JOURNAL DE ROUTE
DU LIEUTENANT BRESSON
Raymond Bresson (1912-2006)
Chevalier de la Légion D’Honneur
Chef d’Escadron Honoraire de l’Arme Blindée
Campagne de France mai - juin 1940
Le 46ème Bataillon de Chars de Combat a été mis sur pieds par le dépôt 506 de Besançon en novembre 1939 à partir d’éléments prélevés sur les 16, 17 et 18ème Bataillons et sur le dépôt, puis envoyé au camp de Mesves sur Loire où il avait commencé à recevoir des chars R35. En janvier 1940, il fut transformé en Bataillon de Chars de Bataille armé de chars B1 bis de 32 tonnes. Le Commandant Jalot fut remplacé par le Commandant Bescond, et le Capitaine de la 1ère Cie par le Lieutenant Bibes, précédemment au 511 à Bourges.
La plupart des Officiers réservistes du Bataillon d’origine effectuèrent un stage du 12 février au 9 mars à Versailles pour s’initier aux chars B1 bis. Une douzaine de jeunes Officiers, des Sous-Officiers et des spécialistes arrivèrent de Bourges.
La plupart étaient d’origine Franc-comtoise et Alsacienne, avec des minorités notables de Bourgogne, Auvergne et Champagne. Les réservistes et appelés étaient très largement majoritaires parmi la troupe et constituaient au moins les 2/3 des Officiers.
Les chars Renault B1 bis et la majorité des matériels ont été touchés de fin février à début mai, certains matériels le seront jusqu’au 15 mai. Un seul exercice de tir a pu être effectué le 8 mai à La Chapelle d’Angillon et à cette occasion le seul déplacement sur route. Le camp de Mesves ne permettait seulement que des exercices de section.
Vendredi 10 mai :
Au cours de la réception d’un détachement du 46 par la marraine Madame Viollet à la Société Byrrh à Thuir, le Commandant Bescond fait part de la nouvelle qu’il a reçue du déclenchement d’une offensive Allemande.
Samedi 11 mai :
Formation de la 4ème Division Cuirassée, commandée par le Colonel de Gaulle et dont le "noyau dur" est constitué par la 6ème ½ Brigade du Lieutenant-Colonel Sudre comprenant les 46ème et 47ème Bataillons de chars B1 bis.
Dimanche de Pentecôte 12 mai :
Entrée de l’armée Allemande en France.
Lundi 13 mai :
Fête du Bataillon à Mesves sur Loire : revue par le Colonel Sudre, remise du Fanion au Commandant, présentation à la marraine Madame Viollet, services religieux et repas. A 13h le Bataillon est alerté. Il doit se tenir prêt à faire mouvement.
Mardi 14 mai :
Alertée à 12h la ½ Brigade donne l’ordre d’embarquement, confirmé par écrit dans la soirée. L’État-Major de la ½ Brigade et le 46 partiront de La Charité sur Loire en 6 trains échelonnés de 5 à 6 heures les 15 et 16 mai. Pour le 46, l’ordre d’embarquement sera : Etat-Major et détachements précurseurs, 1ère compagnie, 2ème compagnie, 3ème compagnie, compagnie d’Échelon à qui il reste encore du matériel à toucher à Gien.
Nuit du 14 au 15 mai :
Restitution des cantonnements, chargement des véhicules, pleins, graissages perceptions diverses, constitution des colonnes qui gagnent les zones d’attente fixées pour l’embarquement.
Mercredi 15 mai :
A 9 heures départ de La Charité sur Loire du 1er train, celui des États-Majors et des détachements précurseurs. Les destinations successives seront : Creil, Longueau, Montdidier, Laon et, finalement Crouy 3 km au nord est de Soissons.
Jeudi 16 mai :
Embarquement des 2 derniers trains, essentiellement la Cie d’Échelon, vers 10 et 15 heures avec les 3 chars de remplacement de la C.E. et celui du Commandant. Débarquement à Crouy, terminé à 16h30 pour la 1ère Cie, à 20h pour la 2ème, et à 23h pour la 3ème. Les 1ère et 2ème Cies gagnent la forêt de Samoussy par Chavignon, Urcel, Athies sous Laon. La 3ème Cie se dirige vers le pont sur le canal de l’Aillette.
Vendredi 17 mai :
La Cie d’Échelon et notamment la Section de remplacement avec le char du Commandant l’ARMOR, ne débarquera à Crouy que vers le milieu de la journée. A 4h attaque des 1ère et 2ème Cies en direction de Montcornet par Gizy, Liesse, Chivres, Bucy, Clermont les Fermes. Les chars R35 du 24ème B.C.C. et D2 de la 345ème C.A.C.C. participent à l’attaque, les R35 à Chivres, les D2 à gauche du 46ème B.C.B. après Chivres. Sur la droite, vers Sissonne, d’autres R35 des 24ème et 2ème B.C.C. attaquent.
