JOURNAL DE MARCHE 
 DU 8e REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE

 

 

Le 8e régiment de Chasseurs d'Afrique est formé à Rabat en 1941.
Il est envoyé à Ségou au Soudan jusqu'en mars 1943, il fait ensuite mouvement vers la région d'Oran en Algérie où il va être transformé en bataillon de Tank-Destroyer sur le modèle américain.
Le régiment est alors composé d'un Etat-Major, d'un Escadron Hors Rang, d'un escadron de reconnaissance sur scout-cars et jeeps et de trois escadrons de 12 Tank Destroyer.

ETAT-MAJOR
Lieutenant-Colonel SIMON
Commandant en Second : Chef d'Escadron de BURON
Chef d'Escadrons Adjoint : Chef d'Escadron du CORAIL

1er Escadron

2e Escadron
Capitaine de la MORSANGLIERE
Capitaine de CHAZELLES
Capitaine BOUCHARD
1er Peloton
Lieutenant FRANCOEUR
Lieutenant AYOUN
2e Peloton
Lieutenant GAUTHIER
Lieutenant MICHELET
3e Peloton
Lieutenant de VILLOUTREYS
Lieutenant GAUTHIER-St GILET

 

3e Escadron
Capitaine BREUIL
Capitaine PERIQUET
Capitaine LAVAUT
Capitaine de TILLY
1er Peloton
Sous-Lieutenant de la ROCHE
2e Peloton
Lieutenant BARTHELEMY
Sous-Lieutenant SOUGE
Aspirant TRUCHET
3e Peloton
Lieutenant DUPRAT
Aspirant BORDIER

4e Escadron
Capitaine FRAPPA
Capitaine LACAS
Capitaine SOULE
1er Peloton
Sous-Lieutenant PHERIVONG
Adjudant ROCHARD
Lieutenant MERCIER
Sous-Lieutenant LOISEAU
2e Peloton
Lieutenant LACASSIEU
Aspirant de VILLEPLEE
Lieutenant LANIEL le FRANCOIS
3e Peloton
Lieutenant RHEINNAT
Sous-Lieutenant DARO
Adjudant DARNA
MdL Chef MUZZOLI

 

1944 L'ITALIE

Le 1er janvier 1944, le régiment est à Naples, affecté à la 2e Division d'lnfanterie Marocaine qui tient le secteur de droite du Corps Expéditionnaire Français dans les Abruzzes. Le régiment s'installe difficilement dans un secteur montagneux très encombré.

Le 12 janvier, la 2e D.I.M. se lance sur le Monte Monnacasale. La configuration du terrain ne permet pas au 8e R.C.A. d'exploiter le succès de l'offensive. Le régiment doit se limiter au soutien d'artillerie.

Du 15 janvier au 15 mars près de 50000 coups seront tirés. En prévision de l'offensive vers Rome, tous les canons prématurément usés devront être changés.
Le régiment est rattaché à la 1ère Division Française Libre (D.F.L.), dernière division affectée au C.E.F.

 

DU GARIGLIANO A ROME

Suivant le plan du général Juin, le percement de la "ligne Gustav", se fait en deux mouvements :
Une attaque par la montagne avec trois divisions et les tabors marocains.
Une attaque par la rive droite du Liri avec la 1ère D.F.L et le 8e R.C.A. sur la route de Rome.

Le 11 mai à 23 heures, le 8e R.C.A. traverse le Garigliano, protégé par une intense préparation d'artillerie.

Le 13 mai, la "ligne Gustav" est percée et le 8e R.C.A. s'élance avec deux escadrons, pour conquérir Sant'Apollinare et San Georgio A Liri.
La progression est difficile, ralentie par l'artillerie, les mines, les destructions de ponts et la ténacité de l'ennemi.
Le 3e escadron progresse à découvert sur sa droite car les Canadiens ne suivent pas sur la rive gauche du Liri.
Le 20 mai, 3 T.D. sont détruits.

Le 23 mai, le régiment est réaffecté à la 2e D.I.M.

Le 28 mai, Prise de Geocano par le 8e R.T.M., renforcé des 1er et 3e escadrons du 8e R.C.A.

Le 2 juin, après avoir franchi le Sacco, la route s'ouvre vers Rome. Le 1er escadron réalise un bond de 30 km. A 20 heures il arrive à Colleferro à 50 km de Rome où il est rejoint par le 3e escadron rejoint. Le régiment stationne sur place.

DE ROME A SIENNE
 
Le C.E.F. forme un corps de poursuite avec la 3e D.I.A. et la 1ère D.F.L.
A la suite de la prise de Rome, le 8e R.C.A. est articulé en trois groupements basés sur un escadron de T.D. renforcé d'une unité de reconnaissance et parfois de chars américains. Ces groupements sont commandés par des officiers du 8e R.C.A.
Groupement de gauche : 3e escadron.
Groupement du centre : 4e escadron sur l'axe de la route n°2 vers Sienne.
Groupement de droite : 2e escadron.

Le 18 juin, prise de Radicofani après des combats acharnés.

Le 19 juin, l'avance reprend, ralentie par les destructions systématique des ouvrages d'art et les mines.

Le 24 juin, le capitaine Breuil, commandant le groupement progressant à l'ouest est tué par l'explosion d'une mine.

Le 30 juin, le groupement ouest s'empare de Grotti et de Raddi en vue de Sienne.

Le 1er juillet, Les 2e et 4e escadrons dépassent Sienne qu'ils contournent par l'est et l'ouest.

Le 3 juillet, la 3e D.I.A. entre dans Sienne, absolument intacte, sous les acclamations de ses habitants.
La campagne d'Italie est finie pour le C.E.F. et le 8e R.C.A.
Du Garigliano au nord de Sienne, le 8e Chasseurs a effectué un parcours de 400 kilomètres dans des terrains particulièrement difficiles pour un régiment blindé.

PERTES
64 Tués : 6 officiers, 10 sous-officiers, 48 gradés et chasseurs.
327 Blessés dont 27 officiers, 51 sous-officiers et 249 gradés et chasseurs.

Le 7 juillet 1944, le régiment fait mouvement vers le sud pour embarquer a Tarente à destination de la France.

LA FRANCE - LE DEBARQUEMENT

Le 10 Août 1944. La rade de TARENTE est couverte jusqu'à l'horizon de bateaux de transport, de navires de guerre de tout tonnage. On sait à bord que, ce jeudi, doit avoir lieu le départ. Depuis cinq jours on discute ferme. Que faire d'autre, en effet, à bord d'un bateau immobile ?... Le lieu de destination est l'objet de commentaires passionnés. On essaye de le déduire des indices les plus minces, de la situation internationale, du ravitaillement emporté. Celui-ci surtout laisse rêveur. A bord du "Fort Stager", par exemple, où se trouve tout l'Escadron PERIQUET et une partie de l'Escadron LE HAGRE, le Lieutenant CHAUDEUR, responsable de but le chargement, a pris en compte quarante-cinq jours de vivres n'est-ce-pas l'indice d'une longue, très longue traversée ? Il a embarqué trois semaines de farine et d'eau potable qui ne doivent pas être entamées avant le débarquement, n'est-ce pas le signe que l'on doit nous diriger vers des contrées sans pain et sans eau ? Les pronostics vont leur train... ALBANIE, DALMATIE, BIRMANIE, tout est envisagé et tout se termine toujours par ce souhait si seulement cela pouvait être la FRANCE !... Tout à cette pensée, personne ne songe que peut-être un sous-marin ou un avion ennemi pourrait interrompre la croisière qui va commencer.

15 heures, le convoi de quarante navires auquel nous appartenons se forme et, encadré de ses chiens de garde, met le cap vers le Sud. Les cartes du débarquement ont été déposées en rouleau scellé, nous aurons le droit de l'ouvrir dans trois heures. A 18 heures, au milieu de nos hommes silencieux et graves, nous rompons les cachets et c'est tout à coup un hurlement de joie, les cartes et les plans comprennent la partie des côtes de FRANCE limitée entre CANNES et TOULON. Et très tard, ce soir-là, beaucoup d'entre nous restèrent seuls ou en petit groupe, accoudés au bastingage, rêvant au pays qui bientôt surgirait de l'horizon...

Et ce fut une traversée de rêve, sous un ciel sans nuages, sur une mer d'un bleu unique et sans une ride. Nous saluâmes au passage l'ETNA, MALTE, PANTELLARIA, la côte de TUNISIE, rappelant les souvenirs de Décembre précédent alors que nous suivions la route inverse. Le dimanche 13, au début de l'après-midi, dix porte-avions nous dépassent cinglant vers le Nord, nous les suivons d'un regard d'envie,... ils arriveront avant nous...

L'unique distraction est l'affichage, trois fois par jour, des dernières nouvelles reçues par radio. Nous suivons avec un intérêt compréhensible la percée américaine vers la BRETAGNE, son développement vers la LOIRE, le vaste mouvement tournant qui doit acculer les Allemands à la SEINE et ces nouvelles ne font que grandir notre impatience de prendre part tout de suite à la fête de la Libération de la Patrie.

 

15 Août. La première radio nous apprend que le débarquement a eu lieu à l'aube sur les côtes de PROVENCE avec un plein succès c'est bien, mais nous grognons parce que on ne nous a pas attendus. Il faudrait tout de même savoir si, oui ou non, nous sommes de la première vague. Par contre, !a date semble bien choisie. Quelque trois siècles plus tôt, le roi LOUIS XIII faisait donation à la Vierge Marie de son royaume envahi sur toutes ses frontières et ordonnait de fêter solennellement le 15 du mois d'Août... et ce fut la fameuse année de CORBIE qui vit l'étonnant redressement des Armées Françaises et l'aube de nouvelles victoires. N'est-ce pas cette fois encore présage de libération prochaine ? Et il nous semble que jamais ce jour ne finira, que jamais nous n'atteindrons les côtes de FRANCE qui sont pourtant si proches. L'on dormit très peu à bord cette nuit-là !

L'aube du lendemain voit tout le personnel embarqué groupé à la pointe avant du bateau.

Le flot nous apporte assourdi le grondement puissant des lourds canons de marine. Avant de voir quoi que ce soit, nous percevons de plus en plus nettement le fracas de la bataille vers laquelle nous voguons. C'est vraiment de la fièvre, à tel point que nul ne prêtera attention à nos patrouilleurs grenadant la mer où est apparu, sur les flancs du convoi, un sous-marin ennemi. Enfin, une ligne plus sombre apparaît au-dessus de l'horizon et chacun contemple cette sorte de brume qui matérialise pour lui le Pays. On ne raconte pas des heures semblables, on se souvient et l'on se tait.

Et voici que nous passons entre les navires de guerre, ancrés de flanc, dont les bordées ébranlent l'air elles s'en vont porter, hélas ! la ruine et la mort sur un sol auquel nous voudrions tant voir épargner ces épreuves. Et à nos yeux grandit la côte où nous distinguons maintenant SAINT-RAPHAEL qu'empanachent de lourdes fumées. Puis, cap au Sud, nous longeons à courte distance une côte dont nous nommons tous les points SAINT-AYGULF, VAL d'ESQUIERES, La NARTELLE... et voici s'ouvrir le golfe de SAINT-TROPEZ. A perte de vue des bateaux couvrent la mer.., on s'interpelle de transport a transport... toute l'Armée Française est là, celle qui vient directement d'AFRIQUE du NORD, impatiente d'entrer dans la bataille, celle avec laquelle nous avons combattu en ITALIE. Mains en portevoix, on échange des numéros de Régiment, on se reconnaît parfois, on demande des nouvelles, pendant que nous doublons SAINTE-MAXIME et BEAUVALLON pour venir nous ancrer au fond de la baie. Sur les hauteurs, les forêts brûlent, au-dessus de nos têtes passent, avec un bruit d'express les obus de gros calibre de la marine alliée, des avions sillonnent le ciel, tandis que des centaines de camions amphibies font la navette entre les bateaux et la terre. Spectacle de force puissante et tranquille qu'il faut avoir vu pour s'en faire une idée. Et brusquement, alors que nous sommes tout à la contemplation d'une terre où il nous tarde de prendre pied, se déchaîne le tonnerre de centaines et de centaines de canons de D.C.A. au milieu desquels crépitent des milliers de mitrailleuses, tandis que d'innombrables trajectoires lumineuses se croisent dans le ciel et que s'élève le fracas brisant des chapelets de bombes s'écrasant entre les navires. Courte attaque des bombardiers ennemis dont deux s'engloutissent en flammes dans la mer.

Il n'est pas d'attente qui ne se voit enfin couronnée. Tour à tour, par va et vient de chalands, nous prenons contact avec la terre. Les illustrés, le cinéma ont donné des images de ces exilés risquant leur vie pour la reconquête de leur sol natal, images où l'émotion prend parfois des allures théâtrales. La réalité ne se confond pas toujours avec l'illusion facile qui enthousiasme la foule.., l'émotion fut sincère et très profonde, mais une pudeur virile la referma presque toujours au fond du cœur.

Au fur et à mesure que nos éléments débarquaient, ils allaient se grouper dans les bois entourant le petit village de La CROIX-VALMER. L'accueil des habitants est indescriptible. Le Colonel SIMON venu installer son P. C. au Mas de CHAUSSE, ne cache pas son émotion d'être embrassé de tout cœur par une femme charmante, venue de PARIS pour goûter, ô ironie, de calmes vacances sur la côte Provençale.

Mais il ne faut pas s'endormir dans les délices de l'arrivée. Les commandos ont créé la tête de pont et l'ont élargie rapidement, il va s'agir de passer à l'attaque de la position fortifiée de TOULON, un des gros môles défensifs de la XIXe Armée Allemande sur le littoral méditerranéen. Cette Armée, à laquelle nous allons nous heurter, nous la repousserons devant nous peu à peu dans une lutte farouche au long d'une route qui mènera poursuivants et poursuivis jusque dans les hautes vallées des ALPES autrichiennes. Poursuite prenant parfois l'allure d'une débâcle, mais coupée de redressements étonnants qui donneront leur nom aux batailles de la Trouée de BELFORT, d'ALSACE, du RHIN, de l'ENZ, du DANUBE.

Pour ce début de bataille, le 8e R.C.A. est à la disposition de la 1ère D.F.L. du Général BROSSET, placée, avec la 9e Division d'infanterie coloniale et un groupement de commandos et de bataillons de choc, sous les ordres du Général de LARMINAT.

L'axe de la Division est représenté par la route St-RAPHAEL-TOULON au Nord de laquelle opérera le R.C.T. 2 du Colonel GARBAY à la disposition duquel sont mis deux pelotons du 4ème Escadron, tandis que le R.C.T. 3 du Colonel RAYNAL agira entre cette route et la mer, il lui est adjoint le 3e peloton du 4e Escadron. L'attaque est fixée pour le 20 au matin.

La place de TOULON est garantie à l'Est par deux lignes de défenses extérieures concentriques. La plus éloignée est jalonnée par le Mont FENOUILLET (293 m), HYERES, le Mont REDON la plus rapprochée, par les collines de TOUAR, les villages de la GARDE et du PRADET, tout un système de casemates et de forts relie ces points.

 

Dès le 19 au soir, nos éléments du détachement Nord s'établissent à 1 kilomètre au Sud de PAS du CERF, tandis que le peloton LACASSIN se porte au GALOUPET. Le lendemain l'attaque démarre favorablement. Les Allemands ont été tellement surpris qu'ils n'ont pas eu le temps d'enlever les pancartes indiquant leurs champs de mines, et d'autre part on sent très bien que l'on a affaire à des détachements retardateurs et que le contact n'est pas pris encore avec la véritable position de résistance. Au cours de quelques escarmouches, le peloton DARD, au Nord, neutralise des nids de mitrailleuses et fait 7 prisonniers, il s'établit pour la nuit au château de SAUVEBONNE. Au Sud, le peloton LACASSIN appuie le B.M. 24 progressant sur HYERES et se trouve, au soir, à 800 mètres à l'Est du pont du GAPEAU.

 

Le 21 Août, alors qu'au Nord la ligne des défenses extérieures est complètement enfoncée, le détachement Sud est stoppé face à HYERES. Le passage du GAPEAU est interdit par la formidable position du Golf-Hôtel. Le Colonel SIMON, qui vient de prendre le commandement du R.E.C.C.E. devant le R.C.T 3, fait venir tout le 3e Escadron du Capitaine PERIQUET. Dans l'après-midi, le peloton TRUCHET, en soutien du peloton LACASSIN, force le passage du GAPEAU les deux pelotons réunis, tirant à bout portant sur les Allemands en retraite leur causent de lourdes pertes. La garnison du Golf-Hôtel, écrasée par l'artillerie, décimée par les destroyers tirant à vue directe dans les embrasures, cède et se rend. A huit heures du soir, HYERES est atteint et traversé sous les acclamations d'une foule en délire, s'exposant au feu ennemi pour applaudir les Français vainqueurs. Première victoire sur le sol de FRANCE, mais durement acquise cinq tués devant le Golf-Hôtel, deux à la sortie Ouest de HYERES où le half-track du Lieutenant LACASSIN flambe au milieu de la rue, tandis qu'un destroyer du 3e Escadron est atteint de plein fouet. Enfin, au Nord, le Sous-Lieutenant DARD est tué d'une rafale de mitraillette au cours d'une reconnaissance à pied. DARD, nouvellement promu, magnifique de calme et d'assurance, débordant de joie à l'idée de revoir bientôt, après quatre années d'absence, sa femme habitant MONTELIMAR. Au total, nous avons perdu 8 tués, dont un officier et 14 blessés. Mais, personnellement, je compterai trente cadavres ennemis autour du lieu où gisent cinq des nôtres et les sous-sols de l'Hôtel-de-Ville de HYERES ne peuvent contenir la foule de prisonniers qui s'y entassent

Du Nord au Sud, toute la première position adverse a sauté. Sans désemparer, on s'attaque à la deuxième. Le 22 Août au petit jour, le Colonel SIMON pousse son P.C. à quelques centaines de mètres de la ligne où s'est établi le contact. Le 3e Escadron essaye de pousser de l'avant, stoppé par un feu nourri d'antichars, exposé au tir violent de l'artillerie lourde des forts, il ne peut, malgré ses efforts, déloger l'allemand cramponné solidement au remblai de la voie du chemin de fer. Le peloton de reconnaissance de l'Aspirant AZEMAR essaie de trouver un passage par une autre voie, il se heurte à de telles résistances et subit des tirs si violents qu'il est obligé de se replier. Cependant, au cours de la journée, nos hommes ont réussi à repérer à peu près toutes les résistances importantes et l'artillerie se déchaîne sur elles. La journée coûte au 9e, 2 tués et 10 blessés. Nous avons fait 23 prisonniers. Et, dans la soirée, le Sous-Lieutenant COSTER vient prendre liaison au P.C. du Colonel la deuxième vague du 8e R.C.A. a débarqué à BEAUVALLON. A la tombée de la nuit cependant, le Bataillon du Pacifique prend d'assaut le village de la GARDE où l'ennemi résiste farouchement délogé malgré tout, il interdit la progression vers l'Ouest et, ici encore, va intervenir un peloton du 3e Escadron en une de ces actions courtes et brutales dont nos gars avaient le secret et qui, si souvent, forcèrent la décision.

"A notre tour maintenant, quatre destroyers, quatre chars légers des fusiliers marins et en avant.., deux claquement Les Boches nous tirent au perforant... on se planque en vitesse et, à pied, on va se rendre compte. Après le virage, sous les platanes, une auto-blindée nous a repérés, un peu à droite, deux canons de 88 interdisent la route... Des ordres brefs... 4 obus sifflent ensemble, en plein dans le mille une flamme a jailli. On a gagné... 4 obus encore et les 88 rendent leur âme. Ouf On a eu chaud. Un char léger s'approche, passe doucement le virage dangereux un boche planqué dans le fossé, saute sur le derrière du char, une grenade à la main il ouvre le volet de la tourelle, va lancer sa grenade... un gars de l'équipage sort son colt et d'une balle, sauve son char. La route est libre maintenant nous rentrons à la GARDE où nous devons passer la nuit. Notre tâche n'est pas finie, demain TOULON s'offrira à nos coups ".
(Carnet du Maréchal des Logis LEFEBVRE).

Le lendemain 23 Août, la progression continue sur TOULON à l'Ouest de la GARDE, mais l'action principale a lieu sur l'axe Sud où le peloton La ROCHE du 3e Escadron opère avec le détachement SAVARY, des fusiliers marins. C'est l'affaire du CLOS-AUGUSTA que le Sous-Lieutenant de LA ROCHE a consignée sur ses tablettes.
" On signale un char ou un automoteur vers le Clos AUGUSTA ! Renseignement classique par son imprécision... Mon peloton, avec ses trois T.D., se glisse dans les bois de pins qui bordent la mer... l'infanterie n'a rien vu de précis, mais le Capitaine de la Compagnie stoppée est très heureux de voir arriver les destroyers qui vont l'aider à progresser vers le Clos AUGUSTA.
Ce fameux Clos se présente sous l'aspect inoffensif d'un bois de pins fermé de notre côté par un mur. Une section suffira.
Un Aspirant monte sur mon char de tête et nous partons avec les tirailleurs... en approchant, il apparaît que les Boches ont remué beaucoup de terre par ici.
Au bout du sentier, apparaît d'abord une petite casemate qui le commande... un obus explosif et la casemate grille avec son lance-flammes. A travers la fumée, le Brigadier-Chef PLONGERON, tireur aux yeux bleus infaillibles, distingue un PAK au ras du sol... un obus projette son tube à dix mètres il n'ennuiera plus les voitures qui ne pouvaient déboucher du PRADET.
Sur la droite, encore deux mitrailleuses qui sautent en l'air il reste le mur... trois coups de perforants y font de bonnes brèches. Rien ne bouge dans le Clos, mais les tirailleurs sont arrêtés par les barbelés et le champ de mines, Ils hésitent. Le T.D. de tête s'avance alors, tandis que l'Aspirant crie à ses hommes de marcher dans les traces des chenilles... 'Un bond jusqu'au mur, un coup sur un tas de munitions, pendant qu'un deuxième T.D. se dirige sur la droite pour contourner le Clos. Les Boches alors n'insistent plus et c'est les bras tremblants qu'ils sautent le mur... 43 dont un officier sont pris. Le Clos, on le voit maintenant, est truffé d'abris bétonnés.
On ramasse 3 mortiers de 81 et plusieurs lance-grenades de 50. Chez nous, pas un blessé le coup est payant ".
La dernière ligne de défense de l'ennemi a sauté à son tour. TOULON est atteint. Dès l'aube du 24 Août, le peloton AZEMAR reconnaît le quartier AIGUILLON où il livre des combats de rues et a un blessé. De son côté, le détachement PERIQUET opère à l'intérieur de la ville il cause de lourdes pertes aux Allemands au fort de la MALGUE, détruit des casemates et des nids de mitrailleuses. Enfin, tout au Sud, le peloton de LA ROCHE, mis en goût sans doute par son exploit de la veille, anéantit le fort SAINTE-MARGUERITE

" Le fort de SAINTE-MARGUERITE se présente sous l'aspect d'un ouvrage dominant la mer avec 4 pièces de 155 tournées vers le large, 2 pièces de 88 D.C.A. et D.C.B., des pièces de 47 antichars en embrasures et de nombreux canons de 20 Bréda. Une tour bétonnée avec télémètre surmonte le tout.

Depuis deux jours, ces deux pièces de 88 ont fait un travail monstre, tirant partout sur les fantassins, démolissant nos voitures, tirant même au fusant sur nos avions d'observation.

L'artillerie, malgré plusieurs pilonnages, n'a pas réussi à les faire taire on distingue toujours de la cote 55 les artilleurs s'activer autour de leurs 88. C'est alors qu'un de mes T.D. se glisse dans les pins pour gagner une position acrobatique au bord de la falaise. Le fort se voit assez bien, se découpant sur le soleil à 1.500 mètres. Le tireur ouvre le feu sur la pièce de gauche qui est touchée au 3e coup, une salve de six coups et le tube est coupé. On passe à la suivante qui est traitée de la même manière, bien que le réglage soit assez difficile, car le sol, en aiguilles de pins, s'affaisse à chaque départ, sous les 30 tonnes du destroyer. Enfin, une courte flamme, et le long canon du 88 s'affaisse...

Au tour du télémètre maintenant.., quelques coups de perforant-explosifs en ont raison deux ou trois obus sur un tas de munitions, et le haut du fort est complètement dévasté nous pouvons nous retirer tranquilles...

L'infanterie s'est avancée à 300 mètres du fort les chars légers des fusiliers marins tâtent le terrain... un obus perforant atterrit à 20 mètres devant le premier !... Surprise le fort tire encore et l'on rappelle les T. D.

L'un d'eux est amené derrière une murette. Son tireur, qui avait eu chaud en ITALIE, lorsque son char avait grillé, examine attentivement le fort... Deux embrasures carrées regardent la routé, ce doit être là !...

A 300 mètres, le premier obus entre dans l'embrasure de gauche quatre obus le suivent et une énorme explosion entraîne une bonne partie du fort à la mer, tandis que les fusiliers marins poussent des cris d'enthousiasme, il peuvent avancer tranquilles. Il est 10 heures. Le Capitaine, commandant la Compagnie attaquante du B.M. 21, envoie deux sections en avant dont une sur le fort.., mais l'accrochage est sérieux, tout le bois entourant l'ouvrage est rempli de fusiliers marins boches.

A 13 heures, le Capitaine a l'idée d'envoyer un prisonnier allemand accompagné d'un Sergent français brandissant une serviette au bout d'un roseau. Il invite la garnison à se rendre, sinon tout le monde sera anéanti. Le coup réussi, un Colonel allemand sort accepte de se rendre à 14 heures. On cesse le feu et à 14h30 nous voyons sortir avec stupéfaction 700 hommes et 21 officiers dont 3 supérieurs. 60 blessés sont encore dans les souterrains.

Je ramasse la casquette du Colonel allemand dans sa chambre, souvenir d'un joli coup de filet ".

(Carnet du S/Lieutenant de LA ROCHE).

Au soir du 24 Août, tous les éléments engagés du 8e Chasseurs sont regroupés à la GARDE et aux environs, ils ont été rejoints par le 2e Escadron et le reste du 1er débarqué le 22.

Les 26 et 27, tout le Régiment fait mouvement et, par AIX-en-PROVENCE, tout récemment délivré, va s'établir au Sud d'AVIGNON à MAILLANE patrie de MISTRAL, et à GRAVESON. Tout au long du parcours, la population ne sait comment manifester sa joie et son enthousiasme on nous comble de. fleurs et de fruits, nous faisons des orgies de pêches, de poires, de melons et, après tant de semaines de conserves, nous apprécions tellement mieux la pulpe douce et fraîche des beaux fruits de FRANCE.

 

Le 28 Août, ordre arrive de constituer un groupement blindé SIMON comprenant les 1er et 2e Escadrons du 8e R.C.A., un Escadron du R.F.M., une Compagnie de Sénégalais et une section de génie, avec mission de pousser des reconnaissances sur l'axe LUNEL, MONTPELLIER, BEZIERS et NARBONNE. Le 29, ces éléments passent le RHONE à ARLES, sont reçus à LUNEL avec enthousiasme et vont cantonner pour la nuit à MONTPELLIER. Des pointes sont poussées le lendemain sur BEZIERS, SETE et NARBONNE la région est calme et définitivement abandonnée par les Allemands. Le 31, tous remontent sur NIMES où les rejoint le 3e Escadron. Le groupement SIMON a ordre de remonter la rive droite du RHONE en direction de GIVORS, LYON, en passant par Le PUY.

