JOURNAUX DE MARCHES - HISTORIQUES
42e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT
Unité formée à Vannes le 16 novembre 1939, avec des réservistes provenant des dépôts 505 (Vannes) et 509 (Maubeuge) originaires du Nord et de Bretagne, et armée de chars H 39.
ENCADREMENT Chef de Bataillon VIVET, Commandant le Bataillon. Capitaine MICHELOT, Chef d'Etat-Major. Lieutenant COLIGNON, Adjoint Technique. Lieutenant FORLIARD, Renseignements. Lieutenant COLLOMBY, Détails. |
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2e COMPAGNIE | 3e COMPAGNIE | COMPAGNIE D'ÉCHELON |
Lieutenant LANNEFRANQUE Lieutenant DEQUENNE Lieutenant DERUPTI Sous-Lieutenant JOURFIER Sous-Lieutenant JOB Lieutenant MERCIER S.E. |
Capitaine DU COS DE LA HITTE Lieutenant DUC Sous-Lieutenant PELLEGRIN Aspirant LESTIENNE Aspirant ANDRIEU Lieutenant VENTAJOU S.E. |
Capitaine AUBRY Lieutenant CEILLIER Lieutenant FUSELIER Sous-Lieutenant SCANVIC 1ère COMPAGNIE (pour mémoire) Capitaine DUBLINEAU. |
Ordre de l'Armée n° 2038/C du 17 novembre 1947.
Magnifique bataillon de chars légers, ardent et tenace au feu, fait à l'image de son chef le Commandant Vivet, guerrier légendaire à la 3e Division Cuirassée, qui, dans tous les combats de mai et de juin 1940, a répondu jusqu'au sacrifice à l'appel du Général Commandant la Division.
En mai, durant douze jours, a mené des contre-attaques au sud de Sedan, triomphant d'un ennemi supérieurement armé, grâce à la farouche obstination de ses équipages. Du 10 au 16 juin, de l'Aisne de Rethel à l'Armançon de Montbard, au cours d'une retraite difficile, s'est battu chaque jour, donnant des coups de boutoir décisifs, et protégeant efficacement les replis de l'infanterie amie jusqu'au dernier appareil.
A sa création le bataillon est constitué à effectif normal lorsqu'en avril 40, la 1ère compagnie est désignée pour faire partie du Corps Expéditionnaire de Norvège sous le titre de Compagnie autonome 342. Elle devait être remplacée par une compagnie du 48e BCC, cette unité ne rejoindra jamais le bataillon et sous le titre de 1/42 elle combattra en pleine autonomie. De sorte que le 42e BCC durant toute la campagne restera à deux compagnies.
I. - 16 NOVEMBRE 1939 - 11 MAI 1940.
16 NOVEMBRE-JANVIER 40. - Le bataillon stationne au camp de Meucon (10 km nord de Vannes).
FÉVRIER - Les unités sont transportées par voie ferrée dans la zone des armées et vont stationner dans la zone de cantonnement de la 2e DCR.
15 MARS. - Le bataillon est placé sous les ordres du GBC 534, qui devient 7e demi-brigade à la 3e DCR.
La 1ère compagnie est affectée au corps expéditionnaire de Norvège.
3 AVRIL-11 MAI. - Le 3 avril le bataillon fait mouvement par voie de terre pour se porter dans la région de Reims : PC et CE Bazancourt. 2e Cie Caurel. 3e Cie Bétheny.
Durant cette période les unités sont recomplétées en matériel et poursuivent activement leur instruction tant sur le terrain de Bétheny qu'à Mourmelon où elles effectuent des tirs.
II. - 12 MAI 1940 - 31 JUILLET 1940.
12 MAI. - Alerté en fin d'après-midi, le bataillon reçoit l'ordre de quitter ses cantonnements et de se regrouper dans les bois de la ferme de l'Espérance (2 km nord de Bazancourt). La CE reste dans le village pour achever les travaux en cours.
13 MAI. - Dans la journée Bazancourt est bombardé et le bataillon subit ses premières pertes. Dans la nuit les unités font mouvement. Par Rethel elles se portent à Tourteron (20 km nord-est de Rethel).
14 MAI. - Au lever du jour les unités s'installent dans les bois de Tourteron (1 km est du village) à cheval sur la route Lometz - Le Chesne.
A 10 heures parvient l'ordre d'attaque de la 3e DCr. La division doit s'engager en direction de Chémery Bulson-Sedan, avec mission de rejeter les éléments ennemis au delà de la coupure de la Meuse.
Base de départ : Lisières nord du bois de Mont-Dieu.
Premier objectif : Chémery.
A midi, sous un violent bombardement le bataillon fait mouvement pour aller occuper ses positions de départ. A 14 heures, l'attaque est décommandée. Le bataillon stationne dans les bois d'Armageat (est de Sauville) où il passe la nuit.
15 MAI. - Sous la pression de l'ennemi, la situation s'aggrave et la DCR reçoit l'ordre d'établir avec ses unités un dispositif défensif antichars pour barrer les incursions des blindés ennemis sur la zone Le Chesne-Tannay.
En fin de matinée le bataillon reçoit la mission de tenir les passages autour de l'étang de Bairon.
La 2e Cie va prendre position au passage routier de Bairon au nord de l'étang. La 3e Cie dans la région de la Remonte entre l'étang et le canal.
A 17 heures les unités sont en place, aucune formation amie n'existe dans le secteur.
16 MAI. - Durant la nuit les unités stationnent sur leurs positions. La situation est critique, l'ennemi est au contact et nos unités de chars sont isolées, privées de tout appui d'infanterie.
A 7h30 l'ennemi venant de la région de Sauville déclenche une forte attaque, son infanterie progresse à cheval sur la route de la Remonte. Attaque appuyée par son artillerie et par de nombreuses armes automatiques qu'au cours de la nuit l'ennemi a pu mettre en place. Par trois fois, la section Duc stoppe l'adversaire et lui inflige des pertes sérieuses.
A 9 heures, la situation s'aggrave. Le bataillon reçoit l'ordre de se replier à l'est du canal, pour occuper au plus vite les ponts de Le Chesne, de Pont-Bar et de Tannay, ces ponts n'ayant pas été détruits. Le 16e BCP qui était en position à Oches reçoit la même mission défensive. Il constitue deux détachements : l'un dirigé sur Pont-Bar qui, protégé par les chars de la 3e Cie, débarque sous le feu des mitrailleuses allemandes. L'autre, sous la protection de la 2e Cie, s'installe sans grande difficulté à Le Chesne.
La progression de l'ennemi est arrêtée mais il réitère ses attaques appuyées par les stukas. A midi l'ennemi est stoppé. A 14 heures deux chars légers se présentent suivis d'éléments d'infanterie. Un violent combat par le feu s'engage, les deux chars ennemis sont détruits.
A 18 heures, un premier pont saute, suivi à 18h30 du second. Le Chesne est violemment bombardé. A 21h30, les chars tirent leurs derniers obus et ce n'est qu'à l'aube que l'ennemi cesse ses attaques. En aucun point l'ennemi n'a pu franchir le canal. Au cours de cette journée trois appareils ont été détruits ou endommagés.
17 MAI. - La 2e Cie avec le 16e BCP continuent à défendre le passage de la région de Le Chesne et de Tannay ; tandis que la 3e en liaison avec des groupes du GRDI et du 16e BCP opèrent dans la région des Petites-Armoises.
18 MAI. - Des missions d'appui sur les bois du Mont-Dieu sont effectuées au profit du 91e RI.
Dans la nuit le bataillon reçoit l'ordre de faire mouvement vers la région de Neuville-en-Tourne-à-Fuy. Un contre-ordre tardif parvient à l'unité mais la 3e Cie déjà en mouvement n'est arrêtée que dans la région de Ville-sur-Retourne.
19 MAI. - Tandis que la 3e Cie passe la journée à Ville-sur-Retourne, la 2e Cie stationne dans les bois sud de Belleville où dans la nuit elle est rejointe par la 3e Cie.
20 et 21 MAI. - Sans changement.
22 MAI. - Au matin le bataillon reçoit l'ordre d'occuper défensivement le bois du Mont-des-Grues (2 km est de Brieulles-sur-Bar).
Dans l'après-midi la 2e Cie exécute plusieurs contre-attaques locales avec les 51e, 67e et 91e RI empêchant leur encerclement et infligeant à l'ennemi des pertes sévères.
23 MAI. - La 3e Cie reçoit l'ordre d'appuyer une attaque aux abords du village d'Oches. Mais en raison de l'évolution rapide de la situation l'ordre est annulé. Malheureusement les chars ne sont pas prévenus du contre-ordre et en fin d'après-midi la 3e Cie se trouve menacée d'encerclement. Par ses propres moyens elle attaque l'adversaire, sème la panique dans ses rangs, réussit à se dégager en infligeant de très lourdes pertes à l'ennemi. Au cours de ce dégagement elle laisse trois chars sur le terrain.
24 MAI. - Au matin le bataillon gagne la région de Verrières. En cours de journée les compagnies reçoivent des missions distinctes.
La 3e Cie occupe des bois de la cote 253, tenus par une compagnie du 51e RI. Une attaque générale est prévue par le commandement en fin d'après-midi. La situation se modifie et la Cie du 51e RI exécute seule une contre-attaque locale et limitée. Cette action se solde par un échec, et les officiers de chars éprouvent les plus grandes difficultés à regrouper les fantassins en retraite dont tous les cadres ont été tués ou grièvement blessés. Dans l'après-midi la compagnie exécute une mission limitée ayant pour but de neutraliser un nid de mitrailleuses. L'opération est remplie mais deux chars restent sur le terrain. Dans le même temps sur ordre de la 3e DCR, la 2e Cie est chargée d'opérer le nettoyage des bois de la Grange-au-Mont. La situation est mal définie, depuis le matin l'ennemi a progressé. Alors que la compagnie se trouve en colonne dans un layon ne permettant aucune manoeuvre elle est déjà dans les lignes ennemies. Elle continue son avance, enfonce le dispositif de l'adversaire, pénètre profondément à l'intérieur de celui-ci, profite d'une clairière pour exécuter un mouvement tournant et par un chemin différent revient dans nos lignes, prenant à revers l'ennemi surpris auquel elle inflige des pertes considérables. Au cours de l'opération 4 chars sont détruits.
25 MAI. - Les compagnies se regroupent en position d'attente dans les bois de Brieulles-sur-Bar.
26 MAI. - Le bataillon fait mouvement sur les bois sud de Boult-aux-Bois (500 m est de la route de Vouziers).
28 MAI. - Nouveau déplacement sur le bois des Loges (nord Grand-Pré ).
29 MAI-6 JUIN. - Stationnement inchangé, révision du matériel dont l'état laisse à désirer par suite des efforts prolongés qui lui ont été demandés.
7 JUIN. - Mouvement de nuit sur Semide (10 km sud-ouest de Vouziers ).
8 JUIN. - Après une étape de nuit de 25 kilomètres le bataillon stationne dans les bois de Semide. La 3e DCR et la 7e DLM forment un groupement cuirassé.
9 JUIN. - La situation générale s'est aggravée, en plusieurs points l'ennemi a franchi l'Aisne. Dans la nuit le bataillon fait mouvement sur les bois sud de Ville-sur-Retourne.
10 JUIN. - L'ennemi a consolidé ses têtes de pont au sud de l'Aisne et de nombreux blindés rayonnent dans la région. Le groupement reçoit l'ordre d'attaquer dans la journée pour tenter de refouler les éléments adverses au nord de l'Aisne.
La DCR est axée entre la Suippes et la Retourne face à l'ouest, la nouvelle mission doit la porter face au nord-ouest. Mais pour passer la Retourne il n'existe plus que deux passages (tous les autres ont été détruits).
Le bataillon fait mouvement sur Ville-sur-Retourne puis sur Annelles en direction du nord afin de gagner des positions de départ entre Annelles et Perthes.
A 14 heures la DCR est en place à cheval sur la route Annelles Perthes en deux groupements. Au nord 42e BCC avec 1 compagnie B du 41e BCC et le 16e BCP.
Le bataillon a pour mission d'attaquer (avec le 16e BCP) Perthes pour y dégager le 127e RI qui s'y trouve encerclé.
A 17 heures, sans appui d'aucune sorte l'attaque part survolée par l'aviation allemande. En quelques minutes le bataillon perd la moitié de ses chars. A 18h30 un élément du 16e BCP suivi du reste du bataillon réussit à atteindre Perthes où il dégage les derniers éléments du 127e RI.
Au prix d'efforts considérables les objectifs sont atteints, 7 chars sur 8 sont atteints de plein fouet. Le lieutenant Duc est grièvement blessé et restera aveugle des suites de ses blessures, deux sous-officiers sont tués et plusieurs équipages sont faits prisonniers.
A 21 heures, le bataillon reçoit l'ordre de se replier dans les bois au sud-ouest de Cauroy.
11 JUIN. - Après avoir stationné dans les bois au sud de Pont-Faverger, à 9 heures le bataillon reprend son repli. Par les bois de Bennes et la ferme de Moscou, le bataillon gagne la région de Suippes et stationne dans le bois à 500 m de la ferme de Piémont. Il ne reste plus que 8 chars à la 2e Cie.
12 JUIN. - Le bataillon reçoit la mission d'interdire les abords de la ferme de Piémont, à cheval sur la route Suippes-Châlons, en liaison avec le 10e BCC.
Vers 12 heures une violente attaque de chars lourds ennemis est repoussée, plusieurs de ses appareils sont détruits mais trois des nôtres sont mis hors de combat.
A 18 heures, le groupement cuirassé donne ordre au bataillon de se replier par Doucey-Montcets-l'Abbaye et Drosnay.
A 21 heures le décrochage s'effectue. Bien qu'au contact des avant-gardes ennemies, le repli s'exécute sans incidents en protégeant les quelques éléments d'infanterie. Par La Cheppe, La Chaussée Romaine ; les équipages restant atteignent Moivre.
13 JUIN. - Au soir le groupement cuirassé réorganise les unités. Un bataillon de marche est constitué avec les éléments disponibles des 42e, 45e et 10e BCC, sous les ordres du Commandant Vivet, avec comme chef d'Etat-Major le Capitaine Monmasson, du 45e. Le personnel en surnombre rejoint la CE.
14 JUIN. - Le bataillon reçoit l'ordre d'assurer la défense des passages de la Marne à Frignicourt et Larzicourt (région de Vitry-le-François). Au cours de la journée les détachements refoulent plusieurs incursions allemandes.
A 20 heures parvient l'ordre de repli sur Brienne-le-Château.
15 JUIN. - A 8 heures le bataillon reçoit mission d'interdire à l'ennemi la zone de Morvilliers. A 12 heures il repousse une attaque ennemie qui fait perdre 3 chars au bataillon. Les ponts de l'Aube sont tenus jusqu'à ce que le génie français en ait opéré la destruction. A ce moment parvient l'ordre de rejoindre le PC du Groupement à Vendeuvres en maintenant deux détachements retardateurs l'un à la ferme Montmartin, l'autre à Longpré.
Le PC quittant Vendeuvres le bataillon est chargé de protéger son repli. A la sortie de Vendeuvres un bombardement d'avions italiens occasionne la perte de 2 chars, 2 tracteurs, d'un camion citerne et d'une dizaine d'hommes.
Lorsque le détachement parvient à Aiguilly le PC du Groupement est parti et le Chef de bataillon décide de passer la nuit à Polizot où il coopère à la défense du village avec le 22e RTA.
16 JUIN. - A 4 heures, le Capitaine Monmasson est envoyé à Tonnerre pour tenter de reprendre la liaison avec le groupement - il ne rejoindra pas, le détachement ayant été fait prisonnier au cours de cette mission.
A 8 heures une mission identique est donnée au Capitaine de la Hitte, qui plus heureux retrouve la demi-brigade à Les Riceys et rapporte l'ordre d'aller protéger le PC installé dans les bois de Crépant (sud de Montbard).
A 13 heures le détachement réduit à 3 chars, une trentaine d'hommes et deux officiers, passe à Montbard où il se heurte à des blindés ennemis venant du sud qui viennent de capturer l'état-major du groupement.
Jusqu'à 16 heures le détachement tient les rives du canal. Successivement deux chars sont détruits et avec le dernier char, bien endommagé d'ailleurs, le commandant le lance à l'assaut du pont. La coupure franchie l'appareil est sabordé, le personnel est embarqué dans deux voitures de tourisme et quelques side-cars. Par la route d'ls-sur-Tille de nuit le détachement gagne Dijon, puis rejoint à Chalon-sur-Saône, l'état-major des chars de la IIe Armée.
Dans le même temps la colonne de la CE est attaquée à Juillenay (12 km nord de Saulieu). Dans la soirée à la sortie nord de Saulieu, la colonne se heurte à des blindés ennemis, le Commandant de la CE est tué et le détachement fait prisonnier.
17 JUIN. - Quelques véhicules qui la veille avaient contourné Saulieu par l'est se trouvent stoppés par des éléments blindés ennemis à Saint-Léger-sous-Beuvray (16 km ouest d'Autun).
18 JUIN -31 JUILLET. - Les éléments qui ont pu passer et se soustraire à l'étreinte des blindés ennemis, stationnent successivement à Saint-Etienne-Feurs-Ceaux-les-Allègre-Aurillac-Capdenac puis à Labarthe-sur-Lèze (Haute-Garonne) où il est procédé à la dissolution du bataillon.
POINTS REMARQUABLES.
Le personnel de ce bataillon provient de deux origines bien différentes, Nord et Bretagne. Excellent mélange pour créer un solide esprit d'unité. Autre caractéristique l'unité est constituée uniquement de réservistes.
Au point de vue matériel le bataillon a l'avantage d'être équipé de l'excellent char H 39, malheureusement sans radio et armé du canon de 37 modèle 1918, qui se révélera encore très efficace avec les obus de rupture.
A la veine du déclenchement de l'offensive une décision regrettable vient amputer le bataillon d'une de ses compagnies. Son remplacement est prévu par une autre compagnie d'un autre bataillon. Ce projet ne sera jamais réalisé et même s'il l'eût été cette valse de compagnies ne pouvait rien faire présager de bon.
Le 10 mai l'instruction du bataillon est loin d'être terminée. Les équipages sont bien rompus à l'emploi de leur matériel mais l'homogénéité des unités laisse encore à désirer, aucune manœuvre d'ensemble n'a été exécutée, et c'est l'ennemi qui en quelques heures, va assurer la cohésion de l'ensemble.
Alors que le 13 mai le bataillon est dans ses cantonnements rémois, l'ennemi à Sedan a forcé le passage de la Meuse, et au cours de la nuit du 13 au 14 il exploite son succès.
C'est au cours de la même nuit que la 3e DCR fait mouvement pour contre-attaquer.
Le 14 à 5 heures du matin, le Commandant de la 3e DCR rédige son ordre d'attaque pour rejeter l'ennemi au delà de la Meuse.
Par suite des difficultés de ravitaillement en essence les bataillons n'atteignent leurs bases qu'à 16 heures. Mais la situation évolue extrêmement rapidement et dès 15 heures le Commandant du 21e CA modifie son ordre, prescrit à la division d'organiser dans toute la zone du corps d'armée des barrages antichars sur tous les itinéraires.
Durant douze jours, du 13 au 25 mai, sans arrêt, les compagnies courent de l'est à l'ouest du secteur. Dès qu'un point est menacé on appelle une unité de chars, on en trouve toujours une qui mission accomplie vient d'être retirée du combat et instantanément elle se porte où l'infanterie est bousculée. Au cours de cette période les appareils parcourent près de 200 kilomètres en mouvement de rocade. Toutes les missions reçues ont été remplies, la progression ennemie a été arrêtée, mais au prix de quels sacrifices ! Au 25 mai le bataillon a perdu près de 50 % de son matériel.
Le 10 juin, c'est l'engagement de Perthes. Engagement lamentable, sans appui, les chars abandonnés de tous. Ce coup de boutoir de la 3e DCr sera sa dernière action de masse.
Avec la même foi qu'aux premiers jours, les équipages luttent d'une manière magnifique dans un combat pour l'honneur et contre un ennemi possédant tous ses moyens.
A partir du 12 juin les termes de bataillon et de compagnie n'ont plus aucune signification, on colmate les rescapés en unités de marche. Jusqu'alors les équipages avaient montré leur esprit de corps, mais au fur et à mesure que les épreuves deviennent plus cruelles, l'Esprit Chars s'épanouit, les survivants s'agglomèrent, tous se soucient, forment bloc, on est Chars.