La 1ère Cie est en tête, le Commandant est à bord du char SAMPIERO-CORSO de la 2ème Cie, en tête de celle-ci, son char, l’ARMOR n’étant pas arrivé.
Dès le débouché 5 chars s’enlisent à Gizy dont les 3 de la 3ème Section du Lt. Pellerin. A Chivres les R35 du 24ème B.C.C. ont arrêté une colonne ennemie transportant des munitions d’artillerie. Un camion de munitions brûle et explose sur le pont à l’entrée de Chivres. Le 1er char, le D’ARTAGNAN du Lt. Anderruthy et du Sgt-chef. Dumonteil ne peut passer ni ouvrir le passage.
Le Commandant Bescond prend alors la tête de la colonne à bord du char BERRY AU BAC de la 2ème Cie et, après avoir dispersé au canon les restes du brasier, entraîne la douzaine de chars vers Moncornet.
L’attaque progresse sans difficultés majeures, panne mécanique momentanée du char du Commandant de la 1ère Cie et accident de terrain de celui du Commandant de la 2ème qui est un peu "sonné". L’aile gauche du Bataillon est aux abords de Montcornet avec les D2 à sa gauche. Le centre et la droite s’échelonnent jusque devant La Ville aux Bois. Peu de réactions ennemies, que de violents bombardements aériens causant des dégâts relativement mineurs. Vers 11h tous les chars rallient Bucy pour faire les pleins et procéder à quelques réparations.
A Chivres, après le passage des chars, des résistances se révèlent de la part des rescapés de la colonne cachés ou faisant "les morts" et d’attaques d’automitrailleuses légères venues du nord ouest. Les États-Majors de la ½ Brigade et du 46e ainsi que les éléments avancés des Sections d’Échelon sont pris à partie. Des chars dont l’ALBERT 1er du Lieutenant Legret protègent les liaisons entre Bucy (où le Colonel Sudre est parvenu) et l’arrière.
Vers 11h la 3ème Cie, précédemment en attente au pont sur l’Ailette arrive à Chivres , à peu près en même temps qu’une Compagnie du 4ème B.C.P. acheminée par autocars. Les 3 chars de la Section Forrer de la 3ème Cie aident les Chasseurs à nettoyer Chivres.
Au retour, le CAMBRONNE s’enlise en bord de route. Par ailleurs, le CRAONNE tombe en panne de transmission (1/2 arbre). Un 3ème char ayant des ennuis mécaniques momentanés, ce sont 7 chars de la 3ème Cie qui gagnent Bucy vers 15h et prennent position à environ 1km au sud ouest du village.
Les 1ère et 2ème Cies subissent, alors un bombardement aérien, sans dégâts notables. A 14h, le Commandant avait préparé une deuxième attaque. Deux chars, hors d’état de combattre, le JEAN MERMOZ et le SAINT MICHEL n’y participeront pas, deux chars D2 de la 345ème C.A.C.C. constitueront l’aile gauche.
Au début, l’attaque semble tomber dans le vide, elle dévie vers la droite. Le char DUGUESCLIN du Lieutenant Schmidt canonne le clocher de La Ville au Bois.
Des faux messages sont passés par les Allemands.
Le BERRY AU BAC à bord duquel est le Commandant, tombe en panne de direction (pompe Henry) et passe un vrai message. Les chars DUGUESCLIN, SAMPIERO-CORSO du sous Lieutenant Henrion et le VAUBAN du Lieutenant Demonet se portent à son secours. Le Commandant Bescond, son radio et son mécanicien prennent place à bord du SAMPIERO-CORSO, le pilote et l’aide-pilote à bord du DUGUESCLIN.
Le SAMPIERO-CORSO recule et fait sauter au 75 le BERRY AU BAC dont la porte a été laissée ouverte.
Une contre-attaque ennemie se déclenche alors, atteint dans la soute à munitions, le SAMPIERO-CORSO explose, ses 8 occupants sont tués : Cdt. Bescond, Lt. Henrion, Sgt. Mousset, Sgt. Vaille, Capl. Durand, Chas. Lauxeur, Chas. Richard, Chas. Robellet.
Le VAUBAN, touché est hors de combat. Le Lieutenant Demonet est blessé, le Sergent-chef de Couesnongle et les Chasseurs Benevent, Becherau et Fontaine sont faits prisonniers. Le Lieutenant Gougelot, Officier de transmissions du Bataillon, porte, en side-car un ordre au Commandant, croisant le DUGUESCLIN il prend avec lui le Sergent Signol du BERRY AU BAC, on ne les reverra plus : ils seront fait prisonniers. Vers 20h, les chars des 1ère et 2ème Cies regagnent Bucy. Le D’ARTAGNAN du Lieutenant Anderruthy de la 1ère Cie se renverse sur la tourelle dans une coupure de terrain (route en déblai), un autre se serait enlisé le PORTHOS ?