Mais hélas, le ravitaillement en carburant n'arrive pas. Pendant trois semaines, ça va être la question la plus angoissante. Nous avons été trop vite pour prendre TOULON, nous avons vingt jours d'avance sur l'horaire prévu, et les pétroliers, qui apportent l'aliment indispensable à nos moteurs, ne peuvent augmenter leur vitesse. Alors que nous voudrions talonner l'Allemand en pleine retraite, nous n'allons pouvoir avancer que par à coup. poussant les Escadrons vers le Nord, les uns après les autres, au fur et à mesure que nos camions amènent essence ou gas-oil des plages de débarquement. L'ordre reçu le 31 ne peut donc être exécuté. Le mouvement n'aura lieu que le Septembre et conduira le Régiment, moins le 4e Escadron resté au Sud d'UZES, au PRADEL à 13 km au Nord d'ALES. Il faudrait pousser tout de suite vers le Nord, mais les réservoirs sont vides et le plein ne pourra être fait que le 2 Septembre au soir et immédiatement la marche reprend, il s'agit de rouler toute la nuit, l'objectif étant LYON dont le débordement doit commencer le lendemain et, tous phares allumés, pour pouvoir avancer plus vite, le 8e Chasseurs, en un immense convoi illuminé, fonce sur SAINT-AMBROIX, RUOMS, les gorges de l'ARDECHE, VALS-les-BAINS, la vallée de la VOLANE, grimpe à MEZILHAC, descend sur Le CHEYLARD et aboutit enfin, à l'aube, à SAINT-AGREVE. Nous pourrions doubler LYON le même soir, mais, une fois de plus immobilisés faute de carburant, le mouvement ne pourra être repris que le 4 Septembre. Partout l'accueil est remarquable, mais nous gardons cependant la rage au cœur de nous trouver sans cesse arrêtés, alors qu'il serait si agréable de foncer sans trêve ni repos, derrière un adversaire qui se retire et qu'une poursuite énergique démoraliserait certainement davantage. Enfin, dans la journée du 4, le 1er Escadron et le P.C. du Colonel, par TENCE, MONTFAUCON, BOURG-ARGENTAL, atteignent la vallée du RHONE en face de VIENNE, puis, par GIVORS, SAINT-GENIS-LAVAL, ECULLY, CHAMPAGNE-au-MONT-d'OR, débordent LYON par l'Ouest et aboutissent à LIMONEST. Une fois encore les réservoirs sont secs ou presque et les Escadrons de destroyers, qui, n'ont pu soutenir une marche aussi rapide, n'ont pas rejoint.

Dans LYON cependant, dont tous les ponts ont sauté, sauf un, la lutte se poursuit entre F.F.I. et miliciens une brève incursion dans les rues de la ville nous montre qu'il est malsain d'y séjourner au milieu des explications particulières et l'on remet au lendemain l'heure d'aller surprendre des parents ou des amis pourtant tout proches.

Le P.C. du Colonel s'installe au château de la BAROLIERE et le 1er Escadron au château de BOIS-DIEU. A l'un comme à l'autre endroit, l'accueil fut empreint d'un tel charme que, malgré notre déception de ne pouvoir continuer l'avance, nous avons conservé de notre séjour un souvenir inoubliable. Atmosphère essentiellement française, avec ce charme de la conversation, cette délicatesse dans l'attention, cette ironie dans l'émotion, cette élégance dans les moindres choses qui ont fait autrefois de la FRANCE la nation la plus enviée et la plus admirée de l'EUROPE. C'est d'une douceur incomparable surtout lorsque après des années d'absence on retrouve sa patrie et que l'on fait halte au milieu des brutalités de la guerre ; Nos délicieuses hôtesses méritent bien de trouver ici, après trois ans passés, ce témoignage d'un des oiseaux de passage de l'époque.

Notre arrêt forcé va durer onze jours. Malgré l'enchantement du séjour, le temps nous paraîtra long, car chaque jour qui passe représente une chance de plus pour l'ennemi de pouvoir se ressaisir. Nous savons bien que la 1ère D.B. est à se poursuite, mais il n'empêche que, si nous étions plus, ce serait mieux, et que nous rêvons sans cesse de nouvelles routes ouvertes vers le RHIN.

Le 5 Septembre a lieu une prise d'armes à LYON. L'étendard, le Colonel et le 1er Escadron y participent et défilent devant le Général de LATTRE de TASSIGNY. On a souvent dit et répété que les Lyonnais étaient des gens froids et peu expansifs... apparence trompeuse, ce fut un débordement d'enthousiasme inouï. Nous fûmes fêtés, acclamés, applaudis, entourés, bousculés, embrassés. Jamais, pour ma part, je ne fus et ne serai autant embrassé par autant de jolies filles en une seule après-midi... c'est un record imbattable.
Ce même jour, les 2e et 3e Escadrons rejoignent LIMONEST, mais sans pouvoir aller plus loin. Le 4e, lui, est toujours dans l'ARDECHE et n'arrivera que le 11. Entre temps, bénis par les habitants ou pays, nous y remettons un peu d'ordre. Nous nous opposons au pillage des fermes, nous faisons la police des routes où circulent trop de gens armés qui, sous prétexte de libération, alors que les Allemands sont à deux cents kilomètres au Nord, se livrent à des trafics peu réguliers. C'est ainsi que, le 7 Septembre, nous arrêtons une camionnette de F.T.P. transportant 650 kilos d'or volé dans une banque lyonnaise, ce qui nous permet de restituer le tout à la banque de France. C'est ainsi que, le 9 Septembre, nous arrêtons 3 Allemands cachés dans une propriété particulière avec la complicité du maître du logis qui se fait embarquer avec ses trois hôtes.

Enfin, le 12 Septembre, un premier ravitaillement en gas-oil permet de pousser sur VARENNES-le-GRAND les T.D. des 2e et 3e Escadrons. Le 15, un deuxième ravitaillement arrive et tout le Régiment remontant vers le Nord par MACON, CHALON et BEAUNE vient s'établir à AUBIGNY et BRAZEY-en-PLAINE où nous arrivons réservoirs vides mais coffres pleins de vieilles bouteilles de Bourgogne que les habitants nous ont offertes en cours de route.

Ce même jour, la 3e vague, comprenant tous les services, embarque à NAPLES à bord du COLOMBIA et débarquera à TOULON le 23 Septembre.

L'accueil de ces deux villages de BOURGOGNE fut parfait en tous points. Pas un homme qui ne couche dans un lit, qui ne mange à la table de ses hôtes, qui ne goûte une hospitalité plantureuse. Cinq jours de séjour suffiront à créer des liens tels que, tout au long de l'hiver, lettres et colis afflueront au 8e Chasseurs, que beaucoup s'ingénieront à revenir en ces lieux et que, maintenant encore, des relations subsistent entre anciens du 8e Chasseurs et leurs hôtes bourguignons.

Le 19 Septembre, arrive l'ordre de mouvement avec le carburant nécessaire pour l'accomplir. Ce déplacement doit nous conduire dans la HAUTE-SAONE. Nous ne sommes pas arrivés à temps pour forcer d'un seul élan la trouée de BELFORT et atteindre l'Est de BAUME-les-DAMES, ce qui tend à nous annoncer une campagne d'hiver sur le sol de FRANCE dans une région particulièrement favorable à la défensive. Et ce mouvement va être le point de départ d'une suite interminable d'autres mouvements qui, par allongements successifs, nous porteront de plus en plus vers le Nord. Et le temps, se mettant contre nous, va nous faire connaître une fois de plus, les souffrances de l'eau et de la boue, en attendant la neige et le gel.

VERS BELFORT

Et voilà le 8e Chasseurs quittant la plantureuse BOURGOGNE pour l'humide et triste FRANCHE-COMTE. Nous apprenons à faire connaissance avec les villages sans joie ni confort, où l'accueil est réservé, méfiant, dirait-on... ce n'est plus le rire clair et l'accent savoureux où chante un reflet de vie, de bon vin, de grand soleil, c'est un pays sérieux, où on se livre difficilement et qui ignore la douceur de vivre.

La mission primitive est de déboucher sur l'axe VILLERSEXEL, CHAMPAGNEY, GIROMAGNY, en se couvrant en direction d'HERICOURT. Le 21 Septembre, on aboutit au dispositif suivant : le P.C. est aux forges de MONTAGNEY, le 1er Escadron à MONTAGNEY, le 2e à GOUHELANS, le 3e à CUBRIAL, le 4e à Les MAGNY. Pays boisé, très coupé, favorable aux embuscades où les lignes très étirées permettent aux Allemands de faire des coups de main sur nos arrières pays de défilement où se cachent encore nombre de fuyards qui essaient de regagner 'ALLEMAGNE. C'est ainsi que sur les bords de l'OGNON sont surpris 5 ennemis, appartenant à l'artillerie de marine qui avaient retraité à pied depuis la BRETAGNE.

Jour après jour, nos éléments vont glisser de flanc vers le Nord. Le 4e Escadron, relayé par le 3e, se porte sur ATHESANS et le 2e, quittant GOUHELANS, s'installe dans la région de VILLAFANS puis, glissant lui aussi vers sa gauche, vient renforcer le 4e sur ses positions en même temps qu'une partie du 1er Escadron. Tous ces mouvements s'accompagnent d'escarmouches plus ou moins graves où, en quelques jours, nous perdons un tué et trois blessés. Enfin le 25, il est formé un groupement blindé aux ordres du Colonel SIMON, chargé de pousser sur CLAIREGOUTTE et RONCHAMP. Cet élément d'exploitation comporte l'Escadron de reconnaissance du 1er R.F.M., le 1er Escadron et le 3e Escadron du 8e R.C.A., 1 soutien d'infanterie portée (2 Cies du B.I.M.P.). Le 4e Escadron appuie ce jour-là le B.M. IV à l'attaque de LYOFFANS, tandis que le 2e Escadron avec l'Escadron KERMADEC du R.F.M. forment un groupement de poursuite aux ordres du Chef d'Escadrons du CORAIL. LYOFFANS est enlevé et l'attaque se poursuit sur ANDORNAY. Le 27, le 4e Escadron appuie le B.M. IV sur MAGNY-JOBERT et le B.M. 21 sur CLAIREGOUTTE. Dans la soirée CLAIREGOUTTE et FREDERIC-FONTAINE sont enlevés de haute lutte. Ces quelques opérations nous coûtent 1 tué et 13 blessés. L'Allemand se défend avec un acharnement chaque jour accru et profite du terrain favorable avec une science qu'il nous a déjà fait voir en ITALIE. De plus, son artillerie est nombreuse et fort bien approvisionnée ses observatoires excellents. L'aviation fait sa réapparition, ce qui vaudra au 4e Escadron d'abattre un Messerschmitt à la mitrailleuse à CLAIREGOUTTE.

Suivant l'ordre reçu, il faudrait continuer de CLAIREGOUTTE sur RONCHAMP, mais la route en lacets qui, à travers bois, conduit à l'objectif est barrée de nombreux abatis minés qui, à l'aube du 28, stoppent le débouché. Un scout-car du peloton de pionniers saute sur une mine et le peloton CUROT part avec un autre groupe de pionniers pour assurer la sécurité du 2e Escadron et protéger le travail de déminage de la route par des patrouilles sous bois. L'Allemand, en effet, est embusqué partout, les tireurs d'élite dans les arbres abattent leur homme à coup sûr et leur artillerie pilonne avec une intensité accrue les villages, les carrefours, les routes, les bosquets. Pas de front continu de notre côté, la Division étant étirée sur un front trop considérable pour pouvoir le réaliser. Pendant 4 jours, sous la pluie incessante, ce sera entre CLAIREGOUTTE et EBOULET un terrible jeu de cache-cache, aggravé par la menace permanente des mines réapparues plus nombreuses que jamais.

Le 29 Septembre, l'avance réalisée est de 1.500 mètres. Ce jour-là, se constitue un sous-groupement du CORAIL comprenant le 3e Escadron et un peloton du 1er Escadron du 8e R.C.m A., un Escadron de reconnaissance du 1er R.F.M. Il s'agit pour lui de s'étendre au Nord et de se porter au VOLVET. près de FRESSE, pour contre-attaquer les éléments ennemis qui ont repris à la 1ère D.B. le col de la CHEVESTRAYE. Au soir, le sous-groupement a établi des bouchons antichars à la sortie Est de FRESSE et à la sortie Est de MONTANJEUX. Le lendemain, le 2e Escadron qui, sous la protection du peloton CUROT, s'est faufilé plus avant dans les bois de la NANNUL, détruit un canon antichar à la lisière de BOULET, mais le 22e B.M.N.A., chargé du débouché sur RONCHAMP, n'atteint pas son deuxième objectif et le 8e R.C.A. est obligé de stopper sur place. Le lendemain, la situation reste sans changement, l'artillerie ennemie s'acharne sur toutes nos positions et l'on attend l'arrivée du B.M. 24 pour réattaquer sur RONCHAMP.

L'assaut a lieu le 2 Octobre le B.M. 24, appuyé par le 4e Escadron, parvient d'un premier bond jusqu'à l'Eglise de RONCHAMP. Le 2e Escadron en profite pour pousser sur EBOULET. Une fois de plus, il tombe sur des antichars mais réussit quand même à progresser à l'abri de fumigènes. Malgré les mines et surtout les concentrations massives d'artillerie allemande, l'avance se poursuit et, le 4e Escadron s'installe à la sortie Est de RONCHAMP. Il a un peloton engagé sur la route de CHAMPAGNEY. un autre sur la route de BELFORT. Il est stoppé par des abatis et l'Aspirant ROUX, qui vient de prendre à l'ennemi un camion chenillé intact, est mortellement blessé en allant les reconnaître à pied.
Et la guerre de mouvement se termine là, Dieu seul sait alors pour combien de temps. Après le manque d'essence, c'est le manque de munitions qui se fait sentir. Les retards du carburant, empêchant la poursuite, ont permis à l'ennemi de fortifier solidement les avancées de BELFORT, et, maintenant, nos transport ferroviaires déficients ne permettent pas d'acheminer vers la ligne de bataille trop lointaine assez de munitions pour entamer sérieusement cette ligne fortifiée. D'autre part, il y a crise d'effectifs. Notre passage à travers la FRANCE libérée a suscité un fol enthousiasme, mais cet enthousiasme n'a pas été jusqu'à pousser beaucoup d'hommes à nous suivre au danger. Les quelques engagements volontaires recueillis ne peuvent boucher les trous, et, jeunes recrues ou F.F.I. intégrés, tous ont besoin d'un entraînement sérieux pour combattre utilement sans pertes trop fortes.

Pour le 8e R.C.A., ses pertes, du 28 Septembre au 5 Octobre, jour où se stabilise le front, s'élèvent à 8 tués dont un Aspirant et à 33 blessés. Quant à cette stabilisation du front, elle se présente ainsi pour nous : le 1er Escadron est installé en point d'appui fermé à la scierie de RONCHAMP vers le carrefour CHAMPAGNEY-BELFORT. Le 2e Escadron est établi près d'EBOULET. La situation des défenseurs de RONCHAMP est un peu paradoxale. Ils sont sous les vues directes des observatoires ennemis qui, des hauteurs où passe la nationale 19 de PARIS à BELFORT, voient tout ce qui se passe dans les rues du bourg. Tout mouvement leur est donc interdit, chaque ravitaillement est sanctionné par une volée d'obus et tous leurs emplacements sont soumis à des tirs de harcèlement qui ne leur laissent aucun répit. On s'organise comme on peut, on se cache, on s'enterre en un sol boueux que détrempe une pluie continuelle. Le 3e Escadron, avec un peloton du 1er, se trouve toujours au débouché du col de la CHEVESTRAYE. Le 4e enfin, qui a subi les coups les plus durs, est envoyé au repos dans la région de BESANÇON.

Cette situation va se prolonger pendant 8 jours sans aucun changement. Il y aura à déplorer cinq blessés par éclats d'obus. Les Escadrons de T.D., sur leurs positions, effectuent des tirs sur des emplacements de batteries, des automoteurs. Le 1er Escadron appuie de ses feux de mitrailleuses le coup ce main sur le carrefour RONCHAMP-Le PLAIN, effectue des patrouilles, prend à partie les résistances ennemies rapprochées et subit stoïquement le tir des mortiers et des canons adverses. Le 12 Octobre. un obus de 105 traverse ce qui reste du toit du P.C. du Capitaine LE HAGRE, casse, ô horreur, une bouteille de fine posée sur la table et s'enfonce à ses pieds dans le plancher sans éclater.

 

Le 13 Octobre, les éléments de la 1ère D.B. qui étaient en position au Nord de la 1ère D.F.L. se sont retirés du front, notre secteur voit sa limite Nord reportée jusqu'à la route SERVANCE-Le THILLOT. La Division n'ayant pas assez d'effectifs pour allonger ainsi son front confie au 8e R.C.A., en plus de ses missions normales, celle de prendre à se charge la défense antichars de l'axe SERVANCE-Le THILLOT. Cette mission est confiée au groupement du CORAIL qui détache à cet effet, à SERVANCE, un peloton de T.D. du 3e Escadron et des éléments de reconnaissance du 1er R.F.M. Nos hommes voient ainsi s'alourdir le travail qui leur incombe et, du reste, la fatigue se fait si durement sentir que le 1er Escadron est relevé le 14 pour aller au repos dans la région de BESANÇON où le rejoindra le lendemain le peloton AZEMAR détaché au groupement du CORAIL.

 

Jusqu'au 25 Octobre, la situation reste inchangée. Les deux Escadrons en lignes continuent leurs tirs et subissent chaque jour des ripostes sévères qui heureusement ne causeront que deux blessés, mais, le 25, le front de la 3e D.I A., au Nord du secteur de la D.F.L. étant rétréci et une partie du terrain, tenu par elle, étant attribuée à celle-ci, nous voyons notre limite Nord reportée à l'axe RUPT-sur-MOSELLE-Le THILLOT inclus. Cette modification du front entraîne un remaniement dans le dispositif. Le 2e Escadron continue à tenir l'axe RONCHAMP-CHAMPAGNEY. Le 3e conserve la défense de ses deux axes PRESSE-PLANCHER-les-MINES et SERVANCE-Le THILLOT, et le 4e Escadron, ramené au front, entre dans la composition d'un groupement aux ordres du Commandant de MORSIER du R.F.M. et reçoit pour mission de constituer un bouchon antichars en profondeur sur la route RUPT-Le THILLOT, vers la sortie Ouest de RAMONCHAMP. Le 4e quittant la région de BESANÇON, gagne ses nouveaux emplacements et établit son P.C. à La ROCHE. Il sera rejoint le lendemain par le peloton MALAVOY du  1er Escadron. La ligne des avant-postes n'étant pas continue, puisque les postes sont éloignés les uns des autres de plusieurs kilomètres, ce peloton sera chargé d'assurer par des patrouilles la liaison entre la Légion et le col de MORBIEUX tenu par 3e Spahis.

Cette situation se prolongera jusqu'au 14 Novembre. Le temps reste mauvais et se refroidit, la neige succède à la pluie et ne facilite pas la tâche des patrouilleurs ni celle du service du ravitaillement. Les gars des T.D., toujours immobilisés, maudissent leur métier d'artilleurs, maudissent l'ennemi dont les ripostes sont toujours sévères, le 3e Escadron perd un destroyer qui brûle atteint de plein fouet. Le 2e Escadron effectue, le 14 Novembre, un tir à vue directe sur les lisières Ouest du THILLOT et un civil. passé dans nos lignes le surlendemain, signale que ce tir a détruit 3 canons de 88 et 2 mitrailleuses lourdes. Le 2 et le 11 Novembre sont marqués par des cérémonies religieuses et patriotiques au P.C. du 8e établi à FAUCOGNEY. Le 1er Escadron fournit chaque nuit des patrouilles ou des équipes de coups de main qui s'en vont dans la région des houillères de RONCHAMP.

Malgré le mauvais temps persistant, nombre d'indices semblent annoncer une offensive prochaine et, pourtant, des ordres ont été donnés pour une installation en quartiers d'hiver, les permissions ne sont pas suspendues à l'intérieur des corps, qui cherche-t-on à tromper ? Il y a quarante jours que le front s'est stabilisé, les parcs à munitions sont gonflés à bloc, des renforts sont arrivés et... une nouvelle fois nous nous étalons davantage sur le terrain. En effet, le 13 Novembre, ordre est donné au 8e Chasseurs de former un bouchon antichar sur l'axe SAULXURES-CORNIMONT avec un Escadron de T.D. du 7e R.C.A. La mission est confiée au 1er Escadron qui va s'installer à 1 kilomètre à l'Est de SAULXURES, à l'usine des BRUCHES, d'où il poussera des reconnaissances jusque sur CORNIMONT.

Cette dernière période de stabilisation nous a coûté cinq blessés. Une autre va-t-elle s'ouvrir encore 7. Le 14 Novembre, on apprend que la 2e D.I.M. qui tient le secteur au Sud du nôtre, a déclenché une offensive, mais, malgré la progression favorable de cette attaque qui affecte maintenant la 9e D.I.C., rien ne semble bouger dans notre secteur. Est-ce affaire locale ou début d'une opération généralisée ? En face de nous, l'ennemi accentue son activité, travaux et tirs d'artillerie et, de notre côté, sur tout notre front, les patrouilles resserrent le contact. Il se trame quelque chose, mais le secret est bien gardé.

 

BELFORT ET LA HAUTE-ALSACE

Le 18 Novembre, notre front est brusquement raccourci et le 1er Escadron rappelé de la vallée de la MOSELOTTE en HAUTE-SAONE. Dans la soirée, arrive un ordre d'opérations articulant les unités blindées de la 1ère D.F.L. en trois groupements ainsi répartis :
Groupement de MORSIER : éléments du 1er R.F.M., 4e Escadron du 8e R.C.A. réparti entre FERDRUPT, La ROCHE, col de la FOURCHE, CHATEAU-LAMBERT. Doit être prêt à se regrouper en réserve dans la région de la LONGINE après relève par la 3e D.I.A.
Groupement de GASTINES : éléments du 1er R.F.M., peloton AZEMAR du 1/8e R.C.A., 2 Escadrons du 8e R.C.A., éléments du 2e Cuirassiers. Mission : suivre l'action de l'infanterie et travailler à son profit sur l'axe RONCHAMP-CHAMPAGNEY-PLANCHER-BAS se tenir prêt à devancer l'infanterie pour reconnaître et exploiter en direction de GIROMAGNY rechercher la liaison avec la 2e D.L.M.
Groupement du CORAIL : éléments du 1er R. F. M., éléments du 2e Cuirassiers, 3e Escadron du 8e R.C.A. Mission : maintenir un bouchon anti-chars vers SERVANCE, être prêt à suivre l'action de l'infanterie sur l'axe FRESSE, La CHEVESTRAYE, PLANCHER-les-MINES, en aidant sa progression par le feu, en le devançant en cas de rupture de la défense ennemie, en constituant rapidement, le cas échéant une solide défense anti-chars.
Le Colonel SIMON, commandant le 8e R.C.A., assure le commandement de l'ensemble des groupements et l'heure de l'attaque est fixée au 19 Novembre à 7h30.
Ces détails techniques sont indispensables pour permettre de suivre la série d'actions que va mener le Régiment sur des axes différents.
Le temps est épouvantable, les routes défoncées et très minées - on va s'en apercevoir - les prairies inondées et tous les cours d'eau en crue. La pluie continue à tomber épaisse et froide, les sommets sont sous la neige, tout promet beaucoup de plaisir.
Donc ce dimanche 19 Novembre, le groupement de GASTINES, en soutien de la 4e Brigade du Colonel RAYNAL, progresse sur l'axe RONCHAMP, la HOUILLIERE, la BOUVERIE, CHAMPAGNEY et sur l'axe RONCHAMP, SOUS-les-CHENES. Les seules difficultés proviennent du terrain détrempé et des mines fort nombreuses, l'ennemi ne semble pas vouloir réagir immédiatement. En fin de journée, il stationne, d'une part aux lisières Est de CHAMPAGNEY, d'autre part aux lisières S.-E. de SOUS-les-CHENES où le peloton AZEMAR est au contact.
Le groupement du CORAIL, en soutien de la 2e Brigade du Colonel BASTIDE, ne peut démarrer ce jour-là, malgré la prise en fin de journée du col de la CHEVESTRAYE, l'itinéraire est impraticable aux véhicules, il faut que le Génie l'aménage rapidement.
Quant au 4e Escadron, il détruit plusieurs observatoires ennemis dans la région Sud du THILLOT. La progression continue le lendemain toujours lente à cause des difficultés du terrain, des inondations, des destructions énormes et aussi de l'ennemi qui ne consent pas à se laisser bousculer sans réagir. Le groupement de GASTINES s'empare cependant de Le MAGNY, PLANCHER-BAS et AUXELLES-BAS, faisant 50 prisonniers, et parvient, sur la route de GIROMAGNY jusqu'à 2 kilomètres N.-E. d'AUXELLES, où il est arrêté par une coupure fortement battue. Des éléments sont alors détachés plus au Sud et s'emparent de haute lutte de Les GRANGES-GODES, ERREVET, EVETTE-HAUT et BAS, mais une résistance plus forte couverte par de grosses inondations ne leur permettent pas d'occuper La CHAPELLE-sous-CHAUX, ni de déboucher du passage à niveau d'EVETTE. Ils sont de plus sous le feu direct du fort du SALBERT qui est fortement tenu. Un simple fait suffira à montrer les difficultés du parcours : l'Aspirant AZEMAR, essayant de passer le RAHIN à gué, vit son scout-car complètement submergé, il fallut des heures l'effort pour le dégager, à la suite de quoi, il poursuivit sa route sans désemparer. En fin de journée, il prend liaison à FRAHIER avec le groupement MOLLE de la 2e D.I.M.
Le groupement du CORAIL franchit le col de la CHEVESTRAYE à 12h30, dévale sur PLANCHER-les-MINES qu'il enlève à 14 heures en liaison avec l'infanterie et se trouve arrêté à un kilomètre au Sud du MONT par une coupure. Celle-ci est aménagée sur le champ, les abatis retirés et à 19 heures ses véhicules à roues entrent dans AUXELLES-HAUT. Il a perdu un T. D. sauté sur une mine.
Quant au 4e Escadron, relevé de sa mission, il se met en route sur FAUCOGNEY, mais, dans la nuit, il doit envoyer des éléments de T.D. et le peloton MALAVOY vers le col de la FOURCHE et CHATEAU-LAMBERT où les F.F.I., qui ont relevé la Légion, craignent une contre-attaque.
Groupement de GASTINES : Opérant dans la région d'EVETTE, le groupement enlève La CHAPELLE-sous-CHAUX dans la matinée. Puis le peloton AZEMAR, à pied, reconnaît les pentes boisées du SALBERT, il revient après avoir déterminé les emplacements de deux armes anti-chars qui seront détruites par les T.D. A 16 heures, il est envoyé à VALDOIE où il pénètre et essaie de prendre à revers le SALBERT dont la résistance arrête toujours les Fusiliers-marins. Surpris par la nuit, il s'y installe en point d'appui, sous un bombardement sévère.
Le groupement de GASTINES piétine toute la journée devant l'énorme coupure qu'il est impossible de déborder. Ses T.D. appuient la progression de l'infanterie, détruisent un observatoire, une arme anti-chars et font huit prisonniers.
Le groupement du CORAIL détache des patrouilles à pied sur LEPUIX-GY au Nord de GIROMAGNY. Il n'a d'autre route praticable que celle où est stoppé le groupement de GASTINES et doit, comme lui, attendre le rétablissement de la coupure.
Enfin le 4e Escadron arrive à son tour dans la région d'EVERET et détache aussitôt un peloton devant VALDOIE en soutien de l'infanterie et du peloton AZEMAR dont la situation n'est pas particulièrement solide.

Au matin du 22, le Commandant de GASTINES réussit à faire passer ses chars légers et ses T.D., il progresse sur GIROMAGNY qu'il enlève en liaison avec l'infanterie venant du Nord et du N.-O. Il envoie immédiatement sur VESCEMONT une patrouille de T.D. qui occupe le village, faisant prisonnier le sapeur allemand chargé de faire sauter le pont avant qu'il n'ait pu actionner sa mise à feu une autre patrouille de T.D. et de chars légers enlève ROUGEGOUTTE et s'installe aux lisières Sud et S.-E. du village, faisant des prisonniers, mais se trouve soumise à un bombardement très violent.

Le groupement du CORAIL établit la liaison avec de MORSIER à CHAUX et pousse des reconnaissances en direction du ballon d'ALSACE, mais, après MALVAUX, une importante destruction empêche toute progression. Il reçoit en renfort le peloton MALAVOY du 1er.

Au Sud, le groupement de MORSIER achève le nettoyage de la CHAPELLE-sous-CHAUX et par CHAUX s'empare de SERMAMAGNY. Le peloton AZEMAR aux lisières de BELFORT est toujours intensément bombardé. Ne possédant plus que deux véhicules aptes au combat, il est relevé par le peloton CUROT.

Le lendemain, le groupement du CORAIL reçoit l'ordre de prendre à son compte les bouchons à établir sur les axes du ballon d'ALSACE et de BRINVAL. En direction du Ballon d'ALSACE, il est impossible toujours de dépasser la coupure de MALVAUX. Le peloton MALAVOY, avec un groupe de T.D. du peloton TRUCHET est alors envoyé en reconnaissance. Les carnets de route du Lieutenant MALAVOY renferment de cette action un récit qu'il faut reproduire en entier.