Après une retraite de quatre jours où tous se sentent traqués, des missions de sacrifice sont données aux équipages sur la Marne, sur l'Aube.
Le nombre des appareils s'amenuise mais tant qu'ils pourront se mouvoir ils accompliront les tâches qui leur sont données.
Le 16 juin les derniers appareils luttent de 13 heures à 16 heures et lorsqu'il n'en restera plus qu'un il sera employé à rompre l'encerclement du dernier carré et le sauver de la captivité.
En un mois de campagne les équipages du 42e BCC ont écrit au livre d'or de l'Arme de bien belles pages de gloire et les anciens de L'A.S. peuvent être fiers de leur cadet.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
JOURNAL DE MARCHE
DE LA 2e COMPAGNIE DU 41e BCC
Capitaine GASC
13 mai 1940 - 20 heures mouvement du 41e B.C.C. de Beine (15 km est de Reims) vers Rethel, via Epoye, Aussonce, Juniville, Perthes, Rethel.
14 mai 1940
Matin : mouvement de Rethel vers l'est : Tourtelon où le bataillon arrive vers six ou sept heures du matin.
À partir de 12 heures, mouvement Tourtelon, Lametz, Tannay, R.N. 77, lisières nord des bois du Mont-Dieu, pour participer à une contre-attaque en direction de Sedan.
20 h 30 : contre-attaque remise et repli du 41e vers Tannay. La 2e compagnie passe une partie de la nuit entre Tannay et Le Chesne ; elle reçoit, dans la nuit, lors de se porter à Louvergny avec mission de flanc-garder la 3e D.C.r.
15 mai 1940
Au petit jour : mouvement et installation de la 2e compagnie pour assurer sa mission face au nord nord-est et est. Reste de la journée : R.A.S.
Dans la nuit : la 2e compagnie est mise à la disposition de la 5e D.L.C. pour assurer son arrière-garde lors de son repli, le 16 mai, vers Attigny.
16 mai 1940
Matin : mouvement Louvergny, Lametz, Semuy, l’Aisne où la mission d'arrière-garde se termine vers 12 à 15 heures. Liaison perdue avec le PC du 41e B.C.C. mais connaissant la situation du PC de la demi-brigade de chars, des ordres lui sont demandés par liaison moto dès le départ de Louvergny. Ladite liaison me retrouve sur l’Aisne au début de l'après-midi. Ordres reçus : rejoindre le PC de la 3e D.C.r. à Savigny sur Aisne (sud de Vouziers), où la 2e compagnie arrive dans le courant de l'après-midi à l'étonnement de l'état-major de la 3e D.C.r.
Pendant cette journée, les deux autres compagnies du 41e B.C.C., la 1ère Billotte, la 3e Delepierre, mènent le combat, à Stonne, contre les blindés allemands.
Dans la nuit : la 2e compagnie, stationnée à Savigny, est alertée et reçoit la mission de se porter à Dun sur Meuse, par Boult aux Bois, Bantheville, en vue de participer à une contre-attaque au nord de Stenay où les Allemands tournent la ligne Maginot à l'ouest des ouvrages de La Ferté.
17 mai 1940
Matin : la 2e compagnie rencontre, sur l'itinéraire ci-dessus, les 1ère et 3e compagnies du 41e B.C.C. Le 41e B.C.C. reconstitué roule vers Dun pour participer à la contre-attaque prévue. Dans la nuit, le 41e cantonne dans la forêt de Woëvre au sud-est de Stenay.
18 mai 1940
Matin : le commandant du 41e va aux ordres.
Midi : reconnaissance de la base de départ et du terrain de la contre-attaque par le commandant Malaguti et ses trois commandants de compagnie, contre-attaque qui aura lieu vers 17 - 18 heures. Base de départ : lisières nord du bois d’Inor, entre Inor et Olizy, en direction de la cote 311 au sud des ouvrages de La Ferté.
Moyens mis en oeuvre :
chef de bataillon et son char 1 char
1ère compagnie : capitaine Billotte 3 chars
2e compagnie : capitaine Gasc 3 chars
3e compagnie : capitaine Delepierre 3 chars
Moyens qui ont été jugés suffisants eu égard à la dimension du compartiment de terrain dévolu à la contre-attaque.
Mission : libérer la cote 311 et permettre l'installation, sur 311 et environ, du 3e bataillon du 115e R.I. (6e D.I.).
Résultats : la mission est bien remplie, les Allemands sont chassés de la cote 311 et le III/115 R.I. l‘occupe et l’aménage. En cours de contre-attaque, mon char tombe en panne et je dois en changer ; opération rapidement faite (mon char rejoindra par la suite). Proche de la cote 311, je suis personnellement pris à partie par deux canons antichars de 37 mm ; je puis les repérer assez rapidement et les détruire, ainsi qu'un important ni de mitrailleuses dont les servants sont neutralisés.
L'ordre de repli du 41e B.C.C. est exécuté alors que la nuit est totale et que l'artillerie ennemie déclenche des tirs d'arrêt nombreux entre 311 et la bases de départ : en ce qui me concerne, je contourne un tir d'arrêt sans encombre et rejoint la position de regroupement avec mes trois chars. Durant la nuit les chars du 41e sont repliés au sud de Stenay où ils retrouvent ceux n'ayant pas participé à la contre-attaque. La 2e compagnie est à 10 chars.
19 mai 1940.
Repos et entretien du matériel.
20 mai 1940.
Le 41e B.C.C. se porte dans la région de Cierges (ouest de Montfaucon).
21 mai 1940.
Cierges.
22 mai 1940.
Déplacement vers le nord, région de Bantheville.
23 mai 1940.
Le 41e se déplace, toujours en réserve, stationnée dans la région de Sommauthe.
24 au 27 mai 1940.
La 2e compagnie est à Bayonville.
28, 29 mai 1940.
Déplacement du 41e dans la forêt de Boult (région de Boult aux Bois) pour intervenir face au nord et à l'est.
Mission de la 2e compagnie : à 1 kilomètre au nord de Croix aux Bois, prête à déboucher sur Quatre Champs.
30 mai 1940.
Déplacement du 41e vers Grandpré. La 2e compagnie stationne à Talma (3 km nord-ouest de Grandpré) où elle stationnera jusqu'au 5 juin.
6 juin 1940.
Le front est stabilisé au nord. L'effort allemand est axé sur Rethel et le 41e B.C.C. reçoit l'ordre de se porter vers l'ouest stationner dans les bois au sud de Semide. La 2e, au complet, toutes réparations effectuées, y est le 7 et 8 juin.
9 juin 1940.
L'effort allemand se confirme sur l'axe Rethel - Reims. Le 41e B.C.C. fait mouvement, dans la nuit du 9 au 10, par Machault Menil. La 2e compagnie arrivera à Annelles avec 10 chars dont un en panne de coupleur.
10 juin 1940.
Contre-attaque du 41e B.C.C. au sud de Perthes ; 2e compagnie, axe Annelles – côte 165 plein ouest jusqu'à la route Perthes - Juniville, dégager Perthes par le sud.
1ère compagnie (capitaine Billotte) contre-attaque au sud de la 2e. La 2e compagnie contre-attaque avec 9 chars et arrive sur son objectif. Au cours de l'action, une artillerie allemande très puissante détruit trois chars et en avarie trois autres très sérieusement. L'ennemi a perdu de nombreuses armes antichars, dont un canon de 105 ainsi que de nombreux combattants aux abords de la route Perthes - Juniville.
10 juin 1940 – La 2e compagnie a reçu l'ordre d'attaquer à partir des bois ouest Annelles, la région sud de Perthes aux fins de dégager cette localité encerclée par l'ennemi et où tiennent encore les débris d'un régiment.
La 2e compagnie dispose de 9 chars, le 10e est en panne de coupleur et sera laissé en arrière de la base de départ où il n'a pu arriver.
Le moral est excellent.
L'attaque débute dans de bonnes conditions ; l'ennemi est écrasé mais il faut subir, outre le tir des armes antichars, un tir extrêmement dense d'obus de tous calibres. Un char et détruit et brûlé (YONNE), un autre reçoit un coup de plein fouet sur l'avant, subit de graves dommages puis continue le feu.
Un canon de 105 se dévoile sur la droite de la compagnie, sud de Perthes et incendie coup sur coup deux autres chars (ARLAY et DURANCE) ; un équipage entier est la proie des flammes ; le canon de 105 est à son tour détruit.
Le char AISNE à son radiateur crevé et doit abandonner le combat peu avant l'ordre de repli.
Le char DURANCE à sa tourelle bloquée par un obus antichar qui se coince entre la tourelle et le toit.
Le VILLERS MARMERY reçoit des coups de plein fouet d'antichars sur ses chenilles ; de nombreux patins sont crevés et on ne sait dans quelles conditions il peut continuer à rouler.
Un autre char enfin est rendu inapte au combat, mais peut continuer à rouler.
L'ennemi a été bousculé ; un canon de 105, un minimum de 15 antichars détruits, de très nombreux Allemands sont mis hors de combat, le village de Perthes est débloqué, mais de tels succès ont coûté à l'unité :
cinq tués, deux blessés
trois chars incendiés
quatre chars inaptes au combat (qui rejoignent les lignes)
deux chars indemnes.
La 2e compagnie se replie vers 20 – 21 heures.
10 juin 21 heures - 11 juin 14 heures.
Repli de la compagnie avec 7 chars par l’itinéraire Annelles - Ménil – Pauvres – Machault – Cauroy – Hauvine – Pont Faverger – Nauroy – Ferme de Moscou.
À minuit commence la série des replis de chars tous plus abîmés les uns que les autres. Deux chars sont constamment en remorque au milieu de troupes qui se replient, elles aussi, vers le sud.
Dans chaque village, il faut passer les chicanes, tout feux éteints, avec des chars à la ficelle, chars qui ne virent qu’au frein, donc très mal. Les chicanes sont enfoncées et les chaînes, des câbles cassent.
Avant d'arriver à Mont Saint Rémy, on aperçoit des feux de lampes électriques et à notre arrivée dans Mont Saint Rémy, un tir d'artillerie très ajustée et très dense coiffe les chars, détruit les maisons, sème la panique dans les troupes à pied, à cheval, qui arrivent dans le village de deux directions différentes pour s'écouler par la même direction. Il y a des blessés que l'on évacue dans la voiture tout-terrain jusqu'aux ambulances. Un tracteur de ravitaillement qui a quitté la route saute sur une mine et brûle ; il n'a été vu en sortir aucun membre de l'équipage.
11 juin 1940 –
Au jour la compagnie arrive au bois nord-est d’Hauvine où elle fait les pleins. Contact écrit avec la compagnie Billotte qui arrive deux heures après réservoirs vides et que la 2e compagnie ravitaille en essence.
Vers 10 heures, les deux compagnies se replient. Les chars de la 2e compagnie se déplacent très espacés les uns des autres car il y a de l'aviation. Deux avions attaquent coup sur coup la voiture du capitaine qui est atteinte par plusieurs balles ; les occupants sont indemnes.
La compagnie arrive enfin, vers 15 heures à la ferme de Moscou où elle attend des ordres et se prépare à repartir. Partout, il n'avait été vu que des troupes en repli, pas toujours en très bon ordre. Le moral est excellent. La confiance règne.
11 juin 20 heures
Les ordres sont les suivants :
- former avec les chars aptes au combat une compagnie de combat aux ordres du capitaine Cornet.
- former avec les char inaptes au combat une compagnie qui a pour mission de se rendre au sud de la Marne où un élément de la C.E. fera les réparations nécessaires pour la reprise du combat.
Compagnie aux ordres du capitaine Gasc. Un seul char valide est laissé à cette unité pour en assurer la défense s'il y a lieu.
La confiance continue à régner dans les équipages.
JOURNAL DE MARCHE DU DÉTACHEMENT DE CHARS AUX ORDRES DU CAPITAINE GASC.
11 juin 1940
Au crépuscule cette unité s'ébranle ; elle comprend deux tracteurs de ravitaillement et 13 chars plus abîmés les uns que les autres. Son itinéraire le suivant : ferme de Moscou – Suippes – Saint Hilaire au Temple – L’Epine – Courtisols – Marson – Pogny – Vitry la Ville – Bois ouest de Vitry la Ville (soit 75 à 80 kilomètres) où sont les éléments de la C.E.
Cette unité ne tarde pas à s’étirer et si jusqu'à Suippes, la surveillance en est relativement aisée, par suite du peu de densité des troupes qui suivent le même itinéraire, elle devient très difficile à partir de Suippes où un véritable fleuve de troupes de toutes sortes reflue vers le sud. De très longs arrêts se produisent qui diminuent la vitesse de marche. La consommation d'essence et grande. Les moteurs souffrent et tout marche cahin-caha.
12 juin 1940
A partir de Suippes, atteint vers minuit, la colonne de chars s'étire sur 10 à 15 kilomètres et plus d'une heure est nécessaire au capitaine pour visiter tous les chars de cette colonne.
Au matin, contact écrit avec les éléments de la compagnie Cornet qui se trouve dans le camp de Mourmelon et dans l'après-midi seulement, les chars s'engagent vers Courtisols.
Le lieutenant Morillet, rencontré à Saint-Étienne au Temple fait apporter de l'essence en moto, voiture tout-terrain, tracteur et les pleins sont faits, char par char, au fur et à mesure où ce ravitaillement remontant le courant descendant, peut leur parvenir.
Encore des embouteillages. Le détachement est toujours aussi étiré. Un violent orage de s’abat sur la région, augmentant encore le désordre de toutes les troupes qui refluent vers Pogny. Toutes les troupes sont mélangées et ne peuvent aller plus vite qu’au pas. Vers 17 heures les premiers chars passent à Pogny.
À 18 heures environ, la colonne de troupes qui se replie est prise à partie par des blindés allemands arrivés par la route Châlons – Vitry le François et, prenant cette route d'enfilade, tuent chevaux et personnel, cassant les véhicules auto ou hippo. Le désordre règne sur la route ; ce n'est qu'explosions, cris, jurons, affolement, fuite.
Des chars qui arrivent de Marson (char de l'adjudant chef Barbier en particulier) foncent sur l'allemand qui rompt aussitôt le combat. L'action de ses chars permet à des milliers d'hommes et de chevaux, des colonnes de canon (G.P.F. en particulier) de s'écouler et de continuer leur en repli.
Vers 19 heures tous les chars ont passé la Marne.
Les chars de tête sont à l'ouest de Vitry la Ville et essaient de prendre contact avec les éléments de la C.E.
Les derniers se regroupent au sud de la Marne. Trois chars sous les ordres du lieutenant Dive restent à Vitry la ville.
Ces trois chars se présentent de la façon suivante : le premier remorque le second qui n'a plus aucune direction et va zigzaguant sur la route ; le troisième, attelé au deuxième l'empêche de quitter la route. Tous trois sont donc réunis entre eux par des câbles ou chaînes. Et c'est alors que passant devant le PC du général commandant la 14e D.I., le général les arrête dans leur marche et leur donne l'ordre de se mettre en position sur les ponts de Vésigneul ou Mairy. Le lieutenant rend compte de l'état de ses chars, de sa mission. Ordre lui est donné d'exécuter.
Le commandant de détachement, averti de cet incident, se porte vers Vitry la Ville au PC du général qui lui donne l'ordre de disposer ses chars pour défendre les ponts de La Chaussée sur Marne – Pogny – Vésigneul – Mairy sur Marne – et former deux bouchons à Vitry la Ville et à la sortie nord-est de Coolus avec les 13 chars de son détachement. Le commandant du détachement rend compte de l'état de ses chars (inaptes au combat et dont trois sont en remorque) de son appartenance à une division dont il a reçu une mission bien précise, de la présence d'éléments de dépannage. Rien n'y fait, il faut exécuter immédiatement.
L'exécution - il s'agit de transformer cette colonne de chars qui s'allongent sur cinq à six kilomètres en une ligne bordant la Marne sur plus de 15 km et avec des chars dans quel état :
Les ordres sont donnés pour disposer les chars de la façon suivante :
- 2 chars à la Chaussée sur Marne (pouvant marcher)
- 2 chars au pont de Pogny (pouvant marcher)
- 2 chars à Vitry la Ville (panne de moteur)
- 1 char est laissé à Togny (panne de moteur, de naëder)
- 1 char remorqué à Vésigneul (panne de moteur et de Naëder)
- 1 char entre Togny et Vésigneul (panne de moteur et de Naëder)
- 1 char à Mairy (pouvant marcher)
- 3 chars à Coolus (pouvant marcher)
Cette mise en place durera des heures et ce n'est que très tard dans la nuit qu'elle sera réalisée.
Entre 19 et 20 heures, le commandant de détachement est averti que les Allemands sont aux environs de Pogny ; il décide d'aller lui-même placer immédiatement un char pour battre le pont encore intact (char AISNE). Effectivement, à peine face au pont, un violent duel commence entre le char et des blindés allemands à Pogny. Le char est aussitôt mis hors de combat et son chef tué (lieutenant Homé).
Le commandant de détachement se précipite en arrière pour presser le déplacement du deuxième char qui, aussitôt arrivé près du pont, continue lui aussi le combat mais est détruit à son tour.
À ce moment, le spectacle est le suivant : sur notre rive, nos deux chars brûlent ; sur la rive opposée, cinq à six chars allemands brûlent aussi. De notre côté, outre les pertes matérielles, il y a cinq tués dont le lieutenant Homé et l'adjudant chef Courtois, chefs de char, 2 blessés dont le lieutenant Clouet.
L'allemand ne bouge plus quoique notre extrémité de ponts ne soit plus défendue, si ce n'est par quelques fantassins dont le régiment tient sur l'Aisne le même front que les chars. Le pont sautera d'ailleurs une heure après environ.
Aucun incident ne se produit pour la mise en place des autres chars si ce n'est la difficulté pour eux de se rendre à leur poste. Les chars valides sont envoyés aux points les plus éloignés, les invalides sont laissés en place (Vitry la Ville) ou remorqués aux postes les moins éloignés (Togny – Vésigneul).
Le PC du commandant de détachement est établi à Vitry la Ville qui semble le secteur le plus sensible.
Un violent tir d'artillerie s'abat sur Vitry et incendie un char. C'est le troisième détruit par l'ennemi ; un blessé.
Les éléments de la C.E. présents sur les lieux ont été ausculter les chars mais hélas, c'est tout ce qu'ils ont pu faire, car, face aux chars, se trouve un ennemi dont les tirs ne permettent pas d'amener des engins de levage nécessaires aux échanges de Naëder, coupleurs, etc… De sorte que les chars restent en l'état où ils sont arrivés.
Dans la nuit, contact est pris avec le capitaine Delepierre qui, dans la journée du lendemain, enverra la roulante et de l'essence, huile, munitions.
La nuit se passe sans incidents.
13 juin 1940
Au jour, les chars s'embossent (ceux qui le peuvent) dans les meilleures conditions (camouflage, champ de tir). L'ennemi ne réagit pas ou peu.
Les ravitaillements sont faits.
Des liaisons radio sont établies entre le PC et les chars ou groupes de chars.
Le commandant de détachement prend contact par deux fois avec chaque équipage.
Depuis trois jours les équipages n'ont pu se reposer ; l'entraînement qu'ils ont subi avant ces épreuves les a endurcis. Leur moral n'est pas entamé, la confiance règne.
Le général commandant la 55e D.I. a mis les chars les dispositions du 203e régiment d'infanterie (celui qui tient la Marne sur 15 kilomètres) et contact est pris par le commandant de détachement avec le colonel commandant le 203e R.I.
Un ordre de repli est prévu sur l'Aube. Les ordres seront donnés en temps utile. Les chars auraient alors pour mission de servir d'arrière-garde à l'infanterie. Que faire alors des chars cloués au sol par les pannes ?
14 juin 1940 - 1 heure
L'ordre de repli est donné. L'infanterie quitte l’Aisne. L'itinéraire à suivre est le suivant :
Ecury – Coupetz – Fontaine sur Coole – Dommartin – Soudé – Poivres - Mailly – Villiers – Allibaudières – Pont de Viâpres – Pouan – Nozay, soit 65 à 70 kilomètres.
Il ne peut être question pour les quelques chars pouvant se mouvoir (et dans quelles conditions !) de repartir chercher des chars en panne de moteur, coupleurs ou Naëder, à la barbe des allemands.
Ordre est donné de brûler ces chars, soit quatre.