Deux chars, dont l’ATHOS de l’Adjudant-chef Poupenez sont en alerte au centre du village. Les 7 chars de la 3ème Cie sont portés à 1km au sud ouest.
A la tombée de la nuit vers 21h, 3 événements presque simultanés :
1- Repli précipité d’un petit groupe d’Artillerie ;
2- Ordre de repli sur la Forêt de Samoussy apporté par un motocycliste et transmis verbalement ; les 2 chars, en alerte se portent face à l’ennemi. L’ATHOS tombe en panne d’essence à l’orée d’un bois au nord de Bucy et le «LYAUTEY du Lieutenant Solier tombe en panne mécanique à la sortie ouest de Bucy ,il sont désarmés et incendiés.
3- Harcèlement ou, au moins reconnaissance ennemie.
Trois chars de la 3ème Cie, le GENERAL MONHOVEN, le MANGIN et le CHASSEUR EUTZINGER, non touchés par l’ordre de repli, restent sur place, les membres des équipages se relayent dans la tourelle et au poste de conduite, conformément aux ordres reçus. Ils entendent les bruits de moteurs à Bucy, quelques rafales de mitrailleuses, distinguent une ou des fusées, puis, tout se calme très vite.
Une dizaine de chars se regroupent à Chivres et regagnent la forêt de Samoussy où ils retrouvent 4 des 5 chars enlisés le matin à Gizy, dépannés par la Cie et 2 ou 3 arrivés individuellement. D’autres les rejoignent, vers minuit, ils sont environ 18.
Samedi 18 mai :
Le Capitaine de Chalain prend le commandement du Bataillon. Le Lieutenant Cottenceau devient chef de l’État-Major, le Lieutenant Riou de la 1ère Cie devient officier des détails et est remplacé à la Section d’Échelon de la 1ère Cie par le Lt Mayer.
Au petit jour après avoir, en vain, cherché une liaison radio, les 3 chars de la 3ème restés près de Bucy, se replient sur Chivres, croisant, à la sortie de Bucy un char du Bataillon désarmé puis détruisant d’un coup de 75, un véhicule ennemi, venant en sens inverse, qui explose et dont les occupants disparaissent dans la nature. A Chivres, le Capitaine du 4ème B.C.P. qui tient le village avec un seul canon, demande au Lieutenant Bresson de le couvrir avec ses 3 chars.
L’équipage de l’ATHOS ayant décelé une présence ennemie et perdu tout contact avec le Bataillon met le feu au char et rentre à pied non sans essuyer des tirs d’armes automatiques jusqu'à Chivres.
En milieu de matinée, les 3 chars font une sortie en direction d’éléments motorisés ennemis qui progressaient sur la droite et qui se retirent vers Sainte Preuve.
En fin de matinée, les 4 chars de la C.E. et du commandant qui, débarqués la veille sous le commandement du Lieutenant Kressmann, avaient été requis par la Place de Laon pour assurer sa sécurité, rejoignent le Bataillon.
Vers 14h un char de la 3ème Cie vient rechercher les 3 chars du Lieutenant Bresson et regagne avec eux la forêt de Samoussy.
Ce sont donc 25 chars qui, après entretiens et petites réparations, seront disponibles pour le lendemain.
Intense activité de l’aviation ennemie, sans bombardements, infiltrations ennemies nécessitant, dans l’après-midi, patrouilles et reconnaissances.
Vers 19h, les éléments sur roues sont repliés sur Laval.
Vers 23h, arrivée de l’ordre d’attaque pour le lendemain. Reconnaissance du trajet pour le débouché avec seulement quelques chefs de Section en l’absence du Capitaine commandant la 3ème Cie.
Dimanche 19 mai :
Départ à 2h de la forêt de Samoussy, arrivée à 4h sur la base de départ, environ à 5km au nord de Laon. Elle est encombrée, car, outre les Chasseurs du 4ème B.C.P. qui vont nous suivre, les D2, les R35 et des Cavaliers, avec des Somua, participent à l’attaque.
Les 3 chars de la C.E. et l’ARMOR du Commandant viennent en renfort des 1ère et 2ème Cies qui n’ont plus que chacune 6 chars.
Le débouché a lieu à 4h15 : 1ère Cie en tête à gauche ; 2ème Cie, 5 minutes plus tard, au centre ; 3ème Cie immédiatement après à droite, Section de droite en Échelon refusé au départ. Dispositif très serré au départ, mais très étalé sur le 1er objectif : Chery les Pouilly, cote 102, atteint vers 5h30 et légèrement dépassé sans réaction notable de l’ennemi.
