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  HISTORIQUE DU 17e BCC

 

Formé par le 506e R.C.C., le 17e B.C.C (Commandant Cazalbou) est affecté à la VIIIe Armée et quitte Besançon le 3 Septembre 1939, pour rejoindre un lieu de stationnement dans le Haut-Rhin.
Début 1940, le 17e BCC va s’installer dans la région de Traubach à l’ouest d’Altkirch.
Le 20 mai, après près de six mois consacré à l’instruction il fait mouvement sur Retzwiller en prévision d’un embarquement par voie ferrée à destination du front de l’Aisne.
Le 1er juin 1940, il s’installe à Vailly-sur-l’Aisne à proximité de la zone impartie à la 28e Division d’Infanterie à Soupir près de Soissons. Il est rattaché au 7e Corps d’Armée.
Le 3 juin à 11 heures, la 3e Compagnie reçoit l’ordre de se porter à Magival. Elle est bombardée sur la route pendant 23 minutes. Les dispositifs de D.C.A. montés sur la tourelle permettent d’abattre un bombardier allemand qui tombe en flammes. Une bombe en ricochant tombe sur un char : le chef de char, Sergent-chef Tupin, qui tire avec le dispositif de D.C.A. est blessé au bras gauche par un éclat. Le char est indemne.
Le journée et la nuit se passent dans l’attente sous un bois au sud de Margival.
La 1ère Compagnie (Capitaine Victor Petit), mise à la disposition de la 7e D.I. fait mouvement le 5 Juin pour une P.A. à Clamecy (nord de Soissons) qu'elle atteint à 13 heures.
A 19h30, le Capitaine Petit reçoit l'ordre de se porter immédiatement sur Juvigny au Château où  est le P.C. du 93e R.I.
La Compagnie y arrive à la tombée de la nuit. Le Colonel donne l'ordre d'attaquer immédiatement sur le plateau au Nord de Juvigny, où l'ennemi progresse.
Les chars n'auront pas d'infanterie pour les accompagner.
Malgré l'obscurité croissante, et sans rien connaître du terrain, la Compagnie fonce sur le plateau en deux échelons. La nuit est complète.
Après s'être assurés qu'aucune réaction ennemie ne se produit, les chars, malgré de grosses difficultés pour se diriger, se rallient dans un ravin au Sud-Ouest de Juvigny ; il est 3 heures, le 6 Juin.
Dès le petit jour, le Capitaine de chars va avec le Chef de Bataillon adjoint au Colonel du 93e,organiser trois points d'appui d'infanterie sur les crêtes est et ouest de Juvigny et à la lisière nord du village avec le reste du Groupe Franc du 93e et des isolés refluant d'Unités de l'Ailette.
Le Capitaine Petit, après être allé s'assurer que sa Compagnie était prête à attaquer, remontait vers les points d'appui d'infanterie, lorsqu'il vit des fantassins du 93e qui refluaient en  désordre, criant que "les boches arrivaient aux premières maisons" !
Il remonte les fuyards de plus en plus nombreux, alors qu'une fusillade désordonnée éclate.
En quelques bonds il parvient jusqu'à un caporal du Groupe Franc, qui lui dit que le point d'appui du centre lâche, et qu'il a vu le lieutenant du Groupe Franc fait prisonnier.
Sans attendre l'ordre du Colonel du 93e - l'hésitation n'étant plus possible - Petit engage au plus vite la Compagnie en contre-attaque. Elle est magnifique de calme et de précision ; les chefs de section dirigent leur section avec maîtrise.
Au débouché sur le plateau de Juvigny elles se trouvent en présence de trois compagnies allemandes qui avancent dans les céréales, cachés jusqu'à la ceinture ; une en direction du village, deux qui le débordent à l'est et à l'ouest, et ont déjà sérieusement progressé vers les ravins boisés. Nos mitrailleuses font merveille et abattent tout ce qui est sur le plateau ou veut le déborder, faisant le vide autour de nous, sans souci de l'aviation ennemie qui, venant d’arriver, déverse sur nous son chargement de bombes, lentement en rase-motte. Avec cran, les fantassins allemands, par petits groupes, continuent à pousser en avant. Les survivants foncent vers le village ; le débordement s'élargit.