Les équipages rendus disponibles sont évacués. Pendant cette opération, sept chasseurs sont blessés.
Restent donc sur la Marne, 7 chars :
3 chars détruits par l'ennemi
4 chars incendiés par les équipages.
Les chars se regroupent sur l'itinéraire Ecury - Coupetz et alors commence le repli sur l’Aube de 6 chars en mauvais état de marche, sur les arrières du 203e R.I.
Ce régiment était arrivé sur la Marne le 12 après une marche de 10 kilomètres. Quoique ayant eu un jour de repos (le 13), les hommes sont fourbus et les trainards deviennent de plus en plus nombreux, prennent d'assaut les chars, les tracteurs de ravitaillement, la voiture tout-terrain du commandant de détachement. Des mesures brutales doivent être prises pour que les deux derniers chars puissent au moins tirer en arrière, car des motos allemandes suivent à vue.
Toute la journée est nécessaire pour atteindre les abords de l'Aube. Marche lente, arrêts prolongés de l'infanterie. Des villages incendiés quelques heures plus tôt doivent être traversés. De nouveaux courants de troupes en repli s'ajoutent à notre colonne ainsi que des véhicules auto et hippo civils. Tout cela ajoute au désordre.
Ce n'est qu'à la nuit que les chars arrivent à 10 km au nord de l'Aube et se regroupent. Le matériel est très fatigué et certains chars devront bientôt être pris en remorque.
Contact est pris avec le commandant du 203e R.I. qui déclare passer l'Aube à Viapres et donne pour mission aux chars de former un bouchon défensif à Nozay.
Pendant que les chars se regroupent entre Herbisse et Allibaudières et font une partie des pleins, le commandant de détachement va reconnaître le pont de Viâpres qui lui paraît être insuffisant, ce qui s'avère exact. Il est décidé de passer par Arcis sur Aube dont les ponts sont suffisants et non encore détruits.
Après le regroupement, il est 22 - 23 heures. La route est remplie de troupes qui se replient et deux chars doivent être pris en remorque. Les chars s’imbriquent dans cette colonne et après un court déplacement, un arrêt interminable se produit alors. Renseignements pris, il court le bruit qu'un commandant en tête de la colonne a donné l'ordre de faire demi-tour et de remonter vers le nord. De fait, le mouvement s’arrête. Un officier du Train déclare ne pas être au courant d'un tel ordre et demande aux chars ce qu'ils en pensent. Les chars pensent qu'il faut continuer. L'officier du train fait dégager la route et les chars poursuivent leur marche entraînant des troupes dans leur sillage.
15 juin 1940
Arrivés en tête de la colonne (300 à 500 m de la route nationale n° 77 - 2 km de l'Aube – 1 à 2 heures du matin), les chars prennent contact avec des tirailleurs qui déclarent avoir été mitraillés par l'allemand qui a l'air de se trouver sur la route nationale n° 77 à notre gauche et sur la route I.C. 71 devant nous. Le renseignement est exact mais il est décidé de continuer et de percer.
Chaque chef de char est sur son char, une mitrailleuse dans les bras, des chargeurs à proximité. Les tirailleurs encadrent et la marche se poursuit. L’ennemi réagit ; les chars prennent sous leurs feux tout l'horizon sud et est. L'allemand se tient coi et ses lignes sont traversées sans grande casse.
Un flot d'hommes, de voitures, de tracteurs passe et arrive ainsi à Arcis sur Aube.
Un char manque et le filet s'interrompt brusquement.
Le commandant de détachement décide de retourner en arrière voir pourquoi ce char ne rejoint pas ; il amène avec lui un sous-officier et retraverse la ligne allemande. Quelques coups de feu, une grenade les saluent au passage. Le char est retrouvé et prêt à repartir. La colonne d'infanterie, véhicules et autres est arrêtée à 50 m derrière le char et ne veut plus avancer par crainte de l'ennemi. Le commandant du détachement et le sous-officier prennent chacun deux hommes par le bras et les amènent ; le reste suit et un nouveau flot passe l'Aube.
Le jour est là et les chars se dirigent presque à sec d’essence et sans huile de Naëder sur Nozay où ils arrivent vers sept heures.
La situation au point de vue matériel est exécrable. Deux chars sont en remorque, trois chars ont leurs joints de Naëder crevés depuis bien longtemps et ont consommé toute huile de ricin. L'huile de ricin est remplacée par de l'huile à moteur mais la provision s'épuise. On ne peut rouler longtemps ainsi, sans être immanquablement stoppés.
Les réservoirs d'essence sont presque à sec et la consommation d'essence de la journée a été telle, par suite de la marche au ralenti et des arrêts fréquents et prolongés que la réserve d'essence est, elle aussi, à peu près épuisée. Des recherches sont faites, mais sans résultat.
Le colonel commandant le 203e R.I. auquel il est rendu compte de la situation, ne peut que compatir à cette situation angoissante.
Il est décidé que tous les chars restants défendront les accès de Nozay où est établi le PC du colonel commandant le 203e R.I.
Un char (lieutenant Achet) est envoyé pour interdire le passage du pont de Viâpres, mais doit se mettre à découvert pour remplir sa mission. Les Allemands arrivant aux abords du pont ne peuvent manquer de leur repérer et le détruisent à leur aise à coups d'artillerie sans que le char puisse riposter. Le lieutenant Achet et le pilote sont légèrement blessés par des éclats. L'équipage se replie.
Vers 10 – 11 – 12 heures, le colonel rend sa liberté de manœuvre au commandant du détachement de chars ; son régiment doit décrocher dans la soirée.
Le commandant du détachement de char décide de ne partir qu'avec du matériel pouvant utilement faire du combat et de laisser le reste. Un seul char est susceptible de remplir ces conditions. Les pleins sont faits (essence, huile, munitions) en prenant sur les autres chars ; le restant est mis en bidon (sauf à 20 à 30 l par char) et sera transporté en tracteur tout-terrains (300 à 400 l d'essence et 30 l d'huile récupérée).
Les destructions sont préparées, les mitrailleuses prêtes à être enlevées, le plus possible de chargeurs de mitrailleuses sera transporté par les tracteurs ; tout le personnel : 25 à 30 officiers, sous-officiers et chasseurs sera transporté par les deux tracteurs tout-terrains, une camionnette récupérée et le char.
Le départ n'aura lieu qu'avec l'infanterie, dans le noir, pour empêcher éventuellement toute intrusion allemande et pour maintenir intact le moral de l'infanterie qui a les yeux fixés sur les chars et qui sait que tant qu'il y aura des chars avec elle, elle sera défendue.
Entre 10 heures et midi, les Allemands sont signalés aux abords de la gare d’Arcis sur Aube. Le char déjà prêt est envoyé pour voir ce qui se passe. Il se passe que plus d'une centaine d'Allemands sont là qui se battent les flancs, d'autres actionnent une locomotive, d'autres encore mettent des canons en batterie.
En quelques instants tout cela est en débandade, la Loco crache de la vapeur par tous les bouts, les minens sautent et le char est le maître de la situation. Plus un allemand n'est visible si ce n'est les morts qui, eux, n'ont pu se camoufler. Le char se poste, attend et rend compte de son travail. Il restera là jusqu'au moment du décrochage. L'allemand restera cloué à Arcis.
Vers 18 - 19 heures, le décrochage est décidé. Une moto va chercher le char sous des tirs de mitrailleuses allemandes ; les autres chars sont incendiés, toutes les mitrailleuses enlevées, les obus de 75 éclatent, les blindages se disloquent et c'est sur cette vision que le détachement de char, réduit à un char, deux tracteurs et une moto en reconnaissance quitte Nozay, les larmes aux yeux, la rage au cœur mais le moral intact.
Point de destination : forêt du Grand Orient et le Sud. On va essayer de se dégager de l'étreinte ennemie que nous subissons depuis trois jours. On marchera toute la nuit.
Voilà maintenant six jours sans repos, sans sommeil, mais les hommes ont confiance en cet unique char qui les précède, en ces mitrailleuses qu'ils ont dans les bras (une mitrailleuse pour 2 à 3 hommes) en ces chargeurs qui sont à portée de leurs mains. À partir de maintenant, tout le monde est à même de combattre et non pas seulement les chefs de chars et les pilotes qui relatent leurs cartons aux caporaux, chasseurs, qui jusqu'ici n'ont fait que le métier de pourvoyeur, dépanneur, graisseur. Et de fait, chacun, bientôt, aura à s'employer.
19 - 20 heures
Le détachement arrivé à Voué, suivant de peu une colonne d'un train d'artillerie qui a été faite prisonnière avant d'arriver à Montsuzain, distant de 2 km de Voué. Deux avions survolent le détachement et sont salués au passage par le feu de toutes les mitrailleuses. C'est un fait rarement vu : moral et confiance intacts.
Quelques français rencontrés à Voué disent qu'il y a beaucoup d'Allemands entre Voué et Montsuzain. Des militaires s'agitent à quelques centaines de mètres. Allemands ? français ? quelques précautions sont prises, espacement des véhicules ; tous les yeux sont aux aguets. On va partir quand arrive à notre auteur un bataillon ou du moins les effectifs qui en restent. Le commandant demande aux chars ce qu'ils pensent faire. Les chars répondent qu'ils vont à Montsuzain et au-delà. Bien dit-il, nous allons tenter une figure de grand style. Ma C.E. va vous appuyer de tous ses feux et mon bataillon attaque derrière vous. Le départ est retardé mais les mitrailleurs n'arrivent pas et le fantassin n'est pas chaud. Finalement, seule une mitrailleuse actionnée par un officier battra la route pendant que le char de tête, les deux tracteurs à 50 m en arrière et 100 m à droite et à gauche, quittent la route et la longent. 200 m environ sont faits ; l'infanterie reste à Voué est alors se dévoile derrière les militaires qui continuaient à s'agiter deux canons de 37 antichars qui couvrent de leurs projectiles le char et le tracteur. Le tracteur est aussitôt incendié, deux hommes brûlent avec, un autre est blessé ; tout le monde saute à terre et le combat est engagé. Le char a déjà perdu ses ailes, les pots d'échappement, l'antenne de T.S.F., le canon de 75 est bloqué par un obus de 37. Il est littéralement aveuglé, recevant un obus toutes les deux secondes ; à chaque obus des gerbes d'étincelles giclent des blindages mais les chasseurs ne s'énervent pas pour si peu et, de leur mitrailleuses, criblent de balles les Allemands qui sont mis hors de combat. Deux canons de moins.
La progression vers Montsuzain continue ; le bataillon reste obstinément à Voué où il se rendra plus tard sans combat. Seuls, trois fantassins tentent leur chance avec les chars.
De nombreux Allemands se dévoilent sur la route, aux abords de la voie ferrée et se replient. Leur marche est accélérée par le tir de nos mitrailleuses. Certains restent sur place. Il y a des blessés parmi nous.
Deux autres antichars se dévoilent et sont détruits par le char.
D'autres Allemands camouflés dans les champs tirent sur nous ; notre marche se ralentit et s'arrête ; seul le char poursuit et va attaquer Montsuzain pour nous dégager. Il ne dispose plus que du canon de 47 et de ses mitrailleuses.
Un nouveau canon de 37 Allemand se met en batterie à quelque 100 mètres et attend le char qui, manifestement, ne le voit pas. Aperçu par le commandant du détachement, celui-ci tire sur lui à coups de mousqueton. Repéré par le canon de 37, le premier obus est pour lui et le met hors de combat. Un des fantassins est tué par un obus de 37 mm. Un aspirant qui continuait la lutte avec ce canon est mis lui aussi hors de combat, mais le char aperçoit le canon et le met hors de combat à son tour.
La route va-t-elle être libre ? non. La fin approche car un canon de 105 prend maintenant le char à partie et en deux coups de canon le détruit, tuant le chef de char et blessant le pilote.
L'allemand est maintenant tranquille et va pouvoir neutraliser ce petit détachement qui se défend jusqu'au dernier chargeur que les chasseurs ont emporté avec eux en quittant les tracteurs.
C'est fini. Les blessés sont ramassés et pansés par les brancardiers allemands. L'allemand est correct et est fier d'avoir combattu ces quelques hommes qui n'ont pas voulu se rendre sans combattre, qui ont voulu sauver leur honneur.
Il fait nuit noire maintenant.
Les blessés sont transportés en auto au poste de secours allemand où un médecin refait les pansements.
Les prisonniers sont massés dans une église et le lendemain avant de partir au camp, un officier allemand vient les féliciter pour leur combat de la veille.
Nos pertes ont été sévères, nos meilleurs sont morts, mais le 16 juin, en remontant vers le nord, vers les camps de prisonniers, chaque officier, chaque sous-officier, chaque chasseur se sent fier de lui, fier de son unité, fier de ce morceau de gloire qu'il s'est taillé dans des conditions si difficiles et, c'est le cœur trempé de confiance qu'il se prépare à suivre son destin.
PERTES
Combat de Perthes : 5 tués 3 chars incendiés
2 blessés 4 chars inaptes au combat
Repli de Perthes à Châlons :
1 tracteur saute sur une mine et brûle
2 morts
Combat de Pogny : 5 tués, en char 7 chars incendiés dont 3 par l'ennemi.
5 blessés
Combat du pont de Viâpres : 2 blessés légers 1 char détruit par l'ennemi
Nozay : 4 chars incendiés par nos soins
Combat de Voué - Montsuzain 4 tués 1 char détruit par l'ennemi
6 blessés
Soit : 16 tués, 15 blessés pour un effectif de 50 maximum, ayant participé à ces combats.
16 chars (dont huit incendiés par nous-mêmes)
RESULTATS
Allemand mis hors de combat : de 150 à 200 minimum.
Matériel détruit : 15 à 20 canons de 37
1 canon de 105
2 minens
5 à 8 blindés.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
JOURNAL DE MARCHE DU 41e B.C.C.
Commandant Malaguti
Ière PARTIE
Depuis le début de mars 1940, le 41e bataillon était stationné dans la zone des Armées, cantonnée à Dontrien et Saint Martin l’Heureux d'où il avait pu effectuer ses tirs de combat au camp de Suippes, un accord avec la 1ère D.C.R. dont il dépendait pendant cette période.
Lors de la formation de la 3e D.C.R., le 6 avril 1940, le bataillon avait fait mouvement et étaient groupés en entier à Beine, le parc aux chars camouflé dans les bois au sud-ouest.
Le 41e bataillon au début de mai était complet en personnel et en matériel, à l'exception des supports de tirs contre avions et des tracteurs de ravitaillement qui lui manquaient en tout cas ; malgré les réclamations véhémentes du chef de bataillon, les tracteurs envoyés par l'Intérieur pour le 41e avaient été en effet donné en surnombre à la 1ère D.C.R., ce qui a failli avoir des conséquences tragiques pour le bataillon.
Le degré d'instruction atteint était suffisant (grâce à l'instruction intensive fait malgré les intempéries et d'autres difficultés pendant six mois) pour faire du 41e bataillon une unité apte au combat dans le cadre du bataillon, comme le prouvait la qualité des tirs effectués à Suippes et les manoeuvres faites, en particulier la manœuvre d'ensemble effectué devant le général Brocard à la fin du mois d'avril au camp de Mourmelon.
Par contre, dans le cadre de la Division Cuirassée, rien n'était fait. Aucun exercice n'avait effectué, ni avec artillerie, ni avec les chasseurs portés, ni avec les bataillons H.
Seuls quelques exercices de cadres, portant sur le déplacement de la division, avaient été faits à Reims au Q.G. en avril. En toute conscience, au début de mai la 3e D.C.R. n’est prête à aucun point de vue et surtout à participer à la bataille. On ne décide par la création d'une Division Cuirassée le 6 avril pour l’engager le 12 mai.
Quant au personnel, le 41e B.C.C. constitué en novembre 1939 avec des raclures de dépôts, était devenu, grâce aux qualités du petit noyau d’officiers et sous-officiers d'active, une unité remarquable d'entrain, d’allant et d'homogénéité. Sa valeur morale était extrêmement élevée, le sentiment patriotique correspondait à quelque chose dans l'esprit de tous ; la confiance réciproque entre tous était totale ; la discipline absolue.
12 mai 1940
Le 12 mai, le 41e était alerté et recevait l'ordre de la 3e D.C.R. de se préparer à faire mouvement vers le nord-est dans les 24 heures.
Le 13 mai à 20 heures l’état-major et les trois compagnies de combat se mettaient en route dans un ordre parfait ; la compagnie d'échelon reste provisoirement à Beine ; le détachement précurseur aux ordres du capitaine Cornet était parti dans l'après-midi.
La zone de stationnement à l'arrivée était La Saboterie, l’Anerie, (33 km nord - nord est de Rethel).
L’itinéraire passait par Epoye, Heutrégiville, Aussonce, Juniville, Perthes, Rethel, Amagne, Touteron, en gros 65 kilomètres.
Dans l'idée de tous il s'agissait d'un changement de zones, aucun d'entre nous ne s'attendait à être engagé quelques heures plus tard. L'activité de l'aviation allemande indiquait que la grande attaque était déclenchée, mais nous ne la croyions pas si proche de nous déjà. Toutefois, je remarquai que le général Brocart avait constitué sa division en deux groupements de combat (1 bataillon B --1 bataillon H).
À partir de Perthes, nous prîmes du retard sur notre horaire de marche, et à un embouteillage dans Rethel du bataillon H. que nous suivions, la zone l’Anerie – La Saboterie ne fut atteinte par le bataillon qu’au jour le 14 mai à 6 heures ; le bataillon H stationnant en avant de nous et marchant devant nous avait occasionné un sérieux retard ; de plus, les colonnes artillerie se repliant embouteillaient la route et les croisements étaient délicats. Deux ou trois chars retardés par des incidents mécaniques arrivèrent dans la matinée, un seul ne rejoignit pas, celui du sous-lieutenant André (RHIN) dont on eût aucune nouvelle (char kidnappé par de Lattre). Le camouflage fut aussitôt réalisé.
N'ayant aucun renseignement sérieux, autres que les tuyaux d'officiers d'artillerie en retraite, mais me rendant compte que la situation était toute différente de celle que nous imaginions la veille, j'envoyai trois officiers de l'état-major en moto sur les axes Bouvellement – Baalons, Chagny – Omont, Marquigny - Louvergny et je réunissais les commandants de compagnie pour leur expliquer la situation nouvelle. Les trois officiers revinrent ; ils avaient rencontré d'innombrables fuyards, les renseignements les plus contradictoires couraient, mais les villages étaient tenus par des troupes paraissant en ordre et les Allemands n'étaient pas au contact.
Pendant ce temps les équipages revoyaient leur chars.
Vers 11h30, je reçus l'ordre de porter le 41e bataillon aux lisières nord du bois du Mont-Dieu par Le Chesne pour contre-attaquer avec la 3e D.C.R. sur Bulson et Sedan avec « le plus grand esprit de sacrifice ». Il était dit aussi dans cet ordre que l'attaque serait appuyée par le maximum d'avions (intervention prévue vers 11 heures !). L'attaque devait donc que déclencher « le plus tôt possible après 11 heures » ; elle devait se faire en deux groupements :
- un groupement à l'est,
- un groupement Ouest (lieutenant-colonel Balanie) - 41e B.C.C. , 49e B.C.C., 16e B.C.P.P.
axe du groupement Ouest : Chemery – Bulson – La Maltin ? (sud de Sedan)
Tel était l'ordre, je constatai aussitôt le décalage entre l’heure d’intervention de l'aviation et l’heure possible réellement de notre attaque.
Le temps d'alerter les compagnies, puis de leur donner les ordres, le bataillon commence son mouvement vers 12h45 - 13 heures et fut survolé à ce moment-là par de nombreux avions allemands à très basse altitude (200 à 300 m et moins) sans être attaqué.
À partir de Chesne, la marche fut extrêmement ralentie par l'encombrement de la route par des fuyards en quantité et totalement débandés, équipages d'artillerie, traits coupés, fuyant sur les chevaux jumelés, etc. etc….
De plus, un bombardement sérieux par avions venait d’avoir lieu, démolissant de nombreux véhicules et tuant de nombreux hommes et chevaux. Enfin, juste à 150 m après le pont du canal des Ardennes, la route était totalement coupée par deux entonnoirs de trois à 4 m de profondeur qui ralentissait beaucoup le mouvement des chars. Le 49e bataillon depuis Le Chesne progressait juste devant nous ; le 16e bataillon de chasseurs avait des éléments : avec le commandant Val…. ??