"Dans la nuit du 22 au 23 Novembre, je reçois l'ordre de me rendre à VESCEMONT au petit jour et de me mettre aux ordres du Bataillon LANGLOIS, avec mon peloton de reconnaissance et un groupe de T.D.

Je pars de GIROMAGNY vers 6h45, sous une pluie torrentielle et glaciale qui rend à peu près inutilisables les moyens de liaison radio. Le Commandant LANGLOIS, toujours jovial m'accueille avec le sourire, me met rapidement au courant de la situation et me donne ma mission.

Son Bataillon tient VESCEMONT et PLANCHE-le-PRETRE A 800 mètres, les lisières des bois qui étaient encore tenues hier au soir, semblent abandonnées par l'ennemi. Les patrouilles d'infanterie n'ont plus trouvé de résistance au lever du jour. La Légion, attaquant le Ballon d'ALSACE à gauche, il faut essayer de couper les lignes de retraite de l'ennemi en atteignant la vallée de la DOLLER à SEWEN.

Ma mission est donc, aidé par deux sections d'infanterie, de reprendre le contact et de pousser au plus vite jusqu'à SEWEN. Le seul itinéraire possible, dans ce pays de montagnes aux forêts particulièrement denses, est une route forestière qui monte au col de la Grande ROCHE, frontière d'ALSACE, et redescend sur SEWEN par la vallée de la DOLLER. Mission simple : il faut rattraper le Boche et évaluer la valeur de ses résistances.

Moteurs en route ! En avant Le détachement démarre. La première difficulté ne devait pas se faire attendre : route en corniche sautée, impossible aux véhicules de passer, seules les sections d'infanterie peuvent continuer. Nous voilà partis à la recherche d'un débordement qui, à première vue, semble impossible mais seules les jeeps peuvent passer, et encore de justesse.

Les destroyers et les scout-cars attendent donc que le génie rétablisse le passage et je pars avec mes jeeps. Nous rattrapons rapidement l'infanterie qui progresse très lentement, car les hommes, en plus du poids de leur équipement, doivent supporter celui de l'eau qui imbibe tous leurs vêtements.

Liaison avec l'Officier : R.A.S. - Je remonte en voiture et, sans attendre l'infanterie, nous poursuivons notre route vers le col. L'altitude s'élève rapidement et nous entrons dans la neige que la pluie n'a pas encore fait fondre. Mais voici le dernier tournant avant le col. Prudence Je vais le reconnaître à pied avec quelques hommes.., il n'y a que des traces isolées de pas dans la neige, les Allemands ont dû se replier à travers bois.

Nous sommes au col, personne ! Et c'est le cœur gonflé de joie et d'orgueil que, les premiers de la Division nous mettons le pied sur la terre d'ALSACE. Mais le temps n'est pas aux émotions, il faut continuer notre mission car il n'y a plus d'ennemis par ici (C'était une erreur et nous ne devions l'apprendre qu'à notre retour).

L'infanterie n'a pas encore eu le temps de nous rejoindre. Tant pis ! Je fais venir les voitures et nous commençons la descente dans 30 cm de neige fondante. A 500 mètres, nouvel arrêt, car la route est barrée par d'épais abatis que, seul, le Génie peut enlever. Tout débordement est impossible, les pentes boisées sont trop abruptes.

Je décide de pousser une petite patrouille avec trois hommes pour reconnaître le terrain. A peine avons-nous dépassé les abatis que j'aperçois dans la vallée qui prend naissance à 200 mètres en-dessous de nous, une voiture à cheval allemande avec deux hommes. Prenant en courant la pente à travers bois, ARNOULT, CARDOT et moi nous nous lançons à "l'attaque de la diligence". Les deux Boches, surpris, sautent de la voiture, se couchent derrière elle et nous épaulent. A notre tour, cachés derrière des tas de bois qui bordent la rouie, nous ouvrons le feu. Après quelques salves peu meurtrières, les deux Allemands se rendent, et, dans l'interrogatoire rapide que je leur fais subir, ils m'expliquent qu'ils viennent de porter le ravitaillement au poste allemand (60 hommes) qui se trouve un peu plus haut, en arrière de nous, dans, la vallée où je viens d'aboutir, au refuge de FENNEMATT. Craignant que ce poste n'ait entendu nos coups de feu et ne me surprenne par derrière, je fais descendre de mes voitures trois hommes de plus avec une mitrailleuse légère. Nous nous installons dans la neige fondante sous la pluie qui continue à tomber sans arrêt. Au bout de quelques instants, voyant que le poste allemand semble ne pas m'avoir entendu, je décide de passer outre et de poursuivre avec mon sous-officier et mes six hommes, ma reconnaissance sur SEWEN.

Avec l'espoir que le poste ennemi de FENNEMAT ne m'avait pas vu et ne me couperait pas mon chemin de retour, je m'engage dans la vallée qui mène à SEWEN, premier village d'ALSACE, encore distant de 4 kilomètres. Vallée encaissée et sinueuse qui aurait été charmante en été, mais dangereuse et propice aux embuscades, avec les forêts sur toutes les pentes.

La patrouille progresse lentement mais sûrement, selon les plus belles méthodes du service en campagne. Nous avons déjà fait 3 kilomètres, j'ai l'impression de faire l'instruction des recrues.., jusqu'au moment où, la vallée s'élargissant, nous sommes plaqués à terre par une fusillade nourrie venant du chalet de LERCHENMATT, à 300 mètres de nous.

Le contact est pris, il s'agit maintenant d'évaluer la valeur de la résistance. ARNOULT et deux hommes un peu trop engagés. en terrain découvert ne peuvent se replier. J'amène tout de suite ma mitrailleuse dans un taillis pour contrebattre les tireurs ennemis. A ce moment, CARDOT, apercevant un boche, tire et le tue d'une balle en pleine tête (renseignement donné le lendemain par un prisonnier). C'était un des servants d'une pièce anti-char qui, du coup, se dévoile et nous tire à bout portant à explosifs. Ma décision est vite prise. J'ai le renseignement, je suis isolé à 4 kilomètres dans les lignes ennemies, notre infanterie est encore loin, nous ne sommes que huit, je dois me replier sans tarder. Nous nous regroupons dans les bois, personne n'est touché, mes hommes ont manœuvré d'une façon splendide.

Mais ce n'est pas fini. Il faut rentrer chez nous. Je prends la tête et nous partons à l'abri des bois, pour éviter le canon qui prend la route d'enfilade. La pluie tombe de plus belle.. le brouillard se lève, le sous-bois est très sombre... Je n'ai pas fait 500 mètres que je m'arrête, le cœur serré : je viens d'apercevoir un groupe d' Allemands à 50 mètres de moi ! Caché par un arbre, je fais signe à mes hommes de se camoufler rapidement derrière moi.

Les Boches m'ont vu, ils s'arrêtent. Je reste debout, sans galons, le col relevé, avec des bottes en caoutchouc noires, semblables aux bottes allemandes. Grâce à la mauvaise visibilité et se sachant dans leurs lignes, ils me prennent pour un des leurs. Mais apercevant le canon du fusil d'un de mes hommes, l'officier me crie : — Nicht schiessen, wir sind deutsch (Ne tirez pas, nous sommes allemands) — ich sehe, Sie können sich nähern (Je vois, vous pouvez vous approcher).

Lorsque l'officier n'est plus qu'à dix mètres de moi, je bondis de mon arbre, lui arrache ses grenades et son pistolet pendant que mes hommes sortent de leurs buissons et, après quelques coups de feu, s'emparent des autres. Total : un Capitaine, 12 hommes.

Haut les mains, colonne par deux, et rapidement chez nous. Nous ne sommes encore qu'à 500 mètres du point d'appui auquel nous venons de nous heurter ils ont sûrement entendu les coups de feu, pas une minute à perdre. L'officier allemand, en tête, à côté de moi, est blême de rage.

Nous sommes trempés, fourbus, et c'est avec joie que nous retrouvons nos jeeps toujours en place. Une section d'infanterie vient d'arriver au col. Pendant que j'étais accroché devant SEWEN, une résistante allemande, qui m'avait laissé passer avant le sommet, s'est dévoilée et à fait prisonnier un officier et plusieurs hommes. Quelques instants après mon retour, la résistance de l'auberge de FENNEMATT arrête la 2e section et tue à la tête de leurs hommes, le Commandant LANGLOIS et le Lieutenant de FONTGALLAND

La mission est accomplie, toutes les résistances sont bien déterminées, seule la pluie glacée continue à nous transpercer jusqu'aux os... (Extrait du journal de marche du Lieutenant MALAVOY).

Pendant ce temps, au Sud, le groupement de GASTINES réussissait à déboucher de ROUGE-GOUTTE vers 12h30 après réparation de la coupure de la route, mais se trouvait arrêté à nouveau, 1.500 mètres plus loin, devant une nouvelle destruction très sérieusement défendue. Une fois de plus, le Génie se remet au travail sous les obus.

Enfin, le groupement de MORSIER est ralenti par des difficultés de franchissement de la SAVOUREUSE en crue. Un peloton du 4e Escadron réussit cependant à passer le torrent à gué et appuie vigoureusement une attaque d'Infanterie sur ELOIE. Lui aussi est bientôt contraint de stopper devant une nouvelle coupure protégée par des abatis et l'inondation.

Et cet après-midi là, à LURE, avait lieu les obsèques du Général BROSSET. Ce magnifique entraîneur d'hommes, ce lettré délicat, ce chef devenu légendaire, que l'on voyait toujours aux endroits les plus exposés, était mort d'un accident stupide le 20 au soir.

Malgré la mort du chef, l'offensive ne se ralentit pas, au contraire. Tout le monde sait qu'il faut passer coûte que coûte si l'on veut donner de l'air au mince couloir de ravitaillement qui le long de la frontière SUISSE, permet d'alimenter la 1ère D.B. Celle-ci, en effet, se lançant à corps perdu dans la bataille, a occupé MULHOUSE, mais est contrainte de s'y retrancher pour y attendre, son essence et ses munitions. Le Boche. qui sent la gravité de la situation, attaque sans répit du Nord au Sud, pour arriver à asphyxier la grande unité aventurée, il ne faut pas qu'ils y parviennent. Et malgré d'épouvantables conditions atmosphériques, partout on travaille d'arrache-pied et l'on se bat avec fureur pour avancer malgré tout. Le groupement de GASTINES réussit à franchir la coupure qui l'avait stoppé la veille, entre dans GROSMAGNY dont le nettoyage est terminé en fin de journée et il se prépare à attaquer violemment dès l'aube la position devant laquelle il s'arrête.

Le groupement du CORAIL envoie un détachement sur le Ballon d'ALSACE. Il est très durement accroché (4 tués et 17 blessés au R.F.M.) et les T.D., dans le brouillard qui noie tout, ne peuvent intervenir efficacement. Un autre détachement part sur SEWEN. La résistance reconnue la veille par le Lieutenant MALAVOY tombe à 12 heures ; elle laisse entre nos mains un 75 antichar intact et 15 prisonniers, mais il est impossible à la nuit de pénétrer dans le village dont les lisières sont garnies d'antichars. A l'aube du 25, l'attaque reprend et après trois heures de durs combats de rue, les Allemands abandonnent SEWEN. Sans perdre de temps, on pousse de tous côtés. Le peloton MALAVOY réussit la liaison au Ballon d'ALSACE avec le 1er Bataillon de Légion qui y livre de durs combats il ramène un prisonnier. Pendant ce temps un détachement de T.D. enlève DOLLEREN à 15 heures et atteint OBERBRUCK à 17 heures. Impossible d'aller plus loin, pour l'instant, la route est coupée.

Le groupement de GASTINES, lui, doit préparer le débouché du C.C. 6 sur ROUGEMONT-le-CHATEAU, il devra donc pousser des pointes sur tout l'itinéraire et assurer la sécurité du flanc Sud par la reconnaissance et le nettoyage des axes ETUEFFONT - ANJOUTEY - ROUGEMONT - ST-GERMAIN. Dans un élan magnifique. le groupement débouche de GROSMAGNY, enlève l'un après l'autre, sous un feu intense les abatis minés qui lui barrent la route, s'empare de ETUEFFONT-HAUT, ETUEFFONT-BAS, ANJOUTEY, ROUGEMONT et SAINT-GERMAIN. Puis, après avoir assuré la sécurité de son flanc en établissant un bouchon antichar sur la route de BELFORT-Les-ERRUES. dépasse son objectif, pousse jusqu'à BETHONVILLIERS où il fait 80 prisonniers, envoie un élément de reconnaissance avec des T.D. à La CHAPEtLE-sous-ROUGEMONT où s'engage un très violent combat de rues les T.D. détruisent un 88 et mettent de nombreux Allemands hors de combat. Vers le Nord-Est une reconnaissance atteint les lisières de LAUW, en aval de MASEVAUX, mais, trop faible, elle doit rejoindre ROMAGNY. Si le C.C. 6 n'a pu déboucher sur ROUGEMONT, le travail a été fait quand même et c'est un incontestable succès.

Le 4e Escadron qui, la veille, n'a pu bouger de ses emplacements, quitte alors le groupement de MORSIER et se trouve placé à la disposition du groupement du CORAIL pour exploiter dans la vallée de la DOLLER... il laisse cependant un peloton à SERMAMAGNY.

Dans la nuit, arrive un ordre particulier constituant, sous les ordres du Colonel SIMON, un groupement de poursuite comprenant le groupement du CORAIL, la brigade de choc du Lieutenant-Colonel GAMBIEZ, un Bataillon de Légion, un groupe d'artillerie, des éléments du Génie. Il s'agit pour lui de se porter sur l'axe MASEVAUX, BOURBACH-le-HAUT, BISCHWILLER pour s'emparer au plus tôt des ponts de THANN en constituant de solides bouchons à MASEVAUX et à BOURBACH-le-HAUT.

A l'aube, le 4e Escadron en entier se porte à SEWEN, prêt à intervenir. Devant OBERBRUCK le Génie travaille au rétablissement de la coupure sous des feux ennemis qui nécessitent l'intervention de l'Infanterie et des T.D. du 3e Escadron qui détruisent un nid de mitrailleuses. OBERBRUCK est enfin occupé et dépassé et le peloton MALAVOY soutenu par un groupe de T.D. de l'Aspirant BORDIER, progresse vers RIMBACH qu'il attaque à 8h30. Le combat dure trois heures, il faut enlever les maisons une à une à un ennemi qui se défend pied à pied. tout en perdant beaucoup de monde en tués, blessés et prisonniers. Mais le passage d'OBERBRUCK n'a pu être rétabli que provisoirement, le Génie qui y travaillait a perdu tous ses officiers et sous-officiers les éléments qui tiennent RIMBACH sont obligés de se replier sur DOLLEREN. La brigade GAMBIEZ atteint MASEVAUX.

La journée du 27 est extrêmement confuse. La résistance allemande ne faiblit en aucun point, la densité de son artillerie, de ses mortiers et de ses armes lourdes est plus forte que jamais, partout on se heurte à d'infranchissables coupures, le groupement SIMON est trop lourd pour pouvoir s'articuler efficacement en des vallées étroites, sur des routes de montagne. Resteront seuls engagés ce jour-là le 3e Escadron arrêté devant WEGSCHEID et le 2e qui appuie l'action des fusiliers-marins sur MASEVAUX et participe au nettoyage difficile de la ville. Il s'établira pour la nuit à NIEDERBRUCK.

Le 28, la situation s'éclaire un peu. Le 3e Escadron franchit la coupure de WEGSCHEID à 8 h. sous un feu violent et précis de minen et de balles explosives. Le village est pris et occupé, mais la progression est de nouveau stoppée devant KIRCHBERG. Les T.D., intervenant à nouveau, détruisent un antichar, une mitrailleuse lourde, prennent 3 Allemands et anéantissant les restes de la résistance ennemie, entrent dans le village. Pendant ce temps, les 1er, 2e et 4e Escadrons participent au nettoyage de la partie Nord de MASEVAUX où les Allemands, retranchés dans le château et la chapelle, résistent opiniâtrement. Finalement, le château tombe à 10h30 et l'on y ramasse 50 prisonniers un canon antichar a été détruit. Et tandis que l'artillerie ennemie réagit violemment, le 2e Escadron appuie le débouché de l'Infanterie sur EICHENBOURG, détruisant un mortier.

Le lendemain, après une nouvelle répartition des Escadrons, la lutte reprend. Le 3e Escadron, parti de KIRCHBERG à 8 heures, parvient à NIEDERBRUCK, achevant ainsi le nettoyage de toute la haute vallée de la DOLLER qui est entre nos mains jusqu'en aval de MASEVAUX. Le 1er et le 4e Escadron attaquant vers le N.-E. s'emparent de HOUPPACH, du col de SCHIRM, et atteignent BOURBACH-le-HAUT à 16h30. il s'agit, en progressant sur une route étroite, montante, sans aucune possibilité de débordement, d'enlever le col du HUNDSRUCK pour descendre ensuite sur la vallée de la THUR et THANN. Plus à l'Est, le 2e Escadron, appuyant le mouvement du 1er R.F.M. sur BOURBACH-le-BAS, y détruit 3 mitrailleuses lourdes, puis s'avance sur RODEREN qui est si fortement tenu qu'il est obligé de se replier pour la nuit sur BOURBACH. Dans l'après-midi, afin d'être au plus près, le Colonel SIMON porte son P.C. à MASEVAUX il y sera durement secoué par un tir de harcèlement aussi violent que précis.

 

Le 30 Novembre, le peloton MALAVOY est envoyé en reconnaissance vers le col du HUNDSRUCK. Il se heurte dans les lacets de la montée à une forte résistance allemande disposant d'un canon antichar. Le scout-car du Lieutenant MALAVOY reçoit trois perforants et prend feu, les deux jeeps de tête, trop engagées, réussissent quand même à se replier sous la protection d'un tir de T.D. et rapportent de précieux renseignements sur la position ennemie, ce qui permet au 4e Escadron de détruire l'arme antichar, ouvrant le passage à la Compagnie de choc MISSOF. Celle-ci, soutenue par le peloton AZEMAR attaque le col qui est occupé à 17 heures.

Plus à l'Est, le 2e Escadron reprend l'attaque de RODEREN. Cette fois encore il est stoppé à 1.200 mètres du village, et, pour ne pas rester en une position par trop dangereuse, revient s'installer en point d'appui autour de BOURBACH-le-BAS. A 17 heures, une violente contre-attaque ennemie, appuyée par des chars est déclenchée sur le village. La situation est rapidement très critique, mais elle est redressée et sauvée par le Lieutenant AYOUN qui, avec son seul peloton, détruit deux Jagdpanther et un Panther, brisant l'élan ennemi et le faisant refluer sur ses positions de départ. Je tiens à citer ici le rapport aussi précis que modeste que fit de l'action le Lieutenant AYOUN sur l'ordre du Colonel SIMON.

Le peloton a été engagé pour appuyer une reconnaissance sur l'axe BOURBACH-le-BAS, RODEREN, éventuellement VIEUX-THANN. A la sortie Est de BOURBACH-le-BAS, la reconnaissance se heurtait à la ligne de résistance ennemie, protégeant RODEREN et interdisant le débouché sur la plaine de LEIMBACH-CERNAY.

Une opération devait dès lors être montée l'infanterie dut occuper la crête à l'Ouest de 475 pendant que les T.D. se mettaient à l'affût, en défilement, au carrefour Est de BOURBACH (cote 435) et en lisière du bois. La surveillance pour tous était la cote 475.

Dans l'après-midi du 30 Novembre, une opération de débordement était prévue par le groupement voisin sur le BRUCKLENWALD avec appui de Sherman, la position de départ étant sur l'EICHWALD dès le débouché, les chars apparurent sur la crête, bien en vue de la cote 475 ; il était tentant pour des Jagdpanther (chasseurs de chars du type Panther) de mettre leur canon à l'épreuve, mais on nous savait sur 435.

Pendant que les chars ennemis se postaient avec un bruit de chenilles qui a été perçu des fantassins, une violente et très précise préparation d'artillerie avait lieu en direction de nos T.D., encadrant ceux-ci d'extrêmement près.

Fort heureusement, une équipe de guetteurs avait été installée à proximité. Le dernier obus tombé, un char, du type Jagdpanther, faisait son apparition sur la crête, bientôt suivi de deux autres. Les T.D. n'avaient plus qu'à tirer, mettant rapidement en flammes deux des Jagdpanther, le troisième se repliait aussitôt et disparaissait.

Le Commandant d'Escadron était là et put rameuter l'Infanterie qui, attaquée pour la première fois par des chars, s'était repliée avec un certain désarroi sur BOURBACH, en même temps qu'il faisait venir sur le terrain, aux lisières Sud-Est et Nord du village, les deux autres pelotons de T.D. en vue de parer au débordement de la position. Le désarroi a d'ailleurs été aggravé par le passage d'un peloton de Sherman qui, traversant la zone de combat à toute vitesse, se dirigeait par la route, sans précautions, vers la cote 475 qu'il prenait par erreur pour l'EICHWALD.

Mais alors que tous les regards étaient dirigés vers la cote 475, un char du type Panther, par conséquent le char de commandement, débouchait des bois dans notre flanc Nord et tirait à perforant sur un T.D. sans l'atteindre. Le tireur, s'en étant aperçu à temps, put manœuvrer et mettre rapidement le Panther en flammes il s'en fallut de peu que nos éléments ne fussent eux-mêmes mis hors de combat par ce char apparaissant dans un secteur dont la surveillance n'était plus assurée par l'infanterie, qui avait abandonné ses positions.

En attendant que les éléments à pied qui s'étaient repliés, tranquillisés par l'arrêt brutal de la contre-attaque des chars, puissent reprendre leurs emplacements, les groupes de protection des T.D. et un peloton à pied de fusiliers-marins assurèrent l'occupation de la position.

Les éléments qui, la veille au soir, avaient pris le col de HUNDSRUCK, en débouchent au jour, peloton AZEMAR en tête. Ce dernier, après 200 mètres environ, est arrêté par de très gros abatis qui atteignent 800 mètres de profondeur. Tous ces abatis sont minés ainsi que les bords de la route d'autre part, ils sont défendus par des tireurs d'élite installés dans les bois qui dominent la route. Les pionniers du Régiment enlèvent de nombreuses schuhmines et le Génie qui travaille, protégé par les T.D.. sous la direction personnelle du Capitaine LE HAGRE, subit de grosses pertes. Il faut en effet tirer un à un les arbres piégés à l'aide du treuil d'un half-track, pendant que l'Infanterie livre dans les bois une véritable guérilla. En plus, l'artillerie allemande réagit violemment sur le col. De même, impossible de déboucher de BOURBACH-le-BAS. Une nouvelle tentative de contre attaque ennemie est stoppée par les T.D. du 2e Escadron : l'ennemi se venge de ce nouvel échec en pilonnant le village. On a l'impression que le Boche s'accroche désespérément à ce terrain si propice à la défensive, il veut à tout prix nous empêcher de descendre vers COLMAR et de border le RHIN de STRASBOURG à la frontière SUISSE. Sa ténacité, nos pertes et notre fatigue l'aideront à y parvenir pour un temps.

Les 2 et 3 Décembre, sur le col du HUNDSRUCK. on continue le déblaiement des abattis. Des hommes continuent à tomber en plein effort au long de la route, des pieds, arrachés par les mines témoignent des souffrances endurées pour gagner quelques centaines de mètres. Et quand, le 3 Décembre les derniers arbres abattus roulent dans la précipice, ils découvrent une énorme coupure barrant le passage. Le lendemain seulement, la route JOFFRE réparée permet la reprise du mouvement en avant. Le Capitaine LE HAGRE prenant la tête de l'avant-garde réussit à la tombée de la nuit un coup de main sur l'auberge de RUTHENSTALL à 2 kilomètres au S.-O. de BITSCHWILLER et s'y enferme pour la nuit avec un groupe du Bataillon de choc. Cependant un des chars de soutien a été atteint par une arme antichar, qu'un T.D. est détruit. Quant au 2e Escadron, il appuie une attaque d'infanterie sur RAMMERSMATT, mais l'attaque échoue devant la violente réaction ennemie. Un de ses pelotons est alors envoyé au repos à MELISEY.

Le 5, l'adversaire réagit sur tout le front avec une force inouïe. Nos éléments, à bout de souffle, sont obligés de se cantonner dans la défensive, mais réussissent à garder tous les points a teints, notamment l'auberge de RUTHENSTALL qui nous donne vue et accès sur la vallée de la THUR. Dans l'après-midi, le 1er Escadron en entier et un peloton du 4e sont, à leur tour, envoyés au repos, la limite d'épuisement étant atteinte. Le 6 Décembre, du reste, voit la relève d'une partie des éléments de la 1ère D.F.L. engagés dans le secteur, par des unités de la 2e D.I.M. Il ne demeure plus en ligne que 2 pelotons du 4e Escadron face à BISTCHWILLER et 2 pelotons du 2e, face à RAMMERSMATT.

 

Le 7, le Colonel SIMON, qui dispose d'un Bataillon du 8e R.T.M., d'un peloton de médium, du 4e Escadron et d'une Compagnie du Génie, attaque sur BITSCHWILLER après une préparation d'artillerie de 20 minutes. Les T.D. et les Sherman appuient la progression de l'Infanterie qui entre dans le village vers 11 heures, malgré une résistance désespérée et le nettoie avec l'aide des T.D. Un half-track du 4e Escadron saute alors sur une mine. Un peloton du 4e Escadron remontant la vallée s'avance sur WILLER, tandis qu'un deuxième peloton procède au nettoyage de la fabrique située à la sortie Sud de BITSCHWILLER. s'emparant d'un canon antichar avec son tracteur et faisant 20 prisonniers. Quant au 2e Escadron, formant la deuxième branche de la tenaille qui se resserre sur THANN, il aide l'Infanterie à attaquer RAMMERSMATT qui, cette fois, est enlevé dans la matinée.

Le lendemain 8 Décembre, c'est l'attaque de THANN. Le peloton LANIEL le FRANÇOIS perd son Lieutenant qui est remplacé par l'Aspirant de VILLEPLEE. La progression est difficile, mais les T.D., appuyant vigoureusement l'infanterie, entrent dans la ville où les Allemands opposent une farouche résistance. Des Tiger et des Jagdpanther interviennent dans les combats de rue. C'est, autour de la cathédrale, une chasse terrible où les lourds blindés se cherchent et se canonnent à bout portant. Un T.D. est atteint par un Tiger, mais un autre détruit un Jagdpanther. L'Aspirant de VILLEPLEE est mortellement atteint, mais, au soir, THANN est presque entièrement conquise. Nos hommes passent la nuit aux aguets. tandis que les rafales de mitraillettes claquent au détour des rues. Au matin du 9, le 4e Escadron est relevé par des éléments du 6e R.C.A. et descend au repos. Les deux pelotons du 2e Escadron encore engagés ont participé la veille à l'élargissement du terrain conquis autour de RAMMERSMATT. Ils sont intervenus efficacement pour enrayer une forte contre-attaque allemande, détruisant un Jagdpanther et très probablement un deuxième, mais n'ont pu empêcher l'ennemi de réoccuper la fabrique. Après avoir harcelé l'adversaire au canon, toute la nuit, ils jouent leur rôle, ce matin-là, dans la reprise de l'usine. Le 10 enfin, ces deux pelotons, envoyés en liaison à la préfecture de THANN, sont arrêtés par des antichars à quelques kilomètres au Nord de RAMMERSMATT. C'est à ce moment que leur parvient l'ordre de relève.

Le 8e Chasseurs n'a plus un seul élément en lignes et se trouve le 11 Décembre tout entier regroupé autour de MELISEY. Il profite de ces quelques jours de repos pour refaire ses effectifs et son matériel. Les pertes ont été lourdes en cette offensive qui de RONCHAMP nous a menés à THANN. Le régiment a perdu 7 tués dont 1 officier et 41 blessés dont 5 officiers. Et surtout la fatigue a été terrible. Froid, pluie, neige, boue, inondations, tout s'est conjugué pour faire de ces trois semaines une période extrêmement pénible. Et pourtant nos gars furent admirables, toujours décidés, pleins d'allant et souriants même en des cas tragiques, tel le Brigadier MAITTE du 1er Escadron, qui, le bas de la jambe arraché par un perforant, disait à son Lieutenant en train de lui faire un garrot "Ce coup-ci, mon Lieutenant, je peux dire que cela va me faire une belle jambe". Tel, le Lieutenant AYOUN qui, blessé par un éclat d'obus dans le dos, évacué sur BELFORT, se fait panser et soigner sans même vouloir s'asseoir et, quelques heures après, bardé de pansements, rejoint son peloton engagé devant ROUGEGOUTTE.

