère COMPAGNIE (pour mémoire) Capitaine DUBLINEAU. |
Ordre de l'Armée n° 2038/C du 17 novembre 1947.
Magnifique bataillon de chars légers, ardent et tenace au feu, fait à l'image de son chef le Commandant Vivet, guerrier légendaire à la 3e Division Cuirassée, qui, dans tous les combats de mai et de juin 1940, a répondu jusqu'au sacrifice à l'appel du Général Commandant la Division.
En mai, durant douze jours, a mené des contre-attaques au sud de Sedan, triomphant d'un ennemi supérieurement armé, grâce à la farouche obstination de ses équipages. Du 10 au 16 juin, de l'Aisne de Rethel à l'Armançon de Montbard, au cours d'une retraite difficile, s'est battu chaque jour, donnant des coups de boutoir décisifs, et protégeant efficacement les replis de l'infanterie amie jusqu'au dernier appareil.
A sa création le bataillon est constitué à effectif normal lorsqu'en avril 40, la 1ère compagnie est désignée pour faire partie du Corps Expéditionnaire de Norvège sous le titre de Compagnie autonome 342. Elle devait être remplacée par une compagnie du 48e BCC, cette unité ne rejoindra jamais le bataillon et sous le titre de 1/42 elle combattra en pleine autonomie. De sorte que le 42e BCC durant toute la campagne restera à deux compagnies.
I. - 16 NOVEMBRE 1939 - 11 MAI 1940.
16 NOVEMBRE-JANVIER 40. - Le bataillon stationne au camp de Meucon (10 km nord de Vannes).
FÉVRIER - Les unités sont transportées par voie ferrée dans la zone des armées et vont stationner dans la zone de cantonnement de la 2e DCR.
15 MARS. - Le bataillon est placé sous les ordres du GBC 534, qui devient 7e demi-brigade à la 3e DCR.
La 1ère compagnie est affectée au corps expéditionnaire de Norvège.
3 AVRIL-11 MAI. - Le 3 avril le bataillon fait mouvement par voie de terre pour se porter dans la région de Reims : PC et CE Bazancourt. 2e Cie Caurel. 3e Cie Bétheny.
Durant cette période les unités sont recomplétées en matériel et poursuivent activement leur instruction tant sur le terrain de Bétheny qu'à Mourmelon où elles effectuent des tirs.
II. - 12 MAI 1940 - 31 JUILLET 1940.
12 MAI. - Alerté en fin d'après-midi, le bataillon reçoit l'ordre de quitter ses cantonnements et de se regrouper dans les bois de la ferme de l'Espérance (2 km nord de Bazancourt). La CE reste dans le village pour achever les travaux en cours.
13 MAI. - Dans la journée Bazancourt est bombardé et le bataillon subit ses premières pertes. Dans la nuit les unités font mouvement. Par Rethel elles se portent à Tourteron (20 km nord-est de Rethel).
14 MAI. - Au lever du jour les unités s'installent dans les bois de Tourteron (1 km est du village) à cheval sur la route Lometz - Le Chesne.
A 10 heures parvient l'ordre d'attaque de la 3e DCr. La division doit s'engager en direction de Chémery Bulson-Sedan, avec mission de rejeter les éléments ennemis au delà de la coupure de la Meuse.
Base de départ : Lisières nord du bois de Mont-Dieu.
Premier objectif : Chémery.
A midi, sous un violent bombardement le bataillon fait mouvement pour aller occuper ses positions de départ. A 14 heures, l'attaque est décommandée. Le bataillon stationne dans les bois d'Armageat (est de Sauville) où il passe la nuit.
15 MAI. - Sous la pression de l'ennemi, la situation s'aggrave et la DCR reçoit l'ordre d'établir avec ses unités un dispositif défensif antichars pour barrer les incursions des blindés ennemis sur la zone Le Chesne-Tannay.
En fin de matinée le bataillon reçoit la mission de tenir les passages autour de l'étang de Bairon.
La 2e Cie va prendre position au passage routier de Bairon au nord de l'étang. La 3e Cie dans la région de la Remonte entre l'étang et le canal.
A 17 heures les unités sont en place, aucune formation amie n'existe dans le secteur.
16 MAI. - Durant la nuit les unités stationnent sur leurs positions. La situation est critique, l'ennemi est au contact et nos unités de chars sont isolées, privées de tout appui d'infanterie.
A 7h30 l'ennemi venant de la région de Sauville déclenche une forte attaque, son infanterie progresse à cheval sur la route de la Remonte. Attaque appuyée par son artillerie et par de nombreuses armes automatiques qu'au cours de la nuit l'ennemi a pu mettre en place. Par trois fois, la section Duc stoppe l'adversaire et lui inflige des pertes sérieuses.
A 9 heures, la situation s'aggrave. Le bataillon reçoit l'ordre de se replier à l'est du canal, pour occuper au plus vite les ponts de Le Chesne, de Pont-Bar et de Tannay, ces ponts n'ayant pas été détruits. Le 16e BCP qui était en position à Oches reçoit la même mission défensive. Il constitue deux détachements : l'un dirigé sur Pont-Bar qui, protégé par les chars de la 3e Cie, débarque sous le feu des mitrailleuses allemandes. L'autre, sous la protection de la 2e Cie, s'installe sans grande difficulté à Le Chesne.
La progression de l'ennemi est arrêtée mais il réitère ses attaques appuyées par les stukas. A midi l'ennemi est stoppé. A 14 heures deux chars légers se présentent suivis d'éléments d'infanterie. Un violent combat par le feu s'engage, les deux chars ennemis sont détruits.
A 18 heures, un premier pont saute, suivi à 18h30 du second. Le Chesne est violemment bombardé. A 21h30, les chars tirent leurs derniers obus et ce n'est qu'à l'aube que l'ennemi cesse ses attaques. En aucun point l'ennemi n'a pu franchir le canal. Au cours de cette journée trois appareils ont été détruits ou endommagés.
17 MAI. - La 2e Cie avec le 16e BCP continuent à défendre le passage de la région de Le Chesne et de Tannay ; tandis que la 3e en liaison avec des groupes du GRDI et du 16e BCP opèrent dans la région des Petites-Armoises.
18 MAI. - Des missions d'appui sur les bois du Mont-Dieu sont effectuées au profit du 91e RI.
Dans la nuit le bataillon reçoit l'ordre de faire mouvement vers la région de Neuville-en-Tourne-à-Fuy. Un contre-ordre tardif parvient à l'unité mais la 3e Cie déjà en mouvement n'est arrêtée que dans la région de Ville-sur-Retourne.
19 MAI. - Tandis que la 3e Cie passe la journée à Ville-sur-Retourne, la 2e Cie stationne dans les bois sud de Belleville où dans la nuit elle est rejointe par la 3e Cie.
20 et 21 MAI. - Sans changement.