Les pleins sont faits, en terrain découvert et les bombardements aériens commencent. L’attaque reprend vers Chalandry et la Serre, de Crecy sur Serre à Mortiers. Des antichars sont neutralisés à Chalandry, le pont de Mortiers est atteint en fin de matinée par 3 chars. L’attaque piétine. De faux messages sont passés par l’ennemi. Les ordres sont transmis par agents de liaison, voire donnés verbalement, par les chefs, du Colonel de Gaulle lui-même, aux chefs de Sections.
Dans l’après-midi, 2 chars de la 2ème : le SAINT-MICHEL du Lieutenant Gohin et le BEAUMANOIR du Lieutenant de Feydeau, sont pris à partie par des Somua venus de Chery les Pouilly, ceux ci ne connaissaient pas les chars B et se croyaient attaqués par l’est. Perforés par les obus de 47, les 2 chars sont hors de combat. Le sous-Lieutenant Gohin et le radio Colbert sont mortellement blessés, le mécanicien Jung sérieusement blessé. Ils sont secourus par le Sergent Martin et l’aide-pilote Fosse, moins atteints. A bord du BEAUMANOIR, le radio Gironnet est tué.
L’aile droite arrête par ses tirs des éléments ennemis sur la route de Marle et est prise à parti par des pièces d’artillerie. Le CHASSEUR EUTZINGER est déchenillé.
L’équipage du DUGUESCLIN retrouve l’ARMOR défoncé par des obus de 105 (?) avec, auprès de lui, le radio Deschamps, mort, un filet de sang au nez. Le Lieutenant Ballot, descendu de char, près de Barenton est mortellement blessé par une arme automatique alors qu’il se trouvait près du Lieutenant Pellerin. Il est évacué en side-car par le Lieutenant Buchsenschutz.
Notre Artillerie tire trop court, et, se repliant pour venir aux ordres, le Capitaine Menet, à bord du MAGINOT, pris à partie par elle se fait reconnaître en brandissant, par la porte entrouverte un journal français.
Vers 16h, le Colonel Sudre apporte l’ordre de repli. Le regroupement du Bataillon s’amorce sous les bombardements aériens à partir de 17h près de la sucrerie d’Aulnois. Le GASTON DE FOIX est touché, 2 blessés.
Peu avant la nuit, le Lieutenant Kressmann reçoit la mission de dégager, au profit des Cavaliers du 7ème R.D.P. (?) avec son char le FAIDHERBE et le MARECHAL PETAIN de l’Aspirant Roblot, Athies sous Laon et Chambry en direction de Marle. Mission accomplie, destruction d’une colonne blindée ennemie, mais en faisant ½ tour, le char du Lieutenant Kressmann reste enlisé sur le bord de la route. A la nuit, les chars du Bataillon sont regroupés à Urcel. Le dernier, le DUGUESCLIN, n’arrivera qu’au petit jour, le 20.
Lundi 20 mai :
Dès le matin, des infiltrations ennemies conduisent à organiser des patrouilles et des reconnaissances. Des méprises sont évitées de peu. 3 chars de la 3ème Cie protègent le P.C. du Colonel Sudre à Laval et y couvrent le repli, par le village, d’éléments de la 4ème DCR.
En début d’après-midi, un individu en uniforme douteux, s’approche gesticulant et semblant demander du secours. Le Chasseur Chichera se porte à sa rencontre. Il est aussitôt abattu d’une rafale de mitraillette par l’individu qui réussit à s’enfuir dans les bois avant que personne n’ait eu le temps d’intervenir.
A 15h, début du repli vers Crugny par : canal de l’Ailette, Pargny, Chemin des Dames, Vailly, canal de l’Aisne, Chassemy, Braine, Mont notre-Dame, Chery-Chartreuse, Dravegny, Arcy le Ponsart.
Au passage du canal de l’Ailette, alors que le pont doit sauter et que l’ennemi commence à harceler les arrières, deux chars gravement endommagés : le CHEF D'ESCADRON BOSSUT de la 3ème et le LIEUTENANT DE GISSAC de la 1ère sont désarmés et abandonnés. Repli couvert par le DUGUESCLIN et le TURENNE.
Mardi 21 mai :
Route de nuit pénible, les équipages s’endorment aux arrêts. Arrivée des chars à Crugny entre 1h et 4h.
La journée du 21 est consacrée par les dépanneurs des Compagnies et les membres "non embarqués" des équipages à l’entretien et à quelques réparations. La C.E. est peu présente, pas assez, sans doute. Les équipages les plus sollicités pendant les 4 jours précédents ayant un gros retard de sommeil sont au repos.