Les pièces anti-char ennemies arrivent ... Le char du Sergent Breton (section Buchaillat) se repliant de 20 mètres, passe près de celui du Capitaine, et, entrouvrant sa porte le mécanicien peut lui crier que son chef de char est blessé par un obus anti-char qui a fracassé la lunette de visée.
Nous continuons notre action pour permettre aux fantassins de se ressaisir ; mais les armes anti-chars se font de plus en plus nombreuses et sont difficiles à situer.....
La section Buchaillat, décimée, est immobilisée et ne tire plus.
La section Autogue est criblée d'obus ; la section Guidoni, protégée par une ride de terrain, continue son feu pour endiguer le débordement.
Le Lieutenant Moreau, après avoir changé de char sous le feu (panne de terrain) a progressé pour mieux endiguer l'infiltration à l'ouest.
Ayant rempli sa mission et comme il revenait vers le village, il veut porter aide à la section Autogue, repart vers le Nord, prend à partie des mitrailleuses ennemies et les détruit .... quand son char reçoit des obus anti-char, qui mettent son appareil en panne ; un projectile lui écrase complètement la main gauche ; un autre atteint l'armement, le blesse gravement à l’œil droit et au nez. Aidé par son mécanicien, il peut sortir du char et gagner le poste de secours du 93e. Tout en continuant de tirer, le ralliement s'opère.
La section Autogue, comme prévu, doit se rallier la première, mais malgré le signal répété, le char du Sergent Beaud reste immobilisé ... et ne tire plus. Le Lt Autogue a ses armes mises hors de service au moment où il contre-bat encore une pièce anti-char.
Son troisième char prend feu ... mais le Sergent-Chef Piquard parvient à éteindre et à ramener l'appareil à l'abri, malgré un obus dans le moteur !
La section Guidoni couvre le ralliement.
A Cuffies où la Compagnie s'est regroupée, le Capitaine Petit reçoit l'ordre de se porter à l'appui du 3e Bataillon du 159e  R.I. qui doit tenir la ferme au N-E de Leury ; Les 5 chars encore en état de combattre s'apprêtaient à s'y rendre sous le commandement de l'Adjudant Guidoni, quand le Capitaine apprend que l'ordre de repli au delà de l'Aisne va arriver, et que l'ordre de contre-attaque avec le 159e qui va se replier est annulé.
La Compagnie attend de nouveaux ordres à Cuffies, alors que l'ennemi qui a déjà atteint la crête, tire sur le village.
Au cours de la seule journée du 6 Juin, la 1/17e  BCC a eu 4 tués, 5 blessés - dont 2 officiers et 2 sous-officiers, et elle a perdu 8 chars, détruits ou hors de combat.
La 3e Compagnie se porte à 3 heures dans les bois au sud-est du Moulin de Laffaux et subit plusieurs heures de bombardement aérien mais sans aucune perte.
La capitaine Lamielle est blessé accidentellement par son char en guidant la manœuvre.
Vers 8 heures, constatant le repli des troupes voisines, le Lieutenant Richard qui a pris le commandement de la Compagnie décide de se replier sur Margival où sont restés les tracteurs de ravitaillement.
A Nanteuil-la-Fosse il reçoit l’ordre du Commandant du 130e R.I. d’attaquer immédiatement en direction du carrefour de l’Ange-Gardien qu’a atteint l’ennemi.
L’attaque démarre à 9 heures 15 à hauteur de la ferme Mennejean où la compagnie subit un tir de l’artillerie française qui immobilise un char (Jacquet n°50615), un autre appareil est tombé en panne au cours de l’approche.
Au carrefour de l’Ange-Gardien, la présence ennemie se révèle bien plus importante que les "quelques éléments" signalés au P.C. du 130e R.I. De nombreuses pièces antichars sont postées soutenues par plusieurs chars. Un char moyen et deux chars légers sont immobilisés par nos tirs, l’un d’eux est incendié. Le char du Sous-lieutenant Drouille (50605) est percé et incendié par 2 obus tirés à courte distance d’un char FT occupé par des allemands.