22 MAI. - Au matin le bataillon reçoit l'ordre d'occuper défensivement le bois du Mont-des-Grues (2 km est de Brieulles-sur-Bar).
Dans l'après-midi la 2e Cie exécute plusieurs contre-attaques locales avec les 51e, 67e et 91e RI empêchant leur encerclement et infligeant à l'ennemi des pertes sévères.
23 MAI. - La 3e Cie reçoit l'ordre d'appuyer une attaque aux abords du village d'Oches. Mais en raison de l'évolution rapide de la situation l'ordre est annulé. Malheureusement les chars ne sont pas prévenus du contre-ordre et en fin d'après-midi la 3e Cie se trouve menacée d'encerclement. Par ses propres moyens elle attaque l'adversaire, sème la panique dans ses rangs, réussit à se dégager en infligeant de très lourdes pertes à l'ennemi. Au cours de ce dégagement elle laisse trois chars sur le terrain.
24 MAI. - Au matin le bataillon gagne la région de Verrières. En cours de journée les compagnies reçoivent des missions distinctes.
La 3e Cie occupe des bois de la cote 253, tenus par une compagnie du 51e RI. Une attaque générale est prévue par le commandement en fin d'après-midi. La situation se modifie et la Cie du 51e RI exécute seule une contre-attaque locale et limitée. Cette action se solde par un échec, et les officiers de chars éprouvent les plus grandes difficultés à regrouper les fantassins en retraite dont tous les cadres ont été tués ou grièvement blessés. Dans l'après-midi la compagnie exécute une mission limitée ayant pour but de neutraliser un nid de mitrailleuses. L'opération est remplie mais deux chars restent sur le terrain. Dans le même temps sur ordre de la 3e DCR, la 2e Cie est chargée d'opérer le nettoyage des bois de la Grange-au-Mont. La situation est mal définie, depuis le matin l'ennemi a progressé. Alors que la compagnie se trouve en colonne dans un layon ne permettant aucune manoeuvre elle est déjà dans les lignes ennemies. Elle continue son avance, enfonce le dispositif de l'adversaire, pénètre profondément à l'intérieur de celui-ci, profite d'une clairière pour exécuter un mouvement tournant et par un chemin différent revient dans nos lignes, prenant à revers l'ennemi surpris auquel elle inflige des pertes considérables. Au cours de l'opération 4 chars sont détruits.
25 MAI. - Les compagnies se regroupent en position d'attente dans les bois de Brieulles-sur-Bar.
26 MAI. - Le bataillon fait mouvement sur les bois sud de Boult-aux-Bois (500 m est de la route de Vouziers).
28 MAI. - Nouveau déplacement sur le bois des Loges (nord Grand-Pré ).
29 MAI-6 JUIN. - Stationnement inchangé, révision du matériel dont l'état laisse à désirer par suite des efforts prolongés qui lui ont été demandés.
7 JUIN. - Mouvement de nuit sur Semide (10 km sud-ouest de Vouziers ).
8 JUIN. - Après une étape de nuit de 25 kilomètres le bataillon stationne dans les bois de Semide. La 3e DCR et la 7e DLM forment un groupement cuirassé.
9 JUIN. - La situation générale s'est aggravée, en plusieurs points l'ennemi a franchi l'Aisne. Dans la nuit le bataillon fait mouvement sur les bois sud de Ville-sur-Retourne.
10 JUIN. - L'ennemi a consolidé ses têtes de pont au sud de l'Aisne et de nombreux blindés rayonnent dans la région. Le groupement reçoit l'ordre d'attaquer dans la journée pour tenter de refouler les éléments adverses au nord de l'Aisne.
La DCR est axée entre la Suippes et la Retourne face à l'ouest, la nouvelle mission doit la porter face au nord-ouest. Mais pour passer la Retourne il n'existe plus que deux passages (tous les autres ont été détruits).
Le bataillon fait mouvement sur Ville-sur-Retourne puis sur Annelles en direction du nord afin de gagner des positions de départ entre Annelles et Perthes.
A 14 heures la DCR est en place à cheval sur la route Annelles Perthes en deux groupements. Au nord 42e BCC avec 1 compagnie B du 41e BCC et le 16e BCP.
Le bataillon a pour mission d'attaquer (avec le 16e BCP) Perthes pour y dégager le 127e RI qui s'y trouve encerclé.
A 17 heures, sans appui d'aucune sorte l'attaque part survolée par l'aviation allemande. En quelques minutes le bataillon perd la moitié de ses chars. A 18h30 un élément du 16e BCP suivi du reste du bataillon réussit à atteindre Perthes où il dégage les derniers éléments du 127e RI.
Au prix d'efforts considérables les objectifs sont atteints, 7 chars sur 8 sont atteints de plein fouet. Le lieutenant Duc est grièvement blessé et restera aveugle des suites de ses blessures, deux sous-officiers sont tués et plusieurs équipages sont faits prisonniers.
A 21 heures, le bataillon reçoit l'ordre de se replier dans les bois au sud-ouest de Cauroy.
11 JUIN. - Après avoir stationné dans les bois au sud de Pont-Faverger, à 9 heures le bataillon reprend son repli. Par les bois de Bennes et la ferme de Moscou, le bataillon gagne la région de Suippes et stationne dans le bois à 500 m de la ferme de Piémont. Il ne reste plus que 8 chars à la 2e Cie.
12 JUIN. - Le bataillon reçoit la mission d'interdire les abords de la ferme de Piémont, à cheval sur la route Suippes-Châlons, en liaison avec le 10e BCC.
Vers 12 heures une violente attaque de chars lourds ennemis est repoussée, plusieurs de ses appareils sont détruits mais trois des nôtres sont mis hors de combat.
A 18 heures, le groupement cuirassé donne ordre au bataillon de se replier par Doucey-Montcets-l'Abbaye et Drosnay.
A 21 heures le décrochage s'effectue. Bien qu'au contact des avant-gardes ennemies, le repli s'exécute sans incidents en protégeant les quelques éléments d'infanterie. Par La Cheppe, La Chaussée Romaine ; les équipages restant atteignent Moivre.
13 JUIN. - Au soir le groupement cuirassé réorganise les unités. Un bataillon de marche est constitué avec les éléments disponibles des 42e, 45e et 10e BCC, sous les ordres du Commandant Vivet, avec comme chef d'Etat-Major le Capitaine Monmasson, du 45e. Le personnel en surnombre rejoint la CE.
14 JUIN. - Le bataillon reçoit l'ordre d'assurer la défense des passages de la Marne à Frignicourt et Larzicourt (région de Vitry-le-François). Au cours de la journée les détachements refoulent plusieurs incursions allemandes.
A 20 heures parvient l'ordre de repli sur Brienne-le-Château.