Dans la soirée, ordre préparatoire de mouvement pour le lendemain : les 2 ou 3 jours de repos se réduisent à 24 heures.
Mercredi 22 mai :
Vers 11h : ordre de mouvement vers Compiègne. Départ prévu : 15h, en fait, échelonné de 16h30 à 18h. Itinéraire : Crugny, Arcis le Ponsart, Corcy, forêt de Villers-Cotterêts, Observatoire Mangin, forêt de Compiègne.
Arrivée à 23h à 2km Ouest de La-Croix-St Ouen.
Le Lieutenant Clave quitte la 3ème Cie pour devenir Officier de transmission du Bataillon. La nouvelle se répand que le Colonel de Gaulle est nommé Général.
Jeudi 23 mai :
Stationnement en forêt de Compiègne, nombreux bombardements aériens sans dégâts.
Des pannes survenues au cours du dernier déplacement nécessitant des réparations et des mises au point.
On peint des cocardes tricolores sur les chars, on distribue des fanions tricolores du T.C.F. et des chaînes de pompes "Henry" qui ont une propension à sauter.
A 12h, le Capitaine, Chef de Bataillon par intérim, est convoqué à Pierrefonds au P.C. de la 4ème DCR.
A 17h ordre préparatoire de mouvement. 21h45 ordre de départ. 23h départ de la colonne vers le nord ouest : La-Croix-StOuen, franchissement de l’Oise, Canly, Remy, Moyenneville, Wacquemoulin, Tricot, Montdidier, Grivennes, Ainval, Septoutre.
Vendredi 24 mai :
Arrivée vers 6h. Stationnement : E.M., 1ère et 2ème Cies à Ainval, 3ème Cie et éléments avancés de la C.E. au bois de la Morliére. Vers 13h bombardement aérien à 1500m.
Entretien du matériel et repos.
Samedi 25 mai :
Stationnement, la Section Schmidt assure la surveillance vers le nord et le nord est. Le sol est détrempé, il faut désembourber les camions. Survol de bombardiers mais pas de bombes pour le Bataillon.
A 11h le Capitaine Menet est emmené au P.C. du Bataillon par le Lt Cottenceau. A 14h ordre de passer 2 chars de la 3ème à la 1ère Cie avec leur pilote comme aide-pilote. A la demande des équipages, le Capitaine Menet et le Lt Bresson rencontrent le Capitaine de Chalain, l’ordre est annulé.
Vers 16h : ordre préparatoire de mouvement, rassemblement des Commandants de Compagnies. Départ prévu : 21h30. A 22h30 les 1ère et 2ème Cies partent vers l’ouest, itinéraire : Ainval, Esclainvilliers, Quiry, Paillart, Esquenoy, Villiers-Viconte, Cormeilles, Fontaine, Lavaquerie, Thoix, Offroy, Dargies, Lahaye, Equennes.
Gênée par les camions, la 3ème Cie part vers 2h30.
Dimanche 26 mai :
Entre Fontaine et Lavacquerie, la 1ère Cie se trouve face à face avec le 47ème Bataillon qui fait ½ tour et repart, comme le 46, vers le nord est. Arrivée à Equennes : 1ère Cie à 4h, 3ème Cie à 6h30.
Le Lt Buschenschutz prend le commandement de la Cie d’Échelon en remplacement du Capitaine Debruyne évacué pour raisons de santé ainsi que son adjoint : le Lt Carteret. La Section composée des équipages des 3 derniers chars de la 2ème Cie : le DUGUESCLIN (Lt Schmidt), l’ALBERT 1er (Lt Legret) et le JEAN-BART (Adj.-Ch. Goullier) passent à la 1ère Cie qui dispose également du MARECHAL PETAIN de l’Asp Roblot, seul char restant à la C.E. après la perte du MONTFAUCON et évacuation du GASTON DE FOIX. Avec les 4 chars qui lui restent : ARAMIS, TURENNE, AQUITAINE et D'ARTAGNAN la 1ère Cie est presque complète. La 3ème Cie dispose, encore de 6 chars : MAGINOT, VERCINGETORIX, MARECHAL DES LOGIS DUMOUTIER, GENERAL MONHOVEN, MARECHAL JOFFRE et MANGIN.
Depuis le 21 mai, les Compagnies disposent de presque 2 équipages par char. Lors des marches de nuit les équipages, et, surtout les pilotes se relaient, le plus souvent au sein des Sections. Les 28, 29 et 30 mai devant Abbeville, ce ne seront pas toujours les équipages titulaires qui mèneront les chars au combat.
Lundi 27 mai :
Stationnement à Equennes. On distribue des écussons du 46e qui doivent être fixés sur les vestes de cuir afin que les prisonniers ne soient pas considérés comme des francs-tireurs.