Quelques fantassins français se replient, poursuivis par des centaines d’allemands que les mitrailleuses des chars arrivent progressivement à stopper. Cependant, les trop nombreuses pièces antichars mettent plusieurs chars hors de combat à une distance de 8 à 900 mètres.
Le char du Lieutenant Richard (50629) rentrera avec 21 points d’impact, les chars Girardot, Marle, Lauron, Guyenot rentreront avec leurs trains de roulement et armement détériorés.
Les chars des Sous-Lieutenant Monnet (50621) et Sous-Lieutenant Drouille, du Sergent-chef Beaud (50159), sont incendiés par le tir ennemi ou sabordés par l’équipage.
Le char du Caporal Gautheron (50633), tombé dans un ravin a disparu avec son équipage, le char Colin (50590), chenille coupée a été renversé et sabordé par son équipage.
Les chars du Sergent-chef Saner (50601) et du Sergent Lacroix (50286) ont été immobilisés, les équipages ont disparu.
Après une heure et demie d’engagement, en attendant vainement l’arrivée de l’infanterie, le Lieutenant Richard doit se résoudre au repli, arment et moyens de vision détruits.
8 chars sont perdus sur les 13 engagés. 14 hommes, officiers, gradés et chasseurs sont portés disparus.

La Défense d’Acy

7 juin - 5 heures..... La 2e  Cie du 17e  B.C.C.. (7 Chars dont 2 en assez triste état) cantonne au village d'Acy, au Sud de l'Aisne  à quelques kilomètres de Soissons. Depuis plusieurs jours l’unité "baroude" farouchement dans les rangs de la 28e Division Alpine composée de troupes d'élite qui s'accrochent au terrain et résistent pied à pied à la formidable poussée allemande - la veille la compagnie a mené 4 contre-attaques très dures sur le plateau de Vaudesson, elle a réussi à rejeter au delà du Chemin des Dames jalonné de noms fameux aux consonances victorieuses les bataillons allemands, qui, avec une folle témérité et un allant inouï, avaient réussi à occuper les plateaux coupés de ravines qui dominent l'Aisne entre Vailly et Soissons. Le soir ses équipages, rendus de fatigue mais magnifiques de courage et d'endurance ont effectué des missions de liaison, de reconnaissance et de nettoyage sans aucune protection à travers un terrain semé d'embûches et truffe d'armes anti-chars. Les "Stukas" appelés à la rescousse ont mis à mal plusieurs appareils. Deux chefs de sections sont indisponibles : l'Aspirant Clerc, vraisemblablement tué dans son char renversé par une torpille ; l'autre : le Sous-Lieutenant Guerner, blessé en enlevant sous les rafales de mitrailleuses terrestres et aériennes l'armement de son appareil avarié.
Le Char du Commandant de Compagnie, le Capitaine Arnould, a été incendié ; l'équipage, miraculeusement a pu rejoindre l'unité, les armes à la main, sans une égratignure.
Le fatigue est indescriptible, mais le moral est de plus en plus élevé. L'unité composé de gars de l'Est et du Centre, prête à tous les sacrifices. Commandée depuis près de 2 ans par son Capitaine, ses équipages triés sur le volet connaissent à fond leur matériel. Plus et mieux que cela ; ils l'aiment comme le cavalier aime sa monture. Depuis le début des hostilités, un sang nouveau, apporté par les équipages réservistes a été infusé à l'ancienne A.S.350. Et ce sang est bien rouge, brassé par des cœurs qui battent à l'unisson sur un rythme bien français. Les  premiers combats ont réalisé les espoirs nourris par le chef de ces braves et ont fait de l'unité un bloc compact, homogène, indestructible.
Dans la nuit on a repassé l'Aisne sous la protection du 99e R.I., régiment d'élite dont le chef, le Colonel Lacaze, pouvait tout demander à ses hommes parce qu'il exigeait plus encore de lui-même.
L'Aisne ! Rivière historique derrière laquelle on allait se retrancher pour repartir comme autrefois à la conquête du territoire envahi et faire à nouveau flotter sur les cathédrales vénérables de Laon et de Soissons le pavillon tricolore.