15 JUIN. - A 8 heures le bataillon reçoit mission d'interdire à l'ennemi la zone de Morvilliers. A 12 heures il repousse une attaque ennemie qui fait perdre 3 chars au bataillon. Les ponts de l'Aube sont tenus jusqu'à ce que le génie français en ait opéré la destruction. A ce moment parvient l'ordre de rejoindre le PC du Groupement à Vendeuvres en maintenant deux détachements retardateurs l'un à la ferme Montmartin, l'autre à Longpré.
Le PC quittant Vendeuvres le bataillon est chargé de protéger son repli. A la sortie de Vendeuvres un bombardement d'avions italiens occasionne la perte de 2 chars, 2 tracteurs, d'un camion citerne et d'une dizaine d'hommes.
Lorsque le détachement parvient à Aiguilly le PC du Groupement est parti et le Chef de bataillon décide de passer la nuit à Polizot où il coopère à la défense du village avec le 22e RTA.
16 JUIN. - A 4 heures, le Capitaine Monmasson est envoyé à Tonnerre pour tenter de reprendre la liaison avec le groupement - il ne rejoindra pas, le détachement ayant été fait prisonnier au cours de cette mission.
A 8 heures une mission identique est donnée au Capitaine de la Hitte, qui plus heureux retrouve la demi-brigade à Les Riceys et rapporte l'ordre d'aller protéger le PC installé dans les bois de Crépant (sud de Montbard).
A 13 heures le détachement réduit à 3 chars, une trentaine d'hommes et deux officiers, passe à Montbard où il se heurte à des blindés ennemis venant du sud qui viennent de capturer l'état-major du groupement.
Jusqu'à 16 heures le détachement tient les rives du canal. Successivement deux chars sont détruits et avec le dernier char, bien endommagé d'ailleurs, le commandant le lance à l'assaut du pont. La coupure franchie l'appareil est sabordé, le personnel est embarqué dans deux voitures de tourisme et quelques side-cars. Par la route d'ls-sur-Tille de nuit le détachement gagne Dijon, puis rejoint à Chalon-sur-Saône, l'état-major des chars de la IIe Armée.
Dans le même temps la colonne de la CE est attaquée à Juillenay (12 km nord de Saulieu). Dans la soirée à la sortie nord de Saulieu, la colonne se heurte à des blindés ennemis, le Commandant de la CE est tué et le détachement fait prisonnier.
17 JUIN. - Quelques véhicules qui la veille avaient contourné Saulieu par l'est se trouvent stoppés par des éléments blindés ennemis à Saint-Léger-sous-Beuvray (16 km ouest d'Autun).
18 JUIN -31 JUILLET. - Les éléments qui ont pu passer et se soustraire à l'étreinte des blindés ennemis, stationnent successivement à Saint-Etienne-Feurs-Ceaux-les-Allègre-Aurillac-Capdenac puis à Labarthe-sur-Lèze (Haute-Garonne) où il est procédé à la dissolution du bataillon.
POINTS REMARQUABLES.
Le personnel de ce bataillon provient de deux origines bien différentes, Nord et Bretagne. Excellent mélange pour créer un solide esprit d'unité. Autre caractéristique l'unité est constituée uniquement de réservistes.
Au point de vue matériel le bataillon a l'avantage d'être équipé de l'excellent char H 39, malheureusement sans radio et armé du canon de 37 modèle 1918, qui se révélera encore très efficace avec les obus de rupture.
A la veine du déclenchement de l'offensive une décision regrettable vient amputer le bataillon d'une de ses compagnies. Son remplacement est prévu par une autre compagnie d'un autre bataillon. Ce projet ne sera jamais réalisé et même s'il l'eût été cette valse de compagnies ne pouvait rien faire présager de bon.
Le 10 mai l'instruction du bataillon est loin d'être terminée. Les équipages sont bien rompus à l'emploi de leur matériel mais l'homogénéité des unités laisse encore à désirer, aucune manœuvre d'ensemble n'a été exécutée, et c'est l'ennemi qui en quelques heures, va assurer la cohésion de l'ensemble.
Alors que le 13 mai le bataillon est dans ses cantonnements rémois, l'ennemi à Sedan a forcé le passage de la Meuse, et au cours de la nuit du 13 au 14 il exploite son succès.
C'est au cours de la même nuit que la 3e DCR fait mouvement pour contre-attaquer.
Le 14 à 5 heures du matin, le Commandant de la 3e DCR rédige son ordre d'attaque pour rejeter l'ennemi au delà de la Meuse.
Par suite des difficultés de ravitaillement en essence les bataillons n'atteignent leurs bases qu'à 16 heures. Mais la situation évolue extrêmement rapidement et dès 15 heures le Commandant du 21e CA modifie son ordre, prescrit à la division d'organiser dans toute la zone du corps d'armée des barrages antichars sur tous les itinéraires.
Durant douze jours, du 13 au 25 mai, sans arrêt, les compagnies courent de l'est à l'ouest du secteur. Dès qu'un point est menacé on appelle une unité de chars, on en trouve toujours une qui mission accomplie vient d'être retirée du combat et instantanément elle se porte où l'infanterie est bousculée. Au cours de cette période les appareils parcourent près de 200 kilomètres en mouvement de rocade. Toutes les missions reçues ont été remplies, la progression ennemie a été arrêtée, mais au prix de quels sacrifices ! Au 25 mai le bataillon a perdu près de 50 % de son matériel.
Le 10 juin, c'est l'engagement de Perthes. Engagement lamentable, sans appui, les chars abandonnés de tous. Ce coup de boutoir de la 3e DCr sera sa dernière action de masse.
Avec la même foi qu'aux premiers jours, les équipages luttent d'une manière magnifique dans un combat pour l'honneur et contre un ennemi possédant tous ses moyens.
A partir du 12 juin les termes de bataillon et de compagnie n'ont plus aucune signification, on colmate les rescapés en unités de marche. Jusqu'alors les équipages avaient montré leur esprit de corps, mais au fur et à mesure que les épreuves deviennent plus cruelles, l'Esprit Chars s'épanouit, les survivants s'agglomèrent, tous se soucient, forment bloc, on est Chars.
Après une retraite de quatre jours où tous se sentent traqués, des missions de sacrifice sont données aux équipages sur la Marne, sur l'Aube.
Le nombre des appareils s'amenuise mais tant qu'ils pourront se mouvoir ils accompliront les tâches qui leur sont données.
Le 16 juin les derniers appareils luttent de 13 heures à 16 heures et lorsqu'il n'en restera plus qu'un il sera employé à rompre l'encerclement du dernier carré et le sauver de la captivité.
En un mois de campagne les équipages du 42e BCC ont écrit au livre d'or de l'Arme de bien belles pages de gloire et les anciens de L'A.S. peuvent être fiers de leur cadet.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
JOURNAL DE MARCHE
DE LA 2e COMPAGNIE DU 41e BCC
Capitaine GASC
13 mai 1940 - 20 heures mouvement du 41e B.C.C. de Beine (15 km est de Reims) vers Rethel, via Epoye, Aussonce, Juniville, Perthes, Rethel.