Après dix jours de repos à MELISEY, le Régiment fait mouvement pour aller s'installer dans la région d'HERICOURT où il assure une mission défensive dans le secteur compris entre la voie ferrée BELFORT-ALTKIRCH et le canal du RHÔNE au RHIN. Mais il a à peine le temps de reconnaître ses emplacements et de fêter Noël. La mission défensive sera confiée à d'autres. Quand il y a du danger quelque part, on songe toujours à ceux qui furent de tous les coups durs et se font gloire d'en être sortis avec honneur. A nouveau rattaché à la glorieuse 1ère D.F.L., le 8e Chasseurs, brusquement alerté, part, au matin du 31 Décembre, pour un nouveau champ de bataille, à la conquête d'une nouvelle gloire.

 

DEFENSE DE STRASBOURG

 

Le 31 Décembre est un dimanche et il neige. Les conditions habituelles sont réunies pour que le Régiment fasse mouvement. Depuis quinze jours, la température oscille entre 15 et 20 degrés au dessous de zéro, le voyage en voiture découverte s'annonce charmant sur une route brillante de verglas est ce que l'on appelle du tourisme militaire. Mais, nous en avons vu d'autres, et, malgré tout, la gaieté régnera au long de l'étape qui, par LURE, PLOMBIERES, REMIREMONT, SAINT-DIE, le col de SAALES, nous amènera, à la nuit tombée, dans un black-out total, à la recherche de nos positions, au Sud de STRASBOURG. La situation à laquelle nous allions avoir à faire face, mérite une mention spéciale et quelques explications.

Le 16 Décembre, la fameuse offensive, déclenchée par Von RUNDSTEDT dans les ARDENNES, enfonce le front allié et pénètre très profondément en BELGIQUE. La nécessité de colmater la poche qui se forme et de préparer des points forts qui tiendront et en permettront la réduction oblige le commandement suprême à prélever des unités sur des fronts calmes. C'est ainsi que la 2e D.B. du Général LECLERC est retirée du secteur qu'elle tient au Sud de STRASBOURG. Pour la remplacer, il n'y a rien. Rien d'actuellement disponible et l'on rappelle aussitôt la 1ère D.F.L. désignée fin Novembre pour l'opération ROYAN-POINTE de GRAVES et qui, depuis le 15 Décembre, a commencé à s'installer dans la région N.-E. de BORDEAUX. Donc, dans les derniers jours du mois, la Division va traverser la FRANCE à toute allure, pour venir prendre la nouvelle place qui lui est assignée. Et, en attendant on appelle le 8e Chasseurs qui, une fois de plus, lui est rattaché, monte en lignes pour relever déjà certains éléments de la 2e D.B.
Le front à tenir s'étend sur 40 kilomètres, ce qui est énorme pour une Division. Longeant le bord du RHIN de PLOBSHEIM à RHINAU, il s'infléchit ensuite presque à angle droit, traversant entre RHINAU et EBERSMUNSTER cette partie marécageuse de la plaine et coupant perpendiculairement le canal du RHONE au RHIN, l'ILL et toutes les lignes d'eau secondaires : nouvel angle à EBERSMUNSTER pour rejoindre SELESTAT, mais sans border l'ILL : si bien que, de cette dernière ville à RHINAU, il ne se trouve aucun point d'appui naturel à quoi s'accrocher. En ce cas, la vraie solution tactique consisterait à établir partout la ligne de résistance sur la rive gauche de l'ILL, ce qui raccourcirait le front et permettrait de tenir solidement une ligne naturelle du terrain, mais ceci obligerait, en cas d'attaque ennemie, à abandonner, sans combat, des villages alsaciens libérés qui ont tout à craindre des représailles ennemies. L'ordre est donc formel tout faire pour conserver la totalité du territoire libéré.

Le 1er Janvier, le Général commandant la 1ère D.F.L. fixe la répartition de ses forces qui donne au 8e R.C.A. la place suivante. Le Colonel SIMON est désigné pour commander le sous-secteur centre, il dispose du 8e moins deux Escadrons de T.D., du 2e Cuir., du 3e Bataillon de Légion et d'une Compagnie Nord-Africaine. Sa mission est de tenir sans esprit de recul les villages de KOGENHEIM, SEMERSHEIM, HUTTENHEIM avec des éléments de surveillance à la lisière Sud du bois de SEMERSHEIM. Le 2e Escadron est mis à la disposition du Colonel GARDET, commandant le sous-secteur Sud qui va de EBERSMUNSTER à SELESTAT, le 4e Escadron rentre dans la composition de la réserve blindée de la Division aux ordres du Commandant de GASTINES qui dispose en outre de 2 Escadrons du 1er R.F.M. à NIEDERNAI.

Le 3 Janvier, la mise en place est terminée. Le Colonel SIMON a établi son P. C. au bord de l'ILL à HUTTENHEIM. Le 1er Escadron est à HUTTENHEIM avec 1 peloton de T.D. du 3e Escadron

Le 2e Escadron s'installe autour de EBERSHEIM et DAMBACH, le 3e à KOGENHEIM et le 4e à NIEDERNAI.

Mais, après l'arrêt de l'offensive des ARDENNES qui, néanmoins, a absorbé toutes les disponibilités alliées, voici que les Allemands attaquent en LORRAINE. Il n'y a plus de réserves à leur opposer, aussi les Américains décident-ils de raccourcir leur front en repliant en trois échelons la droite de la 7e Armée jusqu'au pied des VOSGES. Cette manœuvre équivaut à l'abandon de STRASBOURG et de tout le Nord de l'ALSACE. STRASBOURG doit être évacué le 4 Janvier. Mais le Général de GAULLE intervient alors vigoureusement pour sauver la capitale de l'ALSACE. Au cours d'une réunion tragique au G.Q.G. allié, en présence de Monsieur CHURCHILL, venu spécialement de LONDRES, après un entretien téléphonique avec Monsieur ROOSEVELT, il obtient du Général EISENHOWER d'arrêter le repli américain, déjà commencé, à hauteur d'HAGUENAU. Mais en contrepartie, l'Armée française devra prendre immédiatement à son compte tout le secteur de STRASBOURG. Or, toutes les unités françaises sont déjà engagées. Pour s'étendre sur trente kilomètres de front supplémentaires, il faudra donc retirer une Division en lignes et demander aux autres de s'étirer davantage pour combler le vide ainsi créé. La 3e D.I.A. qui combat sur les sommets vosgiens est donc transportée sur STRASBOURG, la 3e Division U.S. appuiera vers l'Ouest et la 1ère D.F.L. s'étendra sur la partie Est du secteur actuel de cette dernière.

C'est sur plus de 50 kilomètres que s'étend maintenant la 1ère D.F.L. Cette modification n'atteint pas le dispositif du 8e R.C.A., mais les dernières réserves d'Infanterie ont disparu dans cette extension. Il n'y a plus qu'un Escadron de T.D. et 2 Escadrons du 1er R.F.M. comme ultime ressource en cas de nécessité. Or, tout fait prévoir un mouvement offensif de l'ennemi. Les 4, 5 et 6 Janvier, tandis que fiévreusement, sur notre rive de l'ILL, nous organisons des points d'appui, les Allemands multiplient les tirs de harcèlement sur KOGENHEIM et SEMERSHEIM, et tentent de forts coups de main. Heureusement, nous ignorons l'importance de ce qui se prépare en face de nous, il vaut mieux ne mesurer qu'après coup l'étendue du danger couru. Mais quelques mots en feront voir la gravité. Le repli américain dans l'ALSACE du Nord a permis aux Allemands de se rapprocher de STRASBOURG. D'autre part, le saillant français, englobant la ville, se termine le long du RHIN, à 30 kilomètres au Sud. Une attaque en tenaille avec des moyens puissants, contre une ligne française désespérément mince paraît avoir toutes les chances de réussir.

Elle est décidée le 5 Janvier. L'ennemi dispose de troupes fraîches, de plusieurs Divisions d'élite comprenant des S.S., d'une brigade de chars équipée en Tiger et Jagdpanther, en tout une centaine de blindés lourds. Il y a, en face, une Division d'Infanterie et les trente-six T.D. du 8e Chasseurs. On comprend alors facilement l'ordre du jour que le Général allemand, commandant le secteur, adresse à ses troupes avant l'attaque : "Je compte sur vous pour pouvoir annoncer dans quelques jours à notre Führer que le drapeau à croix gammée flotte à nouveau sur la cathédrale de STRASBOURG".

L'attaque attendue débouche le dimanche 7 Janvier à 6h45. Une forte préparation d'artillerie s'abat sur les avant-postes et sur la ligne de résistance et deux colonnes ennemies foncent sur les Français. Une massive colonne blindée, suivie d'Infanterie portée, se lance en direction HERBSHEIM-ROSSFELD. En peu de temps, les postes éloignés les uns des autres, sont submergés par les infiltrations allemandes : mais chacun, encerclé, résiste avec acharnement, tandis que notre artillerie, entrée en action déverse des tonnes d'obus sur l'adversaire. Le 1er Escadron garde les barrages sur l'ILL à la sortie Sud de HUTTENHEIM, et, à 12 heures, il doit détacher le peloton GERBAULT, accompagné d'un groupe de T.D., pour essayer de dégager un poste du 2e Cuir, encerclé dans la forêt de SEMERSHEIM. Le peloton rééditant en voitures, les charges des anciens cavaliers, se jette sur l'ennemi qui plie sous le choc et s'enfuit laissant de nombreux cadavres sur le terrain et des prisonniers entre nos mains. C'est là que l'on put voir le chasseur DUFOUR, seul à bord de son scout-car conduire d'une main et servir sa mitrailleuse lourde de l'autre. A 13h30, le poste est dégagé et l'Infanterie voisine qui avait dû se replier, reprend ses positions, mais à 17 heures, la poussée allemande, très forte sur la gauche, ne permet pas de passer la nuit en pointe. Le peloton du 8e un peloton du 2e Cuir, et une section d'infanterie du B.M. 11 se replient de 800 mètres et s'installent en point d'appui cerclé : la nuit, par ce froid, sera rude pour les hommes sans abris.

Pendant ce temps, dès 9 heures du matin, le peloton DUPRAT du 3e Escadron est envoyé sur HERBSHEIM pour renforcer la garnison et il y détruit deux chars ennemis : le contact est étroit puisque les Allemands ont réussi à un moment à s'emparer des premières maisons du village d'où ils sont difficilement chassés.

Le peloton TRUCHET du 3e Escadron est envoyé, lui, à KOGENHEIM et un groupe du peloton LA ROCHE à ROSSFELD. Il faudrait être partout à la fois et parer à tous les coups en trop d'endroits différents. La situation est grave : A 13 heures, les premiers chars ennemis sont à KRAFT devant le canal de décharge de l'ILL, dernier obstacle avant STRASBOURG distant de 15 kilomètres : mais les ponts sautent et les chars sont cloués sur place au canon.

Dès 10 heures du matin, le 4e Escadron, dernière réserve, a été alerté et a rejoint BENFELD. Un de ses pelotons, avec des éléments du 1er R.F.M., tente de donner la main à la garnison d'OBENHEIM en difficulté. Il parvient jusqu'à la rivière ZEMBS, mais est contraint de se replier sur SAND à la nuit, après avoir détruit 2 chars Panther. Un autre de ses groupes et des chars légers du 1er R.F.M. sont envoyés à 16 heures sur HERBSHEIM complètement encerclé. Ils y parviennent à 17 heures, mais le Capitaine LACASSIN, nouvellement promu, qui commande le 4e Escadron, est mortellement blessé par un éclat d'obus dans HERBSHEIM.

En fin de journée le 8e R.C.A., toutes ses missions remplies tient partout ses positions qui lui ont été assignées et les coups de boutoir qu'il a portés à l'ennemi ont efficacement aidé la Division à maintenir intacte la ligne de l'ILL. Le peloton LA ROCHE se trouve lui, partie dans HERBSHEIM, partie dans ROSSFELD et se situation est précaire car l'ennemi circule entre ces villages et l'ILL, mais la consigne est maintenue, il faut résister sur place partout où l'on est, sans esprit de recul et contre-attaquer pour reprendre le terrain perdu. Seule cette dernière partie de l'ordre est inexécutable, faute de moyens disponibles.

Dans la matinée du 8, la pression allemande s'accentue et le bois de SEMERSHEIM est occupé. Les T.D. du peloton DUPRAT assurent la défense antichars de l'ILL, vers BENFELD, puis sur SAND un moment menacé et reviennent à HUTTENHEIM pour la nuit. Le 4e Escadron appuie les opérations sur les axes BENFELD-ROSSFELD et BENFELD-HERBSHElM, ces opérations soulagent les garnisons de ces deux points d'appui qui ne sont pas attaqués dans l'après-midi. En même temps, le peloton GERBAULT du 1er Escadron vient s'établir au carrefour de ROSSFELD avec ordre de le tenir coûte que coûte puisque c'est le seul passage qui permette de rester en liaison avec les éléments tenant le village. Et, cependant, à HUTTENHEIM, le peloton de pionniers travaille sans arrêt à poser des mines, sous un déluge d'obus qui lui cause des pertes.

Dans la nuit, l'ennemi lance contre ROSSFELD une première attaque qui est repoussée, mais une deuxième l'amène, vers 4h30, aux lisières du village et dans le cimetière. A 5h30 une dizaine d'hommes du B.I.M.P. avec un T.D. du 3e Escadron réussissent, dans une folle ruée, à l'en déloger. Il fait si froid que les mitrailleuses à eau gèlent sur place. Dans la matinée, la route est coupée entre le peloton GERBAULT et ROSSFELD : aussitôt un groupement de chars légers du 1er R.F.M., accompagné du peloton de T.D. DUPRAT et du peloton GERBAULT, contre-attaque pour dégager le village. Le bois de BENFELD est nettoyé. 60 prisonniers ramassés et 2 chars détruits. A 15h30, la liaison est faite à ROSSFELD même, avec les T.D. du Sous-Lieutenant de LA ROCHE qui soutiennent au plus près l'Infanterie, enfermés avec elle dans le village. Vers 17 heures, le peloton AZEMAR vient relever le peloton GERBAULT épuisé. A la sortie du pont de BENFELD, seul encore utilisable, il est pris à partie par des automoteurs qui lui détruisent une jeep.

D'autre part, la liaison est prise vers 16 heures entre le 1er R.F.M. et la garnison encerclée de HERBSHEIM où le groupe de T.D. du Maréchal des Logis DUQUESNE a détruit 2 chars et fait des prisonniers. Les T.D. du 4e Escadron appuient, eux, l'infanterie et les chars du C.C. 5 sur l'axe SAND-OBENHEIM, en vue de réaliser la liaison avec le B.M. 24, enfermé dans le village et qui manque de vivres et de munitions. Ce groupement parvient jusqu'à la ZEMBS dans l'après-midi, mais il est obligé de se replier sur la rive Ouest de l'ILL, devant une puissante contre-attaque allemande qui, soutenue par 20 chars lourds, menace le pont de SAND. Les T.D. détruisent 1 Ferdinand et 1 canon antichar, mais nos pertes sont lourdes.

La nuit, glaciale, n'amène pas le calme : l'artillerie continue son vacarme : dans la neige, les blessés allemands hurlent, des infiltrations se tentent : il faut sans cesse être aux aguets pour ne pas se laisser surprendre. Et, sur les routes, les hommes, les femmes, les enfants s'en vont dans la nuit, sous la neige, fuyant les bombardements, fuyant surtout l'Allemand qui semble vouloir revenir. Ils ne savent pas bien sûr que nous avons ordre de nous faire tuer tous jusqu'au dernier, que nous avons ordre d'empêcher le passage de l'ILL et que nous entendons bien exécuter l'ordre.

La matinée du 10 est relativement calme devant le Régiment. L'ennemi veut en finir ce jour-là avec le B.M. 24 encerclé depuis 4 jours dans OBENHEIM sans vivres et sans munitions : l'aviation française, malgré un brouillard épais, exécute un parachutage, mais il est trop tard dans la soirée le B.M. 24 aura été anéanti, fidèle à l'ordre de tenir jusqu'au dernier homme les emplacements confiés. Tous les efforts ont été tentés pour éviter ce désastre, mais en vain. Du moins le sacrifice du B.M. 24 va-t-il permettre l'opération audacieuse qui consiste à relever par le 1er Bataillon de Légion le B.I.M.P. qui tient depuis 4 jours dans HERBSHEIM et ROSSFELD avec le peloton LA ROCHE. Le départ a lieu à 16 heures. Le Bataillon relevant est protégé par un Bataillon de Parachutistes prêté par le 2e C.A., des éléments du 1er R.F.M. et tous les T.D. disponibles des 3e et 4e Escadrons du 8e R.C.A. Fonçant à travers le bois de BENFELD infesté d'Allemands que les parachutistes nettoient derrière eux, les éléments blindés atteignent, à 17h45 HERBSHEIM où DUQUESNE vient de détruire un Ferdinand, et, à 18 heures, ROSSFELD. La relève d'Infanterie se fait et le peloton LA ROCHE peut rentrer à BENFELD, mais il a fallu laisser sur place un T.D. en panne de batterie. Les éléments portés du 4e Escadron qui participent à l'opération font 28 prisonniers et tuent plusieurs ennemis dans les bois de BENFELD pendant que les T.D. détruisent un Panther et un canon antichar. Le peloton AZEMAR s'est lui aussi, replié sur ordre sur la rive Ouest de l'ILL et vient renforcer le point d'appui de HUTTENHEIM.

Après cette journée mouvementée, la matinée du 11 est beaucoup plus calme, l'ennemi se ressent très certainement des pertes sévères qui lui ont été infligées sans qu'il puisse obtenir un résultat appréciable. Mais vers 14h30, l'Infanterie ennemie, qui s'est infiltrée dans les bois de SEMERSHEIM et de BENFELD. attaque HERBSHEIM et ROSSFELD. Tandis que les chars allemands s'avancent vers les ponts de BENFELD. Il se produit alors un très violent engagement avec les T.D. et le peloton porté du 4e Escadron. Les blindés adverses réussissent à franchir le premier pont de l'ILL, détruisant 2 jeeps et 2 T.D. du 4e Escadron qui perd d'un coup 23 blessés, mais sont stoppés et contraints de se replier devant la résistance farouche du reste de l'Escadron qui inscrit 3 Panther à son tableau de chasse.

A partir de 19 heures, une opération est montée pour dégager le 1er Bataillon de la Légion, toujours encerclé à HERBSHEIM et ROSSFELD, et dont le maintien sur place ne s'avère plus nécessaire. Il s'agit de réaliser la liaison et de permettre le repli à l'Ouest de l'ILL. L'opération exécutée au cours de la nuit réussit sans aucun incident grave : le 3e Escadron récupère le T.D. en panne laissé à HERBSHEIM, mais il est obligé de détruire avant de l'abandonner celui qui restait à ROSSFELD. L'équipage perd un disparu, au retour, sous un tir de mortiers. C'est la première fois que le 8e R.C.A. a dû abandonner du matériel sur le terrain. Tout est terminé le 12 à 7 heures. Au cours de cette journée, plus calme que la précédente, les T.D. assurent la défense antichars de BENFELD et de HUTTENHEIM d'une part, du nouveau point d'appui de KERTZFELD d'autre part. Dans la soirée le 1er Escadron est relevé et regroupé à ZELLWILLER en réserve mobile de Division.

Le front semble se stabiliser. Pour se venger de n'avoir pu percer, les Allemands écrasent sous leurs obus la partie centrale de BENFELD, de HUTTENHEIM et arrosent tous les villages environnants L'artillerie française, qui a été encore renforcée, répond de telle façon que les batteries ennemies se taisent vers 18 heures le 13 Janvier. Elles recommencent le lendemain matin pour couvrir une attaque brusque sur HUTTENHEIM où l'ennemi réussit à s'emparer de la scierie, il en est chassé par un tir rapide et brutal de nos T.D. déclenché presque à bout portant. Les 15, 16 et 17 Janvier la situation reste inchangée : cette fois, c'est la fin, l'ennemi a perdu la partie dans ce secteur. Et, le 18 Janvier, la 1ère D.F.L. étant relevée sur la gauche, le 8e R.C.A. est envoyé se regrouper dans la région de NOTHALTEN-BLIENSCHWILLER.

Il est maintenant possible de faire le bilan de ces jours tragiques. Comment l'ennemi attaquant avec des moyens bien supérieurs à ceux de la défense n'est-il point parvenu à réaliser la percée qui devait obligatoirement lui livrer STRASBOURG ? Son échec est dû, sans doute, à la très judicieuse répartition de nos points forts, mais aussi et surtout au moral, au cran admirable, pourquoi ne pas dire ce mot, à l'héroïsme de toutes les unités engagées. Et le 8e Chasseurs y a sa belle part. Toujours sur la brèche, de jour et de nuit, dans la neige, par des températures extrêmement basses, luttant en kaki visible contre les fantômes blancs des Divisions de montagne, les destroyers gris, cibles trop faciles pour les Jagdpanther et les Tigers peints en blanc, recherchant le combat et brisant partout la ruée des blindés lourds allemands, l'Escadron de reconnaissance chargeant en jeep comme leurs aînés à cheval, tous, du Colonel au dernier secrétaire, payèrent de leur personne et risquèrent leur vie pour "qu'ils ne passent pas".

Le chiffre des pertes est éloquent du 7 au 14 Janvier, le 8e Chasseurs a perdu 3 tués dont le Capitaine LACASSIN, commandant le 4e Escadron, 5 disparus, 51 blessés. Au point de vue matériel, 5 jeeps, 1 half-track, 3 T.D. ont été détruits et une grande partie des véhicules endommagés par éclats d'obus, ou balles. Par contre, s'il est impossible de chiffrer les pertes humaines infligées aux Allemands, il est facile de compter celles qui furent causées à son matériel. Le 8e Chasseurs, en ces 7 jours, inscrivit à son palmarès 2 chars Panzer IV, 11 Panther, 2 Ferdinand, 1 Tiger, 1 Jagdpanther, 1 automoteur, 1 canon antichar. Il est inutile d'insister sur l'importance tactique d'un tel résultat et sur l'influence morale de ces destructions sur l'ennemi.

Enfin, il faut rendre hommage aux oubliés de toujours, dépanneurs et ravitailleurs qui se dépensèrent de jour et de nuit pour réparer les radiateurs crevés, les roues abîmées, les postes de radio traversés, pour rendre la vie aux moteurs défaillants, à l'atelier comme en pleine bagarre, avec en plus, sur le terrain, l'angoisse et la rage de recevoir des coups sans pouvoir rien faire pour les rendre. Et le transport des carburants, des obus, des mines, des cartouches, des grenades, du barbelé, de la nourriture, si le combattant est souvent tenté de penser que c'est une place de tout repos, il n'en est rien dans la réalité : il faut tout de même que ceux qui, par ordre, tenaient leur place en ces services, sachent la grandeur, de leur rôle obscur, ingrat mais indispensable.

Et peu à peu, le sourire revient sur les visages des habitants des villages sauvés et qui avaient eu si peur. Ils préféraient accepter la ruine de leurs biens au retour de l'esclavage. En tout cas, l'Allemand, une fois de plus, avait essuyé une de ces défaites partielles, prélude de la défaite totale mais la plus belle récompense de tous, ce fut peut-être ce mot envoyé par le Général LECLERC au Général GARBAY, commandant la 1ère D.F.L. "Bravo mon vieux". En somme, la 1ère D.F.L. aura probablement sauvé STRASBOURG après que la 2e D.B. l'a pris. J'espère que cela ne t'a pas coûté trop cher. Félicite tout le monde de ma part".

 

LA POCHE DE COLMAR

Après la dure bataille qui vient de sauver STRASBOURG, le Régiment est bien retiré du front, mais ce n'est pas pour se reposer, c'est simplement pour gagner de nouveaux emplacements de départ. Sans laisser de répit à l'adversaire, avant même que se soit apaisé le fracas de la canonnade dans le secteur de BENFELD, l'ordre d'offensive pour la prise de COLMAR et la libération de toute l'ALSACE centrale est arrivé. Cet ordre général N° 6 peut se résumer ainsi :

Le 1er C.A. vient de déclencher une offensive en direction générale de NEUF-BRISACH. Le 2e C.A. avec, au Nord, la 1ère D.F.L., au Sud, la 3e D.I.U.S. doit attaquer en direction générale de MARCKOLSHEIM, JEBSHEIM.

Mission de la 1ère D.F.L.

1) Rompre le dispositif ennemi sur l'axe GUEMAR-ILLHAEUSERN-MARCKOLSHEIM, s'emparer au plus vite du passage de l'ILL à ILLHAEUSERN et couvrir ce passage vers l'Est et le Nord.

2) Pousser en force sur MARCKOLSHEIM et s'établir solidement face au Nord, puis faciliter et couvrir l'action de la 5e D.B. sur NEUF-BRISACH.

Deux groupements sont constitués au Nord R.C.T. 2 axe SAINT-HIPPOLYTE-OHNENHEIM au Sud R.C.T. 1 axe GUEMAR-ILLHAEUSERN-ELSENHEIM. Les éléments du 8e R.C.A. sont répartis ainsi qu'il suit avec le R.C.T. 2 du Colonel GARDET : le 2e Escadron (BOUCHARD) moins un peloton, un peloton de reconnaissance du 1er et une équipe de déminage du 1er : avec le R.C.T. 1, du Colonel DELANGE, le 3e Escadron (PERIQUET), le 1er Escadron LE HAGRE) moins un peloton, le 4e Escadron (SOULE).

 

La journée du 22 Janvier est employée par les Escadrons et détachements à gagner les emplacements initiaux qui leur ont été fixés par leurs commandants de groupement respectifs.

Chacun contemple le terrain sur lequel il va falloir se battre. Jusqu'à l'horizon, il est tout blanc sous une épaisse couche de neige et le thermomètre est à moins 15. Cette plaine sur laquelle on va s'engager est sillonnée du Sud au Nord par toute une série de cours d'eau, autant de lignes de défense ou, sans aucun doute, l'ennemi s'accrochera avec sa ténacité habituelle, ILL, NEUGRABEN, BENWASSER, etc.. Partout, des bois, des boqueteaux, des marécages, autant de points favorables à la défense qui devront probablement être enlevés les uns après les autres avec les difficultés que l'on devine. Une seule consolation : tous les véhicules ont été passés à la peinture blanche pour être moins visibles : sur l'étendue neigeuse, mais les équipages n'ont pas été recomplétés et la saignée du début de Janvier a été sévère. Malgré tout, on a confiance et l'on blague, il n'y a pas de raison pour qu'on n'enlève pas le morceau cette fois encore.

Et l'attaque de la Division démarre le 23 Janvier à 7 heures. L'épaisse couche de neige où s'enfoncent les fantassins rend les mines pratiquement indétectables, mais aussi les empêche de fonctionner ce qui, malgré les souffrances du froid, sauvera nombre de vies humaines seules les routes seront vraiment dangereuses à ce point de vue.

Début d'offensive favorable sur tout son front la Division parvient assez rapidement à franchir l'ILL. Mais la nécessité de rétablir les ponts sur la rivière - seul subsiste celui d'ILLHAEUSERN - ne permet pas aux unités du 8e Chasseurs d'entrer en action Leur activité se limitera ce jour-là au déminage des axes par les pionniers du Escadron et, dans la soirée, à la défense antichars aux abords de l'ILL et du pont d'ILLHAEUSERN, cependant que le Génie rétablit les coupures.

Dans la nuit, le pont sur l'ILL est rendu praticable aux blindés et, dès 4 heures, au matin du 24, le peloton de reconnaissance CUROT, le peloton de T.D. TRUCHET, le peloton porté du 3e Escadron et un détachement du 1er B.L.E, attaquent le Moulin du RIED qui, la veille, à résisté aux assauts de l'Infanterie. Le Moulin est atteint, enlevé et occupé pour 10 heures, mais le peloton qui s'y installe est en butte à de gros bombardements.