7 Juin 7 heures..... Un violent bombardement (105 & 150) s'abat sur Acy. Les vitres dégringolent avec fracas. Les fumées d'incendie montent dans le ciel bleu et la-bas, sur les plateaux abandonnés momentanément les monstrueuses meules de paille attestant la richesse des provinces françaises sont autant de brûlots gigantesques. Un bombardement ? et puis après !... Les officiers de la Compagnie après avoir pris quelque repos dans de vrais lits et procédé une toilette plus nécessaire que jamais (Peut-on bien se battre lorsqu'on n'est pas rasé de frais) font-distribuer le café aux équipages. Le Capitaine oriente le matériel et le personnel sur une “creute” magnifique qui s'ouvre à la sortie sud du village et, dans le matin clair, où chantent les alouettes, il grimpe dans son side-car armé pour assurer la liaison avec le Chef de Bataillon.
Celui-ci confère avec le Colonel du Combret, commandant le groupe. Les deux chefs félicitent le Capitaine de la conduite de ses équipages. Mais le passé ne compte plus : ce qui importe c'est l'avenir. Et l’avenir c'est le coup d'arrêt que l'on doit porter à l'ennemi sur 1’Aisne. La 28e Division est à bout de forces. Elle va se reformer en arrière pendant qu'une division de 2e réserve occupera la rive sud de la rivière. Ils resteront à Acy en attendent les ordres ultérieurs qui les mettront vraisemblablement à la disposition de la division sœur de la 28e : la 27e dont l'arrivée est imminente.
Une grande joie soulève le Capitaine Arnould. La 27e c'est avec elle qu'il y a quelques semaines, la 2e Cie montait la garde sur la frontière suisse ; c'est avec son chef, le prestigieux Général Doyen que la dernière main a été mise à la liaison Infanterie Chars, liaison morale autant que matérielle. Combattre avec la 27e ... Quelle récompense... et quelles espérances.
Dans un grondement rageur, le side 69.418, piloté par le fidèle et imperturbable Monty, un auvergnat paisible et têtu pour qui aucun véhicule à moteur n'a de secret, remmène le Commandant de Compagnie.
Tout y est calme, malgré le fracas des obus. Les réservoirs sont pleins, les chenilles sont vérifiées, les casiers à munitions regorgent d'obus et de cartouches... Un casse-croûte digne de Gargantua a joué vis a vis des estomacs le rôle qu'ont rempli les tracteurs Renault vis à vis des chars. Qu’on se repose et qu'on attende tel est l'ordre donné par le Capitaine.
Mais les évènements ne vont pas tarder à se précipiter.
Les avions à croix noires commencent leur ronde infernale, piquant vers le sol en lâchent leurs chapelets de bombes et leurs rafales de mitrailleuses telles des mouettes apocalyptiques.
Des convois automobiles, des batteries d'artillerie traversent le village, se dirigent vers le sud... Puis ce sont des groupes de fantassins l'air harassé, certains désarmés...... Encore des artilleurs, des sapeurs et toujours ces groupes pitoyables de fantassins ayant perdu tout contact avec leurs chefs et dépourvus d'ordres précis.
Que se passe-t-il donc ? Le Capitaine Arnould interroge quelques-uns de ces hommes. Ils ne savent rien, sinon que, chargés de défendre la traversée de l'Aisne, ils ont vu depuis le matin les allemands tenter en force la traversée de la rivière, qui sur des tonneaux, qui sur des canots en caoutchouc et que, toutes munitions épuisées, tout contact perdu, sans soutien d'aucune sorte, ils se sont vus dans 1'obligation de chercher dans le repli une chance de retrouver leurs unités dispersées, décimées.
12 heures.- La situation est grave. La batterie anti-chars qui protégeait avec la 2/17 la creute où celle-ci s'était installée reçoit l'ordre de repli. Le Capitaine Arnould demande à son chef de lui laisser les mines anti-chars dont elle dispose. Puis il va personnellement faire une reconnaissance en avant.... Plus rien à l'horizon.