14 mai 1940
Matin : mouvement de Rethel vers l'est : Tourtelon où le bataillon arrive vers six ou sept heures du matin.
À partir de 12 heures, mouvement Tourtelon, Lametz, Tannay, R.N. 77, lisières nord des bois du Mont-Dieu, pour participer à une contre-attaque en direction de Sedan.
20 h 30 : contre-attaque remise et repli du 41e vers Tannay. La 2e compagnie passe une partie de la nuit entre Tannay et Le Chesne ; elle reçoit, dans la nuit, lors de se porter à Louvergny avec mission de flanc-garder la 3e D.C.r.
15 mai 1940
Au petit jour : mouvement et installation de la 2e compagnie pour assurer sa mission face au nord nord-est et est. Reste de la journée : R.A.S.
Dans la nuit : la 2e compagnie est mise à la disposition de la 5e D.L.C. pour assurer son arrière-garde lors de son repli, le 16 mai, vers Attigny.
16 mai 1940
Matin : mouvement Louvergny, Lametz, Semuy, l’Aisne où la mission d'arrière-garde se termine vers 12 à 15 heures. Liaison perdue avec le PC du 41e B.C.C. mais connaissant la situation du PC de la demi-brigade de chars, des ordres lui sont demandés par liaison moto dès le départ de Louvergny. Ladite liaison me retrouve sur l’Aisne au début de l'après-midi. Ordres reçus : rejoindre le PC de la 3e D.C.r. à Savigny sur Aisne (sud de Vouziers), où la 2e compagnie arrive dans le courant de l'après-midi à l'étonnement de l'état-major de la 3e D.C.r.
Pendant cette journée, les deux autres compagnies du 41e B.C.C., la 1ère Billotte, la 3e Delepierre, mènent le combat, à Stonne, contre les blindés allemands.
Dans la nuit : la 2e compagnie, stationnée à Savigny, est alertée et reçoit la mission de se porter à Dun sur Meuse, par Boult aux Bois, Bantheville, en vue de participer à une contre-attaque au nord de Stenay où les Allemands tournent la ligne Maginot à l'ouest des ouvrages de La Ferté.
17 mai 1940
Matin : la 2e compagnie rencontre, sur l'itinéraire ci-dessus, les 1ère et 3e compagnies du 41e B.C.C. Le 41e B.C.C. reconstitué roule vers Dun pour participer à la contre-attaque prévue. Dans la nuit, le 41e cantonne dans la forêt de Woëvre au sud-est de Stenay.
18 mai 1940
Matin : le commandant du 41e va aux ordres.
Midi : reconnaissance de la base de départ et du terrain de la contre-attaque par le commandant Malaguti et ses trois commandants de compagnie, contre-attaque qui aura lieu vers 17 - 18 heures. Base de départ : lisières nord du bois d’Inor, entre Inor et Olizy, en direction de la cote 311 au sud des ouvrages de La Ferté.
Moyens mis en oeuvre :
chef de bataillon et son char 1 char
1ère compagnie : capitaine Billotte 3 chars
2e compagnie : capitaine Gasc 3 chars
3e compagnie : capitaine Delepierre 3 chars
Moyens qui ont été jugés suffisants eu égard à la dimension du compartiment de terrain dévolu à la contre-attaque.
Mission : libérer la cote 311 et permettre l'installation, sur 311 et environ, du 3e bataillon du 115e R.I. (6e D.I.).
Résultats : la mission est bien remplie, les Allemands sont chassés de la cote 311 et le III/115 R.I. l‘occupe et l’aménage. En cours de contre-attaque, mon char tombe en panne et je dois en changer ; opération rapidement faite (mon char rejoindra par la suite). Proche de la cote 311, je suis personnellement pris à partie par deux canons antichars de 37 mm ; je puis les repérer assez rapidement et les détruire, ainsi qu'un important ni de mitrailleuses dont les servants sont neutralisés.
L'ordre de repli du 41e B.C.C. est exécuté alors que la nuit est totale et que l'artillerie ennemie déclenche des tirs d'arrêt nombreux entre 311 et la bases de départ : en ce qui me concerne, je contourne un tir d'arrêt sans encombre et rejoint la position de regroupement avec mes trois chars. Durant la nuit les chars du 41e sont repliés au sud de Stenay où ils retrouvent ceux n'ayant pas participé à la contre-attaque. La 2e compagnie est à 10 chars.
19 mai 1940.
Repos et entretien du matériel.
20 mai 1940.
Le 41e B.C.C. se porte dans la région de Cierges (ouest de Montfaucon).
21 mai 1940.
Cierges.
22 mai 1940.
Déplacement vers le nord, région de Bantheville.
23 mai 1940.
Le 41e se déplace, toujours en réserve, stationnée dans la région de Sommauthe.
24 au 27 mai 1940.
La 2e compagnie est à Bayonville.
28, 29 mai 1940.
Déplacement du 41e dans la forêt de Boult (région de Boult aux Bois) pour intervenir face au nord et à l'est.
Mission de la 2e compagnie : à 1 kilomètre au nord de Croix aux Bois, prête à déboucher sur Quatre Champs.
30 mai 1940.
Déplacement du 41e vers Grandpré. La 2e compagnie stationne à Talma (3 km nord-ouest de Grandpré) où elle stationnera jusqu'au 5 juin.
6 juin 1940.
Le front est stabilisé au nord. L'effort allemand est axé sur Rethel et le 41e B.C.C. reçoit l'ordre de se porter vers l'ouest stationner dans les bois au sud de Semide. La 2e, au complet, toutes réparations effectuées, y est le 7 et 8 juin.
9 juin 1940.
L'effort allemand se confirme sur l'axe Rethel - Reims. Le 41e B.C.C. fait mouvement, dans la nuit du 9 au 10, par Machault Menil. La 2e compagnie arrivera à Annelles avec 10 chars dont un en panne de coupleur.
10 juin 1940.
Contre-attaque du 41e B.C.C. au sud de Perthes ; 2e compagnie, axe Annelles – côte 165 plein ouest jusqu'à la route Perthes - Juniville, dégager Perthes par le sud.
1ère compagnie (capitaine Billotte) contre-attaque au sud de la 2e. La 2e compagnie contre-attaque avec 9 chars et arrive sur son objectif. Au cours de l'action, une artillerie allemande très puissante détruit trois chars et en avarie trois autres très sérieusement. L'ennemi a perdu de nombreuses armes antichars, dont un canon de 105 ainsi que de nombreux combattants aux abords de la route Perthes - Juniville.