A Tannay, la route était également coupée, mais par un énorme entonnoir. Le 41e B.C.C. dut contourner ce village par l'est et je le fis stationner très dispersé sur la grande croupe au sud du bois de Mont Dieu.
Les chars du 45e s'en allaient déployés à travers champs de l'est. Il devait être environ 15h30. La situation était très confuse et les rares renseignements très contradictoires. Aucun ordre, ni de la division ni du lieutenant-colonel Balanie, concernant lors de l'attaque du groupement et de la D.C.R.
Le 41e B.C.C. était prêt à contre-attaquer, le 16e B.C.P.P. était derrière lui, le 45e B.C.C. n’était pas en vue.
Vers 16 heures, je me suis mis personnellement en liaison avec le colonel commandant le 91e R.I. à la Tuilerie, pendant que le bataillon reste sur la lisière nord de la forêt à droite et à gauche de la R.N. 77.
Le colonel ne savait pas que nous devions contre-attaquer et un officier d'artillerie qui se trouvait la n'en savait pas plus. J'allais ensuite à pied faire la reconnaissance des lisières nord avec le chef du bataillon d'infanterie. Là, je retrouvais quelques chars survivants du bataillon Giordani, ce corps avait été démoli le matin vers Chemery et Maisoncelle. À tous je demandais s'ils avaient vu des officiers de la division Cuirassée ou de la demi-brigade Balanie et s'ils avaient des ordres, mais personne n’était au courant de rien.
Vers 17 heures, j'étais à mon char en tête de bataillon, à 100 m de la lisière. Quelques minutes plus tard arrivaient le colonel Balanie. Je lui rends compte que depuis plus d'une heure le 41e était prêt d’attaquer.
Il le constatai ; je lui exposai la situation et lui indiquai que les chars devaient avoir environ trois heures d'essence dans les réservoirs. Mais il ne donna aucun ordre et comme il repartait, ne sachant pas ce qu'il fallait faire, il me dit d'attendre sur place.
Nous restâmes donc là avec le 16e B.C.P.P. derrière nous, ignorant où était le 45e B.C.C.. Le moral des équipages était splendide, chacun s'occupait de son armement, la confiance était totale ; le spectacle de la déroute sur la route avait « gonflé » les hommes qui considéraient qu'ils n'avaient rien de commun avec cette tourbe et que, eux, c'était autre chose, que les boches allaient le constater.
Pour passer le temps, le 41e mangeait vers 18 heures. Les quarts d'heure succédaient aux quarts d'heure et toujours pas d'ordre ! Les fantassins paraissaient craindre les coups de canon et les infiltrations sur la droite et à deux reprises amorcèrent un mouvement de repli, arrêté par leurs chefs.
Enfin, à la nuit vers 20h30 - 21 heures, le 41e bataillon ainsi que le 16e B.C.P.P. reçurent l'ordre de quitter les bois du Mont Dieu.
Le 41e se portait vers l'ouest et était dissocié - une compagnie (compagnie Gasc) à Louvergny à la disposition d'une division de cavalerie ; avec une compagnie (Billotte, 1ère), il devait barrer Sauville ; une compagnie (Delepierre , 3e) était gardée en réserve (de qui ?) vers Le Chesne.
Dans la nuit des citernes vinrent faire les pleins à l’initiative du sous-lieutenant Albert au sud-est de l'étang de Gairon et les roulantes distribuèrent le ravitaillement.
Le 15 mai à quatre heures le dispositif ordonné était en place. Les compagnies étaient à 5 à 6 km les unes des autres. Le PC à la ferme de la Bemonte (extrémité est) de l'étang de Gairon. Le moral était bon, mais on ne comprenait pas ce fractionnement, on ne comprenait pas la contre-attaque du 14, aucun ordre, aucun renseignement sur les autres unités de la D.C.r., ni sur l'ennemi. À tel point en recherchant des renseignements et en faisant le tour des compagnies, le chef de bataillon allant de Sauville à Louvergny fut pris par des cavaliers français pour l'ennemi !!! La tout-terrain Laffly est cependant bien reconnaissable ! L'erreur fut heureusement de courte durée ; cette voiture arrivait où ces braves cavaliers attendaient les Allemands.
Vers midi, je reçus l'ordre de replier la 1ère compagnie de Sauville sur la ferme de la Bemonte. Dans l'après-midi arrivèrent à la Bemonte le commandant Vivet du 43e B.C.C. est une compagnie. Vers 17 heures quelques rafales de mitrailleuse venant du nord étaient tirées sans dommage sur la ferme ses abords, mais reçus par les chars du 42e comme il convenait, les blindés ni n'insistèrent pas.
Vers 20 heures, l'ordre arrivait de la 3e D.C.R. de porter le 41e bataillon vers les Grandes Armoises, sauf la 2e compagnie (Gasc) qui restait à la disposition de la division de cavalerie à Louvergny.
Je devais personnellement me rendre immédiatement au PC de la 3e D.C.R. aux Petites Armoises. Je donnais les ordres me rendit aussitôt en moto au PC D.C.r. où j'assistais à la mise sur pied de l'ordre pour l'attaque sur Stonne qui devais avoir lieu le lendemain matin au lever du jour. Je quittais le PC, il devait être environ minuit et je me portais au PC du régiment d'infanterie aux Grandes Armoises toujours en moto pour aller plus vite sur les routes encombrées.
16 mai 1940
En passant je vérifiais que mes ordres étaient exécutés. Les compagnies Billotte et Delepierre faisaient leur pleins au nord de Sy, à proximité de l’I.C. 30, où les citernes avaient été amenées par le sous-lieutenant Albert, qui n'avait pas hésité, avec les citernes, à traverser Le Chesne en feu pour amener l’essence à l’heure fixée et au lieu convenu.
Aux Grandes Armoises je trouvais le colonel d'infanterie et un artilleur, nous convîmes rapidement de nos rôles respectifs, mais je ne vis pas le commandant du 43e B.C.C. qui devait suivre le 41e B.C.C.
Je retrouvais les compagnies, il devait être trois heures environ. Une plus tard Delepierre et Billotte et leurs équipages étant mis au courant de l'attaque, nous démarrions. Formation : chef de bataillon, 1ère compagnie, 3e compagnie.
La base de départ, c'est-à-dire le rebord nord-est de la dépression des Grandes Armoises, fut passée par le char du chef de bataillon à l'heure exacte.
La compagnie Billotte se déployait aussitôt à ma gauche et la compagnie Delepierre à ma droite, je continuais sur la route. Chaque compagnie était en formation en A, capitaine en tête, vitesse réglée par le char du chef de bataillon sur lequel s'alignaient les capitaines ; ce fut à ce moment que je démolis le premier char allemand qui était là tout seul, après qu'il m’eut tiré à 200 m à coups de canon (ce devait être un panzer III).
Cette attaque se fit dans les meilleures conditions, tout à fait comme à l'exercice ! Elle fut menée rapidement et une douzaine de minutes plus tard, après avoir tué pas mal de fantassins allemands nous atteignons Stonne.
La compagnie Delepierre (3e), après avoir détruit, par une concentration de tirs au 75, le château d'eau où étaient perchées des armes automatiques et antichar, débordait, conformément aux ordres, par le sud-est pour pousser ensuite une section de reconnaissance sur La Besace.
Simultanément la 1ère compagnie débordait par le nord-ouest et le capitaine Billotte, me coupant la route, entrait le premier dans Stonne. Je marquais alors un léger temps d'arrêt pour regarder derrière et je vis arriver nos fantassins à un millier de mètres derrière nous et avec eux ou devant eux les chars H. Tout allait bien.
J'entrai à mon tour dans Stonne et subitement, après le premier virage, je trouvais nez à nez à 30 m avec une colonne de chars allemands. Je tirais aussitôt le plus possible, sans comprendre ce qui se passait, mon pilote fit de même. Notre char avançait toujours en tirant, les Allemands ne réagissaient plus ; j'en aperçus qui s'enfuyaient des appareils de queue et je vis qu’il y avait là 12 ou 13 appareils dont les premiers étaient des Panzer IV. Les autres m'ont semblé être des Pz III. Billotte passant en vitesse bord à bord avec eux les avaient déjà sérieusement «sonnés » et les Allemands étaient gênés, car ils étaient en colonne serrée sans aucune distance entre les chars.
Me trouvant tout seul et totalement isolé avec les Allemands dans les maisons, je finirai mon pilote dans la première de la droite et je ressortis du village par l'église et le cimetière. Je vis près du cimetière deux chars B en très mauvais état.
Au sud du village les chars H et les fantassins approchaient, je les attendis quelques instants et je regrettais amèrement de ne pas avoir la 2e compagnie de mon bataillon en réserve à ma disposition ; mais elle était restée, par ordre, isolé à 25 km de son bataillon.
Je rentrais alors dans Stonne par l'est en essayant de trouver un point d'observation d'où je pourrais voir les compagnies dans le fond où elles étaient et aussi pour encourager les fantassins, pas mordants du tout.
À ce moment je retrouvais les deux chars B que j’avais vus et je saute et de mon char pour examiner de près les deux corps qui étaient étendus près de l'un d’eux. Ce n'étaient plus que deux cadavres ; les balles claquaient un peu partout, je remontais rapidement dans mon char en notant sur mon carnet les noms (GAILLAC et HAUTVILLERS) ; ces deux chars du 49e B.C.C. étaient tombés d’un à pic de plusieurs mètres à côté du cimetière et de l'église (à l'est).
Ma radio reçut ensuite un message de Billotte me disant que les bois nord de Stonne étaient très fortement tenus par de nombreuses armes automatiques et antichars et qu'il continuait vers l'est en liaison avec Delepierre ; je lui répondis de stopper. Un message reçu de Delepierre peu après signalait que les troupes françaises occupaient les ???? et que La Besace était libre. J'étais ressorti du village et étais venu me mettre à 200 m ou 300 m au sud de Stonne, n'ayant pas trouvé un bon point d'observation en char et ayant la liaison radio. Je remarquai que les fantassins, malgré la présence des Hotchkiss du 45e B.C.C. paraissaient très inquiets et pénétraient, vraiment comme des chiens qu’on fouette, dans Stonne.
La mission du 41e B.C.C. étant terminée, J’en rendis compte par radio à mon PC arrière pour qu'il prévienne la division. Je commandais par radio à Billotte et Delepierre de se rallier à quelque 600 m au sud-ouest de Stonne, à cheval sur la route, mouvement qui fut terminé à 8 heures. Je demandais par radio au capitaine Cornet (PC arrière) de m'envoyer de l'essence au point de ralliement.
Vers 8 heures au ralliement, il ne manquait que le char du sous-lieutenant Hachet qui, en panne entre les Allemands et les Français vers La Besace, réussit à dépanner son char et à rentrer plusieurs heures plus tard, son aide-pilote ayant fait à pied le parcours aller-retour en plein combat. Plusieurs chars portaient des marques de nombreux coups de 37 antichars, sans aucun dommage. Le capitaine Delepierre avait sauté avec son char une carrière de six à sept mètres. Le char a été démoli et incendié, le radio tué.
Vers 10 heures, j'envoyais Billotte neutraliser les lisières des bois (à environ 1300 m nord-ouest de la nationale) d'où partaient des coups de flancs qui inquiétaient terriblement les fantassins qui s'installaient péniblement à Stonne. Puis, moteurs arrêtés, le 41e bataillon resta en surveillance sur Stonne et les bois au nord-ouest qui ne nous inspiraient pas confiance. Les chars Hotchkiss se repliaient peu à peu, probablement pour aller à l'essence, et disparaissaient sur les Grandes Armoises. Nous n'avions aucun ordre.
Vers midi, étant descendus de nos chars pour casser la croûte, ainsi que la plupart des équipages, nous vîmes brusquement les fantassins refluer de Stonne en courant ; nous bondîmes en chars, prêts à intervenir et eux disparurent vers les Grandes Armoises ; ils ne s'étaient même pas arrêtés ; j'avais en vain, assis sur ma tourelle, appelé un lieutenant qui m'avait crié sans s'arrêter quelque chose de parfaitement incompréhensible.
Moteurs en route, armes prêtes, nous attendîmes en vain. Nous avons jamais su ce qui avait mis le bataillon d'infanterie ainsi en déroute, nous ne l'avons plus jamais vu. Dans les bois au nord-ouest de la fusillade s'intensifiait, c'est peut-être simplement ce qui a provoqué la panique de l'infanterie.
Le 41e n'avait plus de fantassins, ni chars Hotchkiss à proximité et toujours pas d’ordre. Pour l'essence baissait, dans mon char il y avait une quarantaine de litres, je commandais par radio d'arrêter les moteurs.
Vers 14 heures, nous vîmes arriver le capitaine Cornet qui, avec des bidons de 50 litres dans les side-cars des dépanneurs et dans les tout-terrains des compagnies, nous apportait environ 50 litres d'essence par char. Les citernes étaient à ce moment à se ravitailler à l'arrière et allaient revenir dans la soirée, le 41e n'avait pas ses tracteurs de ravitaillement.
Les chars reçurent leurs 50 litres alternativement par moitié ; la moitié des chars était en protection pendant que l'autre moitié ravitaillait en pompant avec 3 pompes Japy dans les bidons de 50 litres. Nous étions tout à fait en l'air et ce ravitaillement me parut long. Cornet et les lieutenants d'échelon repartirent aussitôt rechercher d'autres bidons aux camions d'essence qu'ils avaient amenés à quelques deux ou trois kilomètres derrière.
Mais enfin vers 15 heures, le 41e reçut l'ordre de se rallier vers la côte 141 (ouest des Grandes Armoises). Pendant ce mouvement nous fûmes bombardés sévèrement par les avions allemands en piqué, mais sans dommage, que la vexation de ne même pas pouvoir leur tirer dessus, le 41e n'avait aucun support de tir contre avions.
Dès ce premier combat, l'absence de tracteurs de ravitaillement et de moyens antiaériens eût pu être catastrophique.
À la position de ralliement une nouvelle ration des bidons de 50 litres nous attendait, grâce à l'activité de Cornet et des lieutenants d'échelon. Ce mode de ravitaillement pour les chars B est le moins pratique, puisqu'on ne peut pas verser directement du bidon dans les réservoirs. Il faut pomper à la pompe Japy (1 par compagnie est encore non prévue dans les dotations) et c'est éreintant pour les équipages.
Nous étions occupés à cela quand survint le colonel Maître qui, devant témoins, me donna l'ordre verbal de faire filer le bataillon le plus tôt possible vers Savigny sur Aisne (5 km au sud de Vouziers) ou était le PC arrière de la 3e D.C.R. à une quarantaine de kilomètres au sud ouest des Grandes Armoises. Puis le colonel repartit aussitôt. Aucun ordre concernant Gasc toujours à Louvergny.
Il ne restait près de nous à ce moment-là une dizaine de side-cars d’un G.R. en colonne le long de la route, qui démarraient peu après.
Quand, tout à coup, allant sur le tand-sad du motocycliste Auffroy de la 3e compagnie, je vis s'arrêter le long de la route trois petites D.K.W. Allemandes. Nous nous croisâmes bord à bord. Arrivé à la 3e compagnie à quelques 200 m de là, j’alertais aussitôt un char pour utiliser sa mitrailleuse, mais les trois autos avaient disparu, ayant probablement fait demi tour.
Cet incident ne fit constater que, sans le savoir, nous étions encore en première ligne ; je fis placer un char, battant chaque route, chemin ou piste de bois jusqu'à la fin des pleins.
Je réfléchis aussi que les choses devaient aller mal pour qu'on expédie ainsi le bataillon d'un bond jusque derrière l’Aisne, à plus de 40 km de là. Le char du sous-lieutenant Guyhur (MEURSAULT) étant sévèrement avarié, je donnai l'ordre de le faire sauter, ce qui fut fait avant de commencer le mouvement.
Vers 19 heures ne nous mettions en route par Sy, le bois de Sy, où nous vîmes un « bombing » soignée, suivi d'une descente de parachutistes. Nous trouvâmes Brieules sur Bar en flammes. Les routes étaient fort encombrées de gens de toutes sortes, sans aucun poste de circulation, la marche était lente.
Au-delà du cimetière de Brieules, les citernes à essence attendaient comme convenu les deux compagnies du 41e B.C.C. ; les pleins furent faits et quelques coups de pistolet mitrailleur furent tirés sur la colonne sans dommage ; ils furent rapidement muselés par quelques coups de mousqueton d'une patrouille commandée par le lieutenant de Witasse.
Au pont de Savigny le 41e B.C.C. croisa une longue colonne de cavalerie qui avait la priorité ; il attendit pendant 1h30 et n'arriva au stationnement (Bois sud de Savigny) que le 17 mai au grand jour vers 6 heures du matin ; heureusement aucune activité aérienne.
17 mai 1940.
Le personnel se mit aussitôt à l'entretien sommaire des chars malgré la fatigue et le chef de bataillon se rendit aussitôt à l'état-major de la D.C.R.
Je vis le colonel Le Brigand qui me dit que nous ne devrions pas être là, que le 41e était mis à la disposition du 18e C.A. à Dun sur Meuse, où il devrait déjà être.
Je fus complètement interloqué par cette nouvelle.
J'exposais au colonel Le Brigand que personnel et matériel roulaient et combattaient sans arrêt depuis le 13 au soir, que les chars avaient besoin d'entretien et que si le personnel avait un moral remarquable (les équipages étaient « gonflés à bloc » par leur succès de la veille), il avait tout de même besoin de repos ; enfin que l'entretien était commencé et que certains petits démontages devaient avoir lieu et que je ne pourrais partir ainsi instantanément.
Je reçu l'ordre formel de mettre en route au plus tôt en faisant arrêter l'entretien immédiatement.
J'étais fort mécontent des 50 kilomètres inutiles qu'on me faisait faire et je le dis.
Pendant que les compagnies se préparaient au départ arriva la compagnie Gasc qui venait de Marquigny, où elle avait reçu l'ordre de venir à Savigny.
Vers 10h30, la compagnie de tête démarrait, les autres suivaient à 30 minutes d'intervalle. Ce mouvement de 65 km de rocade m'inspirait quelques craintes pour une colonne importante de chars.
Itinéraire : Longwé, Boult aux Bois, Buzancy, Bayonville, Bantheville, Dun sur Meuse ; la route Buzancy – Stenay était interdite.
Je démarrais personnellement en auto vers 12 heures pour aller prendre langue au plus tôt avec le 18e C.A.
A Buzancy « bombing » sérieux ; à Bayonville nombreux camions à munitions explosés sur la route. Je pensais à mes équipages qui devaient suivre en plein jour cet itinéraire certainement très surveillé par l'aviation allemande, absolument seule dans le ciel.
Vers 16 heures, j’arrivais au PC du général Rochard, commandant le 18e C.A. à Dun sur Meuse ; je fus accueilli par ce général d'une façon parfaitement désagréable. Je me vis reprocher de n'avoir pas été là dès le matin, « que les chars étaient toujours en retard quand on avait besoin d’eux » et je reçu l'ordre d'attaquer le soir même au nord de Stenay ! J'étais mis aux ordres du général Lucien, commandant la 6e D.I. Je démontrais calmement, mais nettement, que c'était matériellement impossible. Les chars partant de l'Aisne vers 11 heures ne pouvaient pas être à Stenay en passant par Dun avant 17 ou 18 heures, ayant environ 65 à 70 kilomètres à faire sur des routes passablement encombrées où la circulation n'était pas organisée.
Je reçus du général Rochard l'ordre de faire accélérer la colonne, « chaque appareil marchant à sa vitesse maximum » ; je refusais de transmettre cet ordre mais il me fut réitéré et envoyé aux commandants de compagnie par motocycliste.
En quittant le commandant du 18e C.A., d'accord avec son 4e bureau très compréhensif et actif, je fis préparer un ravitaillement en essence à Milly au dépôt d'essence et j'allais aussitôt me présenter au général Lucien, commandant la 6e D.I.
Je trouvais là vers 17h30 le chef extrêmement compréhensif, très calme, qui comprit parfaitement qu'il était impossible de faire quoi que ce soit le soir même et qui accepta que le 41e B.C.C. fut placé pour la nuit dans les bois au sud de Stenay. Puis nous fîmes ensemble de l'étude de la contre-attaque que le 41e B.C.C. devait conduire vers la Ferté sur Chiers et la grande arrête à l'Ouest. En raison de la forte artillerie allemande en position à cette extrémité de la ligne Maginot (le dernier ouvrage étant celui de La Ferté).