Quelques fantassins isolés passent encore certifiant qu'ils sont les derniers..... 13 heures....... Le calme règne, mais un calme annonciateur de la tempête qui va se déchaîner.
Deux routes mènent à Acy, venant de la direction dangereuse, l'une à flanc de coteau, face à la grande crête parallèle à celle sur laquelle est bâti le village, l'autre s'enfonçant dans le ravin. Il faut interdire ces routes. Le capitaine fait placer et amorcer les mines puis réunissant les équipages il leur fixe leurs missions. Missions de sacrifices : 7 chars sans soutien contre des régiments nombreux enivrés par le succès et armés Jusqu'aux dents.... qu'importe on tiendra jusqu'au bout et ensuite advienne que pourra.
Dans les yeux de ses officiers et de ses gradés le Commandant de Compagnie voit luire les flammes des dévouements joyeusement et ardemment consentis.
Les chasseurs qui déjà ont fait leurs preuves et quelles preuves ! envisagent le baroud proche comme un match entre eux et la mort menaçante. Mais ils sont fermement décidés à gagner la partie et le Capitaine se sent soulevé par une émotion à la fois douce et vibrante lorsqu'il plonge ses regards dans les yeux de ses hommes qu’il connaît depuis longtemps mais dont il ignorait jusqu'à présent la véritable personnalité. L'épreuve du feu, la seule qui compte et qui dépouille l'être de sa gangue tantôt terne tantôt brillante. A la Compagnie sous la gangue effritée, c’est de l’or pur qui se révèle.
3 chars sur la route N.O. adossés au talus boisé à contre jour.
3 chars sur la route du ravin, camouflés dans l'ombre des maisons vides.
Et le 7e en surveillance sur la route du sud ou des parachutistes ont été signalés.
Au centre du dispositif le P.C., les motos de liaison, les tracteurs de ravitaillement.
Le Capitaine envoie un C.R. d'installation au Chef de Bataillon qui approuve les dispositions prises et demande de tenir jusqu'au bout. Il sait bien que la 2/17 sera digne de sa réputation et portera très haut le fanion de l’A.S.
15 heures..... Des pétarades , des interpellations, du mouvement dans les rues dessertes : c'est un escadron du G.R.C.A. qui, avec la joyeuse insouciance et le cran magnifique des Cavaliers, arrive à la rescousse, envoyé par le corps d'Armée.... Prise de contact, cordiale et précise entre les deux capitaines. Le Cavalier se met très simplement à la disposition du Commandant de la 2/17 et sur ses indications, poste ses mitrailleuses, ses F.M. et ses canons de 25 aux emplacements indiquée par celui-ci. Maintenant le Boche peut venir. On l'attend de pied ferme.
15 heures 45...... C'était trop beau. L'escadron du G.R.C.A. reçoit l'ordre de se porter en arrière pour occuper une autre position. Son chef est navré mais il doit obéir. Et les adieux qu'i1 fait au Capitaine Arnould sont empreints d'une noble gravité.... Il sait que le proche avenir est lourd de menaces....Un grondement de moteurs, des commandements brefs, nets ; dans un ordre impeccable les cavaliers d'acier, comme à la manœuvre foncent dans la direction qui leur a été assignée.
A nouveau la 2/17 est seule, seule avec ses chars qui ne sont pas nombreux et avec son courage qui est grand.
16 heures....  Des rafales de mitrailleuses font passer dans les rues du village un sifflement d’orage... Le capitaine se rend auprès du Sous-Lieutenant Thomas qui lui montre en face, sur la crête, des groupes de soldats qui progressent, parallèlement au pont tenu par la Compagnie, en petites colonnes.... Les jumelles entrent en action…
Mais 1200 mètres, c'est beaucoup et le kaki et le feldgrau, à cette distance sont difficilement discernables... Incertitude..... Tirer ? Oui, mais si ce sont les nôtres ? Ne pas tirer ? Et si ce sont les bataillons ennemis que le Commandement espère arrêter là ????
Dans l'esprit du capitaine un violent combat se livre ; il faut tout de même agir... Et pour agir à coup sur, un seul moyen : tirer assez haut pour ne pas risquer d'accidents si contre toute vraisemblance nous avons affaire à des troupes amies, puis observer les réactions de ceux qui, sans arrêt et sans hâte, progressent sur la crête.