10 juin 1940 – La 2e compagnie a reçu l'ordre d'attaquer à partir des bois ouest Annelles, la région sud de Perthes aux fins de dégager cette localité encerclée par l'ennemi et où tiennent encore les débris d'un régiment.
La 2e compagnie dispose de 9 chars, le 10e est en panne de coupleur et sera laissé en arrière de la base de départ où il n'a pu arriver.
Le moral est excellent.
L'attaque débute dans de bonnes conditions ; l'ennemi est écrasé mais il faut subir, outre le tir des armes antichars, un tir extrêmement dense d'obus de tous calibres. Un char et détruit et brûlé (YONNE), un autre reçoit un coup de plein fouet sur l'avant, subit de graves dommages puis continue le feu.
Un canon de 105 se dévoile sur la droite de la compagnie, sud de Perthes et incendie coup sur coup deux autres chars (ARLAY et DURANCE) ; un équipage entier est la proie des flammes ; le canon de 105 est à son tour détruit.
Le char AISNE à son radiateur crevé et doit abandonner le combat peu avant l'ordre de repli.
Le char DURANCE à sa tourelle bloquée par un obus antichar qui se coince entre la tourelle et le toit.
Le VILLERS MARMERY reçoit des coups de plein fouet d'antichars sur ses chenilles ; de nombreux patins sont crevés et on ne sait dans quelles conditions il peut continuer à rouler.
Un autre char enfin est rendu inapte au combat, mais peut continuer à rouler.
L'ennemi a été bousculé ; un canon de 105, un minimum de 15 antichars détruits, de très nombreux Allemands sont mis hors de combat, le village de Perthes est débloqué, mais de tels succès ont coûté à l'unité :
cinq tués, deux blessés
trois chars incendiés
quatre chars inaptes au combat (qui rejoignent les lignes)
deux chars indemnes.
La 2e compagnie se replie vers 20 – 21 heures.
10 juin 21 heures - 11 juin 14 heures.
Repli de la compagnie avec 7 chars par l’itinéraire Annelles - Ménil – Pauvres – Machault – Cauroy – Hauvine – Pont Faverger – Nauroy – Ferme de Moscou.
À minuit commence la série des replis de chars tous plus abîmés les uns que les autres. Deux chars sont constamment en remorque au milieu de troupes qui se replient, elles aussi, vers le sud.
Dans chaque village, il faut passer les chicanes, tout feux éteints, avec des chars à la ficelle, chars qui ne virent qu’au frein, donc très mal. Les chicanes sont enfoncées et les chaînes, des câbles cassent.
Avant d'arriver à Mont Saint Rémy, on aperçoit des feux de lampes électriques et à notre arrivée dans Mont Saint Rémy, un tir d'artillerie très ajustée et très dense coiffe les chars, détruit les maisons, sème la panique dans les troupes à pied, à cheval, qui arrivent dans le village de deux directions différentes pour s'écouler par la même direction. Il y a des blessés que l'on évacue dans la voiture tout-terrain jusqu'aux ambulances. Un tracteur de ravitaillement qui a quitté la route saute sur une mine et brûle ; il n'a été vu en sortir aucun membre de l'équipage.
11 juin 1940 –
Au jour la compagnie arrive au bois nord-est d’Hauvine où elle fait les pleins. Contact écrit avec la compagnie Billotte qui arrive deux heures après réservoirs vides et que la 2e compagnie ravitaille en essence.
Vers 10 heures, les deux compagnies se replient. Les chars de la 2e compagnie se déplacent très espacés les uns des autres car il y a de l'aviation. Deux avions attaquent coup sur coup la voiture du capitaine qui est atteinte par plusieurs balles ; les occupants sont indemnes.
La compagnie arrive enfin, vers 15 heures à la ferme de Moscou où elle attend des ordres et se prépare à repartir. Partout, il n'avait été vu que des troupes en repli, pas toujours en très bon ordre. Le moral est excellent. La confiance règne.
11 juin 20 heures
Les ordres sont les suivants :
- former avec les chars aptes au combat une compagnie de combat aux ordres du capitaine Cornet.
- former avec les char inaptes au combat une compagnie qui a pour mission de se rendre au sud de la Marne où un élément de la C.E. fera les réparations nécessaires pour la reprise du combat.
Compagnie aux ordres du capitaine Gasc. Un seul char valide est laissé à cette unité pour en assurer la défense s'il y a lieu.
La confiance continue à régner dans les équipages.
JOURNAL DE MARCHE DU DÉTACHEMENT DE CHARS AUX ORDRES DU CAPITAINE GASC.
11 juin 1940
Au crépuscule cette unité s'ébranle ; elle comprend deux tracteurs de ravitaillement et 13 chars plus abîmés les uns que les autres. Son itinéraire le suivant : ferme de Moscou – Suippes – Saint Hilaire au Temple – L’Epine – Courtisols – Marson – Pogny – Vitry la Ville – Bois ouest de Vitry la Ville (soit 75 à 80 kilomètres) où sont les éléments de la C.E.
Cette unité ne tarde pas à s’étirer et si jusqu'à Suippes, la surveillance en est relativement aisée, par suite du peu de densité des troupes qui suivent le même itinéraire, elle devient très difficile à partir de Suippes où un véritable fleuve de troupes de toutes sortes reflue vers le sud. De très longs arrêts se produisent qui diminuent la vitesse de marche. La consommation d'essence et grande. Les moteurs souffrent et tout marche cahin-caha.
12 juin 1940
A partir de Suippes, atteint vers minuit, la colonne de chars s'étire sur 10 à 15 kilomètres et plus d'une heure est nécessaire au capitaine pour visiter tous les chars de cette colonne.
Au matin, contact écrit avec les éléments de la compagnie Cornet qui se trouve dans le camp de Mourmelon et dans l'après-midi seulement, les chars s'engagent vers Courtisols.
Le lieutenant Morillet, rencontré à Saint-Étienne au Temple fait apporter de l'essence en moto, voiture tout-terrain, tracteur et les pleins sont faits, char par char, au fur et à mesure où ce ravitaillement remontant le courant descendant, peut leur parvenir.
Encore des embouteillages. Le détachement est toujours aussi étiré. Un violent orage de s’abat sur la région, augmentant encore le désordre de toutes les troupes qui refluent vers Pogny. Toutes les troupes sont mélangées et ne peuvent aller plus vite qu’au pas. Vers 17 heures les premiers chars passent à Pogny.
À 18 heures environ, la colonne de troupes qui se replie est prise à partie par des blindés allemands arrivés par la route Châlons – Vitry le François et, prenant cette route d'enfilade, tuent chevaux et personnel, cassant les véhicules auto ou hippo. Le désordre règne sur la route ; ce n'est qu'explosions, cris, jurons, affolement, fuite.