A 12 heures, le bois d'ERLEN - 1 km Est d'ILLHAEUSERN - est attaqué par l'Infanterie et enlevé à 14h30. Mais la progression par la route d'ELSENHEIM est interdite par de grosses résistances ennemies et des chars semblant tirer des lisières Sud du bois d'ELSENHEIM. Appel au 8e Chasseurs. Vers 15 heures, une patrouille composée de 2 jeeps (M.d.L. BRECHELIERE - M.d.L. GERBAULT) du peloton de T.D. TRUCHET et du groupe de pionniers DUFRESNAY est chargé de tâter la résistance ennemie, de la reconnaître et situer, les T.D. étant là pour la détruire.

Le Maréchal des Logis BRECHELIERE, en tête, roule trop vite. Le maréchal des Logis GERBAULT, dans la deuxième, essaie de le rattraper, mais il stoppe brutalement en apercevant, à 50 mètres, un char ennemi (Hornisse) embossé à gauche de la route dans des boqueteaux assez denses. BRECHELIERE qui a continué, arrive presque aussitôt au contact avec l'Infanterie allemande. Il ouvre !e feu, mais sa mitrailleuse s'enraye rapidement. L'ennemi, espérant le faire prisonnier s'approche et commence à l'encercler. A ce moment, GERBAULT ouvre le feu à son tour, mais sa mitrailleuse, elle aussi s'enraye. Cependant, ses premières rafales ont fait hésiter les Allemands et BRECHELIERE, suivi de son conducteur, en profite pour se jeter dans la petite rivière qui, en contrebas, borde le côté droit de la route. Le conducteur de la 2e jeep, tandis que le char ennemi tourne sa tourelle et l'ajuste, bondit à son volant et recule sa voiture à la hauteur du char de l'Aspirant TRUCHET qui vient de s'embosser au tournant. Il était temps, le premier obus touche la jeep qui flambe. Il y a là aussi, le Sous-Lieutenant CUROT, venu en liaison avec la jeep de l'Aspirant TRUCHET. Pendant que ce dernier recule son T.D. de 50 mètres, GERBAULT et son conducteur, émergent de la rivière, trempés et glacés jusqu'aux os. Cependant, le Sous-Lieutenant CUROT est resté sur place, accroupi au pied d'un arbre, cherchant avec ses jumelles à repérer exactement le Hornisse qui continue à tirer sans arrêt sur la route,. Il est tué net d'un éclat à la tempe, le T.D., atteint coup sur coup de trois perforants, prend feu et flambe avec son conducteur, l'Adjudant-Chef CHAUVIN est tué à la tête de son peloton porté qui perd 10 blessés, la situation est intenable, la patrouille se retire sans pouvoir ramener les jeeps de l'Aspirant TRUCHET et du Maréchal des Logis BRECHELIERE.

Quelques instants après, le Maréchal des Logis DUFRESNAY, qui veut aller rechercher le corps du Sous-Lieutenant CUROT, est refoulé par un Capitaine d'infanterie qui lui interdit de passer. Mais, à la Légion comme dans la Cavalerie, on a pour règle de ne jamais laisser la dépouille d'un camarade à l'ennemi aussi, un peu plus lard, un Capitaine de la Légion et un de ses hommes accompagnant le Brigadier HUSTACHE s'en vont pour remplir ce devoir impérieux, Ils sont obligés de progresser dans la rivière avec de l'eau jusqu'au cou par un froid de moins 20, mais, au prix d'efforts surhumains, ils ramènent le cadavre au Moulin du RIED.

Pendant ce temps, sur l'axe Nord confié au R.C.T. 2, un peloton de T.D., en soutien d'Infanterie, traverse l'ILL à 15 heures et parvient aux lisières Est du bois, appuyé par le peloton porté. A 16 heures, un groupe de ce peloton part avec l'Infanterie qui attaque les résistances ennemies accrochées en abris sous rondins dans les bois de la maison forestière GEMEINMARCK. Le bois est occupé et nettoyé pour 19 heures 35 prisonniers dont 1 Chef de Bataillon ont été capturés ainsi que 2 mortiers de 81, tandis que les T.D. détruisent deux blockhaus.

Le lendemain 25, si la mission de la Division reste inchangée, par contre tous les moyens, y compris le Combat-Command de la 2e D. B., doivent être concentrés sur l'axe ILLHAEUSERN-ELSENHEIM. Mais la résistance allemande est si farouche que l'infanterie ne peut progresser dans les bois d'ELSENHEIM et son artillerie si active que le C.C. de la 2e D.B. ne peut déboucher. De même, une action montée sur la cote 177 avec coopération du 3e Escadron est arrêtée : sur tout le front, c'est l'échec et les pertes de la Division pour la seule journée s'élèvent à près de 10% de l'effectif engagé. La situation ne peut pas s'éterniser, les unités sont squelettiques, le nombre de pieds gelés augmente dans des proportions effrayantes : si l'on n'obtient pas promptement une décision, on risque de courir à un échec total et fort sanglant. Aussi est-il décidé de faire accomplir le lendemain par le C.C. de la 2e D. B. (renforcé d'un peloton de T.D. du 8e R.C.A.) un vaste mouvement enveloppant passant par le secteur de la 3e D. I. U. S. Ce mouvement a pour but de tourner les résistances des bois d'ELSENHEIM, en liant ce débordement à une attaque frontale du R.C.T.I.

Cette attaque démarre le 26 au matin mais l'Infanterie qu'appuie le peloton TRUCHET ne peut forcer les résistances du bois d'ELSENHEIM. Combattant sur l'axe, nos T.D. échangent des coups de canon avec un "Rhinocéros" : un de nos destroyers, atteint brûle avec 3 hommes de l'équipage, mais presque aussitôt le char allemand flambe à son tour. L'arrêt imposé sur le front du R.C.T.I ne permet pas de prendre la liaison avec le groupement de la 2e D.B. qui a atteint à midi le carrefour 177, appuyé par les T.D. de LA ROCHE. Ceux-ci détruisent un char allemand à 2 km à l'Ouest de GRUSSENHEIM, mais l'un des nôtres brûle avec 2 membres de l'équipage dont le Chef de char.

L'effort continue sans se ralentir dans la journée du 27, mais, en raison des pertes élevées et la fatigue des Escadrons du 8e R.C.A, une nouvelle répartition est faite. Les 3e et 1er Escadrons moins le peloton MALAVOY sont renvoyés en réserve à BERGHEIM : les pelotons des 2e et 4e Escadrons reprennent à leur compte les missions des Escadrons relevés. Mais c'est le lendemain que la violence du combat semble atteindre son maximum, c'est aussi ce jour-là que, sans aucun doute, a été obtenu la décision qui n'aura son plein effet que le 1er Février. La Légion ne pouvant enlever GRUSSENHEIM de front, soumise à une contre-attaque sérieuse sur les bords de la BLIND et pilonnée par l'artillerie, on alerte le 3e Escadron, passé la veille en réserve. Il s'agit pour lui d'aller s'installer au carrefour 177 pour se tenir prêt à appuyer le sous-groupement PUTZ de la 2e D. B. dans son mouvement vers le Moulin de JEBSHEIM.

Vers 13h30, le Capitaine PERIQUET, qui prend liaison au carrefour (1 500 mêtres au Sud du bois d'ELSENHEIM) avec le Colonel PUTZ, est tué par un éclat d'obus ainsi que ce dernier et son Chef d'Etat-Major. Aucun des trois n'avait voulu se coucher. Ainsi disparaissait une figure devenue célèbre au Régiment et un officier légendaire à la 2e D.B. Mais ce jour-là GRUSSENHEIM est enlevé, il faudrait dire arraché à l'ennemi, maison par maison et le bois d'ELSENHEIM complètement nettoyé par le peloton MICHELET.

Cependant, malgré l'acharnement de sa résistance, l'ennemi donne des signes de fatigue et même d'épuisement. Il faut donc poursuivre l'effort avec toute l'intensité possible et tenir, malgré tout plus longtemps que l'adversaire. Pour le 8e Chasseurs la mission, ce jour-là consistera à tenir les positions conquises à tout prix, tout en gardant une attitude offensive en direction du bois d'OHNENHEIM, où l'Infanterie n'a pu pénétrer, et face à ELSENHEIM. Dans la soirée, le 3e Escadron, qui a perdu la veille son Capitaine, passe définitivement en réserve.

 

Le 30, le peloton MICHELET du 2e Escadron, participe au nettoyage du bois d'OHNENHEIM où il rencontre de grosses difficultés ; il ne parvient pas à déboucher sur la lisière Nord. Dans la soirée, le Général commandant la 1ère D.F.L. demande au Colonel SIMON de porter tout ce qu'il a disponible sur le front d'attaque du R.C.T. 1. La mise en place est terminée pour le matin du 31 Janvier. Pendant qu'au Nord, un peloton achève le nettoyage du bois d'OHNENHEIM et s'installe, le soir, en point d'appui, à la lisière Est. Tout ce qui reste du 2e Escadron, partant du Moulin d'ELSENHEIM, participe à l'attaque et au nettoyage des sorties Est du bois de WUSMATTEN, puis assure pour la nuit la défense du village d'ELSENHEIM occupé par l'Infanterie. C'est ce jour-là, à 15 heures, que, pour la première fois, les T.D. du 8e R.C.A. atteignirent le territoire allemand en tirant sur le viilage de SALZBACH.

Au cours de la nuit suivante, le peloton de T.D. AYOUN participe à l'attaque du pont de MARCKOLSHEIM avec des éléments du 1er R.F.M. et s'en empare intact. Il détruit ensuite plusieurs nids de mitrailleuses dans la partie Sud du village où la bataille fait rage. Dans la matinée, toujours avec le 1er R.F.M., il pousse sur ARTZENHEIM où il engage le combat avec les chars ennemis et a un T.D. déchenillé par un coup direct. Néanmoins le village est enlevé. Rayonnant autour de MARCKOLSHEIM, le 2e Escadron est de toutes les affaires de la journée ; le peloton MICHELET avec le peloton porté BORNE occupe la ferme HULLE, puis patrouille dans le bois de la HARDT jusqu'à l'écluse N° 64, faisant 70 prisonniers. D'autres T.D. reconnaissent la zone entre le canal du RHONE au RHIN et le fleuve jusqu'aux abords du pont sauté de SALZBACH. En fin de journée, la Division a atteint tous ses objectifs, elle borde le RHIN sur tout le front de son secteur ; le 2e Escadron se regroupe à MARCKOLSHEIM, le 4e s'établit à GRUSSENHEIM où il a été envoyé pour parer à toute menace pouvant venir de la HARDT.

Il reste au 8e R.C.A. 18 T.D. disponibles sur 36.

 

Le 2 Février, stationnement sur place. La 1ère D.F.L. monte la garde au RHIN entre RHINAU et ARTZENHEIM. Les Allemands n'ont pas renoncé à toute activité et lancent patrouilles et coups de main à travers le fleuve. Le 8e Chasseurs est en réserve de Division avec un Escadron de T.D. dans chacun des deux sous-secteurs de Brigade. De nouveaux emplacements lui sont assignés qu'il doit occuper pour le 5 Février. P.C. : ITTENWILLER et EICHLOFFEN, 1er : ANDLAU, 2e : MUSSIG, 3e : STOTZHEIM 4e : WESTHOUSE, E.H.R. : SAINT-PIERRE.

Pour le Régiment, pratiquement la campagne de FRANCE est terminée. Il l'a menée avec son entrain habituel et, parti des rives du golfe de SAINT-TROPEZ le 16 Août, il atteint le RHIN dans Je dernier secteur Alsacien tenu par l'ennemi le 1er Février. Il a galonné sa route de hauts faits et de victoires, le GOLF-HOTEL, le fort SAINTE-MARGUERITE, GIROMAGNY, SEWEN, MASEVAUX, THANN, HUTTENHEIM et tant d'autres. Il a aussi semé le long chemin parcouru des tombes de ses morts, il a rougi du sang de ses blessés tous les lieux où il s'est illustré.

 

Le 9 Février, l'ordre du jour suivant du Général de LATTRE témoigne de la victoire : "Au vingt-et-unième jour d'une âpre bataille au cours de laquelle les troupes américaines et françaises ont rivalisé d'ardeur, de ténacité et de sens manœuvrier, l'ennemi a été chassé de la plaine d ALSACE et a dû repasser le RHIN. Les forces alliées de la première Armée Française bordent le fleuve sur toute l'étendue de leur secteur. Elles ont tenu la parole de TURENNE : "II ne doit pas y avoir d'hommes de guerre en repos en FRANCE tant qu'il restera un Allemand en deçà du RHIN".

Pendant le reste du mois de Février et tout le mois de Mars, ce va être la vie de cantonnement dans les villages accueillants blottis au pied des VOSGES, perdus dans leurs vignobles. Il y aura des prises d'armes : à SAINTE-ODILE, en présence du Général de MONTSABERT, à COLMAR en présence du Général de GAULLE ; on déménagera même, pour ne pas perdre l'habitude du changement ; ce sera l'occasion de faire de nouvelles connaissances, de troubler de jeunes cœurs, de comparer les crus différents. Les plans de l'Etat-Major modifieront également le rattachement du Régiment. La 1ère D.F.L., retirée du 2e C.A., est envoyée sur le front des ALPES et le 8e R.C.A. passe en réserve d'Armée. C'est avec peine et regret que nous quitterons la grande Unité avec laquelle tant de fois nous avons fait de si bon travail ; il y avait entre elle et nous tant de points de contact, tant de souvenirs communs, tant de liens tissés par les souffrances supportées ensemble, les hauts faits accomplis en étroite coopération, la similitude de l'esprit, de l'entrain, de vaillance, de l'esprit de revanche, de la haine du Boche, de l'amour simple et profond de la terre natale. Nous passerons administrativement à la 2ème D.I.M., puis sous les ordres de l'artillerie de la 1ère D.B., puis sous les ordres de l'artillerie divisionnaire de la 14e D.I.

Mais, faut-il le dire, tout ceci n'intéresse que fort peu les hommes du 8e Chasseurs. Bien sûr, la vie est agréable, les filles jolies, le vin coquin, mais là-bas, à l'Est, la ligne bleue de la FORET-NOIRE semble nous narguer. Border le RHIN, savoir que, le sol Français ne porte plus un ennemi qui ne soit mort ou prisonnier, c'est beau, mais ce n'est pas suffisant. Tous ont visé plus loin, une seule ambition vraiment ancrée au cœur : prendre pied chez l'ennemi, fouler son sol, entrer en vainqueurs dans ses villes et ses villages. A quoi bon être venus de si loin, avoir couru tant de dangers, surmonté tant de difficultés et d'épreuves, avoir refoulé devant soi l'ennemi des ABRUZZES aux coteaux Florentins, de la CÔTE d'AZUR au RHIN, si c'est pour s'arrêter inactifs au moment de toucher au terme de l'immense chevauchée ? Monter à SAINTE-ODILE, au HAUT-KŒNIGSBOURG, pour mieux contempler, dans la pure lumière des après-midi de Mars, cette nouvelle terre promise qui semble refusée à nos armes, ce n'est pas une consolation, mais l'exaspération d'un désir ; voir de là-haut, "au-delà de la ligne scintillante du RHIN, s'écrouler les villages allemands sous le pilonnage de notre artillerie, c'est se dire qu'il y a représailles pour les obus tombés sur COLMAR ou sur STRASBOURG, c'est se persuader plus intensément qu'il n'y aura pas de repos pour la terre d'ALSACE libérée, tant que nous ne serons pas là-bas, au cœur des montagnes, des vallées et des plaines du pays de BADE, du WURTEMBERG, de toute cette ALLEMAGNE que nous scrutons de nos jumelles.

Inactifs, ai-je dit, pas complètement tout de même. A deux reprises, des destroyers du 8e R.C.A iront prendre position près de RHINAU, sur la digue même du RHIN, pour effectuer par surprise des tirs à vue directe sur les casemates de la rive droite, sur les bateaux de transport embossés le long du rivage, avec lesquels de temps à autre, l'ennemi poussait des reconnaissances offensives sur nos postes d'infanterie. Le résultat se chiffra par onze casemates détruites, trois coupoles blindées arrachées, cinq grands bateaux coulés, un observatoire démoli, un certain nombre d'ouvrages endommagés. Mais ce ne sont là que des hors-d'œuvre et nous voudrions être lancés à la curée.

Les jours qui passent ne font qu'accroître notre impatience ; celle-ci devient d'autant plus vive qu'elle se double d'une certaine jalousie vis-à-vis des unités plus favorisées qui combattent déjà sur le territoire ennemi. En effet, lorsque, le 18 Mars, l'aile gauche de la 1ère Armée Française achève, en liaison avec les Américains, de libérer la dernière parcelle de terre Alsacienne encore aux mains du Boche il avait été entendu que la frontière franco-allemande de LAUTERBOURG devait marquer le terme de son avance. Les premiers ordres du Commandement Suprême lui prescrivaient d'attendre, en deçà de cette limite, que l'effet des offensives alliées, plus au Nord, lui permette d'entrer à son tour en ALLEMAGNE.

Mais nos chefs n'admettent pas que, leurs troupes assistent passivement et en spectatrices à l'envahissement des territoires d'Outre-Rhin. Pour l'honneur de l'Armée et le prestige de la FRANCE, il convient qu'elles franchissent le RHIN à peu près en même temps que leurs alliés voisins. Pour cela il faut une base de départ convenable inexistante en ALSACE. Derrière le RHIN alsacien, en effet, se trouvent les puissantes organisations défensives qui s'appuient sur le massif tout proche de la FORET-NOIRE ; c'est un obstacle qu'il serait fou de vouloir aborder et renverser de front. A la suite de démarches pressantes, le Général de LATTRE obtient l'autorisation de faire pénétrer ses troupes dans le PALATINAT et, dès la fin Mars, les Unités Françaises, s'infiltrant dans la ligne SIEGFRIED, la percent aux environs de KANDEL en direction de LANDAU.

Comment ne pas envier les camarades qui, les premiers d'entre nous, pénètrent en terre allemande ? D'autant plus que de grandes unités, comme la 5e D.B. et la 2e D.I.M., sont poussées au Nord de STRASBOURG comme si elle allaient être engagées dans la bataille que livre le 2e C.A. dans le PALATINAT, alors que le 8e Chasseurs reste en place. Et ce n'est pas tout ; l'accord allié a été obtenu le 27 Mars et étend la zone française jusqu'à SPIRE. Comme les Américains doivent franchir le RHIN avant la fin du mois, le temps presse. Bien que la concentration des forces ne soit pas achevée, bien que les moyens de franchissement soient fort réduits puisque une partie des équipages de pont de nos Divisions blindées a été prêtée aux alliés, le Général de LATTRE, sur les instructions du Général de GAULLE, décide de brusquer l'opération.

 

Le 31 Mars, à l'aube, l'attaque se déclenche ; le RHIN est franchi en face de SPIRE et en face de GERMERSHEIM. Là-bas, dans ses cantonnements, au Sud de SELESTAT, le 8e Chasseurs se croit oublié, et l'angoisse au cœur, tous se demandent ce que signifie cette mauvaise plaisanterie. Pour la première fois, le Régiment ne participe pas au départ d'une offensive, nous nous sentons injustement lésés, la sensation d'une injustice pèse sur nous, le printemps a perdu son charme, nous piétinons.

 

L'ALLEMAGNE

 

C'est un beau dimanche de Pâques. L'an dernier, en cette même fête chacun grognait, parce que, à peine descendu de lignes, il fallait y remonter dans la pluie glacée et des brumes du GARIGLIANO ; cette année, sous le soleil radieux d'un jour de printemps, dans des villages d'ALSACE en fête, la voix des cloches sonnant à toute volée ne dissipe pas l'amertume qui gonfle les cœurs. Des troupes françaises ont forcé depuis la veille le passage du RHIN ; pour un soldat de la revanche il ne peut y avoir de fête que là-bas. C'est que le RHIN n'est pas une frontière ordinaire. Depuis l'époque de CESAR c'est le symbole même de l'intégrité du pays germain ; prendre pied sur la rive droite c'est vraiment renverser le dernier rempart protégeant la puissance allemande, c'est jeter à bas le vieux dieu tutélaire de la race et du territoire. Et nos ennemis, nourri des vieilles légendes écloses dans les brumes du feu sacré, nos ennemis, dont l'enfance et la jeunesse s'enchantèrent au récit des exploits des NIEBELUNGEN du pays de SPIRE, devaient plus encore, ressentir cette impression.

Sombre dimanche de Pâques passé dans l'inaction ! Mais c'est toujours au moment où l'on désespère le plus que se réalisent les désirs les plus chers. Le lendemain 2 Avril, à 11 heures le Régiment est alerté et doit se tenir prêt à faire mouvement vers l'ALLEMAGNE. Les préparatifs de départ se font dans une joie délirante, jamais il ne fut si peu nécessaire de presser qui que ce soit, tout est terminé en un temps record ; 3 heures après l'ordre d'alerte, les premiers éléments sont en route. La dernière aventure, mais la plus belle, est commencée.

L'ordre particulier de l'Armée qui met le 8e R.C.A. à la disposition du 2e C.A. précise que ses éléments combattants doivent se trouver, ce jour-même 2 Avril avant 18 heures, rassemblés autour de BELLHEIM à l'Est de LANDAU. Dans l'après-midi, la frontière est franchie à LAUTERBOURG et dans la soirée le Régiment est regroupé dans la zone qui lui est assignée. On a tant parlé du fameux Volksturm que chacun ouvre l'œil et garde son arme à portée de sa main, mais la population se révèle fort peu dangereuse, moins sans doute que certain petit vin blanc du RHIN.

La journée du 3 se passe à mettre au point tous les derniers préparatifs de combat. Le Régiment, est rattaché à la 2e D.I.M., il doit passer le RHIN à l'aube du jour suivant. La joie règne partout. Le vin est encore bien meilleur que la veille, les saucisses petites ou grosses, les tranches de jambon et autres "delikatessen", cadeaux plus ou moins spontanés de nos hôtes, garnissent les coffres des voitures en prévision des faims futures.

A 1 heure du matin, départ. Le black-out est complet et la nuit sans lune paraît plus profonde encore Des projecteurs sillonnent le ciel là-bas, au dessus du RHIN, et, par toutes les routes qui convergent vers SPIRE, s'avancent les milliers de véhicules de la 5e D.B. Le secteur français ne possède pas encore de pont où puissent passer les blindés et nous devons emprunter le pont américain de LUDWIGSHAFEN-MANNHEIM. Dans un ordre impeccable, la progression s'effectue de façon à amener chaque fraction au pont à une heure bien déterminée. A 4 heures, nous pénétrons dans ce qui fut la ville industrielle de LUDWIGSHAFEN ; paysage chaotique de ferraille tordue, de pans de murs écroulés, d'arbres déchiquetés, paysage lunaire fourmillant d'énormes cratères ; et voici le RHIN, le libre RHIN allemand chanté par BECKER et proclamé inviolable, et tandis que doucement le pont de bateaux s'enfonce sous le poids de nos lourds engins, le clapotis du fleuve rythme en ma mémoire les vers de MUSSET :

" Nous l'avons eu votre RHIN allemand

Son sein porte, une plaie ouverte...

Nous l'avons eu votre RHIN allemand

Si vous oubliez votre histoire

Vos jeunes filles, sûrement,

Ont mieux gardé notre mémoire ;

Elles nous ont versé votre petit vin blanc... "

 

" Ils ne l'auront pas, avaient-ils dit, le libre RHIN allemand, jusqu'à ce que les ossements du dernier homme soient ensevelis dans ses vagues... " Les fils ont retrouvé le chemin suivi par leurs pères. CONDE de son cheval avait déjà déchiré la robe verte du fleuve ; aujourd'hui, nos moteurs grondants nous ont portés jusqu'à cette rive droite où MANNHEIM dresse vers le ciel les lamentables squelettes de ses ruines. Nobles façades ouvertes sur un pan de nuit plus claire, désert de pierres entassées où ne chante pas un oiseau, où pas même une ombre furtive ne vient rappeler la grande ville bruissante de naguère.

Le jour se lève. La vie reprend dans la campagne retrouvée. Dans les villages, les habitants regardent avec une sombre indifférence, peut-être parfois avec une lueur d'espoir, un sentiment obscur de délivrance, la masse des blindés qui débouchent de partout, qui, en longues files impressionnantes, s'allongent sur les routes plates. A 8 heures, nous entrons dans la petite ville d'HOCKENHEIM. On dirait une fourmilière qui vient d'ouvrir un coup de pied brutal. L'affolement règne en maître. Au volant de ma voiture arrêtée au milieu de la rue principale, je contemple ces femmes s'enfuyant un matelas sur la tête, une valise à la main, cette population tourbillonnant comme brassée par une tempête trop forte, ces vieillards résignés qui, après des années de victoire, voient pour la deuxième fois le vrai visage de la défaite. C'est un plaisir cruel de songer que, cinq ans plus tôt, nos villes et nos bourgs offraient le même spectacle.

Le Régiment doit séjourner 24 heures à HOCKENHEIM avant d'être engagé. Inutile de dire que l'installation est princière, les luxueuses demeures des principaux nazis sont immédiatement réquisitionnées et l'atelier régimentaire s'installe dans une fabrique de cigares !... O rationnement du tabac !.. Jamais on ne vit en même temps autant de militaires français arborer de magnifiques cigares. Et ils furent d'autant plus appréciés qu'ils étaient réservés à la Wehrmacht !...

Mais le 8e R.C.A. n'est pas outre-Rhin uniquement pour fumer des cigares, ou déguster de poudreux flacons à long col ; la guerre continue et dans la journée arrive de la 2e D.I.M. l'ordre d'opérations. Le Régiment se trouve fractionné de la façon suivante : les 1er, 3e et 4e Escadrons à la disposition du C.C. 4 du Général SCHLESSER ; le 2e Escadron et le peloton de reconnaissance AZEMAR aux ordres du Général CHAPPUIS, commandant l'I.D. 2.

Le 5 Avril, dès 7 heures, cette deuxième fraction sous le commandement du Capitaine BOUCHARD, fait mouvement sur BRUCHSAL où se trouve le P.C. du Général CHAPPUIS. Celui-ci met le détachement à la disposition du Lieutenant-Colonel commandant le 5e R.T.M. Avec les tirailleurs, il participe à la prise de GONDELSHEIM vers 17 heures et à celle de DIEDELSHEIM, vers 19 heures. Dans ce dernier village, à la tombée de la nuit, le Lieutenant AYOUN se trouve à l'improviste nez à nez avec un char allemand qui, tous feux éteints, cherchait à sortir de l'agglomération. Avec son légendaire sang-froid, il arrête l'engin, persuade l'équipage d'abandonner volontairement son char et, ceci fait, le détruit à coups de T.D.

