GAI LURON II             1er RCA       3e Escadron      

M 4 A4 n° 46 informations : Serge Pivot

Equipage :
Chef de Peloton : Lieutenant CALMELS  
Tireur  : Chasseur BERGAMIN  
Pilote : Brigadier-chef GIRMA
Aide pilote : Chasseur DURAND  
Radio-chargeur : Chasseur PORTAFAIX  
 
Combat du 7 janvier 1945, à Gambsheim, Alsace.
14h40 – Le baroud est sévère. A droite, les légionnaires portés par "BOURGOGNE" – maréchal des logis Maître – sont vite hors de combat. Le char lui-même est touché, Maître tué. La première ligne de défense allemande est atteinte, une cinquantaine d'Allemands reste sur le terrain, tués ou blessés.
A gauche, Calmels qui a reçu l'ordre de franchir la voie ferrée et, longeant la rivière, d'atteindre les lisières de Gambsheim, fait passer ses chars un à un sur un étroit passage à niveau constamment battu par des feux ajustés d'armes automatiques et d'artillerie.
Le passage est effectué sans pertes. Mais immédiatement après le franchissement, les "Médium" sont tirés à bout portant par d'innombrables panzerfaust qui partent d'une tranchée creusée parallèlement à la rivière, et qui semble suivre celle-ci jusqu'au Rhin.
Le groupe de tête, "GUERANDE" - maréchal des logis chef David - prend d'enfilade la tranchée à bout portant. Les occupants, ahuris de cette attaque soudaine, sont abattus à la mitrailleuse. "GAI LURON" – lieutenant Calmels – est touché à l'avant, le pilote, brigadier chef Girma, gravement blessé, doit être évacué, l'aide pilote, Durand, jeune engagé volontaire de 18 ans, arrivé quelques jours plus tôt NE SAIT PAS CONDUIRE !!!, le lieutenant Calmels est contraint de prendre les commandes de son char pour éviter qu'il ne soit immobilisé et permettre à la tourelle de poursuivre la lutte, tout en continuant à commander son peloton depuis le poste de pilotage. Le peloton réussit à forcer le passage et se trouve vite dans la plaine à l'est de la voie ferrée et de la route. Toujours soumis à de violents tirs d'explosifs, il se lance sur son objectif, les lisières est de Gambsheim, dépassant les "Light" du peloton de la Ferté
15h20 – "GERARDMER" – brigadier chef Bertrand – est atteint et brûle. L'équipage indemne, a le temps de sortir ; seul le chasseur Freiburger, brûlé au visage, devra être évacué. Le lieutenant Calmels poursuit son action avec deux chars. "GALLIFET" - maréchal des logis Berrier - et le sien.
La sévérité de la réaction ennemie s’accroît de seconde en seconde dans une progression inquiétante. La situation est critique : 5 canons anti-chars au moins sont vus en action, ainsi que 2 ou 3 chars ou automoteurs ; un tir de minen extrêmement violent submerge le terrain. L’Infanterie, devançant dans un effort magnifique les chars, tente d’atteindre la rivière : elle est décimée. Le Capitaine Forcade rend compte au Commandant Daigny, qui lui annonce l’envoi d’une Compagnie de Tirailleurs.
15 heures 25 — A peine en arrière des Medium, c’est au tour des Light du Peloton de la Ferlé d’être pris à partie. "BIGORRE", Maréchal des Logis Maunin, passe auprès d’un abri de rondins où se sont réfugiés des blessés allemands. L’un d’entre eux grenade "BIGORRE" qui prend aussitôt feu, atteint de plus immédiatement après par obus.
Le Lieutenant de la Ferté reçoit alors l’ordre de repli du Halftrack de Commandement "BOUILLON" du Capitaine Forcade. Mais la Légion n’a pas encore été touchée par cet ordre, que La Ferlé n’exécutera pas, car ce serait priver les Légionnaires de tout soutien ou recueil éventuel. Les 3 derniers Light de son Peloton maintiennent un feu d’enfer.
15 heures 30 — Le Capitaine Louf, à pied, vient sur place confirmer l’ordre de repli. Celui-ci commence, sous la protection des chars. Le Peloton du Boullay, qui est à l’Est de Bettenhoffen, reçoit mission de couvrir le repli de tous les éléments, chars et Infanterie, et s’oppose, par un feu violent, aux réactions de l’Infanterie ennemie.
Light et Medium, couvrant directement le repli des Légionnaires font demi-tour en bon ordre : mais les pertes s’aggravent. "BERRY", puis "BEARN", presque simultanément atteints, prennent feu. Sauf le Maréchal des Logis Cadiou, Chef de char du "BERRY", qui est probablement brûlé dans sa tourelle, les équipages peuvent évacuer et rejoindre Killstett, non sans une peine infinie, sous la direction du Maréchal des Logis Eugène, du "BEARN", essuyant sans discontinuer d’intenses feux d’armes automatiques.
"BRETAGNE" — Lieutenant de la Ferté — reste seul et se porte au secours de "GAI LURON" qu’il aperçoit immobilisé. Il reçoit un explosif qui lui casse 6 patins et 1 poulie de tension, crevant de plus son réservoir à essence gauche.
"GAI LURON" a été touché une nouvelle fois, un 88 qui a percé la tourelle et mis le 75 hors service. Le Lieutenant Calmels, indemne, fait évacuer l’appareil et, prenant lui-même les leviers de commande, tente de ramener son char à Kilstett.
"BRETAGNE", qui a la garde de nombreux Légionnaires et Chasseurs auxquels il fait un rempart de sa cuirasse, regagne en les protégeant le plus proche couvert, tout en surveillant "GAI LURON". Il voit celui-ci soudain prendre feu, atteint par 2 nouveaux coups de 88. Le Lieutenant Calmels saute de son char mais est grièvement blessé par une rafale de mitrailleuse et tombe inanimé. Il ne peut être question sur le moment de repartir en arrière à son secours.
Il est 18 heures, la nuit est tombée. Le Commandant Daigny organise la défense de Kilstett avec les quelques chars qui restent, 1 Medium avarié et 4 Light, et avec un petit nombre de Légionnaires valides.
Une patrouille est lancée à la recherche du Lieutenant Calmels :
le Maréchal des Logis Maurin, les Chasseurs Pécouil et Hyette, du "BIGORRE", se présentent comme volontaires et s’enfoncent dans la nuit, accompagnés de 2 brancardiers du I/R.M.L.E. Le Lieutenant Calmels est resté, incapable en raison de la gravité de sa blessure de ramper un mètre de plus, à une cinquantaine de mètres de son char qui brûle, sous le feu ennemi incessant et la menace des 3 Jagdpanther qu’il a eu le sang-froid de parfaitement identifier. Il a été magnifiquement aidé et protégé dans cet effort surhumain par son aide-pilote, Durand, un jeune engagé du mois précédent qui, malgré les ordres de Calmels, a refusé d’abandonner "son" Lieutenant.