Des chars qui arrivent de Marson (char de l'adjudant chef Barbier en particulier) foncent sur l'allemand qui rompt aussitôt le combat. L'action de ses chars permet à des milliers d'hommes et de chevaux, des colonnes de canon (G.P.F. en particulier) de s'écouler et de continuer leur en repli.
Vers 19 heures tous les chars ont passé la Marne.
Les chars de tête sont à l'ouest de Vitry la Ville et essaient de prendre contact avec les éléments de la C.E.
Les derniers se regroupent au sud de la Marne. Trois chars sous les ordres du lieutenant Dive restent à Vitry la ville.
Ces trois chars se présentent de la façon suivante : le premier remorque le second qui n'a plus aucune direction et va zigzaguant sur la route ; le troisième, attelé au deuxième l'empêche de quitter la route. Tous trois sont donc réunis entre eux par des câbles ou chaînes. Et c'est alors que passant devant le PC du général commandant la 14e D.I., le général les arrête dans leur marche et leur donne l'ordre de se mettre en position sur les ponts de Vésigneul ou Mairy. Le lieutenant rend compte de l'état de ses chars, de sa mission. Ordre lui est donné d'exécuter.
Le commandant de détachement, averti de cet incident, se porte vers Vitry la Ville au PC du général qui lui donne l'ordre de disposer ses chars pour défendre les ponts de La Chaussée sur Marne – Pogny – Vésigneul – Mairy sur Marne – et former deux bouchons à Vitry la Ville et à la sortie nord-est de Coolus avec les 13 chars de son détachement. Le commandant du détachement rend compte de l'état de ses chars (inaptes au combat et dont trois sont en remorque) de son appartenance à une division dont il a reçu une mission bien précise, de la présence d'éléments de dépannage. Rien n'y fait, il faut exécuter immédiatement.
L'exécution - il s'agit de transformer cette colonne de chars qui s'allongent sur cinq à six kilomètres en une ligne bordant la Marne sur plus de 15 km et avec des chars dans quel état :
Les ordres sont donnés pour disposer les chars de la façon suivante :
- 2 chars à la Chaussée sur Marne (pouvant marcher)
- 2 chars au pont de Pogny (pouvant marcher)
- 2 chars à Vitry la Ville (panne de moteur)
- 1 char est laissé à Togny (panne de moteur, de naëder)
- 1 char remorqué à Vésigneul (panne de moteur et de Naëder)
- 1 char entre Togny et Vésigneul (panne de moteur et de Naëder)
- 1 char à Mairy (pouvant marcher)
- 3 chars à Coolus (pouvant marcher)
Cette mise en place durera des heures et ce n'est que très tard dans la nuit qu'elle sera réalisée.
Entre 19 et 20 heures, le commandant de détachement est averti que les Allemands sont aux environs de Pogny ; il décide d'aller lui-même placer immédiatement un char pour battre le pont encore intact (char AISNE). Effectivement, à peine face au pont, un violent duel commence entre le char et des blindés allemands à Pogny. Le char est aussitôt mis hors de combat et son chef tué (lieutenant Homé).
Le commandant de détachement se précipite en arrière pour presser le déplacement du deuxième char qui, aussitôt arrivé près du pont, continue lui aussi le combat mais est détruit à son tour.
À ce moment, le spectacle est le suivant : sur notre rive, nos deux chars brûlent ; sur la rive opposée, cinq à six chars allemands brûlent aussi. De notre côté, outre les pertes matérielles, il y a cinq tués dont le lieutenant Homé et l'adjudant chef Courtois, chefs de char, 2 blessés dont le lieutenant Clouet.
L'allemand ne bouge plus quoique notre extrémité de ponts ne soit plus défendue, si ce n'est par quelques fantassins dont le régiment tient sur l'Aisne le même front que les chars. Le pont sautera d'ailleurs une heure après environ.
Aucun incident ne se produit pour la mise en place des autres chars si ce n'est la difficulté pour eux de se rendre à leur poste. Les chars valides sont envoyés aux points les plus éloignés, les invalides sont laissés en place (Vitry la Ville) ou remorqués aux postes les moins éloignés (Togny – Vésigneul).
Le PC du commandant de détachement est établi à Vitry la Ville qui semble le secteur le plus sensible.
Un violent tir d'artillerie s'abat sur Vitry et incendie un char. C'est le troisième détruit par l'ennemi ; un blessé.
Les éléments de la C.E. présents sur les lieux ont été ausculter les chars mais hélas, c'est tout ce qu'ils ont pu faire, car, face aux chars, se trouve un ennemi dont les tirs ne permettent pas d'amener des engins de levage nécessaires aux échanges de Naëder, coupleurs, etc… De sorte que les chars restent en l'état où ils sont arrivés.
Dans la nuit, contact est pris avec le capitaine Delepierre qui, dans la journée du lendemain, enverra la roulante et de l'essence, huile, munitions.
La nuit se passe sans incidents.
13 juin 1940
Au jour, les chars s'embossent (ceux qui le peuvent) dans les meilleures conditions (camouflage, champ de tir). L'ennemi ne réagit pas ou peu.
Les ravitaillements sont faits.
Des liaisons radio sont établies entre le PC et les chars ou groupes de chars.
Le commandant de détachement prend contact par deux fois avec chaque équipage.
Depuis trois jours les équipages n'ont pu se reposer ; l'entraînement qu'ils ont subi avant ces épreuves les a endurcis. Leur moral n'est pas entamé, la confiance règne.
Le général commandant la 55e D.I. a mis les chars les dispositions du 203e régiment d'infanterie (celui qui tient la Marne sur 15 kilomètres) et contact est pris par le commandant de détachement avec le colonel commandant le 203e R.I.
Un ordre de repli est prévu sur l'Aube. Les ordres seront donnés en temps utile. Les chars auraient alors pour mission de servir d'arrière-garde à l'infanterie. Que faire alors des chars cloués au sol par les pannes ?
14 juin 1940 - 1 heure
L'ordre de repli est donné. L'infanterie quitte l’Aisne. L'itinéraire à suivre est le suivant :
Ecury – Coupetz – Fontaine sur Coole – Dommartin – Soudé – Poivres - Mailly – Villiers – Allibaudières – Pont de Viâpres – Pouan – Nozay, soit 65 à 70 kilomètres.
Il ne peut être question pour les quelques chars pouvant se mouvoir (et dans quelles conditions !) de repartir chercher des chars en panne de moteur, coupleurs ou Naëder, à la barbe des allemands.
Ordre est donné de brûler ces chars, soit quatre.
Les équipages rendus disponibles sont évacués. Pendant cette opération, sept chasseurs sont blessés.
Restent donc sur la Marne, 7 chars :
3 chars détruits par l'ennemi
4 chars incendiés par les équipages.
Les chars se regroupent sur l'itinéraire Ecury - Coupetz et alors commence le repli sur l’Aube de 6 chars en mauvais état de marche, sur les arrières du 203e R.I.