La décision fut prise de contre-attaquer sans préparation d’artillerie le 18 mai après 19 heures seulement, de manière que les observatoires allemands de la rive droite de la Chiers n'aient pas de vue lointaine sur le terrain d'action et que la nuit couvre le retour des chars ; la montée des appareils se ferait dans la journée presque individuellement en utilisant les nombreux couverts. Le bataillon d'infanterie du commandant Le ???? exploiterait l'action des chars du 41e B.C.C. L'objectif était à environ 2000 m de la base de départ, il n'y avait pas de chars légers.
Vers 20 heures, j'étais de retour à Milly, où une dizaine de chars qui venaient d'arriver, avaient terminé leur plein d'essence et d'huile. Je les fis guider par un de mes motocyclistes sur la forêt de Woëvre où j'avais reconnu une zone favorable, en passant au sud de Charmois. Les chars arrivèrent les uns après les autres, les unités mélangées jusque vers minuit. Après cette marche stupide « à tombeau ouvert », il y avait deux ou trois chars par compagnie qui étaient en panne, en outre, un pilote, le sergent chef R ???, à bout de forces, avait raté un virage est sauté le remblai. Le char avait pris feu et lui et le radio étaient morts brûlés. Une compagnie avait été bombardée sans dommage vers Buzancy.
Presque tous les chars en panne réussirent à rejoindre dans la matinée du 18. Mais tous les appareils étaient « sonnés » et les pilotes vidés.
Je prescrivis aux capitaines de laisser les équipages au repos complet jusqu'à midi, le personnel des T.C. assurant le petit entretien.
18 mai 1940
Dans la matinée, reconnaissance du terrain d'attaque par le chef de bataillon et les trois commandants de compagnie de l'observatoire de la cote de Vigneules (ouest de Nepvant), tirs d'artillerie allemande bien fournis. Au retour des officiers, ils trouvèrent les équipages qui mettaient leurs chars au point.
À partir de 16 heures, la montée des chars se fit sans difficulté. Les avions d'observation ennemis n'ayant pas pu repérer une colonne, le bataillon ne subit aucun bombardement ni par avions, ni par canon. La liaison fut prise avec le bataillon Ledrappier et à 19 heures, comme prévu, le 41e partit à l'attaque dans de très bonnes conditions.
Dispositif comme à Stonne.
Chef de bataillon au centre en tête, la 2e compagnie (Gasc) en A à sa gauche, la 3e compagnie (Delepierre) à sa droite en A ; les commandants de compagnie en tête à la hauteur du chef de bataillon. La première compagnie attaquait à environ 500 à 1000 m droite,
Tout se passe fort bien, de nombreuses armes automatiques et antichars furent détruites, ainsi que leur servants. Le capitaine Gasc tombe sur un nid de cinq ou six pièces antichars et de mitrailleuses et détruisait tout en quelques coups de canon bien ajustés . Les lieutenants D ???? et ?????????? tombèrent sur un nid du même genre qui eut le même sort après une lutte sévère à toute petite distance.
Quoique ne pouvant voir la 1ère compagnie à cause de la forme du terrain, je fus constamment parfaitement renseigné par Billotte en phonie et à tous moments il ne cessera de recevoir de même mes ordres.
L’infanterie suivit très vite et très bien avec très peu de pertes, elle avait beaucoup d’allant et était fort bien commandée ; le bataillon Ledrappier étais vraiment une excellente troupe.
Les premiers chars étaient à l'objectif vers 19h30 à l'est, l'infanterie y arriva vers 19h45. Les appareils restèrent sur l'objectif de jusqu'à 20h45 malgré un violent tir d'artillerie, mais je ne voulais pas abandonner les admirables fantassins avant qu'il ne fussent vraiment bien installés.
À 20h45, je passais en phonie à tous l'ordre de rallier (la P.R. avait été fixé à 3 km environ au sud de 01). Vers 21 heures, en nous rapprochant de notre base de départ, nous dîme devant nous un très violent barrage de gros calibre (150 et 210), dans le genre de ceux de la Grande guerre. Il était assez étroit, la compagnie Gasc passa à l'Ouest et la compagnie Delepierre à l'est. Elles n'eurent aucune perte de ce fait, mais par contre le char du capitaine Delepierre (MUSCADET) fut démoli par canon de 47 de l'artillerie française ; il prit feu et explose, l'arme l'ayant traversé. Delepierre assis sur la porte de tourelle fut projeté à trois ou 4 m de là par l'explosion, mais l'aspirant Recoing et l'équipage furent tués. Cette lamentable et inexplicable erreur fut reconnue par les artilleurs eux mêmes et par le général commandant la division qui m'en parla le lendemain.
À 23 heures, à la position de ralliement, il manquait aussi le char du lieutenant Pignot (TARN 1ère compagnie) et le char de l'aspirant Dumont (CHARENTE 3e compagnie). Nul ne savait ce qu'ils étaient devenus. Le bataillon retourna alors la position précédente au sud de Charmois, où les pleins furent aussitôt faits.
Les équipages prirent alors un repos bien mérité. Depuis le 13 au soir, ils avaient eu une demi nuit de repos ! Les chars n'avaient eu qu'un entretien réduit, le plus souvent un graissage des glissières.
Pendant ce temps, sur l'ordre du chef de bataillon, le capitaine Cornet avait fait venir la compagnie d'échelon à Cierges sous Mont, la section d’approvisionnement et de ravitaillement dans les bois d’Aillefontaine , le PC arrière du bataillon était à une grande ferme de l’embranchement de la N. 398 et du V.C. 3 allant à Chemesy. L’atelier avait récupéré les chars en panne grave de l’étape Savigny – Stenay et les réparait.
19 mai 1940
Dans la matinée du 19 mai, pendant que les équipages soignaient leurs chars, l’officier de renseignement du bataillon, le lieutenant Ledrappier de l’état-major du bataillon et des officiers des compagnies, volontaires, allaient aux observatoires et en première ligne pour essayer de savoir où étaient les deux chars disparus. Ils ne trouvèrent rien et ne virent que la carcasse noircie et éclatée du char du capitaine Delepierre.
Pendant ce temps le chef de bataillon allait au Q.G. de la D.I. à B ??on où il apprenait que les allemands avaient effectué une concentration considérable d’artillerie ce matin à 6 heures, que le commandant Ledrappier était tué et son bataillon presque anéanti. Les allemands n’avaient pas réoccupé le terrain et on renonçait aussi à ce pédoncule que personne n’occupait plus.
Le général Lucien, extrêmement satisfait du travail effectué par le 41e, fut particulièrement élogieux et remit au chef de bataillon une lettre de félicitations dans laquelle il demandait au général Buisson d’accorder de nombreuses récompenses au 41e B.C.C.
N’ayant plus d’ordre, le chef de bataillon allait alors au Q.G. du 10e C.A. où il apprenait que le général Rochard avait été relevé de son commandement dans la nuit du 17 au 18 mai et ce fut le général Butey qui reçut le commandant. Il était au courant de l’action du 41e B.C.C. et fut particulièrement aimable. Je lui demandais alors si l’aviation pourrait chercher où étaient nos deux chars disparus, ce qui me fut promis. Puis il me rendit ma liberté ; je lui rendis compte que j’avais l’intention de regrouper tout le bataillon dans la région de Cierges. Il ne fit aucune objection.
Les chars étaient en cours d’entretien, je décidai de rester sur place pendant 24 heures.
20 mai 1940
Le 20, le 41e B.C.C. resta sur place pour faire un bon entretien et je décidai de porter les trois compagnies de combat dans la nuit suivante dans la région de Cierges, à proximité de l’atelier et du PC arrière, ce qui fut fait et je rendis compte au 18e C.A. et à la 3e D.C.R., car je ne savais plus sous les ordres de qui j’étais placé.
21 mai 1940
Le 21 mai au matin, tout le 41e B.C.C. était regroupé en entier autour de Cierges, Elifontaine, Epiniville dans les bois et les fermes ; le travail de remise en état commença aussitôt.
Le colonel ????, nouveau commandant de la 3e D.C.R. vient inspecter le bataillon et à la réunion des officiers et équipages il fut fort élogieux et promit que le bataillon serait récompensé comme il le méritait. Il ajouta que nous devions nous tenir prêts.
Je lui expliquai qu’en plus des chars détruits au combat ou avariés en cours de marche (il y en avait 5 ou 6 à l’atelier), tous avaient besoin d’être vérifiés à plus ou moins longue échéance par l’atelier et que j’avais décidé de laisser en permanence la valeur d’un compagnie à proximité de l’atelier et de conserver 2 compagnies de combat disponibles en totalité. Ceci jusqu’à ce que le 41e ait reçu les chars de remplacement. Ce fut approuvé. La 3e compagnie commença le tour à l’atelier.
22 mai 1940
Le 22 mai au petit jour le bataillon était alerté ; il devait se tenir prêt à intervenir au nord de la route Buzancy – Stenay vers la forêt de Lieuvert au bénéfice de la 4e division coloniale. L’opération vers ??lle – Pouy et Mont-Damion fut étudiée en détail par le chef de bataillon et l’état major de la D.I.C.
Les deux compagnies de combat furent portées par Romagny – Andevanne et ,,,court au bois de la Folie (4 km est de Buzancy) où elles ne pouvaient plus soigner les chars. Le PC avant était vers elles.
Tard dans la soirée, je reçus l’ordre du C.A. (je crois) de préparer rapidement une opération destinée à dégager le colonel d’un régiment d’infanterie coloniale, qui était encerclé au nord est d’Oches vers le Mont du Cygne.
Les deux compagnies furent portées aussitôt dès le début de la nuit dans les bois de la côte 290 au sud de St- ???ment pour être prête à s’engager dès l’aube.
23 mai 1940
Mais après une nuit d’ordres et de contre-ordres, personne et tout le monde commandant, l’opération s’avéra inutile, car les motocyclistes d’un G.R. avaient dégagé ce colonel, d’ailleurs sans aucune difficulté, sans tirer un coup de fusil ! Il y avait d’ailleurs à proximité deux bataillons de chars d’accompagnement !
Et c’est pour cela que le commandant du Corps d’Armée avait alerté le seul bataillon B de la région, suspendant tout entretien et repos, lui faisant faire une vingtaine de kilomètres en vitesse. Cet exemple illustre pleinement les méthodes de commandement et d’emploi des chars de certains chefs et leurs état-majors.
Je comptais replier les 2 compagnies vers Cierges où elles auraient pu travailler au lieu de les laisser à deux ou trois kilomètres des lignes, mais le 41e reçut l’ordre de rester sur place en vue d’intervenir sans délai, le cas échéant, dans la cuvette d’Oches et de faire un barrage antichars là où nous étions. Malgré nos objections, cet ordre fut maintenu. Les reconnaissances d’emploi furent faites par le chef de bataillon et les commandants de compagnie. Sur place les chars furent camouflés, les distances de tir repérées, les tranchées creusées sous les chars, car ils étaient à peine à trois kilomètres des premières lignes, en vue des observatoires allemands du Mont Damion et mélangés aux batteries de 75. Le PC avant du 41e B.C.C. fut établi à Fontenoy.
25 – 26 mai 1940
Je reçus à ce moment des demandes verbales de diverses autorités, mais je n’y donnais aucune suite.
Le capitaine Cornet et et le sous-lieutenant Albert s’occupèrent très bien du ravitaillement et gardèrent le contact avec la 3e D.C.R. dont le 4e bureau voulait déplacer la compagnie d’échelon du 41e, mais je m’y opposais pour que l’atelier puisse terminer les travaux entrepris.
Dans l’après-midi du 26, le 41e B.C.C. reçut l’ordre de se porter la nuit suivante dans la région de Sivry (4 km sud sud-est de Buzancy. La reconnaissance fut faite aussitôt et sans autre difficulté qu’un embouteillage dans la traversée de Buzancy, les deux compagnies arrivaient vers 3 heures du matin dans les bois nord est de Sivry les Buzancy.
Les deux compagnies du 41e avaient passé 3 jours à cette lisière des bois de Fontenoy sans aucune utilité et sans pouvoir ni entretenir sérieusement les chars, ni faire reposer le personnel.
27 mai 1940
Les compagnies stationnèrent sur place, le chef de bataillon s’en fut au PC arrière à Cierges pour régler diverses questions administratives.
28 mai 1940
L’ordre de retour du 41e B.C.C. à la 3e D.C.R. arriva. Le 41e B.C.C. devait retrouver le colonel Maître et le 49e B.C.C. à la forêt de Boult, à l’est de Boult aux Bois ; la C.E. était maintenue à ma demande, provisoirement à Cierges pour un jour ou deux.
Le mouvement des compagnies se fit dans la nuit du 28 au 29 par Thenorgues et Briquenay sans incident.
29 mai 1940
A 3h30, alors que je revenais chercher le PC Arrière à Cierges et donner des ordres à l’atelier après m’être rendu compte de l’avancement des travaux en cours, je reçus l’ordre m’affectant à l’Etat-Major d’ARMEE que je devais avoir rejoint le jour même avant midi.
Je fus atterré ; je passais le commandement au capitaine Cornet, rédigeai un ordre du jour à mes subordonnés et je dis au revoir à ceux qui étaient à Cierges, car j’espérais revenir bientôt à mon bataillon, ayant fait rapporter l’ordre.
Le général Buisson eut la bonté de téléphoner au G.Q.G. pour demander que je reste à la tête du 41e B.C.C., mais la Section du personnel fut inflexible et je dus abandonner tout espoir de retourner à mon bataillon. Le général Buisson me promit que le fanion du 41e aurait bientôt une palme pour ce qu’il avait accompli sous mon commandement et je quittai bien tristement la 3e D.C.r. pour m’en aller vers le G.Q.G.
IIe PARTIE
31 MAI AU 16 JUIN 1940
Le 41e bataillon fait mouvement vers Grandpré, P.C. du bataillon (ferme de Marbançon, 2 kilomètres sud de Grandpré), à l'exception des 1ère, 2e compagnies et de l'atelier qui restent à leur stationnement antérieur.
1er juin 1940
Les 1ère et 2e compagnies et leurs PC s'installent dans les bois nord-est de Talma. La C.E. et l'atelier à Marcq. Avec les chars réparés grâce au stationnement maintenu à Cierges pendant quelques jours, les trois compagnies peuvent être alignées à 7 chars chacune et il y a encore 3 ou 4 chars en réparation.
2 au 6 juin 1940
Repos, entretien et attente.
Nuit du 6 au 7 juin 1940
La 3e D.C.r. fait mouvement vers l'Ouest. Le 41e B.C.C. stationne dans les bois est de Bemont (25 km).
7 juin 1940
Réorganisation par la 3e D.C.R. Le 41e B.C.C. est porté à 36 chars, recevant une dizaine de chars du 49e (mais quatre ou cinq chefs de chars seulement et quelques pilotes), le 49e B.C.C. étant renvoyé à l'intérieur en attendant de nouveaux chars. Le capitaine Delepierre devient chef de l'état-major du 41e bataillon. Le lieutenant Fajeau prend le commandement de la troisième compagnie.
Nuit du 7 au 8 juin 1940
La 3e D.C.R. change son dispositif, le 41e B.C.C. a stationné à l'est de Semides (8 à 12 km).
Journées des 8 et 9 juin 1940
Des reconnaissances sont faites pour une opération vers Vouziers. Les PC sont à Saint-Morel, la C.E. à Marcq où le 9 elle est sévèrement bombardée. Le sous-lieutenant Albert est tué, 11 camions et camionnettes sont détruits ; les dégâts sont ainsi limités dans un esprit de devoir de tous.
Nuit du 9 au 10 juin 1940
Déplacement vers l'ouest de la 3e D.C.R. Le 41e B.C.C. stationne dans les bois nord-ouest de Caurot vers la côte de 141 (20 km). Les PC et la C.E. font mouvement de Saint-Morel à la ferme de Cufigny.
Journée du 10 juin 1940
La 3e D.C.R. doit attaquer vers l'Ouest, partant de Bignicourt :
01 – R.N. 51 – Rethel – Reims
02 – P.C. 23 Roizy – Avançon
03 – Aisne à Asfeld la Ville
Mais cette attaque est réduite à 17 heures à une section de dégagement de Perthes et de la région immédiatement au sud. Cela réussit, les défenseurs de Perthes sont dégagés ; au 41e 5 ou 6 chars avec leur équipages sont démolis.
À 20h30 l'ordre de ralliement est donné. La progression du 41e a été depuis le matin d'une vingtaine de kilomètres à travers champs, terminée par l'attaque de Perthes.
Nuit du 10 au 11 juin 1940
Les compagnies de combat gagnent un stationnement à 3 km de sud-ouest de Cauroy, qu'elles atteignent au petit jour, 20 km. La C.E. est porté de Cufigny à Thibie. (8 km de Châlons-sur-Marne).
Journée du 11 juin 1940
Mouvement en plein jour du 41e B.C.C. de Cauroy à la ferme de Moscou (35 km).
À la ferme de Moscou dans la soirée, après compte-rendu de l'état des chars, il est constitué 2 groupes :
1er groupe : capitaine Billotte : les 15 chars qui sont encore en bon état et peuvent manœuvrer et combattre.
2e groupe : capitaine Gasc : 13 chars en mauvais et très mauvais état, inaptes au combat dans les conditions normales.
Au soir, le groupe Billotte est porté sur Vaudesincourt pour contre-attaquer vers Saint-Martin l’Heureux, mais cette opération est décommandée.
Le groupe Gasc reçoit l'ordre de gagner la Marne à Pogny.
Nuit du 11 au 12 juin 1940
Le groupe Gasc, dont un tiers des chars est en remorque suit l'itinéraire Suippes, Saint-Étienne au Temple, Marson, parmi une circulation totalement anarchique.
Le groupe Billotte couvre la retraite de Vaudesincourt à Suippes.
La C.E. fait mouvement (ordre 3e D.C.R.) de Thibie à Saint-Rémy de ??mont
Journée du 12 juin 1940
A) le groupe Gasc continue sa marche pénible et arrive vers 16 heures au carrefour G.C. 79 – R.N. 4 qui est tenu par quelques allemands. Embouteillage indescriptible, personne ne fait rien pour déloger les Allemands. L'adjudant chef Barbier avec son char marchant à peine attaque aussitôt arrivé, dégage le carrefour et reste en protection tout le temps du passage des chars du groupe Gasc et d'innombrables gens en retraite s'empressent de passer.
À 19 heures le général de Lattre de Tassigny donne l'ordre au capitaine Gasc de défendre les ponts de la Marne avec :
2 chars à la chaussée sur Marne
3 chars à Vitry la Ville
1 char à Vésigneul
1 char à Pogny sur Marne
3 chars (les meilleurs) au sud-est de Coolus, en protection face de Châlons-sur-Marne.
Enfin 3 chars qui ne peuvent plus bouger défendent les carrefours de route.
À 20 heures les 2 chars du pont de Pogny sont violemment attaqués, l'adjudant chef Courtois et son pilote Cancel détruisent cinq blindés allemands. Quelques minutes plus tard leur char est détruit par une pièce d'artillerie allemande, Courtois et son équipage sont tués. Le même sort est réservé au lieutenant Homé, le lieutenant Clouet est grièvement blessé, mais les Allemands ne passent pas la Marne.
B) groupe Billotte (le capitaine Cornet, commandant le 41e B.C.C. est resté avec ce groupe). Au matin les chars forment barrage antichar dans les bois nord de la ferme de Piémont, à cheval sur la route Suippes - Chalons. À midi, ils repoussent une attaque de blindés allemands venant des Bois Longs. Puis le groupe se porte sur ordre au Petit Haricot et de là aux Ouvrages Blancs pour y aider l'infanterie de la 14e Division, mais cette dernière est partie.
Ces 15 chars B vont rester seuls pendant sept heures, loin de tout élément. L'ennemi est obligé de desserrer son étreinte, ce qui permet d'échapper à la 3e D.C.R., le 7e D.I.M., la 3e D.I.M. et quelques unités de la 14e D.I. et de très nombreux autres éléments. Mais à 19 heures, quand le groupe cherche à gagner le sud vers Vadenay, il est pris dans une véritable nasse d'armes antichars et de canons (plus de 50 armes par kilomètre) et après trois quarts d'heure de combat, le groupe est anéanti, la plupart des chars explosent, les équipages décimés ne peuvent échapper à leurs milliers d'adversaires.
Le capitaine Cornet est tué en brave à 30 m des armes allemandes et beaucoup d'autres avec lui, Levasseur, Carmier etc.….