Témoignages - Les "histoires de l'histoire".
Si personne ne fit la moindre observation à CALMELS pour GAI LURON 2, ironie de l'histoire, il sera même félicité, lorsque pour la campagne d'Allemagne, il apparaîtra dans un GAI LURON 3 "flambant neuf", par le même général de VERNEJOUL que cette appellation avait choqué six mois auparavant…!
Quatre ans plus tard, venu d'Indochine après deux ans de séjour et de combats, un escadron du 1er Etranger de cavalerie arrive à Madagascar. Il vient renforcer un bataillon du 4eme Etranger, qui est là depuis un an pour faire face à la rébellion sur les hauts plateaux de la grande île.
Il se trouve que le chef de Corps PERRIN, qui accueille  l'escadron CALMELS, était le chef d'état major du sous groupement DAIGNY à Gambsheim, le 7 janvier 1945. S'adressant à CALMELS : "J'ai une surprise pour vous" – s'avance alors un vieux légionnaire qui se présente : "Caporal chef Infirmier……., à vos ordres mon capitaine ! vous me reconnaissez ? – NON !". "Je suis le brancardier, venu avec une patrouille dans la nuit, vous rechercher, blessé, sur le champ de bataille de Gambsheim, le 7 janvier 1945.". Bouleversé, CALMELS le prend dans ses bras et l'étreint longuement.
Cinq mois plus tard, ce légionnaire transporté d'urgence à l'hôpital de Fianarantsoa, demande que le capitaine CALMELS en soit informé. Ce "vieux soldat", de plus de 50 ans, usé par la vie, 20 ans de légion dont 10 de campagnes incessantes, mort trois jours plus tard – dans ses bras.
Ce même 7 janvier 1945, à 21h30, Maria GILG, alors jeune infirmière à l'hôpital de Strasbourg, accueille, sans connaissance, en état d'hypothermie, le lieutenant CALMELS grièvement blessé au combat de Gambsheim, par une température de moins 20°.
Elle le veille toute la nuit, participe à sa réanimation, demeure son infirmière pendant les deux semaines qui précèdent son évacuation vers un hôpital de l'arrière.
En 2001, dans la revue "Képi blanc", elle trouve le nom d'un "colonel CALMELS ?" Se demandant s'il n'était pas, par hasard, ce lieutenant qu'elle avait soigné. Timidement, par l'intermédiaire de cette revue, elle lui écrit.
Il ne l'avait pas oubliée non plus ! "Peut-on jamais oublier celle qui a contribué à vous rendre la vie quand on croyait l'avoir perdue …?"
Aussi le 28 novembre 2001, 56 ans plus tard, à 80 ans passés l'un et l'autre, se retrouvant, avec une émotion que personne en dehors d'eux ne put comprendre ni même seulement imaginer, décidèrent de passer ensemble, seuls, sans leur entourage, les journées de Noël et du jour de l'an, à la suite de quoi, ils se sont promis de ne plus jamais se perdre de vue, jusqu'à ce que l'un deux vienne à disparaître.

 

 

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