Ce régiment était arrivé sur la Marne le 12 après une marche de 10 kilomètres. Quoique ayant eu un jour de repos (le 13), les hommes sont fourbus et les trainards deviennent de plus en plus nombreux, prennent d'assaut les chars, les tracteurs de ravitaillement, la voiture tout-terrain du commandant de détachement. Des mesures brutales doivent être prises pour que les deux derniers chars puissent au moins tirer en arrière, car des motos allemandes suivent à vue.
Toute la journée est nécessaire pour atteindre les abords de l'Aube. Marche lente, arrêts prolongés de l'infanterie. Des villages incendiés quelques heures plus tôt doivent être traversés. De nouveaux courants de troupes en repli s'ajoutent à notre colonne ainsi que des véhicules auto et hippo civils. Tout cela ajoute au désordre.
Ce n'est qu'à la nuit que les chars arrivent à 10 km au nord de l'Aube et se regroupent. Le matériel est très fatigué et certains chars devront bientôt être pris en remorque.
Contact est pris avec le commandant du 203e R.I. qui déclare passer l'Aube à Viapres et donne pour mission aux chars de former un bouchon défensif à Nozay.
Pendant que les chars se regroupent entre Herbisse et Allibaudières et font une partie des pleins, le commandant de détachement va reconnaître le pont de Viâpres qui lui paraît être insuffisant, ce qui s'avère exact. Il est décidé de passer par Arcis sur Aube dont les ponts sont suffisants et non encore détruits.
Après le regroupement, il est 22 - 23 heures. La route est remplie de troupes qui se replient et deux chars doivent être pris en remorque. Les chars s’imbriquent dans cette colonne et après un court déplacement, un arrêt interminable se produit alors. Renseignements pris, il court le bruit qu'un commandant en tête de la colonne a donné l'ordre de faire demi-tour et de remonter vers le nord. De fait, le mouvement s’arrête. Un officier du Train déclare ne pas être au courant d'un tel ordre et demande aux chars ce qu'ils en pensent. Les chars pensent qu'il faut continuer. L'officier du train fait dégager la route et les chars poursuivent leur marche entraînant des troupes dans leur sillage.
15 juin 1940
Arrivés en tête de la colonne (300 à 500 m de la route nationale n° 77 - 2 km de l'Aube – 1 à 2 heures du matin), les chars prennent contact avec des tirailleurs qui déclarent avoir été mitraillés par l'allemand qui a l'air de se trouver sur la route nationale n° 77 à notre gauche et sur la route I.C. 71 devant nous. Le renseignement est exact mais il est décidé de continuer et de percer.
Chaque chef de char est sur son char, une mitrailleuse dans les bras, des chargeurs à proximité. Les tirailleurs encadrent et la marche se poursuit. L’ennemi réagit ; les chars prennent sous leurs feux tout l'horizon sud et est. L'allemand se tient coi et ses lignes sont traversées sans grande casse.
Un flot d'hommes, de voitures, de tracteurs passe et arrive ainsi à Arcis sur Aube.
Un char manque et le filet s'interrompt brusquement.
Le commandant de détachement décide de retourner en arrière voir pourquoi ce char ne rejoint pas ; il amène avec lui un sous-officier et retraverse la ligne allemande. Quelques coups de feu, une grenade les saluent au passage. Le char est retrouvé et prêt à repartir. La colonne d'infanterie, véhicules et autres est arrêtée à 50 m derrière le char et ne veut plus avancer par crainte de l'ennemi. Le commandant du détachement et le sous-officier prennent chacun deux hommes par le bras et les amènent ; le reste suit et un nouveau flot passe l'Aube.
Le jour est là et les chars se dirigent presque à sec d’essence et sans huile de Naëder sur Nozay où ils arrivent vers sept heures.
La situation au point de vue matériel est exécrable. Deux chars sont en remorque, trois chars ont leurs joints de Naëder crevés depuis bien longtemps et ont consommé toute huile de ricin. L'huile de ricin est remplacée par de l'huile à moteur mais la provision s'épuise. On ne peut rouler longtemps ainsi, sans être immanquablement stoppés.
Les réservoirs d'essence sont presque à sec et la consommation d'essence de la journée a été telle, par suite de la marche au ralenti et des arrêts fréquents et prolongés que la réserve d'essence est, elle aussi, à peu près épuisée. Des recherches sont faites, mais sans résultat.
Le colonel commandant le 203e R.I. auquel il est rendu compte de la situation, ne peut que compatir à cette situation angoissante.
Il est décidé que tous les chars restants défendront les accès de Nozay où est établi le PC du colonel commandant le 203e R.I.
Un char (lieutenant Achet) est envoyé pour interdire le passage du pont de Viâpres, mais doit se mettre à découvert pour remplir sa mission. Les Allemands arrivant aux abords du pont ne peuvent manquer de leur repérer et le détruisent à leur aise à coups d'artillerie sans que le char puisse riposter. Le lieutenant Achet et le pilote sont légèrement blessés par des éclats. L'équipage se replie.
Vers 10 – 11 – 12 heures, le colonel rend sa liberté de manœuvre au commandant du détachement de chars ; son régiment doit décrocher dans la soirée.
Le commandant du détachement de char décide de ne partir qu'avec du matériel pouvant utilement faire du combat et de laisser le reste. Un seul char est susceptible de remplir ces conditions. Les pleins sont faits (essence, huile, munitions) en prenant sur les autres chars ; le restant est mis en bidon (sauf à 20 à 30 l par char) et sera transporté en tracteur tout-terrains (300 à 400 l d'essence et 30 l d'huile récupérée).
Les destructions sont préparées, les mitrailleuses prêtes à être enlevées, le plus possible de chargeurs de mitrailleuses sera transporté par les tracteurs ; tout le personnel : 25 à 30 officiers, sous-officiers et chasseurs sera transporté par les deux tracteurs tout-terrains, une camionnette récupérée et le char.
Le départ n'aura lieu qu'avec l'infanterie, dans le noir, pour empêcher éventuellement toute intrusion allemande et pour maintenir intact le moral de l'infanterie qui a les yeux fixés sur les chars et qui sait que tant qu'il y aura des chars avec elle, elle sera défendue.
Entre 10 heures et midi, les Allemands sont signalés aux abords de la gare d’Arcis sur Aube. Le char déjà prêt est envoyé pour voir ce qui se passe. Il se passe que plus d'une centaine d'Allemands sont là qui se battent les flancs, d'autres actionnent une locomotive, d'autres encore mettent des canons en batterie.
En quelques instants tout cela est en débandade, la Loco crache de la vapeur par tous les bouts, les minens sautent et le char est le maître de la situation. Plus un allemand n'est visible si ce n'est les morts qui, eux, n'ont pu se camoufler. Le char se poste, attend et rend compte de son travail. Il restera là jusqu'au moment du décrochage. L'allemand restera cloué à Arcis.