Dans la journée, le P.C. du Colonel se porte à FRIEDRICHSTAL, puis à SPOCK, enfin, à 19 heures, à OBERGROMBACH. En même temps, l'articulation du Régiment est modifiée de la façon suivante : le 3e Escadron est mis à la disposition du Colonel MIOUEL commandant le 1er R.E.C. à GRABEN, il stationne le soir à JOHLINGEN ; le 4e Escadron lui, est mis aux ordres du Colonel NAVARRE (sous-groupement de CASTRIES).
Les objectifs du sous-groupement MIQUEL sont les ponts de l'ENZ entre PFORZHEIM et MUHLACKER. Il est réparti en trois détachements : avec le détachement Nord, le peloton BORDIER, avec le détachement Centre, le peloton SOUDE, avec le détachement Sud le peloton LA ROCHE, le peloton STEIDEL et le peloton MICHON-COSTER. Ces trois détachements partent dans la nuit du 5 au 6 Avril. Au Nord, un des T.D. du peloton BORDIER est atteint et endommagé par un perforant, et le Maréchal des Logis-Chef DUQUESNE récupère un Panzerjäger 38 ; au Centre, le peloton SOUDE atteint vers le soir OETlSHElM qui est déjà occupé, et, au Sud, le peloton LA ROCHE détruit deux canons de 88 au carrefour à 2 km Est de KIESELBRONN. Ce carrefour est ensuite occupé et tenu par les pelotons STEIDEL et MICHON-COSTER.
Ce même jour à l'aube, l'Escadron BOUCHARD avec le peloton AZEMAR est parti à l'attaque sur la route de STUTTGART, en direction de MAULBRONN. Il se heurte à une résistance qui est en train de s'installer à quelques kilomètres du village. Une heure d'explication avec les T.D. du peloton MICHELET persuade l'ennemi d'abandonner la partie.
Le peloton AZEMAR repart alors en reconnaissance sur MAULBRONN. Le Maréchal des Logis MARGUET et le Brigadier-Chef HEURTEVENT sont dans les jeeps de tête. Les premières résistances, enterrées aux abords du village, ne réagissent pas et les laissent passer ; c'est seulement lorsque le peloton aborde les premières maisons qu'il est stoppé net par un feu violent d'armes automatiques se déclenchant subitement de toute part. Une mitrailleuse Bréda tractée tire à balles explosives.
Le chasseur TERLON, tireur du Brigadier-Chef HEURTEVENT, n'a pas le temps d'ouvrir le feu. Il est tué d'une balle en pleine tête. Le Maréchal des Logis MARGUET réussit à se mettre à l'abri avec sa jeep dans une maison. Le Sous-Lieutenant AZEMAR saute de son scout-car avec le Brigadier-Chef ZUBER et il tombe mortellement blessé d'une balle à la face. ZUBER, lui, atterrit dans un fossé nez à nez avec un officier allemand qu'il tient en respect aussitôt avec son arme et à qui il tient compagnie en attendant de pouvoir l'évacuer. Au même moment, le tireur du scout-car est blessé à son tour et le conducteur HARDIER reste seul valide dans son véhicule ; il bondit alors à la mitrailleuse lourde et en quelques rafales détruit la Bréda et met le feu à son tracteur.
Arrive alors le Lieutenant AYOUN qui, avec les T.D., ouvre le feu à bout portant sur le village, pendant que le peloton porté KUHNMUNCH aide à nettoyer les nids de résistance et que l'infanterie attaque par le Nord. A midi, l'opération est terminée :  7 prisonniers, dont 2 officiers sont ramenés au P.C.
A 16 heures, le peloton TRUCHET fonce sur OTISHEIM qu'il attaque par surprise, pendant que le Brigadier-Chef CHEVALIER poursuit en jeep toute une section allemande à travers champs. A 17 heures, le village est pris avec 50 prisonniers dont 1 officier. Poursuivant immédiatement sa route, il s'empare de SCHONENBERG à 18 heures. A 20 heures, le Capitaine MALAVOY avec les restes du peloton AZEMAR, les T.D. du peloton AYOUN et une section d'infanterie, attaque la position d'ERLENBACH, défendant l'entrée de MUHLACKER. A la nuit tombante, il pénètre dans le village en flammes, puis, sous une violente réaction de l'artillerie allemande, il reçoit l'ordre de laisser la défense aux soins de l'infanterie qui vient d'arriver pour aller assurer la sécurité d'OTISHEIM où il s'installe à 23 heures.

La journée du 7 Avril sera passée sur les positions, divers indices laissent prévoir une contre-attaque de chars et toutes les précautions sont prises pour la déjouer et la briser, si malgré tout elle se produit. Seul le peloton STEIDEL est envoyé en reconnaissance en direction de PFORZHEIM et il regagne l'Escadron après avoir été accroché par une très forte résistance.
Dans la nuit, le Colonel SIMON prend le commandement d'un groupement comprenant, outre le Régiment, le groupe de commandos et le sous-groupement CHAMBOST. Les ponts de l'ENZ étant coupés et fortement tenus, sa mission est de filer de flanc devant la ligne ennemie, de contourner PFORZHEIM et de foncer vers le Sud, pour donner la main à la 9e D.I.C. qui descend plus à l'Ouest. En effet, l'ennemi, de toute évidence, cherche à nous interdire le plus longtemps possible les directions essentielles de STUTTGART par le couloir naturel de PFORZHEIM, et de KEHL ; le commandement français, confiant en la valeur combattive de ses troupes, n'hésite pas alors à lancer ses Divisions en plein Sud, au cœur du massif montagneux de la Forêt-Noire, ce sera déborder les puissantes organisations de la ligne Siegfried face à STRASBOURG, et ouvrir la route vers les plaines du WURTEMBERG au Sud de STUTTGART.

Le groupement SIMON démarre au jour. Le peloton TRUCHET en tête aborde PFORZHEIM. Les Commandos se sont battus toute la nuit dans les faubourgs Ouest qu'ils occupent, mais l'ennemi tient toujours la partie Est de la ville et les hauteurs qui la dominent, ainsi que la partie Sud. Le 1er Escadron se trouve bientôt bloqué dans la ville par un détachement de la 5e D.B. qui, fortement accroché à la sortie Sud, ne peut progresser. Il en résulte rapidement un embouteillage d'autant plus dangereux que nos éléments sont soumis aux tirs à vue des automoteurs allemands embossés sur les crêtes toutes proches de la rive droite de l'ENZ. Il faut chercher un cheminement possible en dehors de la ville et à travers bois. La progression est lente... des véhicules s'enlisent et il faut l'aide des T.D. pour les sortir du sol spongieux ; l'enchevêtrement des layons ne permet pas une orientation correcte et, vers 16 heures, le Capitaine MALAVOY, avec le Sous-Lieutenant TRUCHET et le Chef ARNOULT, part en patrouille à pied. Parvenu à la lisière, il s'aperçoit qu'il a gardé la bonne direction et observe devant lui l'ennemi en train de s'installer.
Immédiatement alertés, les pelotons TRUCHET et STEIDEL débouchent, soutenus par un peloton de chars du 6e Chasseurs, et foncent à la charge, en bataille à travers champs, sur l'ennemi qui, culbuté et affolé, se replie et se rend. Total : 3 blessés légers et 30 prisonniers. La poursuite est immédiatement continuée sur ISPRINGEN, pendant que le peloton STEIN, avec le 3e Escadron, s'empare de DIETLINGEN. Les T.D. assurent immédiatement la garde du carrefour à 2 km Est du village et le P.C. du Colonel s'installe à 16 heures à ISPRINGEN. L'artillerie allemande est active et rend difficiles toutes les liaisons qui sont obligées de défiler en pleine vue sur les hauteurs N.-O. de PFORZHEIM.
Pendant ce temps, le 4e Escadron, qui a pris part à l'abordage de PFORZHEIM, se regroupe à WILFERDINGEN, quant au 2e Escadron, il fait mouvement sur MULHAUSEN. Le peloton GILLET prend position sur les crêtes Sud du village et tire un automoteur allemand. Sa mission terminée, il est surpris en lisière de bois par une patrouille munie de bazookas. Il y a 2 T.D. atteints et incendiés.
Pour clôturer la journée qui a été fort dure, le peloton TRUCHET, dans la nuit, fait un prisonnier qui, conduit au P.C. du Capitaine MALAVOY, disparaît mystérieusement. Vers une heure du matin, le Capitaine voulant se reposer, le retrouve endormi dans son lit.

Le 9 Avril le P.C. se porte d'ISPRINGEN à ELLMENDINGEN. Le groupement SIMON a pour mission de s'emparer, couvert par le C.C. 4 en direction de HERRENHALB, du nœud routier à 600 m. au Nord de NEUENBURG, pendant qu'une autre action débordera le même objectif par l'Ouest et le Sud-Ouest ; il dispose pour l'opération du groupe des Commandos de FRANCE.
A 0 heures, le peloton TRUCHET, le peloton STEIN et un peloton de chars se mettent en route sur DIETLINGEN où ils sont renforcés par une section de Génie, puis se dirigent sur NIEBELSBACH. De là, tandis que le peloton STEIN se dirige vers l'Est avec le groupement HALLO, le peloton TRUCHET et le peloton de chars s'en vont en reconnaissance sur ARNBACH. Quelques tireurs isolés prennent la colonne à partie dans les bois. ARNBACH est défendu par un ennemi disséminé dans les maisons. Le peloton de chars, arrivé à la crête dominant le village, ouvre le feu sur les lisières, tandis que le peloton TRUCHET se lance en avant. Après une courte échauffourée à la mitrailleuse, mitraillette et à la grenade, le village est enlevé à 14 heures et 21 prisonniers envoyés à l'arrière.
Les Allemands se replient dans les bois ; la route de SCHWANN est coupée par des abatis. Le Capitaine MALAVOY envoie le Sous-Lieutenant TRUCHET à pied avec six hommes pour reconnaître la route. Ceux-ci débordent par la forêt et, très rapidement, sont accrochés par des armes automatiques. Un des chars les rejoint alors et, après une courte explication, l'ennemi se dérobe pendant que le Génie enlève les abatis.
Arrivent alors en renfort le peloton de T.D. SOUDE, une section portée de la Légion et un Commando pour attaquer SCHWANN. Après une reconnaissance à pied jusqu'aux lisières des bois d'où l'on peut apercevoir le village, le Capitaine monte son dispositif d'attaque, mais le Génie n'a pu terminer le déblaiement de la route, la nuit tombe et l'affaire est reportée au lendemain.
Quant au peloton STEIN, sous les ordres du Capitaine LAVAULT du 3e Escadron, il pousse sur GRAFENHAUSEN qu'il occupe. Il envoie des reconnaissances dans les bois environnants où il est arrêté par de violents tirs de mitrailleuses ; il se replie alors sur GRAFENHAUSEN où il doit se défendre contre une attaque de chars ennemis : le chasseur LENGLEZ a le bras arraché au volant de sa jeep. Ensuite, il participe à l'attaque du fameux carrefour de la Croix du Paradis à 600 mètres de NEUENBURG. Celui-ci est très fortement tenu et ne peut être enlevé. Le peloton s'installe défensivement à proximité dans une maison isolée. Un tir d'artillerie lui cause un blessé, puis, le dernier obus tombé, le téléphone privé se met à sonner. Le Brigadier-Chef ZUBER prend l'appareil, répond dans le plus pur allemand à son interlocuteur et apprend ainsi que le soi-disant propriétaire de la villa est un officier en civil, chargé de communiquer les positions ennemies. Celui-ci est arrêté sur le champ.
De leur côté, les pelotons STEIDEL, MICHON-COSTER et un peloton de T.D. du 3e Escadron, partis de ELLMENDINGEN avaient attaqué et occupé OBERHAUSEN où ils s'installent pour la nuit.
Le 4e Escadron, dans le groupement de CASTRIES, se porte dans la journée à ITTERSBACH, tandis que le 2e réduit à 3 T.D., demeure à proximité de MULHAUSEN.

Le 10 Avril, à 6h30, le peloton TRUCHET, appuyé par les pelotons de T.D. SOUDE et BORDIERS déclenche l'attaque de SCHWANN qu est occupé et nettoyé une heure plus tard puis soumis à de violents tirs d'interdiction de l'artillerie adverse. Arrive alors l'ordre de pousser sur DENNACH. La route étant fortement tenue, le peloton TRUCHET tente de déborder la résistance par une piste forestière. Le Brigadier-Chef HUSTACHE, dans la jeep de tête, tombe nez à nez au sortir d'un virage, avec un nid de résistance armé de panzerfaust. Le peloton stoppe et la fusillade devient vite générale dans les bois. Le Capitaine envoie la section portée de la Légion aux ordres du Sous-Lieutenant DARRAS, pour soutenir le peloton engagé, mais le combat est extrêmement confus, les Allemands fort nombreux s'infiltrant partout. Le Sous-Lieutenant TRUCHET, en tête, est bloqué dans un trou par des tireurs embusqués dans les arbres. On apprend par les prisonniers capturés (13 hommes et 1 officier) que tout un Bataillon tient cette partie de la forêt. Les moyens de notre côté étant nettement insuffisants pour venir à bout d'une résistance aussi étoffée, le détachement reçoit l'ordre de se replier sur SCHWANN avec l'aide du peloton de Commandos. Le mouvement s'effectue sans incidents et les pelotons regagnent le village où ils s'installent sur la défensive.
Pendant ce temps, le peloton STEIN termine le nettoyage du nœud routier au Nord de NEUENBURG, puis, passant à travers bois, rejoint SCHWANN où il vient renforcer le détachement MALAVOY ainsi qu'une section portée de mitrailleuses et un peloton d'obusiers.
A 21 heures, l'ordre est donné au Capitaine MALAVOY de pousser coûte que coûte jusqu'à DENNACH. Le détachement repart donc en pleine nuit, peloton STEIN en tête. Il est arrêté dans la forêt, qui semble avoir été abandonnée, par de nombreux abatis que le Génie commence aussitôt à déblayer sous la protection des chasseurs du Lieutenant STEIN, partis à pied au carrefour situé à la sortie des bois pour assurer la sécurité avancée. Mais à 2 heures du matin, le travail est loin d'être terminé et les sapeurs ont épuisé tous leurs pétards le Capitaine est obliger de replier son détachement sur SCHWANN. C'est là qu'en pleine nuit, le peloton STEIDEL, qui n'a pas été engagé, vient rejoindre en route, l'Aspirant est tiré par un panzerfaust qui manque de peu sa voiture.
Pendant cette même journée, le 4e Escadron s'est porté sur LANGENALB et rentre le soir à ITTERSBACH, tandis que le 2e Escadron continue à stationner à MULHAUSEN.
La farouche résistance opposée par l'ennemi en cette région ne doit étonner personne. L'ordre d'opération de la 257e Division de Grenadiers, daté du 10 Avril, prévoit de forts centres de résistance près de NEUENBURG, au Sud de SCHWANN et à l'Ouest de LANGENALB. L'intention est claire il s'agit d'empêcher à tout prix les Français d'entrer dans la montagne en direction du Sud, de barrer la route menant à la vallée de l'ENZ par NEUENBURG.
C'est pourquoi aussi, les ordres d'opération français prescrivent d'avancer par tous les moyens pour ne pas laisser à l'ennemi le temps de se réorganiser ; ce qui est en jeu c'est la dislocation de tout le 4e C.A. et la prise de flanc de la 19e Armée. Pour la journée du 11 Avril, le groupement SIMON reçoit donc mission de pousser des reconnaissances sur WALDRENNACH, WILDBAD et LANGENBRAND en s'emparant au minimum de WALDRENNACH.

A 6h30, le détachement MALAVOY se porte sur DENNACH. Après un long travail de déblaiement il atteint à 8 heures le village en flammes que l'ennemi vient d'évacuer. Il a été soutenu dans son opération par les pelotons de T.D. BORDIER et SOUDE. Puis le peloton TRUCHET part en reconnaissance sur HOFEN, mais les Commandos sont contre-attaqués à WILHELMSHOHE et, le passage étant impossible, le peloton s'installe en bouchon en soutien de ces derniers. Au soir, il est relevé par la section portée de la Légion et revient participer à la défense de DENNACH qu'il faut absolument tenir pour la nuit. Les tirs de mortiers sont fréquents et assez denses. Sur la gauche, le peloton LA ROCHE s'est emparé du carrefour 664 entre DOBEL et DENNACH y détruisant 2 canons de 75 PAK. Quant au 4e Escadron, toujours au groupement de CASTRIES, il atteint le même jour ROTENSOL. Dans ce pays de vallées et de croupes boisées, où les observatoires n'ont aucune vue, la bataille est farouche pour empêcher nos troupes de déboucher sur HERRENALB. Mais nos hommes s'infiltrant sans arrêt, attaquant, débordant, s'enfonçant hardiment entre les points d'appui ennemis, désorganisent peu à peu l'adversaire sur des chemins impossibles, les chars, les T.D. cahotent, s'enlisent, glissent, aveugles et intrépides les unités allemandes morcelées, privées de transmissions régulières, se replient, se rendent ou s'émiettent, non sans avoir cependant résisté jusqu'à la limite, protégées par une artillerie encore puissante mais qui ne peut plus suffire à sa tâche. C'est au soir de ce jour que le Général commandant la 257e Division est tué d'un éclat d'obus à proximité du carrefour que vient d'enlever le peloton LA ROCHE.

La journée du 12 n'amène aucun changement. Puisqu'il n'est pas encore possible de bousculer d'un seul coup un ennemi trop fortement accroché à ses bois, ses crêtes, ses rivières, il faut reconnaître ses points les plus faibles et faire sauter les jointures brutalement par une action en force sur les points les moins défendus ou supposés inattaquables.

L'ordre d'opération, valable pour la journée du 13, amorce cette manœuvre. Le groupement SIMON, avec la 10e Cie du 4e R.T.M.. un peloton d'A.M., doit mener, avec tous les moyens de feu disponibles, l'attaque de diversion sur l'axe NEUENBURG. LANGENBRAND, en vue de s'emparer de WALDRENNACH. Après relève par le 4e R.T.M., il regroupera tous les moyens blindés non utilisés dans l'opération précédente.
Sans donc s'attarder à forcer le passage au Sud de SCHWANN, les éléments du 8e Chasseurs se regroupent et, changeant d'axe, se dirigent sur NEUENBURG. C'est une délicieuse petite ville, blottie au creux dune étroite vallée, dans une boucle de l'ENZ ; ses collines, couvertes de sapins, lui font une sombre couronne entre les vieilles maisons à pignons, entre les jardins fleuris par un printemps exubérant, la limpide rivière chante de sa voix de cristal et les relents de gas-oil de nos blindés ne peuvent étouffer le pénétrant parfum des fleurs épanouies à profusion. C'est en ce décor pourtant que la guerre continue. Pendant que les 155 pilonnent WALDRENNACH, le peloton BORDIER prend position pour canonner les lisières du village. A 15 heures, le 1er Escadron, peloton TRUCHET en tête, s'empare du village qu'il tient avec l'infanterie, puis le groupement est arrêté à la sortie Sud par des tirs de mitrailleuses et d'automoteurs impossibles à repérer dans les sapinières épaisses. L'objectif cependant est atteint, mais l'artillerie allemande écrase WALDRENNACH dont de nombreuses maisons prennent feu, illuminant fantastiquement le paysage pendant la nuit.
Ce même jour, le 2e Escadron, toujours inutilisable à cause de ses pertes non réparées, se porte de MULHAUSEN à ISPRINGEN, tandis que le 4e Escadron, s'enfonçant dans le dispositif ennemi, atteint GERNSBACH, près de BADEN-BADEN, s'ouvrant la route qui, par la vallée de la MURG, remonte, jusqu'à FREUDENSTADT. La manœuvre de dislocation et d'encerclement est si bien amorcée que l'ennemi va faire, mais en vain, des efforts désespérés pour y parer.
Pour couronner, l'on apprend au P.C. une nouvelle citation du Régiment à l'Ordre de l'Armée pour hauts faits accomplis pendant la campagne de FRANCE la même distinction est accordée au 3e Escadron et le Colonel SIMON reçoit la rosette. Et chacun pense bien que cette deuxième palme décernée à l'Etendard ne sera pas la dernière l'ennemi s'en apercevra mieux que quiconque dans les jours qui vont suivre.

Le lendemain 14, le commandement prescrit d'accentuer la pression vers l'Est, Sud-Est. L'axe du groupement SIMON est jalonné par LANGENBRAND. SCHOMBERG, BAD-LIEENZELL, NEUHENGSTETT et CALW. Il s'agit pour lui, en se couvrant face au Nord-Est, de s'emparer de HOFEN et de rechercher un passage sur la NAGOLD afin de déborder CALW par l'Est.
L'attaque démarre à 7 heures. Le peloton TRUCHET en tête, est arrêté, après le premier carrefour à l'intérieur des bois par des abattis solidement défendus. Le peloton STEIDEL est envoyé sur sa gauche pour essayer de contourner la résistance la patrouille à pied, qu'il détache, se heurte à un ennemi fortement retranché. Sur la droite, le Maréchal des Logis MULLER, parti à pied lui aussi, rencontre également l'adversaire, cependant que les  obus fusent dans les sapins, atteignant deux jeeps.
Puisque le passage s'avère impossible de face, tous nos éléments de tête, obliquant vers la droite, rejoignent l'axe ami déjà déblayé et, par HOFEN, s'engagent sur la route en lacets qui monte vers LANGENBRAND où ils font brutalement irruption à 14 heures. La lutte est chaude, l'aviation attaque et mitraille nos colonnes, le peloton BORDIER détruit deux chars, une arme antichar et un véhicule blindé dans les rues du village qui commence à brûler. Nos hommes se battent bientôt dans une véritable fournaise qui risque à chaque instant de communiquer le feu aux véhicules. Dans les écuries, les animaux blessés meuglent ou hennissent lamentablement devant l'incendie qui gagne. Les obus ennemis, s'écrasant sur les charpentes en flammes, font jaillir d'impressionnantes gerbes d'étincelles et couvrent les routes de brandons enflammés. Mais l'élan est tel que le village est dépassé et, à 18 heures, les pelotons TRUCHET et STEIDEL occupent SCHOMBERG où tout le 3e Escadron se regroupe en fin de soirée. Tout semble faire prévoir pour le lendemain matin une contre-attaque de chars, et l'on se tient sur ses gardes.
Le 2e Escadron, lui, s'est porté sur WALDRENNACH ; de là il tente de déboucher à l'Est sur ENGELSBRAND afin d'élargir la ligne de communication de NEUENBURG à SCHOMBERG, mais il est repoussé et perd un chef de peloton blessé. Le 4e Escadron a atteint en fin de journée REICHENTAL. Ainsi, ce que l'ennemi craignait et n'aurait pas cru possible se réalise cependant. Des éléments blindés lourds, s'infiltrant en pleine montagne par des sentiers inimaginables, manœuvrant par les crêtes, débordant toutes les résistances soigneusement mises en place pour barrer la vallée. Il est difficile de dire ce qu'il faut le plus admirer, de l'audace de conception du commandement, ou de l'habilité et de endurance des troupes qui réalisèrent ce tour de force.

Au matin du 15, la contre-attaque attendue ne se produit pas et le mouvement en avant reprend dès 10 heures. Il va être mené par le 1er Escadron à un rythme endiablé qui se maintiendra pendant les jours suivants. L'Escadron de reconnaissance inscrira aux fastes du 8e Chasseurs des pages ardentes et glorieuses dans la plus belle tradition de la Cavalerie.
Donc, le peloton STEIDEL part en tête ; avec le peloton TRUCHET, il s'empare d'OBERLANGENHART vers 11 heures, ramassant 14 prisonniers, puis poursuit sur ZAINEN. Là, tout l'escadron se trouve bloqué par un détachement de la Légion, arrêté par la résistance d'OBERKOLBACH qui le prend de flanc. Pendant que le peloton TRUCHET attaque par l'Ouest, le peloton STEIN, passant par les bois s'infiltre et entre dans le village par le Nord. L'ennemi, à l'effectif d'environ une compagnie, se replie et s'enfonce dans les bois au Nord-Est. Il se montrera du reste agressif puisque, vers le soir, il contre-attaquera l'infanterie amie, coupant les lignes de communication de l'Escadron qui se trouvera dangereusement en pointe. Pour l'instant nul ne s'en soucie, l'ordre est de foncer, on fonce et l'on inaugure une sorte de marche en tiroir où chaque peloton, tour à tour en tête, rivalisera d'audace, j'allais dire de témérité.
Pendant que le peloton STEIDEL tient MAISENBACH et le peloton STEIN OBERKOLBACH, le peloton TRUCHET file sur EBERSPIEL qu'il enlève à 15 heures. Aussitôt, le peloton STEIDEL rejoint et, à son tour, dévale sur OBERREICHENBACH qu'il occupe et où il s'installe en bouchon, à cheval sur la grand'route de CALMBACH à HIRSAU le peloton STEIN alors relève le peloton TRUCHET qui, dépassant le peloton STEIDEL, attaque et prend ALTBURG. Le peloton STEIN relève le peloton STEIDEL qui part occuper WELTENSCHWANN, puis s'en vient rejoindre à ALTBURG le peloton TRUCHET. Là, il est renforcé d'un peloton de chars, d'une section portée de la Légion, d'un groupe de T.D. du peloton LA ROCHE, et, dans un coup de folle audace, va tenter, avant la nuit, de mettre la main sur les ponts de la NAGOLD.
Le Brigadier-Chef FERRER qui conduit le scout-car de tête a décidé de violer tous les règlements limitant la vitesse des véhicules militaires sur route. Il descend sur la vallée à tombeau ouvert derrière lui, le peloton colle au plus prés. L'ennemi, décontenancé par cette sorte d'avalanche inattendue, fuit en désordre ; à 20h30 CALW est atteint, occupé ; les ponts sur la NAGOLD sont intacts tant la surprise a joué et le chef du Volksturm est arrêté avant qu'il ait pu prendre le commandement de ses hommes.
Ainsi le 1er Escadron du 8e Chasseurs, initialement chargé d'une mission de flanc-garde, l'a, par son impétuosité, et son habileté manœuvrière, changée en mission d'avant-garde. Au soir du 15 Avril, en pointe de l'Armée, il s'installe autour des passages de la NAGOLD qui ouvrent la route vers STUTTGART et vers ULM. L'ennemi qui s'est ressaisi devant le danger, coupe toutes ses communications avec l'arrière et stoppe à plusieurs endroits la progression de l'infanterie qui s'efforce de profiter sans retard de la voie magnifiquement ouverte. Les hommes sont harassés et la nuit qui vient couronner ce soir de victoire ne leur apportera pas le repos ; on a combattu le jour, il faut veiller la nuit pour conserver le terrain durement conquis et, dès l'aube, laissant à d'autres le soin d'occuper ce que l'on a pris, il faudra repartir de l'avant et combattre à nouveau sans autre repos que la joie de vaincre.
Pendant cette journée, le 2e Escadron est resté à WALDRENNACH. Le 4e qui commence à être très loin de la partie principale du Régiment, puisque l'on n'entend plus sa radio et que les services du ravitaillement ne trouveront pas son emplacement, s'est enfoncé de plus de 15 kilomètres en pleine FORET-NOIRE et a participé, dans le groupement de CASTRES, à la prise de BESENFELD, ce qui le porte à la latitude de STRASBOURG. La défense allemande en plaine de BADE et dans tout le massif montagneux est à la veille de s'effondrer.

Et sans repos, la folle course à la victoire continue. CALW occupé, et le passage de la NAGOLD assuré, le 8e R.C.A. a ordre de se diriger vers le Sud aussi rapidement que possible, le 1er Escadron devant flanc-garder face à l'Est le groupement de la Légion qui se dirige sur la ville de NAGOLD. Les éléments de tête démarrent à 9 heures, le 1er Avril, et arrivent à ZAVELSTEIN où un Escadron du 1er R.E.C. est arrêté devant des marécages, des coupures et des abatis. Mais personne n'entend piétiner sur place ; pas de passage, on en trouvera quand même ! Le peloton STEIDEL s'en va en reconnaissance vers le Sud-Est, se rabat sur BAD-TEINACH, ravissante petite ville d'eaux dans une délicieuse vallée étroite à souhait et d'un pittoresque délicat, et l'occupe. C'est vraiment la guerre totale, le Capitaine MALAVOY, s'arrêtant au long du ruisseau qui gazouille sous les sapins, tue une magnifique truite à la carabine. Puis le Maréchal des Logis LIGNON avec une patrouille de deux jeeps découvre en forêt un chemin qui permet d'aboutir au-delà des coupures et des abatis. On l'utilise aussitôt et le peloton TRUCHET s'en va purement et simplement occuper NEUBULACH pendant que le peloton STEIDEL en fait autant d'ALTBULACH.
Ce mouvement de rocade a fait passer le 1er Escadron devant les éléments de la Légion dont il devait protéger le flanc. Qu'à cela ne tienne ! A nous l'honneur, il faut bien quelqu'un en tête et c'est une place qui nous paraît devoir nous revenir de droit. Le 1er prend donc à son compte la mission des Légionnaires et continue sa marche en flèche en espérant que cela suivra.
Même tactique de progression en accordéon. Le peloton STEIN vient occuper NEUBULACH, d'où le peloton TRUCHET se dirige sur OBERHAUGSTETT, puis sur SCHONBRONN où il est accroché, mais après un combat rapide, l'ennemi n'insiste pas et se replie. C'est alors le peloton STEIDEL qui rejoint et qui continue sur EFFRINGEN où il est accroché à son tour. Le Maréchal des Logis LIGNON détruit une mitrailleuse, puis les jeeps s'infiltrent dans le village, protégées par le feu des armes lourdes du peloton. Le Brigadier-Chef GALBAN tue le chef du Volksturm qui combat au milieu des soldats en uniforme, le village est enlevé après un engagement rapide mais brutal.
Et la poursuite continue. Le peloton TRUCHET quitte SCHONBRONN qu'occupe le peloton STEIN et il continue sur WILDBERG. L'ennemi, pris de vitesse, n'a pas le temps de s'installer ; une courte fusillade et il se replie. Pendant que s'achève le nettoyage de la petite ville dont toute la population s'est réfugiée dans un tunnel, le peloton STEIN démarre à son tour et va reconnaître PFRONDORF qu'il occupe après avoir fait 3 prisonniers. Le peloton TRUCHET vient le rejoindre en passant par la route bordant la rivière et tout l'Escadron s'enferme dans PFRONDORF pour la nuit, accueillant avec joie un peloton de T.D. arrivé en renfort.
Le peloton SOUDE, intégré au sous-groupement BOILEAU, a participé, sur un axe parallèle vers l'Ouest à celui du 1er Escadron, à la prise de WENDEN, de ROTFELDEN, et, en fin de journée, à celle de MINDERSBACH, tant il est vrai que tous les éléments du 8e Chasseurs rivalisent entre eux de vitesse comme si chacun mettait son point d'honneur à s'installer, pour la nuit, le plus loin possible à l'intérieur du dispositif ennemi. Et tout le Régiment est en mouvement. Le P.C. suit au plus près ; à 14h30. il est déjà à NEUBULACH, le 2e Escadron s'étage entre SCHOMBERG et BAD-TEINACH, car tout de même, s'il est magnifique de progresser aussi rapidement, de lancer des pointes au plus profond des lignes ennemies, il faut cependant assurer le mieux possible les communications permettant le ravitaillement. Or, si le pays est remarquable de poésie et de pittoresque, c'est aussi un pays rêvé pour tous les guet-apens imaginables. Routes étroites, enserrées dans l'épaisseur inquiétante des bois de sapins, hameaux isolés, fermes perdues, vallées encaissées, abrupts dominant les pistes, ponts impossibles à surveiller, innombrables layons se croisant et s'entrecroisant, tout est mystère, inquiétude, surprise possible pour le ravitailleur circulant avec un camion solitaire.
Et là-bas, à l'Ouest, le 4e Escadron que, depuis 36 heures on cherche en vain à ravitailler, a encore gagné vers le Sud. Depuis deux heures du matin, il a progressé au milieu des embûches, dans des forêts dont les hommes se désespèrent de voir jamais la fin, au cœur de montagnes dont l'altitude ne fait qu'augmenter. Tous ont l'impression d'être engagés dans une aventure assez folle et ressentent une impression d'isolement assez compréhensible mais le Commandant de CASTRIES a décidé que son groupement enlèverait le morceau à une allure record et tout le monde suit avec une ardeur endiablée. Au soir du 16, l'Escadron SOULE, participe à l'attaque et à l'occupation d'IGELSBERG.