C) La section de ravitaillement, par ordre de la 3e D.C.R. a été poussé à Trépail où elle a attendu en vain jusqu'à 21 heures sans trouver, et pour cause, personne du 41e B.C.C.
Nuit du 12 au 13 juin 1940
A) Le groupe Gasc reste sur place sans difficulté, les Allemands ne poussant pas.
B) Le groupe cornet – Billotte a disparu
C) Les PC font mouvement vers Saint-Rémy de Bouzemont. La section de ravitaillement ravitaille moitié vers Cuperly, moitié vers Vitry la Ville (Gasc). A la Cheppe elle trouve 3 chars du 41e, du groupe Billotte probablement, qui ont réussi à traverser les Allemands.
Journée du 13 juin 1940
Groupe Gasc. À 12 heures face aux ordres du colonel commandant le 206e R.I. ; des chars sont resserrés entre Mairy et Coolus. Les Allemands n'insistent pas.
Nuit du 13 au 14 et journée du 14 juin 1940
Groupe Gasc. À 0 heure reçoit l'ordre de se replier en servant d'arrière-garde au 206e R.I.
itinéraire : Ecury à Soudé, Poivres, Mailly, Allibaudières, Arcis sur Aube, Nozay.
Le mouvement s'effectue à l'extrême ralenti, avec d’innombrables à-coups, ce qui achève les chars du point de vue mécanique. Le capitaine Gasc est obligé d'en faire sauter quatre vers Poivres.
Les motocyclistes Allemands font leur apparition. À la tombée de la nuit le groupe atteint Allibaudières.
C.E. et P.C. font mouvement de Saint-Rémy de Bouhemont à Vandemandre (forêt du Grand Orient), où les rejoint le 14 le capitaine Delepierre et l'état-major du bataillon, qui se sont attardés pour avoir des renseignements sur le sort du groupe Cornet - Billotte.
Nuit du 14 au 15 et journée du 15 juin 1940
Le groupe Gasc, continuant son mouvement arrive près d’Arcis sur Aube vers une heure du matin, là, énormes embouteillage, les Allemands occupent le carrefour I-C 71 I-C 56 R.N. 77. Le capitaine Gasc fait descendre une mitrailleuse de chaque char et des chargeurs et une partie des équipages à pied, faisant un feu d'enfer, réussissent à ouvrir la route en pleine nuit. Les chars passent derrière eux, ainsi que des fantassins et des tirailleurs.
Le capitaine Gasc réitérera cette manœuvre. Un des chars en panne sera incendié.
À trois heures, il reste 6 chars qui ont franchi l'Aube. Mais 2 sont en remorque et un troisième n'a plus d'huile. Ils arrivent quand même à Nolay où le colonel, commandant le 206e R.I. de l'ordre de les laisser sur place à la garde du village ; un char qui se déplace encore et poussé au pont de Viâpres.
Dans la matinée, les Allemands attaquent, ils sont repoussés mais un char est détruit.
Le moral des survivants du 41e B.C.C. reste bon.
À 19h30, toutes les troupes d'infanteries sont repliées vers la forêt du Grand Orient ; la mission est terminée ; il ne reste plus qu'un char presque en état de marche, les 4 autres sont incendiés après mise hors d'usage de l'armement, à l'exception des mitrailleuses qui sont emportées.
Le capitaine Gasc forme son détachement composé de quatre ou cinq officiers et d'une trentaine de sous-officiers et d'hommes de troupe, un char et deux tracteurs de ravitaillement ; il se met en route vers Voué et Monsuzain.
Entre Voué et Monsuzain, les Allemands barrent la route, le capitaine Gasc donne l'ordre de foncer, le char B de l'adjudant chef Maréchal sur la route, un tracteur muni des mitrailleuses de chaque côté à 50 mètres, le détachement armé de mitrailleuses attaquera derrière.
Ce qui fut exécuté par tous.
Mais il y avait une nuée d'armes antichars et automatiques allemandes. Le canon de 75 du char est bloqué, le char prend feu, Maréchal et son équipage sont tués, les tracteurs sont démolis, le personnel tué, le groupe à pied lutte et tire encore, le capitaine Gasc est grièvement blessé, la moitié des hommes du détachement sont tués ou blessés, les chargeurs de mitrailleuse se raréfient.
Quelques minutes plus tard d’innombrables Allemands submergeaient les rares survivants. Ils furent d'ailleurs parfaitement corrects et un officier allemand exprima son admiration à l'adjudant Chavillot.
Ainsi que le groupe Cornet - Billotte le 12 et le 13 juin, le groupe Gasc a disparu le 15 en luttant jusqu'au bout, à pied quand il n'eût plus de char.
C.E. et P.C.
Toujours sur ordre de la DCR, cet échelon se repliait de Vandemanche par Vendoeuvre et l’Abbaye de Clairvaux sur Laferté sur Aube, où il est le 15 vers 11 heures.
Il en repart aussitôt élu par Louesme, Lennelay , Origny, Saint-Marc sur Seine, il parvient à Villaines en Duesmois à 23 heures
Nuit du 15 au 16 et journée du 16 juin 1940
Le détachement P.C. C.E. repart vers deux heures du matin pour Saint-Germain de Maudéon (ordre du colonel Maître), passe à proximité de Montbard, à Semur, à Précy sur Thil et arrive à Saint-Germain de Modéon (14 km ouest de Précy) vers 7h30.
Un élément égaré conduit par l'adjudant Cathe atteint Saulieu, où il rencontre le colonel Maître qui lui intime l'ordre de regagner Saint-Germain. Saulieu est libre vers neuf heures. Ces quelques véhicules bons hier et qui remontent à Saint-Germain. Dès qu'il sait cela le capitaine Delepierre se précipite en auto pour le colonel maître, mais ne le trouve pas. Il cherche en vain et vers midi revient au bois de Saint-Germain de Modéon où l'échelon du 41e doit recevoir les ordres du colonel Maître.
Rien ne vient, si ce n'est les motocyclistes Allemands qui foncent vers Saulieu. Le lieutenant de Witasse et d'autres officiers du bataillon en moto cherchent un itinéraire libre, mais là aussi, motos et autos blindées allemandes sillonnent tous les chemins.
À 17 heures, le capitaine Delepierre donne l'ordre d'incendier tous les véhicules, ce qui fut fait et à partir de 19 heures il donne l'ordre aux gradés et chasseurs de s’égailler par petits groupes pour échapper.
Les fanions furent enterrés par les lieutenants Dardenne et Ledrappier en accord avec le capitaine Delepierre. À peine avaient-ils terminé et se concertaient pour savoir sur quelle direction partir que jaillirent les Allemands à pied. Les lieutenants Dardenne et Ledrappier réussirent à sauter dans le taillis et s'échappèrent sous les balles, les autres furent faits prisonniers.
Le détachement arrière disparaissait à son tour.
Le sacrifice total du 41e bataillon de chars était consommé, personne n'a jamais flanché, tous ont fait leur devoir jusqu'au bout, la confiance mutuelle des cas et des hommes restait intacte jusqu'à la fin.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
Journal des marches et opérations du
40e Bataillon de Chars de Combat
16 novembre 1939
A zéro heure : constitution du bataillon 40 sous le commandement du chef de bataillon DELOYE.
État-major :
Capitaine WALMBAUM chef d'état-major
Lieutenant AUBRY adjoint technique
sous-lieutenant ORY officier de renseignements
adjudant chef RAMEAU officier des détails
adjudant PARISON adjudant secrétaire
sergent THUILLIER sous-officier conducteur
Première compagnie de combat
Capitaine GUILLOT commandant la compagnie
sous-lieutenant De SCHLUMBERGER commandant la 1ère section
aspirant RENARD commandant la 2ème section
aspirant PESQUES commandant la 3ème section
sous-lieutenant FAURE commandant la 4ème section
Lieutenant GONNARD commandant la section d'échelon
Sergents-chefs Van GANSEWINKEL - MELINE - MOUGEAR - BAINVILLE - SCHMITT - EGUETHER - CHRISTIN - BRAN
Sergents MAYOT - HEIMANN - DAVID - GODET - GASSER - TASCHANZ - MILLARD
Deuxième compagnie de combat
Capitaine COUE commandant la compagnie
Lieutenant MICHEL commandant la 1ère section
Lieutenant GAULARD commandant la 2ème section
sous-lieutenant NICOLAS commandant la 3ème section
aspirant RECHOU commandant la 4ème section
Lieutenant ENTRINGER commandant la section d'échelon
Sergents-chefs GAIRE - VOIRIN - De MULLENHEIM - BUCZAZZER
Sergents LOUIS - BUFFET - BOURLES - CABARET - TREVUX - GOUROUX - JACQUINOT - MALHERBE - PIERRE - SIRAND - PUGNET - GEORGES
Troisième compagnie de combat
Lieutenant QUIGNARD commandant la compagnie
Lieutenant FAGUER commandant la 1ère section
Sous-Lieutenant SOUCHIER commandant la 2ème section
sous-lieutenant GANNE commandant la 3ème section
aspirant CHAVANNE commandant la 4ème section
Lieutenant Van HEEMS commandant la section d'échelon
Sergents-chefs ADMANT - BOURCE - HANDSCHUMACHER - SCHERDER - BONNING
Sergents ADRIAN - BELGY - BERTRAND - BICHE - FERRY - FRANCOIS - MERCIER - MICHEL - RIBLE
Compagnie d'échelon
Capitaine PEROL commandant la compagnie
Lieutenant DALLEMAGNE commandant la section atelier de dépannage
Lieutenant BERSON adjoint au commandant de la section atelier de dépannage
lieutenant JALARD commandant la section de ravitaillement -approvisionnement
adjudants FRERE - MAIRE
Sergents-chefs BIZELDEAU - KEMPF - LACROIX - LAGE - LAMAZE - THOMAS QUILLET
Sergents De GARGOUET De RAULEON - DUVAL - ESSWEIN - GAUDELETTE - GEYER - HAAS - HUMBLOT - KOPP - LOEFFLER - LANTHEAUME - OTT - POPULUS
16 novembre 1939
Le bataillon qui a quitté Nancy le 13 novembre est déjà installé au camp de Meucon (Morbihan) avec le bataillon de manœuvre 42 (commandant VIVET).
17 novembre 1939
Le bataillon procède à son installation.
18 novembre 1939
Et aménage ses cantonnements.
19 novembre 1939
Dimanche : quartier libre
22 novembre 1939
Départ du détachement chargé de la perception des véhicules à Versailles et Vincennes.
23 novembre 1939
Arrivée au bataillon du médecin sous-lieutenant RIOU
23/25 novembre 1939
Continuation des travaux d'aménagement
26 novembre 1939
Arrivée à 16 heures du détachement parti le 22, avec les véhicules suivants :
3 voitures de tourisme Peugeot 402
2 camions dont 1 porte-machines-outils et un camion atelier
2 camions de 3t. 5
3 trois camions de 1t. 5
1 camionnette sanitaire
8 motos side-car
6 décembre 1939
Visite d'inspection du général CHANBIS, inspecteur des formations de chars du territoire, accompagné du colonel MASSARD commandant le groupe des dépôts de chars de la 11e région.
8 décembre 1939
Alerte " priorité DCA Morbihan ", signal reçu à 11h04. Le bataillon prend ses emplacements de défense passive. Fin d'alerte à 11h15.
18 décembre 1939
Le 40e B.C.C. est prend en compte la dotation en matériel qui lui est assignée, à savoir :
33 chars F.T. et cinq chars légers modèles et H 1939.
Ce matériel débarqué à l'arsenal de Vannes, gagne le camp de Meucon par la route sur chenilles.
19 décembre 1939
Visite d'inspection des installations des bataillons de chars 40 et 42 par le général de division DEBAILLEUL, commandant la 11e région.
28 décembre 1939
Le Lieutenant DALLEMAGNE, commandant la deuxième section de la compagnie d'échelon est mis en affectation spéciale au Canada.
29 décembre 1939
Le Lieutenant BERSON reçoit le commandant de la section atelier dépannage et le Lieutenant ENTRINGER de la deuxième compagnie prend les fonctions d'officier adjoint au commandant de la section atelier - dépannage. Le Lieutenant MICHEL prend le commandement de la section d'échelon de la deuxième compagnie.
20 janvier 1940
le Lieutenant GAULARD prend le commandement de la première section de la deuxième compagnie de combat. Le Lieutenant VILLAUME, muté au 40e B.C.C. reçoit le commandement de la deuxième section de la deuxième compagnie de combat.
7 février 1940
Remise à la deuxième compagnie (capitaine COUE) de son fanion aux armes de Lorraine et défilé de la compagnie à l'issue de la cérémonie.
29 février 1940
Visite d'inspection du général STEHLE, directeur de l'infanterie en présence du colonel MASSART commandant le groupe de dépôts de chars de la 11e région. Présentation du bataillon et du matériel au général.
5 avril 1940
Le bataillon quitte le camp de MEUCON et s'installe aux cantonnement d'Elven (10 km est du camp de Meucon). La première compagnie de combat (capitaine GUILLOT) s'installe au château de Kerboulard (5 km d'Elven sur la route de Vannes).
26 avril 1940
Arrivée à Elven du détachement parti le 22 avril 1940 pour percevoir à Versailles, Vincennes et Poissy, le matériel-véhicules ci-après :
5 camionnettes Citroën 1t 5
10 camions Renault 5t
1 camionnette à viande Renault 1t 5
3 camions citerne 5000 l Berliet-Diesel
20 motos side-car René Gillet
16 mai 1940
Le bataillon reçoit l'ordre de se tenir prêt à partir à compter d'aujourd'hui même.
18 mai 1940
Départ du bataillon d'Elven
Premier train de Vannes 13h47. Deuxième train de Vannes 19h47.
Adieux du colonel MASSART, commandant le groupe de dépôts de chars de la 11e région.
19 mai 1940
Arrivée du premier train à Versailles-Matelot à 8h30 du matin. Deuxième train à 13h30. Le bataillon, immédiatement après son arrivée, s'installe aux fermes du Grand et Petit Villetin, commune de Saclay. Il perçoit dans cette journée 25 chars R 35 et R 40, ainsi que plusieurs véhicules automobiles.
20 mai 1940
Le bataillon complète sa dotation en matériels chars et véhicules. Il reçoit dans la soirée l'ordre de faire mouvement. Il se porte sans délai dans la forêt de l'Isle-Adam (carrefour du Tremble) où il arrive vers quatre heures du soir.
21 mai 1940
Le bataillon séjourne toute journée dans cet endroit. Il y passe aussi la nuit.
22 mai 1940
Le bataillon est rattaché à la 2e division Cuirassée commandée par le colonel PERRE. Il reçoit l'ordre à 12 heures d'avoir à se porter immédiatement dans la forêt d'Halatte au nord de Fleurines. Il arrive sur cette position vers 19h30 et en repart à 20h30. Il franchit Pont-Sainte-Maxence sur l'Oise à 21 heures. Il arrive vers 23 heures dans la forêt de Rémy à l'est d'Estrée-Saint-Denis où il prend au complet position de bivouac.
23 mai 1940
Le bataillon se déplace en entier sauf le TRA à destination de Gury. Départ à 14 heures. Arrivée vers 18 heures. Les échelons de combat et les T.C. Park à 21 heures dans la direction de Roye qu'ils atteignent entre 3 et 4h30.
29 mai 1940
Le bataillon dès son arrivée à Roye prend ses positions de combat dans les groupements tactiques de la 2e D.C.r.
le 1er groupement tactique commandé par le chef de bataillon GIRIER reçoit mission de marcher dans la direction de Villers-Carbonel et d'amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Brie. La 2e compagnie du 40e B.C.C. (capitaine COUE) fait partie du 1er groupement tactique. Le 2e groupement tactique commandé par le chef de bataillon DELOYE du 40e B.C.C., reçoit l'ordre de marcher dans la direction de Licourt et d'amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Saint-Christ-Briost. La 3e compagnie du 40e B.C.C. (Lieutenant QUIGNARD) fait partie du 2e groupement tactique. Le 3e groupement tactique commandé par le capitaine MARCILLE reçoit mission de marcher en direction de Nesles-Morchain et de livrer à l'infanterie les têtes de pont de Bethencourt et de Pargny. La 1ère compagnie du 40e B.C.C. (capitaine GUILLOT) fait partie du 3e groupement tactique. Chacun des groupements tactiques comprend, outre les compagnies R 35, R 40 du 40e B.C.C., des chars B, des chasseurs portés du 17e chasseurs, des canons de 47 et les éléments d'artillerie tractée (105). Le dispositif est en place à 5h30 et se met en marche à 6 heures.
Opérations des différents groupements
Le 1er groupement passe sans incident Fouchette - Liancourt - Omécourt - Marchelepot. C'est à partir de cette localité que la résistance ennemie se révèle. Néanmoins le groupement n° 1 continue son mouvement jusqu'à Villers-Carbonel où la résistance ennemie se fait très forte. Les chars B ne marchant pas en premier échelon, les chars de la 2e compagnie du 40e B.C.C. reçoit les premiers et plus durs chocs. Par leur action le village de Villers-Carbonel est livré au 17e chasseurs portés sans aucune perte pour celui-ci. Les chars et des chasseurs poursuivent quelque temps leur avance vers le nord et vers le pont de Brie, mais l'infanterie s'étant arrêtée à Villers-Carbonel, les chars se replient vers Marchelepot. Dans cette attaque, 2 chars, celui de l'aspirant RECHOU et celui du caporal-chef ECLIN, atteints par armes antichars ennemies restaient à Villers-Carbonel.
L'aspirant RECHOU porté disparu le 24, réussit à rejoindre le 25.
2e groupement. Un seul char B marche avec ce groupement est encore n'a-t-il que 200 l d'essence. La colonne passe sans incident Canepuis, Gruny, Cremery, Etalon, Curchy, Breslancourt, Pertain. À ce moment le char B est retardé par une erreur de direction vers Morchain. À Licourt le GRD 34 signale qu'il a aperçu de nombreux éléments se replier. C'est à partir de cette localité que l'avance de se fait pénible. Cependant la 3e compagnie pousse jusqu'au pont de Saint-Christ-Briost par Cizancourt et permet au 17e chasseurs de s'y installer. Malheureusement, les fantassins qui devaient aller relever les chasseurs ne sont pas venus ; le 2e groupement tactique doit se retirer vers Licourt. La 3e compagnie du 40e B.C.C. prend sa position de repli à Omiécourt. Au cours de cette attaque, le char B en panne d'essence est resté à Saint-Christ-Briost et la section de l'aspirant CHAVANNE a disparu.
Le 3e groupement tactique passe sans difficulté Champion, Retrouvillers, Nesles et Mesnil-le-Petit. Il subit les premières réactions de l'ennemi vers Potte et avance vers Morchain. La réaction de l'ennemi est si vive de ce côté que les chars de la 1ère compagnie du 40e B.C.C. suivis par les chars B ne parviennent pas à emmener les chasseurs au-delà de Morchain ; 3 chars de la 1ère compagnie restent sur le terrain (capitaine GUILLOT, sergent chef CHRISTIN, caporal-chef ROLLIN). D'un seul char l'équipage a pu se sauver et cet équipage repartira volontairement à l'attaque le soir même. La nuit, une seconde attaque est montée, commandée par le chef de bataillon MASSENA du 48e B.C.C. avec deux chars B, une section de chars de la 1ère compagnie du 40e B.C.C. (aspirant RENARD) et une section de remplacement du 40e B.C.C. (Lieutenant ORY). Elle parvient à amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Pargny.
25 mai 1940
La section de remplacement de la CE, sous les ordres du lieutenant ORY et la section de la 1ère compagnie (aspirant PENARD) terminent et mènent à bien leur mission commencée la veille sur la tête de pont de Pargny. Dans la nuit du 24 au 25 mai 1940, la 2e compagnie est également au travail ; elle attaque avec succès sur Licourt et parvient à y amener l'infanterie. Dans la journée, le PC de bataillon est installé à Liancourt ; les échelons de combat de la 1ère compagnie s'installent à Cremery ; ceux de la 2e et ceux de la 3e compagnies sont dans les bois entre Cremery et Etalon. Les échelons TT les compagnies doivent se trouver à Fonche-Fonchette. Le soir à la nuit tombante 2 sections (Lieutenant De SCHLUMBERGER et PESQUES) de la 1ère compagnie sous le commandement du lieutenant GONNARD attaquent en direction de Saint-Christ-Briost qui a été réoccupé par l'ennemi ; ils parviennent, avec l'aide des chars B à y ramener l'infanterie française.