A 21h : ordre préparatoire de départ vers Oisemont en vue d’une attaque.
A 23h : ordre de départ immédiat apporté par un motocycliste.
Mardi 28 mai :
Grosses difficultés pour former la colonne sur la route très encombrée. Elle s’ébranle à 3h30 par : Equennes, Thieulloy, Hornoy, Andainville, Frettecuisse et arrive à 7h30 à Fontaine le Sec.
La Compagnie d’Echelon est à Sénarpont.
Vers 11h, 2 chars de la 3ème Cie : GENERAL MONHOVEN et MANGIN, avec leurs équipages, munis d’une journée de vivres sont mis à la disposition de la 1ère Cie du Lt Bibes. A 13h, le Colonel Sudre réunit les Commandants des Bataillons et de Compagnies de la 6ème ½ Brigade, et leur communique l’ordre du Général de Gaulle pour l’attaque de l’après-midi. Le Capitaine Menet et 4 chars de sa Cie (dont un en panne momentanée) restent à la disposition du Général de Gaulle.
Le Capitaine de Chalain, les Commandants de Cies et de Sections procèdent à une reconnaissance rapide à Warcheville où une patrouille Allemande vient de passer et d’où des blindés ennemis auraient été aperçus.
Le Lt Bibes prendra, pour l’attaque, l’ARAMIS du Lt Krebs, lequel remplacera l’Adj.-Ch. Goullier, indisposé, au commandement du JEAN-BART. Les 2 équipages de la 3ème Cie n’ont reçu comme consigne que la direction générale : Abbeville et, faute de mieux, garderont le contact, à vue, avec le Lt Bibes.
Parties peu avant la Cie du 46, les 2 Cies du 47, ont traversé la droite de Huppy, détruisant quelques antichars, puis débordé le village de l’est.
Vers 17h15, les 10 chars du 46 débouchent, en colonne de Warcheville et se déploient en bataille, Section Schmidt à gauche, Section Pellerin à droite, Commandant de Compagnie et 3 chars, au centre.
La Section de droite, dans la foulée du 47, progresse rapidement jusqu’aux Croisettes où elle est prise sous les feux des antichars lourds de la cote 104. Elle revient aux lisières nord de Huppy.
La Section de gauche et les chars du centre, se heurtent, dans les vergers, aux barrages successifs des antichars d’infanterie, peu efficaces, sauf de très près sur leurs blindages. Le JEAN-BART est toutefois perforé par un obus qui tourne dans l’habitacle ne faisant qu’un blessé mais détruisant les circuits électriques. Les points de passage dans les haies sont peu nombreux. Les armes automatiques sont difficiles à identifier. A 3 reprises, les chars doivent revenir chercher les Chasseurs du 4ème B.C.P. La bâche restée sur le dessus du GENERAL MONHOVEN prend feu et doit être enlevée par l’équipage.
A 21h30 Huppy est conquis et les Chasseurs s’y installent. De nombreux prisonniers sont faits. Du matériel, des armes et de la documentation, tellement plus abondante que la nôtre, sont récupérés. Des blessés et des morts chez l’ennemi et chez nos Chasseurs, un seul chez nous.
Mercredi 29 mai :
La nuit a été courte : regroupement, ravitaillement, réparations urgentes permettant d’aligner une dizaine de chars à la ½ Brigade (7 ou 8 du 46e, 3 ou 4 du 47e ?).
L’attaque reprend à 4h, sous le commandement du Capitaine de Chalain. Démarrage prudent en terrain compartimenté, puis débouché sur le plateau. Démarrages successifs pour obliger les antichars à se dévoiler. Une batterie (105 ?) est neutralisée, son dépôt de munitions saute. A 2 reprises, au moins, des vagues d’Infanterie Allemande sont décimées et stoppées. L’ARAMIS du Lt Bibes est gravement touché, sans blessés graves mais le char est bon à évacuer. Le Lt Pellerin prend un moment le commandement. A la mi-journée, les chars, ayant aidé les Chasseurs du 4ème B.C.P. à nettoyer le parc du château d’Huchenville atteignent Villiers sur Mareuil, mais le TURENNE du Lt Pellerin, tourelle bloquée et, au moins 2 chars du 47e sont bons à évacuer.
Pendant une accalmie, les chars sont ravitaillés en essence et munitions.
Sur un ordre du début de l’après-midi du Général de Gaulle d’avoir à reprendre l’attaque, sous le commandement du Commandant Petit du 47e, les quelques (6 ?) chars présents et opérationnels tentent de reprendre la progression vers le Mont de Caubert mais doivent y renoncer, une batterie d’Artillerie ennemie ayant pris position sur le Mont.