La nuit n'a apporté de repos à personne et l'ordre d'opérations pour la journée du 17 ne laisse pas présager d'heures calmes, Il s'agit en effet de pousser d'une part sur HORB et d'y atteindre le NECKAR, de pousser d'autre part sur FREUDENSTADT et de couper ainsi la route KEHL-TUBIGEN une seule consigne faire vite. A première vue, il semble parfaitement déraisonnable de vouloir faire tenir pareil programme entre l'aube et la nuit et pourtant, le soir venu, il se trouvera entièrement réalisé.
Le 1er Escadron est toujours en tête. Il détache le peloton STEIN au groupement HALLO de la Légion. Le reste de l'Escadron, soutenu par le peloton de T.D. LA ROCHE ; quitte PFRONDORF à 8 heures. Il traverse la jolie ville de NAGOLD, qui est fortement pilonnée par l'artillerie lourde ennemie, puis fonce plein Sud. Le village d'INSELHAUSEN est rapidement reconnu et occupé ce qui permet de libérer un grand nombre d'ouvriers étrangers. Le peloton STEIDEL repart sur GUNDRINGEN et l'enlève après avoir fait sauter un barrage antichars. Le peloton TRUCHET rejoint et, prenant la tête à son tour, atteint SCHIETINGEN qu'il prend y faisant des prisonniers.
Le tentation est grande de continuer sur cette route que talonnent des villages presque aussitôt pris qu'abordés, mais là, à l'Est, pointe le clocher du gros bourg d'HOCHDORF et il n'est pas possible de défiler en le laissant inexploré sur son flanc. Le Capitaine envoie alors le peloton STEIDEL avec un T.D. en soutien, reconnaître HOCHDORF. L'Aspirant envoie par radio le renseignement que le village semble fortement tenu. Le Capitaine alerte alors le peloton TRUCHET, toujours à SCHIETINGEN, et lui donne l'ordre de contourner l'objectif en passant par les pistes forestières du Nord, puis, les deux pelotons en place attaqueront en débouchant par surprise.
Il y a dans les carnets du Sous-Lieutenant TRUCHET un récit de l'affaire trop savoureux pour ne pas lui faire prendre la place de la narration officielle

Le 17Avril.
11h40. — Je termine avec mon peloton le nettoyage de SCHIETINGEN quand j'apprends du haut-parleur de mon 610 que STEIDEL vient de voir des Boches à HOCHDORF. Aussitôt le Capitaine m'alerte et je pars rejoindre le P.C. avec mon prisonnier cycliste.
11h45. — En route pour exécuter les ordres du Capitaine aller reconnaître le village par la gauche. Je prends la jeep du Maréchal des Logis MULLER avec moi et en avant, à flanc de coteau, dans un chemin étroit et accidenté dans un sous-bois sombre et antipathique. Nous arrivons à la lisière du bois, à 500 mètres des premières maisons. J'aperçois les Boches en train de terminer leurs travaux de défense. Sur ma droite, STEIDEL commence à tirailler. Nous sommes repérés. Ma radio ne marche plus et j'envoie chercher le reste du peloton.
11h50. — Je reçois l'ordre d'attaquer. En bataille, scout-car au centre, sur 600 mètres de front, nous nous engageons dans le terrain découvert. Mes véhicules avancent rapidement, bien alignés dans les champs, crachant le feu de leur sept mitrailleuses. Les hommes, comme d'habitude, hurlent de joie et trépignent dans leurs véhicules, ravis une fois de plus de cette charge digne de l'ancienne cavalerie. Tout à coup, la jeep de MULLER, à côté de moi, disparaît dans une grande flamme suivie d'une épaisse fumée. Trois explosions de grenades, MULLER vient de déchiqueter dans son trou le servant du Panzerfaust qui l'avait tiré et manqué à bout portant. Le scout-car réduit au silence une mitrailleuse à gauche et mon peloton s'engouffre entre deux maisons dans la brèche ainsi pratiquée.
12 heures. — Nous sommes dans la place !... Je laisse le scout-car comme point de ralliement et mes 5 jeeps se dispersent dans toutes les directions pour prendre à revers les résistances ennemies du pourtour du village. La ronde infernale du peloton commence, mitraillant et nettoyant les maisons à la grenade et à la mitraillette chaque jeep, toute seule, moteur à plein régime, affole un secteur de la défense.
Je pars pour essayer de faire une liaison avec STEIDEL. On me tire dessus d'une maison ! Je stoppe au coin d'un mur, deux grenades dans la cave, une rafale de mitraillette dans les issues, quelques coups de mitrailleuse dans les greniers pour y mettre le feu, et voilà cinq Allemands, les bras en l'air, qui sautent d'une fenêtre... Deux coups de pied dans le derrière pour leur donner la direction du centre d'accueil des prisonniers (le scout-car nous a vus) et en avant.
Une vache en rupture d'étable traverse la rue, un Boche caché derrière elle. Je la tue d'une rafale et le sixième S.S. rattrape déjà les autres an courant et en se déséquipant. Vive les armées disciplinées !...
Nous sortons du village pour essayer de rejoindre STEIDEL, mais nous sommes tirés par plusieurs mitrailleuses à la fois, de la scierie à droite, du cimetière à gauche, du village derrière.
Allez, CANITROT, fonce et fais des zigzags dans les champs !
40 milles en tout terrain Je tire à la mitrailleuse, mais nous allons trop vite. Mon garde du corps, HALOPE, assis sur les paquetages derrière, pousse des hurlements. Il n'a pas peur, mais il essaye simplement de ne pas se faire vider de la voiture dans les virages, tout en conservant sa mitraillette. CANITROT, tête baissée, appuie sur l'accélérateur et nous tournons en rond.
- Bon Dieu, ça siffle, mon Lieutenant
- Je m'en aperçois, mon vieux ! File tout droit, nous allons essayer de rentrer par là.
12h30.— Ouf ! Nous sommes de nouveau dans le village ! Nous avons au chaud, la jeep, un peu transpercée marche bien. Je regagne le scout-car où nos six S.S. sont devenus 30 avec leurs 60 bras au-dessus de la tête. Mes hommes ont bien travaillé...
L'effet de surprise a joué complètement et les Allemands, persuadés que nous sommes au moins 300, lachant pied de tous côtés. Je repars pour aller à la rencontre de mes voitures. Je parcours le village en tous sens il a l'aspect familier de toutes nos conquêtes. Il flambe tranquillement un peu partout, toutes les disponibilités en linge blanc sont aux fenêtres et, à chaque arrêt, la jeune fille blonde offre d'une main tremblante, mais soumise, la boisson au vainqueur...
13 heures. — Le peloton est rassemblé, la section portée de la Légion et le peloton STEIDEL nous rejoignent et commencent le nettoyage méthodique des maisons. HOCHDORF est pris. Le peloton n'a que 4 blessés et une jeep hors de combat. Il a tiré presque toutes ses munitions (25.000 de mitrailleuse, 10.000 de mitraillette et 100 grenades), capturé une dizaine d'armes automatiques, 30 S.S., et en a tué et blessé une vingtaine d'autres.
Le peloton est réduit à 14 hommes, noirs de poudre et de terre, avec des tenues déchirées, montés sur des véhiculas poussiéreux, transpercés, remplis de douilles et d'armes capturées.
Assis sur le capot de ma jeep, j'allume une cigarette, et, subitement fatigué, j'écoute la joie de mon peloton... (Extrait du journal de marche du S/Lieutenant TRUCHET).

De son côté, le peloton STEIDEL n'était pas resté inactif et, lancé sur le côté le plus fortifié du village, il avait d'abord eu à faire sauter une barricade avant d'accrocher l'ennemi. Là aussi, les aventures individuelles ne manquèrent pas, telle celle-ci, vécue par un sous-officier qui l'a consignée sur son journal tout en voulant conserver l'anonymat :
"11h30. Les femmes ont fini de démolir le barrage. L'Aspirant STEIDEL me donne l'ordre d'aller reconnaître entrée Nord de HOCHDORF. Je rappelle GALBAN et son équipage.
- Prends la route à plein pot et stoppe à la crête. Je te suis.
11h40. — Un coup d'œil rapide à la plaine, on aperçoit les premières maisons à 600 mètres.
- En avant jusqu'au bouquet d'arbres.
Bon Dieu ! à droite du village, sur la lisière, deux Fritz détalent et sautent dans une tranchée. Ma radio ne marche pas Je hurle pour faire arrêter GALBAN. Ma parole, il est sourd ! Et pourtant, il faut l'arrêter, sinon il va se jeter dans la gueule du loup, car il n'a rien vu.
- Vite, LLENS, fonce, rattrape-le !
Mon conducteur accélère, mais GALBAN est déjà à l'entrée du village qui est coupée par des abattis. Rien ne bouge. J'arrive à hauteur de sa jeep, et, sans m'arrêter, la dépasse en criant à GALBAN de me suivre. J'ai repéré une scierie à droite de la route, là nous serons à l'abri car l'abatti est pris sous le feu d'une mitrailleuse qui commence à nous arroser.
11h45. — Ouf mes deux jeeps sont en lieu sûr !
Tout le monde à terre, les pièces aussi.
A travers le tas de planches, MOREL arrose le taillis à 20 mètres de nous, d'où sort la flamme de l'arme automatique qui nous a reçus. FIEVET et MAGNIN tiraillent à la carabine sur les trous individuels où se cachent les Boches.
11h50. — J'en ai assez, je pars avec GALBAN pour essayer de contourner la résistance pendant que MOREL la fixe. Mais, dès que nous sortons des planches, nous sommes accueillis à coups de fusils et de mitraillettes un snipper nous prend pour cible, mais il tire mal. GALBAN trouve qu'il fait chaud, moi aussi d'ailleurs. Nous sommes bel et bien coincés dans la scierie. Et cette maudite mitrailleuse qui crache toujours. Les balles ricochent sur les planches, de drôles d'abeilles bourdonnent. Je lance quelques grenades en direction du taillis, sans résultat. Nous allons essayer le Panzerfaust.
Tiens, ça a du bon La mitrailleuse se tait. Mais ce n'est pas la seule et la fusillade redouble de tous côtés. Impossible de se déplacer autrement qu'en jouant au ver de terre.
12h30. — Le T.D. est arrivé, mais il est stoppé à 600 mètres de là. L'idiot il tire sur la scierie, sur nous. Nous voilà propres ! La scierie prend feu et nous sommes mûrs pour faire de magnifiques grillades ! Il faut prévenir le T.D. et la radio ne marche plus. Il n'y a qu'un moyen, y aller à pied mais c'est scabreux. Tant pis ! Je suis le plus proche de la route, c'est à moi de partir. Un coup de gnole et hop ! on y va. J'ai de la chance, j'atterris sans dommage dans le fossé. En avant pour une petite séance de ramping. Je préfère commander l'école du lapin que la faire moi-même. J'arrive enfin auprès de l'Aspirant et fais arrêter le tir du T.D. Pendant ce temps, GALBAN continue à s'expliquer avec le Boche qui ne veut pas démordre.
12h45. — Mes hommes sont toujours coincés et je discute ferme pour avoir un T.D. L'incendie de la scierie fait des progrès... Enfin, PLONGERON me suit. Il vient placer son char contre le talus et, presque à bout portant, azimute les salopards qui détalent dans la plaine où ils sont arrosés à coups de mitrailleuses et d'explosifs par le Capitaine et le T.D. de LUDINARD.
13 heures. — Ca y est ! Mon groupe respire, nous entrons à HOCHDORF où nous rejoignons le peloton TRUCHET qui a forcé l'entrée par la gauche. "Il fait frais à présent, me dit GALBAN " J'en conviens de bon cœur.

Ces deux simples récits montrent bien ce qu'était alors la vie du Régiment. Cette, longue énumération de localités abordées, attaquées, enlevées, dépassées au rythme le plus rapide aurait pu faire croire qu'il ne s'agissait pour nous en ALLEMAGNE que d'une sorte de chevauchée fantastique et toujours triomphante au moindre prix. A dire vrai, la réalité, pour belle qu'elle fût, était bien plus rude. L'ennemi talonné, enveloppé, morcelé, gardait cependant une grande partie de ses qualités combattives et il se défendait farouchement chaque fois que l'occasion s'en présentait et l'exemple d'HOCHDORF n'est pas une exception.
Pendant que se déroulait cette affaire, le peloton STEIN, dans le groupement HALLO, se dirigeait sur HORB. En chemin, il surprend une unité ennemi en déplacement et l'attaque aussitôt. Au cours de la poursuite à travers bois, il enlève 13 prisonniers et délivre un parachutiste français que les Allemands emmenaient avec eux. Vers midi, il pénètre dans HORB, ramasse quelques prisonniers et va s'installer immédiatement en point d'appui à la sortie pour protéger le pont sur le NECKAR. Il est intact, mais miné et le Lieutenant STEIN, avec ses pionniers s'emploie à neutraliser rapidement les fourneaux amorcés.

Ainsi, quelques heures après le départ, les objectifs fixés sur cet axe sont atteints. C'est une vie fiévreuse, trépidante mais passionnante les hommes se précipitent au combat comme à la fête et les blessés refusent de se laisser évacuer pour ne pas perdre leur place en tête, à l'honneur et au danger. S'il en faut un, de témoignage, qu'il me soit permis de citer ces lignes que le Capitaine MALAVOY écrivait ce jour-là en son journal de marche et qui rendent l'atmosphère de ces jours inoubliables :

" Depuis 12 jours, l'Escadron, toujours en tête de la Division, laisse derrière lui un long itinéraire jalonné par de nombreux incendies stigmatisant sur le terrain tous ses combats livrés à une cadence accélérée.

Mes trois pelotons, perpétuellement en action, sont tenus en haleine par leur enthousiasme et les vieilles traditions de la cavalerie renaissent. La charge, remise à l'honneur, se montre une excellente tactique dans ces terrains particulièrement favorables. Les jeeps et les scout-cars en bataille, à travers tout terrain, foncent par surprise sur la résistance ennemie. Les véhicules sont rapides, toutes les mitrailleuses crachent à une cadence accélérée, les hommes hurlent de joie en jetant leurs grenades, l'ennemi, assailli de tous côtés, est décontenancé.

Très vite le feu se déclare dans les greniers, sous l'effet des balles traceuses et incendiaires, semant la panique. Les jeeps s'infiltrent partout, tourbillonnent, harcèlent l'ennemi de toute part et rapidement occupent, victorieuses, le terrain conquis. Les rues sont parsemées de douilles encore brûlantes. La fumée acre des incendies prend à la gorge, les prisonniers hébétés sont rapidement assemblés le long d'un mur, près du P.C. La radio, fébrile, passe sur émission :

— Allô Hasardeuse (indicatif radio du Régiment), ici Gazelle ! (indicatif du 1er Escadron). Allô Hasardeuse, ici Gazelle... Nous occupons Bernard... Nous continuons sur André, nous continuons sur André... Terminé !

La population civile, timidement, sort de ses caves. Les femmes sourient aux vainqueurs et leur apportent à boire. De belles filles.., qu'il faut hélas abandonner car la guerre continue...

— TRUCHET ! STEIDEL ! En avant ! Dépêchez-vous, nous continuons !

Nouveaux ordres, nouveau départ. Quelle vie intense que la nôtre ! Pas une minute de répit, ni pour le corps, ni pour l'esprit...

— Allô Chevreuil, ici Gazelle en personne, m'entendez-vous, répondez !

— Allô Gazelle, ici Chevreuil, je vous écoute.

— Allô Chevreuil, ici Gazelle, attaquez

(Extrait du journal de marche du Capitaine MALAVOY).

Une fois de plus, tous les éléments du 8e R.C.A. ont rivalisé d'audace, afin de s'installer pour la nuit, le plus loin possible de leur point de départ. Le peloton de T.D. SOUDE, dans le sous-groupement BOILEAU, arrive au soir à ALTHEIM pour aujourd'hui, il est battu de plusieurs longueurs par STEIN. Et, à l'Ouest, au cœur de la FORET-NOIRE, le 4e Escadron entre dans FREUDENSTADT en flammes.
Cette chute était prévue. Depuis que le peloton STEIN avait enlevé les ponts de CALW intacts, depuis que le premier Escadron et nos pelotons de T.D. s'étaient enfoncés comme une flèche, au cœur du dispositif ennemi et avaient menacé de le couper totalement en deux en arrivant à HORB, la situation à l'Ouest était devenue intenable. Le commandement ennemi avait donc fait retraiter vers TUBINGEN et le JURA SOUABE tout ce qu'il pouvait encore atteindre et commander, le point fort de PFORZHEIM servant de pivot. Mais cette manoeuvre avait ouvert un trou à chaque instant plus large et béant entre la plaine de BADE et les vallées du NECKAR et de la NAGOLD. C'est ainsi que FREUDENSTADT qui, primitivement, d'après l'ordre du 13 Avril, devait être défendu à tout prix, a dû être abandonné trois jours plus tard. Le Volksturm essaye alors de prendre à son compte la défense de ce carrefour vital, il ne fait que provoquer une action combinée de l'aviation et de l'artillerie française, transformant en quelques minutes une grande partie de cette délicieuse station de montagne, en un brasier croulant.
La journée est importante. Toutes les Divisions de la 19e Armée restées en plaine de BADE, voient leurs communications avec l'arrière définitivement coupées, il ne leur reste qu'à se faire écraser ou à se rendre. De plus, toute menace pesant sur STRASBOURG est écartée les canons lourds qui depuis OBERKICH, bombardaient la capitale de l'ALSACE sont réduits au silence, la route est ouverte à toutes les forces du 1er C.A. du Général BETHOUART, réuni devant KEHL, et cette masse de manœuvre va pouvoir par surprise, franchir le RHIN et se porter d'un bond sur le HAUT-NECKAR, où, deux jours après, elle pèsera de tout son poids sur la destinée malheureuse des restes de la 19e Armée.
Là-bas, au cœur du WURTEMBERG. les gars du 8e Chasseurs, heureux de leurs succès, ne se doutent pas que leur fougue a permis la réalisation de la première partie du plan offensif français et que leurs efforts ont eu une influence décisive sur la victoire finale qui a vraiment pris corps ce jour-là. Fatigués, rompus ils passent la nuit sur les positions conquises tandis que le P.C. se porte à OBERTALHEIM et que le 2e Escadron vient tenir ROTFELDEN, WILDBERG et EMMINGEN.

La journée du 18 Avril est consacrée à une sorte de réorganisation sur place, ce qui ne veut pas dire repos, car l'artillerie allemande se fait entendre assez fréquemment et le 1er Escadron perd un tué et deux blessés au cours d'un mitraillage par avion. A HORB, le peloton STEIN s'emploie à empêcher l'ennemi de se réinstaller sur la rive droite du NECKAR et il faut, dans la soirée, lui envoyer le peloton STEIDEL en renfort. Pour les reste du Régiment, il n'y a rien à signaler, sinon que le 4e passe la journée à FREUDENSTADT et que le 2e se regroupe à ROTFELDEN. On ne s'enfonce pas ainsi pendant plusieurs jours dans le dispositif adverse sans être obligé, à un moment quelconque, de s'arrêter pour permettre aux liaisons et au ravitaillement d'étaler un peu plus des distances devenues trop grandes. Mais le calme relatif de cette journée n'est que le prélude à une nouvelle action en force. Dans la nuit, en effet, les Capitaines commandants, appelés au P.C. du Colonel SIMON, apprennent que le Régiment quitte la 5e D.B. pour passer à la 2e D.I.M. et que, abandonnant la direction Sud, ils vont avoir à attaquer franchement face à l'Est. En effet, aussitôt le RHIN franchi à KEHL par le 1er C.A., le commandement Français a décidé d'engager les actions décisives qui aboutiront à la destruction et à l'anéantissement de la 19e Armée. Il s'agit, dans le secteur qui nous intéresse, d'encercler STUTTGART, d'enlever la ville en raflant du même coup toutes les Divisions allemandes, prises comme au filet dans une vaste poche. L'ordre précise qu'il faudra marcher et combattre de jour et de nuit sans laisser à l'adversaire une minute de répit.
Pendant que le 4e Escadron reste à FREUDENSTADT et que le 2e se porte à TUBINGEN qui vient de tomber entre nos mains, l'affaire va être menée par les 1er et 3e Escadrons. En tête, le peloton STEIDEL passe à KUPPINGEN et reconnaît OBERJESSINGEN qu'il enlève et où il est rejoint par le peloton STEIN et le peloton SOUDE. En même temps, le peloton LA ROCHE atteint EHNINGEN et le peloton BORDIER NUFRINGEN, bordant au Nord-Est de HERRENBERG la voie ferrée se dirigeant sur BOBLINGEN. Puis le peloton STEIN, se rabattant vers le Nord est chargé de reconnaître DECKENPFRONN. Il s'engage dans un terrain découvert. Les trois jeeps de tête approchent, sans la voir, d'une résistance bien enterrée et camouflée qui subitement ouvre le feu à courte distance ; et tout le peloton est cloué sur place par un barrage particulièrement dense de BREDA et de mortiers. Les chasseurs PLANTARD, AZIL et ALI sont tués, les chasseurs BOUGUET, LEMOINE  blessés. Celui-ci, malgré sa blessure, réussit à ramener la jeep de son chef de peloton restée sans conducteur et la reste du peloton se replie aux premières maisons du village, laissant sur place les trois premières jeeps impossibles à atteindre. Le chasseur BOUGUET est fait prisonnier.
Pendant que les hommes demeurés valides s'installent en point d'appui, le peloton TRUCHET, resté à UNTERJETTINGEN, est appelé en renfort et il arrive en même temps qu'une section d'infanterie cependant que les mortiers allemands continuent à s'abattre sur le village dont les toits s'en vont peu à peu. Avant la nuit, le Capitaine MALAVOY envoie le peloton TRUCHET tâter les bois qui s'étendent à l'Est d'OBERJESSINGEN ; il se heurte à des éléments ennemis avancés, fait un prisonnier et rentre.
Le détachement LAVAULT est venu occuper KUPPINGEN où le P.C. du Colonel s'installe dans la soirée.

Dès le matin du 20, les deux sous-groupement de CASTRIES et LAVAULT essaient de déboucher, le 1er en direction de DAGERCHEIM, le second en direction de DECKENPFRONN, mais la résistance qui couvre ce dernier village est inabordable de front. Laissant alors sur place pour défendre le point d'appui, le peloton STEIN, le peloton de T.D. SOUDE et l'infanterie qui continue à arriver le Capitaine MALAVOY part au jour pour essayer de progresser par les bois de GARTRINGEN avec les pelotons TRUCHET, STEIDEL et deux chars légers. Le premier tente une fois encore, de reconnaître DECKENPFRONN dont il s'est approché sous le couvert de la forêt. A 500 mètres de la lisière, en plein découvert, le peloton est pris de flanc par des tirs de Bréda. La jeep de tête est détruite, le chasseur HALOPE, grièvement blessé, reste sur le terrain tandis que le Sous-Lieutenant TRUCHET avec sa 2e jeep et son scout car, réussit à se replier, sous le feu, à l'abri des bois.
Pendant qu'un T.D. est demandé à OBERJESSINGEN, le Maréchal des Logis MULLER avec 4 volontaires part rechercher le chasseur HALOPE. Ils réussissent à le ramener malgré la violence du tir ennemi, mais le Maréchal des Logis MULLER et le chasseur CANITROT sont blessés à leur tour.
Le T.D. est arrivé. Le Sous-Lieutenant TRUCHET, qui s'est livré à une observation minutieuse du terrain, signale que la résistance de DECKENPFRONN se prolonge vers l'Est par une ligne de crêtes fortement tenues. Le T.D. exécute alors, sur ses indications, de nombreux tirs sur des nids de mitrailleuses, pendant que le peloton se fortifie à l'orée des bois. Pour parer à une situation qui, étant donné la force de l'ennemi, peut devenir grave d'un moment à l'autre, le peloton STEIDEL organise des bouchons sur les layons avec les chars légers en soutien et le P.C. du Capitaine.
Dès le début de l'après-midi, les pelotons TRUCHET et STEIDEL signalent des infiltrations ennemies dans les bois ; à ce moment également arrivent en renfort le peloton porté du Sous-Lieutenant COSTER et une section d'infanterie, et le Capitaine MALAVOY, qui a ordre de tenir la forêt, regroupe ses éléments en trois points d'appui plus solides et moins isolés.
Quelques heures après, la situation devient beaucoup plus confuse. L'ennemi abandonne sa position défensive et passe à l'attaque. En effet, l'investissement de STUTTGART est terminé et, pour ne pas être prises, un certain nombre d'unités vont essayer de rompre le cercle fragile qui les entoure pour gagner le Sud. Vers 17 heures, le Médecin-Lieutenant HUCHET qui était avec la base de l'Escadron à KUPPINGEN, vient prévenir qu'aussitôt après le départ du P.C. du Colonel en route pour GARTRINGEN, l'ennemi s'est infiltré aux abords du village qu'il menace. La situation évolue rapidement et d'une façon alarmante ; OBERJESSINGEN est encerclé, le Brigadier-Chef ZUBER, qui y était resté, vient d'arriver à pied en apportant la nouvelle. A KUPPINGEN, il n'y a plus de troupes et les réserves sont loin ; il n'y reste que le dépannage du 1er Escadron, avec l'ambulance. Le Chef-Dépanneur MARTINET, en liaison au P.C. de son Capitaine, apprenant cela, part avec son conducteur GENTIL et le Maréchal dés Logis MULLER pour récupérer ces éléments. En entrant dans le village, il tombe sur les Allemands qui l'y ont précédé, saute de sa jeep, revolver au poing, tue le premier ennemi et tombe lui-même mortellement atteint d'une rafale de mitraillette. Le chasseur GENTIL est lui aussi tué, tandis que le Maréchal des Logis MULLER, après avoir abattu un Allemand qui se jetait sur lui, réussissait à se cacher dans une maison. Le chasseur VERICEL avait pu se replier quelques instants plus tôt, emmenant avec lui les éléments de dépannage. Seul, le chasseur CAILLETTE, blessé, était fait prisonnier. L'Adjudant MAVERAUD, envoyé avec un scout-car pour arrêter le Chef MARTINET dans sa téméraire entreprise, arrive trop tard et ne peut même pas aborder KUPPINGEN.
A la tombée de la nuit, la situation s'aggrave encore. Ordre est donné au 1er Escadron et aux éléments qui l'accompagnent de quitter leur position devenue particulièrement malsaine et de se replier sur GARTRINGEN dont on organise la défense. Le P.C. du Colonel a dû, lui aussi, quitter ce village vers 21 heures, pour se porter à ROHRAU. Le Colonel établit trois points solidement tenus ROHRAU, NUFRINGEN, GARTRINGEN. Le 4e Escadron, à peine arrivé de FREUDENSTADT, quitte OSCHELBRONN et essaie de reprendre KUPPINGEN sans y parvenir et il a un T.D. atteint par un perforant cependant que l'artillerie française pilonne durement le village.