L'aspirant PESQUES est blessé à la main par la porte de tourelle. On doit l'évacuer. À la même heure, l'aspirant RENARD de la 1ère compagnie a eu un accident de side et s'est cassé la jambe. Remarque : le capitaine WALBAUM, assurant les liaisons entre le PC et les compagnies de combat, et voulant d'autre part s'efforcer de retrouver la section CHAVANE disparue la veille, ne reparaît plus. Il avait quitté le lieutenant FAGUER à 10h10 à Omécourt, lui disant qu'il partait en side dans la direction nord-ouest.
26 mai 1940
L'état-major, les 1ère et 2e compagnies de combat sont mis à disposition de la 19e D.I. La 3ème compagnie de combat est rattachée à la 4e D.I.C. En conséquence, les éléments avancés du bataillon font mouvement dans la soirée du 26 au 27.
L'état-major établit son PC à Chaulnes. La 2e compagnie dans les bois au sud de Marchelepot. Au cours de l'exécution de ce mouvement de jour, la 2e compagnie essuie un violent bombardement aérien (une centaine de bombes au nord-est de Chaulnes) mais sans pertes. Les éléments sur chenilles des deux compagnies sont stationnés à Fonches. La 3e compagnie gagne sans incident Moreuil au cours d'un déplacement de nuit et est rejointe par tous les éléments. Une équipe légère de l'atelier (sergent Binet) est mise à la disposition de la 3e compagnie. Le gros de la CE demeure à Gury.
27 mai 1940
Aucun engagement n'est n'est à signaler pour l'ensemble. Seule une section de trois chars de la 2e compagnie sous les ordres du lieutenant MICHEL est requise par l'ID 19 pour opérer contre des infiltrations ennemies à l'est de Misery (côte 76). Les Allemands se sont repliés à son approche et la section rentre sans incident.
28 mai 1940
A trois heures du matin la 1ère compagnie attaque sur Saint-Christ-Briost avec deux sections commandées par le lieutenant De SCHLUMBERGER ; elles arrivent avec l'infanterie jusqu'au pont de Saint-Christ-Briost. Après le combat, la 1ère compagnie se regroupe à Dreslincourt. Les équipages qui ont manoeuvré continuellement depuis le départ de Versailles sont très fatigués. L'état du matériel réclame un entretien urgent. La 2e compagnie demeure dans les bois au sud de Marchelepot où elle est soumise de temps à autre à des bombardements d'artillerie et se trouve sous le feu des mitrailleuses ennemies. Le capitaine COUE est légèrement blessé au front par un éclat. La 3e compagnie soutient une importante attaque sur la poche sud de Corbie. Base de départ : lisière nord de Villers-Bretonneux. Elle doit amener un premier bataillon d'infanteries aux lisières de Fouilloy, puis aller chercher un second bataillon et l'amener aux lisières d'Aubigny. La première partie de l'attaque n'est qu'un demi-succès, l'infanterie qui avancé est clouée au sol par l'artillerie ennemie et n'arrive pas à suivre les chars qui, quatre fois, sont allés les rechercher. La seconde partie de l'attaque est par contre menée avec succès, l'infanterie ayant bien suivi. Au cours de cette attaque, les chars ont été soumis à un tir nourri et précis d'armes antichars ennemies, 7 épiscopes ont été brisés, mais tous les chars ont bien rempli leur mission et ont gagné au complet leur position de regroupement dans le bois de Blangy. Seul le lieutenant QUIGNARD, commandant la 3e compagnie, a été blessé à la face par un violent choc dû à l'action d'un projectile ennemi sur un épiscope.
29 mai 1940
La 1ère compagnie se repose et commence l'entretien de son matériel à Dreslincourt. La 2e compagnie est en position d'attaque dans les bois au sud de Marchelepot. La 3e compagnie regagne Moreuil au cours d'une marche de nuit. Dans la nuit du 29 au 30 mai, la 1ère compagnie gagne un nouveau point de stationnement : Warvillers.
30 mai 1940
La 1ère compagnie entretien son matériel à Warvillers et se déplace au cours de la nuit jusqu'à Vrely. Dans la nuit du 30 au 31 mai, la 2e compagnie gagne un nouveau point de stationnement : Beaufort-en-Santerre.
31 mai 1940
Le PC du bataillon s'installe à Beaufort-en-Santerre. Les compagnies font l'entretien de leur matériel. La 1ère compagnie à Vrely, la 2e compagnie à Beaufort-en-Santerre, la 3e compagnie à Moreuil.
1er juin 1940
Entretien est mise en état du matériel. Au cours de la nuit les échelons de combat de la 1ère compagnie quittent Vrely pour se rendre à Hallu. Les échelons de combat de la 2e compagnie quittent Beaufort-en-Santerre pour se rendre à Chaulnes. Les échelons de combat de la 3e compagnie quittent Moreuil pour se rendre à Guerligny. Le PC du bataillon est installé à Chaulnes. Les chars sont embarqués sur porte chars à Guerligny. Les échelons de combat se portent alors dans la forêt de Arguel au nord-est de Sénarpont (sur Bresles). Les échelons tous terrains et l'élément avancé de dépannage se portent sur la forêt d'Arguel. Le centre de livraison avancé (essence et munitions) fait mouvement sur la Haute-Forêt d'Eu. Le TRA dans la direction de la Basse-Forêt d'Eu. Le PC est installé au château de Sénarpont.
3 juin 1940
Entretien du matériel. Dans la nuit, les échelons de combat se portent aux positions d'attente. La 1ère compagnie ouest de Rogeant, la 2e compagnie région de Bellavesnes, la 3e compagnie région boisée nord d'Ercourt. Les échelons TT des trois compagnies de combat, les éléments de dépannage : région de Courtieu.
4 juin 1940
Le PC du bataillon est installé auprès de celui de la 39e D.I. et du GBC à Grébault-Mesnil. La 3e compagnie est mise à la disposition du 15e R.I. et se portent en position à Behen. Elle n'est pas engagée. Dans la nuit, les éléments du bataillon se regroupent dans la région de Montieu-Sarang. Les échelons de combat se portent dans les bois de Malmaison au nord de Montieu. Les échelons TT des compagnies et l'élément avancé de dépannage stationnent au château de Montieu et à Sarang. Aucun changement pour les autres éléments du bataillon ; le PC est installé au château de Montieu.
5 juin 1940
Départ le 5 dans la soirée ; le bataillon se porte dans la région de Conteville - Lavacquerie - Choqueuse, à 10 km est de Grandviliers. Le PC du bataillon est installé à Conteville. Les éléments de combat qui ont fait route toute la nuit les bombardements et sont arrivés à l'aube sont exténués.
6 juin 1940
La 3e compagnie se trouve à Choqueuse, la 1ère à Lavacquerie, la 2e à Catheux-Fontarin où elle assure la défense des ponts.
7 juin 1940
A huit heures arrive l'ordre de se préparer pour une contre-attaque éventuelle dans la direction nord-ouest de Cupais. Immédiatement le contre-ordre arrive. Il faut s'organiser en position de résistance dans les positions occupées. À 12 heures le projet d'attaque est repris ; se mettre immédiatement en liaison avec le commandant du 17e B.C.P. qui commande le groupement 40e B.C.C. - 17e B.C.P. Les compagnies font mouvement pour se porter aux abords de Cempuis. Le PC se porte à Rieux. Finalement, il n'y a pas de contre-attaque, un ordre de repli arrive. Derrière les compagnies du 17e B.C.P. dont elles protégeaient la marche, les compagnies du 40e B.C.C. vont prendre leur position. La 3e à Grez, la 2e à Gaudechart, la 1ère en réserve à Prévillers avec le PC du bataillon. Immédiatement sur place, les compagnies forment avec les chasseurs du 17e B.C.P. des centres de résistance, les Allemands attaquent. La 3e compagnie sous le commandement du lieutenant Van HEEMS résiste à la pression de Grez. Malheureusement, les artilleurs du 309 ont laissé des canons de 47 sur le terrain. La section de l'adjudant BONNING est prise à partie par l'un d'entre eux et est mise hors de combat. L'adjudant BONNING est tué dans son char. La compagnie décroche derrière les chasseurs et se replie sur Crèvecoeur puis vers Auchy-la-Montagne. La 2e compagnie à Gaudechart avec une autre compagnie du 17e B.C.P. a moins de mal à résister à la pression. Elle se replie en ordre vers Luchy. La 1ère compagnie décroche après le passage des autres compagnies à Prévillers est gagne le bois de Béhu à proximité de Luchy. Les éléments de dépannage et de ravitaillement sous les ordres du lieutenant GANNE se sont repliés avec la camionnette sanitaire et la cuisine roulante et le camion VB de la 3e compagnie à Juvignies et ont reçu l'ordre de gagner La Boudinière. Vers 20 heures les compagnies reçoivent l'ordre de décrocher pour se rendre dans la forêt de Hez. La 1ère compagnie est chargée de rester au bois de Behu jusqu'après le passage des derniers éléments du 17e B.C.P. Elle ne décrochera qu'à minuit. L'agent de transmission envoyé au lieutenant GANNE à La Bodinière le recherche pendant 1h30 sans le trouver. On pense ce qui s'est retiré ; malheureusement, il n'en est rien et le 8 à cinq heures du matin son détachement est attaqué par des engins blindés allemands. Le chasseur MOUTON, conducteur de la tourisme de la 3e compagnie parvient à rejoindre trois jours après et en informe le chef de bataillon. Avec le lieutenant GANNE, disparaissent : le médecin sous lieutenant RIOU, l'adjudant chef PARISON, le sergent chef HANDSCHUMACHER et une quarantaine de sergents, caporaux et chasseurs, avec une citerne, une roulante, des tourismes et des chenillettes.
9 juin 1940
Arrivé à l'aube, le bataillon reste à la lisière de la forêt devant Neufville-en-Hez jusqu'à 10 heures. Il décroche avec les chasseurs pour Houdainville, Saint-Félix et Augy où il prend formation de point d'appui. À 14 heures, nouveau décrochage en direction de Courcelles-Bornel et formation avec le 17e B.C.P. de nouveaux points d'appui.
10 juin 1940
Départ vers 12h30 en direction de l'Isle-Adam et Stors. Les compagnies font toujours partie du groupement MAHLET et s'installent pour la défense des ponts de l'Oise située à l'Isle-Adam et Stors.
11 juin 1940
Départ vers 19 heures pour le bois de la Verrière près de Bièvres. Arrivée à quatre heures du matin.
12 juin 1940
Départ vers 19 heures pour Villeconin - Souzy. Arrivée des divers éléments du bataillon à l'aube du 13 juin. Le matériel est durement éprouvé par de perpétuels déplacements et demande un entretien sérieux. 28 chars seulement sont capables de se déplacer.
13 juin 1940
Arrivée les compagnies de combat vers quatre heures du matin. Les éléments légers de la CE ont rejoint sous les ordres du capitaine PEROL.
14 juin 1940
Départ vers 16 heures pour Thignonville ; arrivée vers 19 heures.
15 juin 1940
Départ vers une heure du matin. Le PC du bataillon et la première compagnie se portent à Mereville ; la 2e compagnie à Sermaize ; la 3e compagnie à Angerville ; la CE à Léouville. Chacune des compagnies de combat reçoit l'ordre de constituer un bouchon dans les diverses localités où elles stationnent et en particulier de garder les routes venant du nord nord-est et nord-est. Dans l'après-midi la 3e compagnie a à se défendre contre les infiltrations ennemies. Vers 20h30 les compagnies de combat font mouvement pour se porter : la 2e à Léouville, la 1ère à Allainville, la 3e à l'ouest de cette localité. La CE se porte à Grottes. Les compagnies de combat prennent position pour se mettre en position de résistance dans ces différentes localités.
16 juin 1940
Départ des différentes compagnies qui doivent se replier au sud de la Loire. Les compagnies doivent établir des bouchons successifs à Guignonville - Chilleurs -Chatillon, pour protéger la retraite de la 2e D.C.r. Au cours de cette manoeuvre, la 3e compagnie est prise à partie par le canon automoteur accompagnant la 1ère compagnie. Cette compagnie est elle-même prise à partie par des armes antichars françaises. Plusieurs chars de la 1ère compagnie sont fortement endommagés. Le mécanicien LEMASSON est tué. Le sergent chef DAVID est grièvement blessé. Toute la section du lieutenant SOUCHIER (3e compagnie) est mise hors de combat. Le lieutenant SOUCHIER, son mécanicien CAILLE sont grièvement brûlés. Le sergent chef SCHREDER blessé à la main. La 3e compagnie perd également sa tourisme et ses motos-side. Les compagnies de combat reçoivent l'ordre de chercher à se retirer au sud de la Loire en passant le fleuve à côté de Blois. Elles y parviennent le 17 au matin ; les uns passant par le Pont de Mer, les autres par celui de Blois. La CE avait reçu l'ordre le 16 vers 18 heures de se replier et de chercher à passer la Loire à Orléans. En cours de route, elle retrouve le PC du bataillon qui cherche également à passer par Orléans. La marche de ces éléments sur roues est considérablement retardée par les convois de réfugiés et les convois hippomobiles. Arrivés à proximité d'Orléans, ces éléments sont arrêtés, l'ennemi occupant la ville. Sans ordres, sans cartes, au milieu d'un encombrement indescriptible, ces éléments parviennent à se dégager en se dirigeant également vers Blois. Ils passeront la Loire au début de la matinée, les uns à Blois, les autres à Mer.
17 juin 1940
Le bataillon se regroupe dans la forêt de Boulogne, à proximité de Bracieux, à l'exception de la 3e compagnie qui s'est arrêtée au sud de Blois. Vers 20 heures nouveau mouvement pour se rendre dans la forêt de Gatine entre Villentroy et Valençay sur ordres du général DELESTRAINT, commandant le groupement Cuirassée de la 2e D.C.r. - 4e D.C.r. Le PC du bataillon ; la CE, les 1ère et 2e compagnies exécutent ce mouvement. La 3e compagnie épuisée se repose et rejoint les autres éléments du bataillon le 18.
18 juin 1940
Nouveau départ vers 20h30 pour se rendre dans la région de Lury-sur-Arnon où s'effectue des le regroupement de la 2e D.C.r. Le bataillon possède encore 27 chars sans compter ceux qui font mouvement avec les éléments lourds d'ateliers qui se déplacent sous les ordres directs de la 2e D.C.r.
19 juin 1940
Arrivée à l'aube dans les bois deux kilomètres nord de Lury-sur-Arnon (Cher). Départ le soir à 20 heures pour se rendre à Le Canssin - commune de Trouzanne, 10 km ouest de La Châtre (Indre). Au cours de cette étape longue de 80 km, quatre chars ont dû être abandonnés et brûlés. Les équipages sont de plus en plus épuisés.
20 juin 1940
Vers 20 heures nouveau mouvement pour effectuer une étape de 50 km. Le bataillon se porte dans la région de Dun-le-Palleteau (Creuse). La 1ère et 3e compagnies stationne à Chabannes. La 2e compagnie et la CE que le PC du bataillon sont à Puybrières.
21 juin 1940
Le bataillon fait mouvement pour se porter dans la région de Montboucher - les Martys, 8 km ouest de Bourganeuf (Creuse). L'état-major, la CE et la 2e compagnie stationnent à Montboucher. La 1ère et la 3e compagnies à Martys.
22 juin 1940
Deux sections de la 1ère compagnie est une de la 2e compagnie sont détachées pour faire un bouchon à Pontarion sous les ordres du colonel BALLAND. Les autres éléments se forment en position de résistance autour des cantonnements.
25 juin 1940
A midi, l'ordre de cessez-le-feu est transmis : les hostilités étant terminées. Les bouchons sont désagrégés, la 3e compagnie à s'installer à Le Nouhans ainsi que la 1ère compagnie.
26 juin - 15 juillet 1940
Remise en état du matériel sur place et versement des chars et véhicules.
16 juillet 1940
Le 40e bataillon de chars est dissout le 16 juillet 1940 à 0 heure.
Sources : Philippe Parison, Archives du SHAT Vincennes.
39e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT
ENCADREMENT
Formé à Maubeuge avec un noyau actif de l’école des chars et des réservistes originaires du département du Nord, armé de chars R 35.
Capitaine MAZIER, Commandant provisoirement le bataillon.
A partir du 14 mai, Chef de Bataillon MAUREL.
Lieutenant BONDUEL, Adjoint technique.
Lieutenant DUMONT, Officier de Liaison.
Lieutenant TAULE, Officier de Renseignement.
Lieutenant PRIVE, chargé des Détails.
1ère Compagnie
Capitaine de VALLAVIELLE. Lieutenant MAULET. Lieutenant KNYGT.
Lieutenant ROUX. Sous‑Lieutenant BOLLE. Aspirant LE PIENNEC.
2e Compagnie
Capitaine CAILLOU. Lieutenant ANDRIS. Lieutenant REGENT.
Lieutenant BAILBY. Sous‑Lieutenant GOUPIL. Aspirant BOUILIEZ.
3e Compagnie
Capitaine ROBYN. Lieutenant BOULAN. Lieutenant PILLOT.
Lieutenant LECLERCQ. Lieutenant COURCOUX. Sous‑Lieutenant SPRIET.
Compagnie d'échelon
Capitaine CHATOT. Lieutenant DUBURQUOY. Lieutenant PETIT.
Lieutenant HUBER. Lieutenant DELILLE. Aspirant CHANDERIE.
CITATIONS
Légion d'Honneur : 9 Médaille Militaire : 8.
Citations à l'Ordre de l'Armée : 8.
à l'Ordre du Corps d'Armée : 14
à l'Ordre de la Division : 19
à l'Ordre de la Brigade : 2
à l'Ordre du Régiment : 45.
PERSONNEL Officiers S‑Officiers caporaux et Chasseurs
Tués . 7 9 28
Blessés . 5 4 37
Disparus . 4 12 60
MATERIEL
Détruit du fait de l'ennemi : Chars 42 sur 42. Tracteurs 8 sur 8.
Détruit à Dunkerque tous les véhicules 100 %
L’historique du bataillon se divise en trois périodes.
1. ‑ 28 AOUT 1939 ‑ 9 MAI 1940.
Le bataillon cantonné à Eclailles et Eeuclin (Nord), est rattaché au G.B.C. 519, fait mouvement sur Etreux (Aisne).
Au cours de cette période, l'instruction du personnel est activement poussée, manœuvres, tirs, exercices de cadres. Instruction indispensable à des équipages ignorant tout du matériel moderne.
II. ‑ 10 MAI 1940 ‑ 30 MAI 1940.
12 MAI. ‑ Embarquement du matériel chenillé à Etreux. Les éléments sur roues font mouvement par voie de terre.
13 MAI. ‑ A 14 heures débarquement des chars à Chatelineau (7 km est de Charleroi). Mouvement sur Jodion, bois sud‑est du village (8 km ouest de Namur. Le bataillon est mis à la disposition de la 5e D.I.N.A. et reçoit l'ordre de coopérer à la préparation d'une contre‑attaque face au nord dans la région de Saint‑Mard (3 km nord de Namur).
14 MAI. ‑ Au petit jour, la liaison est prise avec le Colonel Cdt le 24e R.T.T. Une reconnaissance d'emploi est effectuée sur Champion (6 km nord‑est de Namur). Puis dans la nuit lorsque les compagnies se portent sur leur P.D., bois de St‑Mard à 23 heures, la division, en raison de la situation créée par le repli profond de la IIe Armée entre la Sambre et la Meuse, le bataillon est mis à la disposition du 6e R.T.M. en vue de couvrir le flanc droit de la D.I., sur la rive droite de la Sambre.
15 MAI. ‑ Les unités sont dirigées au Nord de Flawinne (4 km est de Namur) pour y occuper une position d'attente leur permettant de passer la Sambre en direction du sud.
Des reconnaissances d'itinéraires sont effectuées sur les bois de Malonne. A 17 heures, le bataillon, relevé de sa mission, s'installe en P.A. dans les bois de Fays.
Au cours du déplacement le Cdt du 24e R.T.T. demande qu'une compagnie assure la mission de protection qui primitivement avait été donnée au bataillon sur la rive droite de la Sambre. La 2e Cie est désignée pour assurer cette mission. Mesure qui va scinder le bataillon. Jusqu'au 21 mai cette compagnie mènera une action indépendante.