Le matin à 5h30 le Capitaine Menet et ses 4 chars ont été mis à la disposition de la 8ème ½ Brigade, et de Citerne ont gagné le moulin de Limeux. A 16h 2 chars le MAGINOT du Capitaine confié au Lt Forrer et le VERCINGETORIX du Lt Vadon ont été envoyés en reconnaissance à Villiers sur Mareuil et dans les bois au sud est du village où se trouverait une arme antichar. Ils voient arriver, de l’ouest d’autres chars du 46e et aucune arme ne se révèle. De retour à 17h30, ils recueillent des Fantassins du 22ème R.I.C. qui se replient et prennent position sous leur protection. Vers 18h, le Capitaine Menet et ses chars gagnent le château d’Huchenville où se trouvent les États-Majors des 6ème et 8ème ½ Brigades. Le Capitaine Mousquet, Chef d’État-Major de la 6ème ½ Brigade vient d’être blessé et est évacué. Pour la nuit, Menet assure la sécurité du château avec 3 chars.
Toute la journée, la C.E. travaille à remettre des chars en état : le TURENNE, l’ARAMIS et d’autres. On prélève une porte sur le JEAN-BART pour réparer l’ARAMIS, moins gravement touché. Le travail se poursuit la nuit, les Sections d’Échelon prenant en charge les réparations moins importantes.
Jeudi 30 mai :
Dans la nuit du 29 au 30, les chars encore opérationnels ont changé au moins 3 fois de stationnement. Vers 5h ils rallient le château d’Huchenville où le Capitaine Menet vient d’être chargé de prendre, pour l’attaque prévue vers midi le commandement de tous les chars de la 6ème ½ Brigade, encore en état de combattre. Certains équipages sont relevés. Trois Sections peuvent être constituées, 4, peut-être, difficilement. Le Lieutenant Sarraz-Bournet est envoyé en liaison avec le Commandant Bertrand qui tient Bienfay avec son 4ème B.C.P., puis auprès des Écossais qui arrivent et dont il maîtrise bien la langue.
A 12h, le Capitaine de Chalain arrive avec l’ordre d’attaque. Le Capitaine Menet demande des modifications pour éviter qu’au départ les chars soient trop longtemps sous le feu des batteries du Mont de Caubert. Le ravitaillement arrive vers 12h, en même temps que se déclenche un bombardement de l’artillerie ennemie. Deux chars sont endommagés, dont un gravement. Ils partent vers l’arrière, deux autres, réparés, reviennent.
A 13h : ordre définitif. Le Lieutenant Bresson part à Bienfay prendre liaison avec le Commandant Bertrand et reconnaître les débouchés. Les Chasseurs ont déjà subi quelques pertes. Vers 15h30, la colonne part pour Bienfay. Le débouché a été fixé à 16h30, puis 16h45. Un violent bombardement d’artillerie s’abat précisément à ce moment sur Bienfay.
Le débouché a lieu à 17h40.
♦ A droite : n°441 GENERAL MONHOVEN (Bresson), n°482 MANGIN (Michel), n°414 MARECHAL PETAIN (Roblot)
♦ Au centre : n°485 MAGINOT (Forrer), n°481 VERCINGETORIX (Vadon), n°412 JOFFRE (Letourneur)
♦ A gauche : n°477 AQUITAINE (Lartigau), n°417 ALBERT 1er (Vinciguerra), n°426 VERCINGETORIX (Arnoult du 47) , CONDE ( Bizet du 47)
♦ En réserve : n°443 MARECHAL DES LOGIS DUMOUTIER (Dehorne).
♦ A droite, le petit bois est livré aux Chasseurs qui s’y installent
Au centre, les lisières sont atteintes et neutralisées mais dans le couloir dégagé vers la droite, des tirs lointains empêchent la progression des Chasseurs.
A gauche les lisières du Bois des Anglais sont conquises mais les Chasseurs y sont en difficulté.
L’ennemi s’est replié sur Yonval, mais Mesnil-trois-Fétus ne peut être tenu par le 4ème B.C.P. et les batteries du Mont de Caubert "sonnent" les chars.
A 18h, le Lieutenant Michel blessé est ramené sur une civière. Le Sergent Rolet gravement blessé au visage est secouru par l’équipage d’un char de Cavalerie.
Les équipages du MANGIN, du JOFFRE, du CONDE et du MARECHAL PETAIN rentrent à pieds. Le MARECHAL PETAIN brûle à peu de distance. Le DUGUESCLIN réparé, rejoint Bienfay mais sa direction (joint de Naeder) est défaillante. Il prend position pour la défense du village et passe une partie de ses munitions au Lieutenant Vinciguerra qui a tout épuisé.