A 3 heures du matin, le 21 Avril, le 1er Escadron est alerté. L'ennemi a continué sa progression de nuit et attaque NUFRINGEN qu'il encercle. L'Escadron tout entier avec un peloton de T.D. et un peloton de chars légers gagne ROHRAU où le P.C. du Colonel est menacé. Le peloton STEIDEL s'installe en défensive à la sortie Ouest, tandis que les pelotons TRUCHET et STEIN partent vers NUFRINGEN pour essayer de reprendre la liaison avec les éléments qui y sont enfermés. La nuit est d'un noir d'encre, l'artillerie, fait rage, les tirs d'encagement amis tombent à l'intérieur des lignes, si tant que l'on puisse parler de lignes, puisque dans toute la région, troupes françaises et troupes allemandes se trouvent inextricablement enchevêtrées. Ne connaissant absolument pas le terrain, le Sous-Lieutenant TRUCHET arrête son peloton et part à pied avec le Brigadier-Chef CHEVALIER pour reconnaître la route. Il tombe sur l'ennemi qui traverse celle-ci en direction des bois de ROHRAU. L'obscurité est si épaisse qu'il est impossible de discerner quoi que ce soit. Seul le bruit permet de deviner ce qui se passe. Des hennissements de chevaux, des crissements de chenilles, le roulement sourd de l'artillerie tractée, le piétinement confus de l'infanterie, tout cela se mêle en un brouhaha indescriptible. Le Sous-Lieutenant TRUCHET est, sans le savoir, au contact de la flanc-garde de cette invraisemblable colonne.
A ce moment, l'artillerie allonge son tir et les obus viennent tomber à hauteur de l'Escadron. Les pelotons TRUCHET et STEIN sont obligés de se replier de quelques centaines de mètres, puis tout le monde, dans le silence le plus complet se met en place et attend le moment favorable pour passer à l'action.
Pendant ce temps, les éléments du P.C., qui voulaient se rendre à HERRENBERG par les bois, sont attaqués par les Allemands. Ce fut une mêlée confuse où, dans l'obscurité rendue plus épaisse par la flamme des carabines et les rayons lumineux des balles traceuses, tous, du Chef de colonne au dernier secrétaire, firent le coup de feu autour de leurs voitures. Finalement, l'ennemi persuadé qu'il a affaire à forte partie, se retire et la colonne de l'Etat-Major se rend à GARTRINGEN en passant par EHNINGEN.
Et voici que le jour commence poindre, permettant d'utiliser ses armes de façon efficace. Le peloton TRUCHET est installé sur la route, le peloton STEIN en bataille à gauche, le peloton de T.D. embossé aux lisières du village, le peloton de chars légers patrouille en avant. Et subitement, tous ensemble ouvrent le feu sur l'ennemi qu'ils prennent de flanc. Soudaineté de l'attaque, densité et précision terrible des feux, tout contribue à provoquer chez l'adversaire une panique générale. Les Allemands s'enfuient en désordre, abandonnant sur place leur matériel et poursuivis par les gerbes lumineuses des balles traceuses, par les points d'impact des obus de T.D. tirant rageusement à une cadence terrible. Des hommes et des hommes tombent, des chevaux emballés, traînant derrière eux leurs voitures sans occupants, foncent en tous sens dans la campagne et le soleil, qui se lève, éclaire une scène de carnage affreuse. Tandis que peu à peu mitrailleuses et canons se taisent, on entend plus distinctement les hurlements de douleur des centaines de blessés jonchant le sol.
A la même heure, le 2e Escadron, aidé du 151e R.I., reprenait KUPPINGEN, AFFSTATT et OBERJESSINGEN, capturant une énorme quantité de personnel et de matériel. Dans le seul village de KUPPINGEN, l'ennemi laissait entre nos mains 10 pièces de 88 de campagne.
Le calme revenu, on put, en interrogeant les prisonniers et en reconstituant les heures vécues dans la confusion, réaliser exactement ce qui s'était passé. Devant la menace d'encerclement, le commandement allemand avait décidé de forcer le passage de la NAGOLD à hauteur de WILDBERG, de bousculer les arrières français pour tenter de gagner la région de ROTTWEIL et peut-être l'illusoire réduit bavarois. La manœuvre, qui avait débuté le 19, échoue ce jour là. Elle va être aussitôt reprise en un autre point, cette fois en direction d'HERRENBERG. L'attaque, comme on l'a vu, connaît d'abord un plein succès. KUPPINGEN pris, OBERJESSINGEN encerclé, AFFSTATT menacé, la journée du 20 est bonne et la nuit permet presque d'atteindre la phase décisive, NUFFRINGEN est atteint ainsi que les abords d'HERRENBERG et le bruit se répand que la percée est faite. Aussitôt tous les restes d'unités cachées dans les bois se mettent en route pour profiter du passage ouvert et c'est ainsi que se forma cette immense colonne hétéroclite dans les rangs de laquelle notre artillerie et nos Escadrons firent de si cruels ravages. Deux Divisions ont été anéanties.

Si nos hommes et leurs chefs n'avaient pas gardé un sang-froid inaltérable, si les Allemands avaient eu plus de mordant, s'ils avaient pu se douter de la faiblesse des forces qui leur barraient la route, s'ils avaient deviné que, derrière un mince rideau d'unités aventurées loin de leurs bases, il n'y avait strictement rien, l'affaire se serait terminée en désastre pour le 8e R.C.A. dont le P.C., Colonel en tête, pouvait être enlevé et les Escadrons décimés, dispersés.

L'affaire avait donc été chaude. Et voici que, peu à peu, les disparus rentrent dans nos lignes et regagnent leurs Escadrons. Le Sous-Lieutenant de CHALAIN, de l'Etat-Major, le Maréchal des Logis NIEUDAN du 3e le chasseur BESSODES de l'Etat-Major, arrivent sales, poussiéreux, dépouillés.. Après leur capture, ils avaient été emmenés et avaient du parcourir sans casque une longue route sous les tirs de l'artillerie française, sans même l'autorisation de se coucher quand les Allemands se jetaient dans les fossés ; aussi, profitant d'un matraquage plus violent, avaient-ils faussé compagnie à leurs gardiens. A KUPPINGEN, le 2e Escadron retrouvait vivant le Maréchal des Logis MULLER, qui avait dû caché dans un grenier, essuyer toute la nuit le pilonnage ami, et relève les cadavres du Chef DUQUESNE du 3e, du Chef MARTINET du 1er et du chasseur GENTIL du 1er également. Après eux reparurent le chasseur BOUGUET blessé et disparu depuis le 19 et le chasseur CAILLETTE qui, emmené de KUPPINGEN, avait dû, malgré sa blessure, porter un tube de mortier et avait défilé devant son Escadron avec la colonne que celui-ci avait décimée.

Va-t-on avoir la possibilité de souffler un peu après ces deux jours pénibles ? Non pas, car la victoire est en marche et c'est une maîtresse exigeante qui convie impérieusement tout le monde à ses rendez-vous. Dans la soirée du 21, le Général commandant la Division prescrit de se tourner à nouveau vers le Sud et de se diriger aussi vite que possible vers le DANUBE. Pour cette opération le 8e R.C.A. en entier passe aux ordres du groupement NAVARRE et il se voit fractionné en deux sous-groupements :
le sous-groupement SIMON, élément de tête qui comprend les 1er et 2e Escadrons, plus un Escadron du 4e R.S.M. et une Cie de Chasseurs cyclistes,
le sous-groupement de CASTRIES où entre une partie du 3e Escadron.

Départ dès l'aube du 22. Après avoir franchi le NECKAR à TUBINGEN, la vieille cité universitaire qui mire ses maisons à pignons et ses jardins dans le cristal de la rivière, le sous-groupement SIMON, par DINGLINGEN et NEHREN, arrive à MOSSINGEN où s'établit le P.C. ; l'avant-garde, aux ordres du Capitaine BOUCHARD, est arrêtée à 3 km en avant par une ligne de résistance accrochée aux premiers contreforts du JURA SOUABE. Pour aller plus vite, le 1er Escadron assure le transport de l'infanterie qui monte à l'attaque. Aidé de deux Bataillons du 5e R.T.M., l'échelon de tête, après une journée de durs combats, réussit le soir à enlever le village de TALHEIM et, par la route étroite, aux virages en épingles à cheveux qui, par les bois, dominant le village aboutit au plateau, débouche à la nuit sur celui-ci. L'affaire a été rude, car l'ennemi s'est défendu pied à pied, utilisant à merveille un terrain propice à la défensive, battant de feux denses et précis les coupures de la route et concentrant ses efforts sur cette espèce d'étroite porte naturelle donnant accès au plateau où de nouveau nous pourrons nous déployer dangereusement pour lui. N'eût-été la fougue et le mordant de nos troupes, nous risquions de piétiner longtemps devant un verrou solide.
Pendant ce temps, le peloton STEIDEL allait prendre liaison avec le sous-groupement de CASTRIES à OFTERDINGEN et le peloton STEIN reconnaissait BELSEN où aboutissait le soir le peloton LA ROCHE du 3e Escadron. Le reste du 3e a passé la journée en réserve de groupement à DUSSLINGEN et le 4e à HERRENBERG.

Le 23 au petit jour, la ligne de résistance cède totalement et le groupement exploite immédiatement. Il passe derrière l'avant-garde à TALHEIM sous une véritable pluie d'obus de mortiers, puis, se déployant rapidement, arrive à SALMENDINGEN où tous les membres du Volksturm sont arrêtés avant d'avoir pu offrir une résistance sérieuse et où s'installe le P.C. du Colonel. Puis le 1er Escadron va rejoindre les éléments de tête et renforcer le point d'appui établi à RINGINGEN en flammes. Une reconnaissance qui devait aller explorer BURLAFINGEN avant la nuit, est fortement accrochée au Nord de cette localité et perd deux scout-cars par antichar. Le soir tombe, chacun s'installe en défensive pour passer la nuit au cours de laquelle d'actives patrouilles feront des prisonniers.
Et le reste du Régiment s'échelonne sur la longue route déjà parcourue la veille, afin d'assurer la sécurité des arrières. Le 3e Escadron occupe MOSSINGEN et le 4e OFTERDINGEN, pendant que la Base vient cantonner à WURMLINGEN, près de TUBINGEN. Cette précaution d'assurer la sécurité en profondeur n'est pas vaine, puisque le peloton d'approvisionnement, à plus de vingt km à l'arrière de la ligne de feu, capturera 14 prisonniers dans les bois entourant le village de WENDELSHEIM après un bref échange de coups de carabine.

Le 24, c'est le 1er Escadron qui part en tête des éléments de l'avant-garde. Il a pour mission d'atteindre aussi rapidement que possible BURLADINGEN, en passant par les pistes forestières de l'Ouest, afin de déborder la résistance qui n'a pu être forcée la veille au soir, si elle est encore en place. Le peloton STEIDEL entre dans le bourg à 7 heures du matin et le nettoie sans perdre un instant. Puis la radio apporte au Capitaine MALAVOY l'ordre de se porter à toute vitesse sur SIGMARINGEN, à près de 30 km de là. Mais ce n'est pas une considération capable d'arrêter des gens qui veulent vraiment aller de l'avant.
A 10 heures, FREUDENWEILER est occupé et le peloton STEIDEL reconnaît NEUFRA. L'ennemi se replie rapidement sans même tenter de véritable résistance ; les prisonniers se présentent d'eux-mêmes et l'un d'eux, boiteux, a réquisitionné pour venir se faire prendre, un immense tracteur conduit par un paysan. Le bruit du moteur et des chenilles l'a fait prendre de loin pour un char et tout le monde s'est trouvé en alerte. Puis c'est HARTHAUSEN qui est atteint, VERIGENSTADT où un bref engagement laisse 10 prisonniers entre nos mains, et, à 16 heures, le 1er Escadron entre dans la ville historique de SIGMARINGEN, établit la liaison avec la 1ère D.B. et s'installe pour la nuit en point d'appui, à la sortie Est. Les gars de l'Escadron de reconnaissance ne cachent pas leur fierté d'être les premiers de la Division à s'établir sur la rive du DANUBE.
Le Colonel, qui suit au plus près, installe peu après son P.C. dans le magnifique château des princes de HOHENZOLLERN. Le Capitaine LE HAGRE annexe à son usage personnel l'appartement du Maréchal PETAIN. Des documents appartenant à Messieurs LAVAL, de BRINON et LUCHAIRE sont recueillis et adressés au 2e Bureau. Cependant qu'un vieux majordome, en livrée somptueuse, resté à son poste, et paraissant descendu tout vivant d'un pastel du 18e siècle, sert ses nouveaux maîtres avec la hautaine indifférence qu'il avait sans doute apportée à servir les anciens. Étrange apparition que celle de ce vieillard en culotte et bas de soie, s'empressant près de modernes guerriers casqués et poudreux.

24 Avril : jour faste, le Général de LATTRE télégraphie ce même soir au Général commandant la 2e D.I.M. : "Pour tous, Chefs et Troupes sous vos ordres, mes plus fervents compliments, mon admiration et ma gratitude pour les magnifiques exploits réalisés aujourd'hui".
Le résultat, en effet, est d'importance. La 1ère D.B., qui a passé le RHIN à KEHL, après avoir gagné le HAUT-NECKAR, s'est rabattue le long du DANUBE, et, parcourant 150 km en deux jours, s'est emparée de tous les passages sur le fleuve, pour venir hisser, le 24 à midi, nos couleurs sur la cathédrale d'ULM, 140 ans après les soldats de la Grande Armée. Toutes les forces ennemies du JURA SOUABE sont prises à revers et la 2e D.I.M.. dont le 8e Chasseurs constitue l'avant-garde blindée, a parachevé l'anéantissement ennemi en coupant en deux, par une avance foudroyante, l'immense poche formée au Nord du DANUBE.
Si l'action la plus spectaculaire a été réservée au 1er Escadron, arrivé en tête en fin de course, les autres ne sont pas, pour autant, restés inactifs ; le 2e, après avoir, lui aussi, atteint le DANUBE, a traversé le fleuve et s'est avancé jusqu'à KRAUCHENWIES à 8 km au Sud, mais trop isolé, il doit se replier pour la nuit sur SIGMARINGEN ; le 3e, dans le sous-groupement de CASTRIES, après avoir traversé BITZ et WINTERLINGEN, détache deux pelotons de T.D. à LAIZ, à 2 km à l'Ouest de SIGMARINGEN car tout le monde veut être au rendez-vous sur le fleuve au nom prestigieux, évocateur de victoires, de musique, de chansons, d'amour et de gloire. C'est du reste, pour tout le monde, une désillusion ; le fleuve n'est qu'une maigre rivière roulant mélancoliquement un flot grisâtre dans une vallée extrêmement pittoresque ; où sont donc les flots bleus au bord desquels amour est un enchantement et la valse une nécessité ? Quant au 4e Escadron, esclave de sa mission, il reste seul en arrière, explorant et occupant  la région et la ville de HECHINGEN.

Mais la progression rapide n'a pas permis le nettoyage le plus élémentaire du terrain ; aussi, dès le 25 au matin, tout le Régiment se déploie en un immense éventail autour de SIGMARINGEN. Le 3e Escadron est lancé dans le flanc droit de la 47e D.I. allemande, par JUNGNAU, VERINGENSTADT, INNERINGEN, il atteint HULDSTETTEN ramassant des prisonniers et détruisant du matériel, dont un canon de 88 au compte du peloton SOUDE ; le peloton BORDIER lui, par BINGEN, s'étend jusqu'à ZWIEFALTENDORF, ramasse une centaine de captifs et se rabat pour la nuit sur RIEDLINGEN.
A l'Ouest, le 1er et le 2e Escadron exécutent, dans la matinée, les mêmes opérations de ratissage dans la région de STETTEN, SCHWENNINGEN, IRRENDORF, BARENTHAL. Ravissant pays, tout coupé de forêts ; sorte de plateau élevé, entaillé de nombreuses vallées étroites descendant vers le DANUBE ; région idéale pour se cacher, s'infiltrer, et où de nombreux groupes allemands isolés cherchent à passer pour gagner le Sud et le refuge des ALPES autrichiennes. Le 1er Escadron ramène une trentaine de prisonniers et rentre à SIGMARINGEN en faisant le tour par TUTTLINGEN.

Dans l'après-midi, l'ensemble du Régiment se dirige vers l'Est, pour se concentrer autour de RIEDLINGEN. Au cours de ce mouvement, le Lieutenant DUPRAT fait prisonniers 3 officiers allemands. Et, à ce propos, il faut remarquer qu'il n'est plus douteux pour personne que l'Armée allemande ne soit en pleine décomposition. Quelques rares captifs. fanfaronnent encore, conservant une sorte de dignité raidie, un espoir fanatique en un revirement final que rien du reste ne saurait plus expliquer, les autres s'en vont vers les camps de prisonniers par files compactes, tenant parfois plusieurs kilomètres de route, las, abrutis, conduits par leurs propres officiers et escortés par une poignée de gardiens ridiculement insuffisants. Le tragique spectacle offert par l'Armée française en 1940, voici qu'à son tour l'Armée allemande le donne à ses compatriotes, au cœur de provinces inviolées depuis plus d'un siècle.
Dans la nuit, l'installation se fait autour de RIEDLINGEN. Ce sont les premières troupes françaises qui pénètrent dans la région et toute la population est endormie. Nos postes feront prisonniers, par surprise, des hommes et des officiers ignorant totalement notre présence dans la ville.

Au matin du 26, le Régiment quitte la 2e D.I.M., pour êre remis à la disposition de la 5e D.B. Il se regroupe tout entier à SIGMARINGEN, sauf le 4e Escadron qui passe directement aux ordres du C.C. 6 et participe à l'opération de nettoyage du bord Est de la poche de la FORET-NOIRE, en s'emparant de IMMENDINGEN et des villages environnants. Il eût été dommage que le 8e Chasseurs, après avoir été de toutes les batailles de destruction, ne prît pas part à celle-là où tout le 18e Corps d'Armée S.S., fort de 4 Divisions avec une nombreuse artillerie automotrice, se trouva anéanti. Pris au piège par la rapidité de nos mouvements enveloppants et complètement encerclé, il tente en effet ce jour-là de s'ouvrir un passage dans le barrage dressé devant lui. L'opération se soldera par des milliers de tués et plus de 15.000 prisonniers.
Après 25 jours de campagne en terre allemande, six Divisions françaises ont conquis deux Etats BADE et WURTEMBERG, franchi le RHIN et le DANUBE, détruit ou capturé en entier les neuf Divisions qui leur étaient opposées. Les prisonniers atteignent le chiffre de 90.000 dont 7 Généraux et la fameuse 19e Armée, poursuivie sans trêve ni répit depuis les côtes de PROVENCE, a cessé d'exister. A l'horizon, sous la neige qui commence à tomber, se profilent les cimes des ALPES autrichiennes et bavaroises.
Le 8e Chasseurs a eu sa bonne part dans cette gerbe de succès. Au soir de ce jour, le Général de LINARES, Commandant la 2e D.I.M., lui adresse l'ordre du jour suivant :
"Au moment où le 8e R.C.A. cesse d'être placé sous mes ordres, je suis heureux d'adresser au Colonel SIMON mes remerciements et mes félicitations pour le magnifique travail accompli.
En vingt jours, de PFORZHEIM à SIGMARINGEN, en passant par FREUDENSTADT, vous avez parcouru plus de 250 kilomètres, dont toute une partie à travers les contreforts de la FORET-NOIRE, au prix de difficultés innombrables. A HERRENBERG, grâce à votre intervention efficace, une situation compromise a pu être rapidement rétablie. Vous vous êtes emparés de plus de cent localités et vous avez capturé plusieurs centaines de prisonniers.
Ces actions brillantes, réalisées grâce à l'habileté des Chefs et à l'audace de la troupe, constitueront une nouvelle page de gloire à l'histoire du 8e R.C.A.".

Après une journée de repos à SIGMARINGEN, le mouvement reprend le 28 et la plus grande partie du Régiment se porte, sans combat, à MESSKIRCH et aux environs ; la neige, tombant à gros flocons, redonne une physionomie hivernale au paysage et surprend tout le monde après les délicieuses journées de printemps vécues en FORET-NOIRE ou dans la plaine du WURTEMBERG. Le 29 n'apporte aucun changement ; la 5e D.B. a amorcé une manœuvre pour contourner le lac de CONSTANCE par l'Est, mais, jusqu'à présent, le 8e R.C.A. n'y participe pas. C'est tellement inhabituel que cela ne peut pas durer.

De fait, le 30 Avril, sous une neige épaisse, tout le Régiment, sauf le 4e Escadron restant à MESSKIRCH, fait un bond jusqu'à WANGEN in ALLGAU qui vient d'être pris. Il s'agit pour lui de renforcer 4e D.M.M. qui entre en AUTRICHE par la montagne. Dans la soirée, le P.C. se porte à LINDENBERG, en BAVIERE, à proximité immédiate de la frontière. Le Colonel SIMON vient de prendre en effet le commandement d'un groupement comprenant le 8e Chasseurs et une partie du 1er R.E.C. aux ordres du Chef d'Escadrons LENNUYEUX. Et, ce même soir, des éléments du 3e Escadron, poussés immédiatement en avant entrent en AUTRICHE. Ainsi, 28 jours après avoir franchi la frontière allemande à LAUTERBOURG, après 4 semaines jour pour jour, le 8e Chasseurs avait traversé en diagonale le Sud-Ouest de l'ALLEMAGNE et pénétrait en vainqueur sur une nouvelle terre étrangère.

Il neige désespérément, et nos T.D. peinent sur les pistes de montagne où ils s'enlisent ; néanmoins, dès le lendemain 1er Mai, nos éléments atteignent LANGEN, cependant que le reste du Régiment stationne à WANGEN. Le 2, le 1er Escadron s'installe à LINDENBERG ; le Capitaine, parti en liaison au P.C. du Colonel, ramasse en route deux prisonniers ; le 2e Escadron demeure à WANGEN, le 3e à LANGEN, tandis que le 4e pousse aussi loin qu'il peut en direction de LANGENEGG, en plein massif du REGENZERWALD. Mais les destroyers, enfonçant dans la neige et la boue, s'immobilisent les uns après les autres ; les pistes s'effondrent sous les 30 tonnes de leur blindage ; malgré l'envie de forcer l'ennemi dans son dernier repaire du VORARLBERG, il faut stopper et laisser ce soin à l'infanterie et aux unités de Cavalerie qui ont la chance de disposer de la grand'route de BREGENZ à INNSBRUCK. Le soir même, l'ordre arrive au P.C. de regrouper tout le Régiment à WANGEN.

Il s'exécute le lendemain, sauf pour le 4e Escadron qui continue à pousser des reconnaissances en pleine montagne, avec l'aide du peloton STEIN travaillant à rétablir des pistes pour le passage des T.D. Mais à quoi sert l'obstination devant l'impossible ? La nature du terrain interdit toute progression et l'ordre supérieur est formel, il faut rétrograder et, le 4 Mai, au matin, sous une pluie torrentielle, tout le 8e Chasseurs, y compris la base, se trouve réuni à WANGEN.

La guerre serait-elle finie ? Nous n'avions pas envisagé cette éventualité sous un jour aussi prosaïque. Ne devait-ce pas être plutôt une ultime charge sur un ultime carré ? Eh bien non ! Dans les confortables villas allemandes qui nous hébergent, c'est la radio qui, heure après heure, nous apprend les derniers émiettements de ce que fut, il y a quelques années, la plus puissante machine de guerre du monde. Pendant 3 jours consécutifs, inactifs et impatients, dans cette ville charmante où tout est devenu sourire pour nous, sous le soleil brusquement revenu qui fait étinceler tout proches les sommets neigeux de la haute BAVIERE et éclore dans les jardins une prodigieuse floraison, nous promenons notre ennui et notre attente. Non, ce n'était pas ainsi que nous avions désiré être vainqueurs. On ne l'est pas vraiment quand on apprend une capitulation, enfoncé dans un fauteuil profond, on l'est quand, le champ de bataille resté vide, on remet son épée au fourreau. La guerre moderne aura donc banni toute poésie, même de la victoire.

Enfin, le 7 Mai, à 10h10, arrivait le fameux message : "Par ordre du Gouvernement Français, confirmé par les Autorités Alliées, les hostilités cessent en ALLEMAGNE et sur tous les fronts à 1h40 le 8 Mai 1945. Les opérations offensives doivent cesser dès maintenant. Les mouvement ayant trait à l'occupation continuent".

Et cette nuit-là, à 0h50, alors que l'historique capitulation sans conditions devenait une réalité, les équipages de tous les T.D. et de tous les véhicules de combat du 8e Chasseurs, déchaînaient une dernière fois le tonnerre de leurs canons et de leurs mitrailleuses. Il ne fallait pas moins que la voix puissante de l'acier, l'éclair ardent de la poudre, pour matérialiser l'allégresse des cœurs, illuminer l'aube nouvelle après ce tragique crépuscule des Dieux et saluer dignement la gloire enfin revenue s'abriter, comme en un asile familier, aux plis de nos Etendards.

 

8ème REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE

 

 ETAT MAJOR : Lt-Col SIMON

 

MF 2570 R

 

PELOTON HORS RANG :

 

 

 

 

 

 

 1er ESCADRON :

MF 2571 R

               

 

        

 

 2ème ESCADRON :
Cne de la MORSANGLIERE
 

MF 2572 R

M 10

MANGA

 

 

M 10

DAOLA

 

 

M 10

MANOA

 

 

M 10

MANOA II

 

 

M 10

GAOUA

 

 

M 10

OUAGADOUGOU

 

 

M 10

KOUDOUGOU

 

 

M 10

FERKESSE

 

 

M 10

DIEDOUGOU DOUGOU

 

 

M 10

BOBO-DIOULASSO

 

 

M 10

BOBO-DIOULASSO II

 

 

M 10

DINDERESSO

 

 

M 10

DINGASSO

 

 

M 10

DINGASSO II

 

 

M 10

DINGASSO III

 

 

M 10

SIKASSO

 

 

M 10

SIKASSO II

 

 

 

 

 

 

3ème ESCADRON :
Cne BREUIL
 

MF 2573 R

M 10

COBRA

 

perdu à Nagold (D)

M 10

COBRA II

432-623

 

M 10

NAJA

 

perdu à Lindenberg (D)

M 10

NAJA II

 

 

M 10

CROTALE

 

perdu en Italie     janvier 1944

M 10

CROTALE II

 

détruit à Monte-Leuccio (I) mai 1944

M 10

CROTALE III

 

détruit à Roosfeld janvier 1945

M 10

CROTALE IV

 

détruit à Grussenheim janvier 1945

M 10

CROTALE V

 

 

M 10

PYTHON

 

 

M 10

PYTHON II

 

 

M 10

CRACHEUR

 

détruit à Monte-Leuccio (I) mai 1944

M 10

CRACHEUR II

 

 

M 10

MARGOUILLAT

 

détruit à Hyères   août 1944

M 10

MARGOUILLAT II

 

détruit à Illhauesern janvier 1945

M 10

MARGOUILLAT III

 

 

M 10

PORC-EPIC

439-607

détruit à Illhauesern janvier 1945

M 10

PORC-EPIC II

 

 

M 10

IGUANE

 

 

M 10

IGUANE II

 

 

M 10

MALINKE

 

 

M 10

MALINKE II

 

 

M 10

MOSSI

 

 

M 10

MOSSI II

 

 

M 10

SOMONO

 

 

M 10

SOMONO II

 

 

M 10

OUOLOF

 439-572

 

4ème ESCADRON :
Cne FRAPPA   

 

MF 2574 R

M 10

DIA

 

 

M 10

DOUNA

 

 

M 10

DJENNE

 

 

M 10

DIRE

 

 

M 10

KOULIKORO

 

 

M 10

KOUTIALA

 

 

M 10

KATI

 

 

M 10

KOULOUBA

 

 

M 10

SEGOU

 

 

M 10

SEGOU KOURA

 

 

M 10

SAN

 

 

M 10

SANSANDING