Vers 18 - 19 heures, le décrochage est décidé. Une moto va chercher le char sous des tirs de mitrailleuses allemandes ; les autres chars sont incendiés, toutes les mitrailleuses enlevées, les obus de 75 éclatent, les blindages se disloquent et c'est sur cette vision que le détachement de char, réduit à un char, deux tracteurs et une moto en reconnaissance quitte Nozay, les larmes aux yeux, la rage au cœur mais le moral intact.
Point de destination : forêt du Grand Orient et le Sud. On va essayer de se dégager de l'étreinte ennemie que nous subissons depuis trois jours. On marchera toute la nuit.
Voilà maintenant six jours sans repos, sans sommeil, mais les hommes ont confiance en cet unique char qui les précède, en ces mitrailleuses qu'ils ont dans les bras (une mitrailleuse pour 2 à 3 hommes) en ces chargeurs qui sont à portée de leurs mains. À partir de maintenant, tout le monde est à même de combattre et non pas seulement les chefs de chars et les pilotes qui relatent leurs cartons aux caporaux, chasseurs, qui jusqu'ici n'ont fait que le métier de pourvoyeur, dépanneur, graisseur. Et de fait, chacun, bientôt, aura à s'employer.
19 - 20 heures
Le détachement arrivé à Voué, suivant de peu une colonne d'un train d'artillerie qui a été faite prisonnière avant d'arriver à Montsuzain, distant de 2 km de Voué. Deux avions survolent le détachement et sont salués au passage par le feu de toutes les mitrailleuses. C'est un fait rarement vu : moral et confiance intacts.
Quelques français rencontrés à Voué disent qu'il y a beaucoup d'Allemands entre Voué et Montsuzain. Des militaires s'agitent à quelques centaines de mètres. Allemands ? français ? quelques précautions sont prises, espacement des véhicules ; tous les yeux sont aux aguets. On va partir quand arrive à notre auteur un bataillon ou du moins les effectifs qui en restent. Le commandant demande aux chars ce qu'ils pensent faire. Les chars répondent qu'ils vont à Montsuzain et au-delà. Bien dit-il, nous allons tenter une figure de grand style. Ma C.E. va vous appuyer de tous ses feux et mon bataillon attaque derrière vous. Le départ est retardé mais les mitrailleurs n'arrivent pas et le fantassin n'est pas chaud. Finalement, seule une mitrailleuse actionnée par un officier battra la route pendant que le char de tête, les deux tracteurs à 50 m en arrière et 100 m à droite et à gauche, quittent la route et la longent. 200 m environ sont faits ; l'infanterie reste à Voué est alors se dévoile derrière les militaires qui continuaient à s'agiter deux canons de 37 antichars qui couvrent de leurs projectiles le char et le tracteur. Le tracteur est aussitôt incendié, deux hommes brûlent avec, un autre est blessé ; tout le monde saute à terre et le combat est engagé. Le char a déjà perdu ses ailes, les pots d'échappement, l'antenne de T.S.F., le canon de 75 est bloqué par un obus de 37. Il est littéralement aveuglé, recevant un obus toutes les deux secondes ; à chaque obus des gerbes d'étincelles giclent des blindages mais les chasseurs ne s'énervent pas pour si peu et, de leur mitrailleuses, criblent de balles les Allemands qui sont mis hors de combat. Deux canons de moins.
La progression vers Montsuzain continue ; le bataillon reste obstinément à Voué où il se rendra plus tard sans combat. Seuls, trois fantassins tentent leur chance avec les chars.
De nombreux Allemands se dévoilent sur la route, aux abords de la voie ferrée et se replient. Leur marche est accélérée par le tir de nos mitrailleuses. Certains restent sur place. Il y a des blessés parmi nous.
Deux autres antichars se dévoilent et sont détruits par le char.
D'autres Allemands camouflés dans les champs tirent sur nous ; notre marche se ralentit et s'arrête ; seul le char poursuit et va attaquer Montsuzain pour nous dégager. Il ne dispose plus que du canon de 47 et de ses mitrailleuses.
Un nouveau canon de 37 Allemand se met en batterie à quelque 100 mètres et attend le char qui, manifestement, ne le voit pas. Aperçu par le commandant du détachement, celui-ci tire sur lui à coups de mousqueton. Repéré par le canon de 37, le premier obus est pour lui et le met hors de combat. Un des fantassins est tué par un obus de 37 mm. Un aspirant qui continuait la lutte avec ce canon est mis lui aussi hors de combat, mais le char aperçoit le canon et le met hors de combat à son tour.
La route va-t-elle être libre ? non. La fin approche car un canon de 105 prend maintenant le char à partie et en deux coups de canon le détruit, tuant le chef de char et blessant le pilote.
L'allemand est maintenant tranquille et va pouvoir neutraliser ce petit détachement qui se défend jusqu'au dernier chargeur que les chasseurs ont emporté avec eux en quittant les tracteurs.
C'est fini. Les blessés sont ramassés et pansés par les brancardiers allemands. L'allemand est correct et est fier d'avoir combattu ces quelques hommes qui n'ont pas voulu se rendre sans combattre, qui ont voulu sauver leur honneur.
Il fait nuit noire maintenant.
Les blessés sont transportés en auto au poste de secours allemand où un médecin refait les pansements.
Les prisonniers sont massés dans une église et le lendemain avant de partir au camp, un officier allemand vient les féliciter pour leur combat de la veille.
Nos pertes ont été sévères, nos meilleurs sont morts, mais le 16 juin, en remontant vers le nord, vers les camps de prisonniers, chaque officier, chaque sous-officier, chaque chasseur se sent fier de lui, fier de son unité, fier de ce morceau de gloire qu'il s'est taillé dans des conditions si difficiles et, c'est le cœur trempé de confiance qu'il se prépare à suivre son destin.
PERTES
Combat de Perthes : 5 tués 3 chars incendiés
2 blessés 4 chars inaptes au combat
Repli de Perthes à Châlons :
1 tracteur saute sur une mine et brûle
2 morts
Combat de Pogny : 5 tués, en char 7 chars incendiés dont 3 par l'ennemi.
5 blessés
Combat du pont de Viâpres : 2 blessés légers 1 char détruit par l'ennemi
Nozay : 4 chars incendiés par nos soins
Combat de Voué - Montsuzain 4 tués 1 char détruit par l'ennemi
6 blessés
Soit : 16 tués, 15 blessés pour un effectif de 50 maximum, ayant participé à ces combats.
16 chars (dont huit incendiés par nous-mêmes)
RESULTATS
Allemand mis hors de combat : de 150 à 200 minimum.
Matériel détruit : 15 à 20 canons de 37
1 canon de 105
2 minens
5 à 8 blindés.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.