Le GENERAL MONHOVEN revient avec 3 patins coupés à moitié et la poulie de tension faussée. Au Capitaine de Chalain venu voir la situation à Bienfay, le Capitaine Menet demande de tenter d’obtenir l’intervention de notre artillerie sur la batterie du Mont de Caubert. Cette intervention n’aura pas lieu.
A la demande du Commandant Bertrand, 3 chars tentent d’aider les Chasseurs, qui ont pris pied à gauche, à se maintenir. Ils devront se replier. Les bombardements se succèdent. Le 22ème R.I.C. se replie sur notre droite. Le VERCINGETORIX de Vadon l’aide à rétablir sa situation.
L’incendie du MARECHAL PETAIN s’étant arrêté, l’Aspirant Roblot avec l’aide de l’équipage du MAGINOT réussit à le ramener dans Bienfay. Mais, de nouveau, son moteur refuse tout service. Vers 21h, le Capitaine Menet donne l’ordre aux 4 chars les plus mal en point de se replier : le DUGUESCLIN de Schmidt, le GENERAL MONHOVEN et les chars AQUITAINE de Lartigau et l’ALBERT 1er de Vinciguerra. Au bout de 2 km, à hauteur de Behen, la chenille du GENERAL MONHOVEN casse. Après essai de dépannage par les équipages, c’est la C.E. qui prendra le relais vers minuit.
Après 22h, les 4 chars encore opérationnels se sont repliés, essuyant sans dégâts, le feu d’un antichar Écossais arrêté sur l’intervention de Sarraz-Bournet.
Auprès du GENERAL MONHOVEN, en panne, la colonne trouve l’État-Major du Bataillon. Ordre lui est donné, par le Capitaine de Chalain de retourner à Bienfay en appui du 4ème B.C.P. Un char du 47e, le RIVOLI du Lt Gazel, se joint aux 4 chars de Menet.
Vendredi 31 mai :
Au petit jour les chars prennent position à proximité des différents débouchés.
Nouveaux bombardements. Chaque fois que quelqu’un s’approche du carrefour où stationne le MARECHAL PETAIN les artilleurs adverses s’acharnent sur lui mais ne l’atteignent pas.
A 14h parvient l’ordre de tenir jusqu'à 18h. De leur côté, les Chasseurs du 4ème B.C.P. sont relevés par les Écossais de la 51ème Division Britannique à qui le MARECHAL PETAIN est confié.
A 18h les 5 chars quittent Bienfay pour un cantonnement dans un verger entre Huppy et Doudelainville où se trouve le Bataillon.
Samedi 1er juin :
A 2h, on vient chercher les 2 Officiers du 47e Arnoult et Gazel qui rejoignent leur Bataillon avec leurs chars : VERCINGETORIX et RIVOLI.
A 3h arrive l’ordre de gagner Oisemont, puis Roy-Boissy, pour la 1ère Cie et l’E.M., Morvilliers, pour la 2ème Cie et la C.E., le Mesnil-Valran pour la 3ème Cie.
A 20h 4 chars : l’ARAMIS, le JEAN-BART, le GENERAL MONHOVEN et l’ALBERT 1er de Vinciguerra sont dirigés sur Vieux-Rouen pour être évacués par chemin de fer sur le P.E.B.7 (Parc d’engins blindés) à Rosny sur seine. Certains devront partir par la route par Forges-les-Eaux.
Dimanche 2 juin :
Stationnement à Roy-Boissy , Morvilliers et Le-Mesnil-Valran.
Lundi 3 juin :
Stationnement sur place. Entretien et réparations.
Le Lt Krebs, l’Asp Pincemin et un Sous-officier dépanneur sont envoyés à Bienfay pour dépanner et ramener le MARECHAL PETAIN. Ils sont retenus près de 24h par les Britanniques qui les prennent pour des Allemands. Après justification, ils peuvent revenir avec le char à Senartpont d’où il sera évacué sur le P.E.B.7.
A 17h la 3ème Cie reçoit l’ordre de livrer ses 3 derniers chars : MAGINOT, VERCINGETORIX et MARECHAL DES LOGIS DUMOUTIER à la 1ère Cie et d’aller dans la région de Versailles pour toucher des chars neufs à Satory.
Elle ne reviendra pas. Constituée le 9 juin en Cie autonome (352ème C.A.C.C.). Elle sera mise le 10 à la disposition du Corps de Cavalerie. Les 1ère et 2ème Cies seront fusionnées en une Cie de marche au sein d’un Bataillon de marche comprenant la Cie du 46, une Cie de marche du 47 et, plus tard, une Cie du 37ème B.C.C. Ce Bataillon de marche, noyau de la 6ème ½ Brigade terminera la campagne au sein de la 4ème Division Cuirassée.