La 1ère est mise à la disposition du 24e R.T.T. pour contenir la poussée ennemie sur Temploux.
La 3e Cie s'installe en position défensive au nord de Jodion.
16 MAI. ‑ Le bataillon est chargé d'assurer la protection du repli de la D.I., de part et d'autre de la route Temploux‑Jemmepes à la lisière est des bois du Fays, 1ère Cie au nord de la route, 3e au sud. A 10 heures, la mission accomplie, les compagnies se replient par échelons sur les lignes successives suivantes : Sortie ouest des bois Est de Jemmeppes, Est d'Auvelais, Est de Keumiee.
Toute la journée de brefs engagements au canon ont lieu avec des éléments ennemis qui disparaissent dès qu'ils sont pris à partie. A la nuit le bataillon stationne à Pironchamp.
17 MAI. ‑ Repli sur Charleroi et Binche. Une Cie est mise à la disposition de chacune des deux colonnes formées par la D.I.
A 13 heures, la 1ère Cie dégage le carrefour de Vieux‑Campinaire (N 21) où l'ennemi presse l'arrière‑garde de très près.
A 17 heures, la 3e Cie en soutien de l'infanterie, au pont de Le Roux (voies ferrée et route) ; la 1ère assure la même mission de part et d'autre de la route Charleroi‑Fontaine‑l'Evêque. P.C. du Btn à Epinay avec le P.C. D.I., à 21 heures, le village et ses abords attaqués par des parachutistes est nettoyé par la 1ère Cie.
A 22 heures, l'ordre de repli est donné : Axe, Binche, Estinnes, Mont‑Givry, Aulnois. Les compagnies assurent l'appui des arrières-gardes.
18 MAI. ‑ En fin de journée le bataillon stationne à Aulnois.
19 MAI. ‑ Des troupes françaises étant encerclées à Maubeuge, la D.I. monte une attaque en vue de les dégager. La 1ère Cie attaque le Gros‑Chêne fortement occupé. La 3e progresse sur La Longueville qui est pris sans effort.
A 13h30, nouvel ordre de repli le bataillon se porte sur Louvigny‑Queue‑au‑Leu, en vue d'attaquer la lisière nord est de la forêt de Mormal H. 15 heures.
A 14h45, les unités sont à leur P.D., mais l'infanterie est encore à La Longueville. Après reconnaissances rapides sur Merquignies, Cibles, Maison Forestière, le bataillon part à l'attaque. Il occupe d'abord la lisière de la forêt, la 1ère Cie sur la route Bavay Englefontaine, vers Les Caches‑Surloton, la 3e sur la Maison Forestiere et le carrefour 2 km sud sur la route Gomegies‑Pont‑sur‑Sambre. Au cours de l'action le capitaine de Valavielle est tué.
A 21 heures, l'infanterie occupe la lisière de la forêt.
20 MAI. ‑ Les deux compagnies sont aux ordres des deux commandants des avant‑gardes de la D.I. qui engagent les sections isolément aux carrefours. Jusqu'à la route Jolimetz‑Locquignol, la progression s'opère assez facilement. De fortes résistances se révèlent vers les cotes 147 et 149 (pièces antichars et chars lourds)
Au carrefour de la cote 153, la section Courcoux (3e) détruit une forte colonne motorisée défendue par des pièces antichars qui sont réduites au silence. Plusieurs citernes d'essence brûlent, les occupants fuient dans la forêt, laissant de nombreux cadavres sur terrain. Les sections Courcoux et Spriet (3e) sont ensuite engagées sans appui de feux sur la route 153‑149 et le layon 153‑147. Dès leur débouché elles sont soumises aux feux de pièces antichars e. de canons automoteurs. Elles ripostent, détruisent plusieurs engins mais finalement, sont détruites et incendiées. Deux chars seulement rentrent dans nos lignes. Le mouvement est arrêté sans que la sortie du bois ait été forcée.
Pendant ce temps la 1ère Cie progressait de part de la route de Bavay‑Englefontaine avec le 24e R.T.T. A partir du carrefour Moulin‑Rouge, les résistances s'affirment, de nombreuses mitrailleuses dans les arbres laissent passer les chars puis arrêtent l'infanterie, les chars ne cessent de revenir en arrière pour rejoindre l'infanterie. A 1.000 mètres une formation motorisée est surprise, nos chars l’incendient, les occupants s'enfuient à travers champs.
Au sud d'Allouet une résistance est attaquée et détruite. Une formation blindée débouchant de Jolimetz contre‑attaque, elle est repoussée, laissant sur le terrain trois engins. Le nettoyage de la région d'Allouet est entrepris. Une section du 38e B.C.C. protège le flanc droit et nettoie les vergers à l'ouest de la route.
La contre-attaque ennemie progresse, le feu redouble d'intensité. Quatre chars sont détruits, le Commandant de la 1ère Cie est blessé. La compagnie est réduite à un seul char qui rejoint le reste du bataillon dans le layon nord‑est du carrefour de la Grande‑Carrière.
La D.I. est bloquée de tous côtés. La situation paraît désespérée lorsque des reconnaissances d'infanterie constatent que l'ennemi s'est retiré sur tout le front de la D.I., laissant le chemin libre vers Englefontaine. A 20 heures, la progression est reprise sans opposition jusqu'à la lisière des bois.
Dans Englefontaine, la colonne est prise à partie par des tirs de mitrailleuses. En pleine nuit cette surprise crée un certain désordre dans les rangs des tirailleurs. Les trois chars encore disponibles qui formaient l'arrière‑garde accompagnés de trois tracteurs de ravitaillement sont poussés en avant, rendent confiance à l'infanterie qui reprend son mouvement.
Le même incident se reproduit devant Verchain où une erreur d'itinéraire a conduit la colonne sur une résistance ennemie solidement tenue. A nouveau le désordre est inexprimable et il faut tout le sang‑froid des cadres pour rétablir l'ordre. De nombreux accrochages ont encore lieu avec des patrouilles de motocyclistes ennemis. La colonne arrive à Denain mais les trois derniers chars du bataillon ont été détruits.
Les éléments du bataillon qui ont pu sortir de cette retraite sont regroupés à Abscon. Le bataillon est libéré par la 5e D I.N.A.
2e COMPAGNIE
15 MAI. ‑ A 17 heures, la compagnie prend congé du bataillon et gagne le pont de bois de Floriffoux qu'elle franchit char par char à 23 heures. Elle se porte ensuite sur Le Roux (route Namur Charleroi).
16 MAI. ‑ Par une marche pénible, ponctuée d'attaques d'isolés souvent civils, sur une route dépourvue d'indication de direction, parsemée de débris de toutes sortes, la compagnie arrive au petit jour. Le personnel en marche depuis 2 jours et 3 nuits est fourbu. A 8 heures, elle reçoit l'ordre de dégager le village de Fosses où des éléments ennemis sont installés. Les sections Regent, Goupil et Boulle attaquent, réduisent les résistances et contiennent la progression de l'ennemi.
Vers midi, la Cie est mise à la disposition du groupe motorisé formant arrière‑garde ; le détachement marche par bonds sur l'axe Namur‑Charleroi.
A la fin du premier bond, une violente attaque aérienne se déclenche sur l'arrière‑garde. Le Capitaine Caillou est grièvement blessé, deux chars sont détruits. Le lieutenant Regent prend le commandement de la compagnie. L'unité reçoit l'ordre de se regrouper à Chatelet, puis à Avesne. A 21 heures elle part, les routes sont encombrées, soumises à de continuels bombardements d'avions, au cours de l'un d'eux un char est détruit. Beaumont étant occupé par l'ennemi la compagnie est dirigée sur Thuin en feu, le pont est détruit. Arrêt à Assevent. Les équipages tombent de fatigue.
17 MAI. ‑ La Cie se porte sur Mont‑Doulers où elle est rejointe par la 1ère Cie du 6e B.C.C., qui se met aux ordres du Lieutenant Regent. Mont‑Doulers étant fortement tenu par l'ennemi, les deux compagnies s'installent en D.C.B. sur la route afin de protéger les troupes défilant au nord de Maubeuge. Toute la journée ces deux unités restent en place.
18 MAI. ‑ Le Commandant Bonnet, du 26e B.C.C., isolé avec les trois chars qui restent de son unité (son bataillon ayant été détruit sur la Meuse) prend le commandement des éléments des 6e et 39e B.C.C. et décide de forcer le passage sur Avesnes. Les chars partent mais reviennent rapidement, poursuivis par des chars lourds ennemis. Durant l'engagement le Cdt du 6e R.T.M. donne l'ordre aux chars de se porter sur Boussois pour participer à la défense des ponts. Arrivés à Boussois à 22 heures les chars s'installent en halte gardée.
19 MAI. ‑ A 4 heures, des chars ennemis attaquent les ponts. La 2e Cie est mise à la disposition du 6e R.T.M., chargé de la défense des ponts d'Assevent et de Boussois.
Durant la matinée l'artillerie ennemie bombarde les positions. Une première attaque a lieu au pont d'Assevent et est repoussée par la section Goupil. Une seconde attaque au pont de Boussois n'obtient pas plus de succès. Devant ces essais infructueux l'ennemi attaque par Maubeuge où la section Bailby intervient plusieurs fois pour repousser l'ennemi pressant nos fantassins qui se replient sur Assevent.
20 MAI. ‑ Dès le lever du jour, l'ennemi bombarde par avions en piqué et par d'intenses tirs d'artillerie. Vers 17 heures, les chars interviennent en direction des buttes de tir occupées par de nombreux éléments allemands.
Les sections Bailby, Goupil et Pacaud du 6e B.C.C. interviennent. Elles sont prises à partie par un PzKw II et un PzKw III. Trois de nos appareils sont détruits, un char ennemi est mis hors de combat. Malgré la disparition de leurs chefs (quatre officiers sont tués) les équipages quelque peu désemparés poursuivent leur mission. Notre attaque n'a pas brisé la pression de l'adversaire qui progresse bien au delà du front tenu par nos chars. Les équipages se replient dans les bosquets à l'entrée d'Elesmes. Les tourelles et les trains de roulements sont perforés, sur certains appareils on relève une centaine d'impacts de 37 et de balles perforantes. L'essence est épuisée, il en est de même des munitions. Le Cdt du 6e R.T.T. donne l'ordre de mettre hors d'usage les chars.
21 MAI. ‑ A 2 heures un violent bombardement s'abat sur Beussois, l'ennemi pénètre dans le village, le P.C. est investi.
III. ‑ 21 MAI 1940 ‑ 8 JUILLET 1940.
21 MAI. ‑ Il ne reste au bataillon qu'un seul char, épargné parce qu'il était en réparation à la C.E. et des véhicules autos. Tous ces éléments sont dirigés sur Dunkerque.
27 MAI. ‑ Une équipe de dépannage est détruite par un tir d'artillerie sur la route de Caestre (sud de Steenworde) alors qu'elle allait dépanner des chars engagés au nord d'Hazebrouck.
28 MAI. ‑ Le détachement du bataillon parvient à Dunkerque. L'Aspirant Chanderis est mis avec son char à la disposition du 38e B.C.C. désigné pour coopérer à la défense de Dunkerque.
Par Killen les éléments du bataillon font mouvement sur La Panne. En cours de route au Pont‑à‑Mouton, un violent bombardement fait de nombreux morts et blessés dont 13 du bataillon.
A 21 heures, à l'est de Bray‑Dunes les véhicules sont abandonnés et incendiés. De nuit et à pied le détachement poursuit son mouvement le long de la voie ferrée Dunkerque‑Furnes puis le long du canal de Furnes.
29 MAI. ‑ Le bataillon arrive à Malo‑Plage, le personnel s'abrite dans les dunes à l'est de la ville. A 15 heures, arrive l'ordre de porter le détachement sur les remparts à l'est de Dunkerque (bastion 32) occupé par le Cdt du secteur et de la Marine. A peine sur place un bombardement par plusieurs centaines d'avions s'abat sur la ville. Un officier du 9e B.C.C. qui s'était joint au bataillon est tué avec plusieurs de ses hommes.
A 10 heures ordre de gagner l'Embectage. Vers 18 heures, le bataillon avec des éléments d'autres unités de chars, bivouaque sur la place à l'ouest de l'entrée du port.
30 MAI. ‑ Vers 3 heures, l'ordre est donné de rejoindre à Dunkerque les points de stationnement de la veille. A 10 heures, nouvel ordre d'embarquement à l'Embectage. A 15 heures, l'E.M., les 1ère et 3e Cies sont embarqués sur le Foudroyant, la C.E. sur le Bouclier.
31 MAI. ‑ Arrivée à Douvres. Embarquement en chemin de fer. Le bataillon est scindé en plusieurs fractions, l'E.M. et la 3e Cie sont dirigés sur Exeter.
1‑2 JUIN. ‑ Stationnement à Exeter.
4 JUIN. ‑ Embarquement à Plymouth sur le Ville d'Alger qui gagne Brest par convoi escorté.
5 JUIN. ‑ Débarquement à Brest, transport par voie ferrée Evreux. Cantonnement à Aviron (nord‑ouest d'Evreux ).
6‑7-8 et 9 juin. ‑ Stationnement à Aviron.
10 JUIN. ‑ Embarquement en chemin de fer en gare d'Evreux. Bombardement par avions de la gare, 6 tués et 13 blessés.
11 JUIN. ‑ Retour à Aviron.
12 JUIN. ‑ Embarquement sur camions, mouvement par Chartres, Bonneval, Châteaudun, Vendôme et Contres (20 km. sud‑est de Blois).
13 JUIN. ‑ Séjour à Couddes.
14 JUIN. ‑‑ Mouvement par St‑Aignan, Chatillon‑sur‑Indre, Le Blanc, Montmorillon et stationnement à Champagne‑Mouton (42 km nord‑ouest d'Angoulême).
15‑19 JUIN. ‑ Séjour à Champagne‑Mouton. Les 9e et 39e B.C.C. sont amalgamés sous l'appellation Btn 939.
20 JUIN. ‑ Mouvement par Angoulême, Ribérac, Bergerac. Stationnement à Rampieux (20 km sud‑ouest de Bergerac).
21 JUIN ‑ 26 JUIN. ‑ Séjour à Rampieux.
27 JUIN. ‑ Déplacement sur Mirepoix (Gers).
28 JUIN ‑ 7 JUILLET. ‑ Séjour à Mirepoix.
8 JUILLET. ‑ Dissolution du bataillon.
Faits Remarquables
L'existence du 39e est liée à celle du 38e, tous deux appartenant au G.B.C. 519 et affecté au 5e C.A. Alors que le 38e suivra le sort de la 12e D.I.M., le 39e celui de la 5e D.I.N.A. Missions identique :
Sacrifices semblables, même destinée.
Durant toute la campagne la vie du bataillon sera marquée par l'imprévu.
Le Commandant Pennec qui depuis la mobilisation commandait le bataillon était muté en avril 1940. Son successeur n'était désigné que le 10 mai. Le Commandant Maurel venant du dépôt d'Angoulême ne rejoint le bataillon que dans la nuit du 13 au 14 mai, sautant dans le dernier train de chars de l'unité quittant la gare de Maubeuge.
Cette prise de commandement « au vol » n'est qu'un incident banal mais assez grave du point de vue psychologique car le lendemain, au petit jour, le premier contact de ce chef avec son unité sera l'ordre d'engagement du bataillon. Malgré ce désavantage l'exécution des missions s'effectuera avec brio, tout à l'honneur du chef qui sut s'imposer et du personnel qui immédiatement sut apprécier l'autorité du chef de guerre.
La suite des événements est une suite ininterrompue de combats sans espoir où les chars de bout en bout n'auront pour mission que de protéger une infanterie bousculée, lui évitant une désorganisation prématurée.
Le bataillon satisfait à toutes les demandes, dans toutes les directions qui en cinq jours le réduira à néant.
A Caches, le 19, le Cdt de la 1ère Cie avec une section attaque des pièces antichars. Combat d'une rare violence, vivement mené, où le Capitaine de Valavielle et le Sous‑Lieutenant Bollée trouveront la mort.
Le 20 sera la journée cruciale, les chars se sacrifieront jusqu’au dernier pour ouvrir la route à l'infanterie, à bout de force, talonné par un adversaire audacieux.
L'héroïsme de tous sera total. Malgré les objections des Cdt d'unités et du Cdt du Btn les chars seront engagés isolément sans aucun appui.
La section Courcoux (3e) surprend une forte colonne motorisée défendue par des pièces antichars, les réduit au silence et met en fuite la colonne allemande.
Le Lt Maulet, Cdt la 1ère Cie et le Lt Gouiric du 38e (qui isolé s'était regroupé au bataillon) sont blessés. Le chasseur Hauteclocque conducteur du Cdt de Cie, sous le feu de l'ennemi, vient chercher le S‑Lt Gouiric, le retire de son char lorsqu'une rafale de mitrailleuse le frappe mortellement et achève le Lieutenant. Un obus traverse le tourelleau du char du S‑Lt Goupil, le tue, blesse son mécanicien qui trouve encore assez d’énergie pour ramener son char à la P.D. avec le corps de son officier.
Au soir du 20, le bataillon ne possède plus d'appareils. Avant de libérer les rescapés du 39e, le Cdt de la 5e D.I.N.A. remercie le Chef de bataillon en termes particulièrement chaleureux pour sa collaboration, le félicite pour la superbe attitude au feu de tous les éléments de son unité pour le soutien remarquable qu'ils ont apporté à l'infanterie pendant la retraite et notamment en forêt de Mormal. Serre la main de tous et ajoute : « toute la résistance était sur vous, vous avez fait tout ce qu'il était possible de faire. je vous remercie. »
Quant à la 2e Cie, isolée du bataillon dès le début de l'engagement, elle ne cessera durant deux jours de courir du sud au nord et de l'est à l'ouest. Dirigée sur Le Chatelet puis sur Avesnes, trouvant la route de Beaumont coupée par l'ennemi, elle revient sur Thuin. retourne sur Maubeuge d'où elle est lancée vers Mont‑Doulers. Quelle magnifique unité ! Lorsque le 18, à 22 heures, elle parvient à Boussois, les équipages tombent de fatigue, ne pensent qu'à dormir et cependant ils procèdent tant bien que mal aux pleins et aux graissages sans aucune nervosité, sans récrimination. Le moral est admirable.
Le 21 mai, le Colonel Mariage se rend au Général allemand. Celui‑ci manifeste « son extrême étonnement de trouver devant lui si peu de force . »
Si le bataillon ne combat plus, les souffrances ne sont pas disparues. Le pénible embarquement de Dunkerque durant les journées des 29 et 30 seront encore une nouvelle épreuve.
Le 29 partant pour l'Embectage, le personnel est rassemblé en colonne par trois. A la sortie de Dunkerque, un Général est arrêté, aussitôt le bataillon est mis au pas cadencé et défie tête gauche tout comme à une prise d'arme en garnison, Le Général manifeste sa satisfaction au Chef de Bataillon (Marine Dunkerque, par Maurice Guierre, page 252 ).
Le 30, contre‑ordre est donné pour l'embarquement. Ce faux‑départ sera pour le personnel l'heureuse chance de la campagne, car le torpilleur le Douaisien sur lequel il devait être embarqué fut torpillé et coulé alors qu'il voguait vers l'Angleterre.
Bravoure, discipline, cohésion, esprit de sacrifice, sans aucune défaillance, les équipages du 39e ont vaillamment combattu et pourtant comme ceux du bataillon frère du 38e les conditions morales étaient des plus pénibles. Originaires du Nord, ils se sont battus chez eux, dans leur village. Malgré cette atroce situation les équipages du 39e n'ont pas failli à la tradition de l'Arme.
Extrait de l'ouvrage « Nouvelles vérités sur les Combattants » de Jean Labusquière.
Au 5e Corps, la 5e D.I.N.A. continue sa lutte extrêmement violente pour sortir de la forêt de Mormal. Le 39e bataillon de chars qui l'appuie tente, au crépuscule de nettoyer la forêt. Il s'y battra toute la nuit, détruisant de nombreux chars, mais perdant la plupart des siens qui sautent sur les mines ou qui sont écrasés sous les coups de 77.
A la fin de la matinée du 20 tous ses engins sont détruits et une de ses compagnies, la 3e, partie avec 121 officiers, sous‑officiers et hommes ne possède plus que 3 officiers et 37 sous‑officiers et chasseurs. Le 21 lorsqu'il gagne Denain il ne restera plus qu’un char au Bataillon.