Le capitaine donne l'ordre d'ouvrir le feu et pointe ses jumelles dans la direction suspecte. Aux premières rafales les groupes qui progressaient marquent un temps d'hésitation. On voit les agents de liaison se détacher. Les dispositions de combat sont prises. Pas de doute étant donné la direction de marche des éléments observés, il s’agit bien d'unités ennemies...... Hausse 1200 mètres - Feu à volonté. Avec une joie à peine masquée par son allure de géant paisible, le Sous-Lieutenant Thomas appuie sur la détente et déclenche le tir de toute la section. Hourrah ! Les coups portent et portent bien.
En side, le Capitaine fonce vers l'autre section celle du Sous-Lieutenant Lassale, descendant du célèbre sabreur du 1er Empire et fait commencer le tir sur le même objectif. Le Sous-Lieutenant Lassale exulte. On dirait ma foi, qu'il s'agit d'une partie de plaisir. Et c'en est bien une, car les Boches dégringolent, tourbillonnent disparaissent, pendant que d'autres dépassant la crête, hésitent, se demandant ce qui arrive et cherchant où est le danger.
Le Capitaine, allant d'une section à l'autre, ne ménage pas ses félicitations et encouragements à ses équipages, secondé par l’énergique Lieutenant Chippaux, un réserviste de l'Est, habitant l’Alsace depuis longtemps et qui joint à ses connaissances professionnelles un cran dont il ne se rend même pas compte.
Un motocycliste de liaison fait la navette entre la Compagnie et le Chef de Bataillon pour le tenir au courant de la situation.
A chaque voyage il essuie des rafales de mitrailleuses. Mais la 2/17 à la "Baraka" Personne n'est blessé.
17 heures 30...... Il y a du nouveau, les boches réalisent qu'il ne s'agit pas d'une résistance organisée sur un large front, ni de la réaction de quelques éléments d'infanterie sporadiques. Ils flairent, le char, leur ennemi mortel qui depuis plusieurs jours leur porte de si rudes coups ..... Des voitures à chenilles se profilent sur le crête traînant des armes basses et longues : à deux le jeu : les anti-chars sont là !
Et commence alors la lutte des deux adversaires. Les obus et les balles anti-chars sifflent et se fichent dans le talus à côté de nos appareils. L'un d'eux est atteint. Le Sous-Lieutenant Lassale les dents serrées, la rage au cœur pointe avec soin. Bravo : une voiture à chenilles est durement touchée et flambe. Un canon anti-char atteint de plein fouet, cesse le tir, ses servants fauchés à leur poste. Quant aux fantassins ennemis c'est une hécatombe.
Allons, c'est du beau travail et le Capitaine Arnould est fier de ses équipages.
Mais l'aiguille tourne, les munitions s'épuisent et dans quelques quarts d'heure la nuit tombe. Le char de surveillance dont l'état est assez défectueux est renvoyé sur Ecuvry ainsi que le tracteur de ravitaillement vidé de tout son chargement et 3 motos dont la présence n'est plus nécessaire.
L'ennemi s'énerve de cette résistance imprévue. Il déborde le village par l'est et par l'ouest et déchaîne une tempête de feu sur ses défenseurs. L'air vibre de sifflements et de claquements secs.
Un tour d'horizon effectué par le Capitaine donne à celui-ci la certitude que dans quelques instants le village sera complètement encerclé. Le route d'Ecuvry reste encore libre mais pour combien de temps ?
Les chars continuent à cracher leur terrible venin. Là bas les "feldgrau" tombent et les pièces anti-chars n'osent plus se mettre en batterie Mais bientôt elles pourront profiter du crépuscule pointer à coup sûr sur nos appareils immobiles leurs gueules de bêtes fauves.
19 heures 30 Un motocycliste de liaison revient d’Ecuvry. En cours de route il a essuyé des rafales tirées de très près. Mais son sourire n’en est pas plus large ! c'est qu'il apporte une bonne nouvelle : la 27e Division arrive, elle s'installe sur le rebord sud du plateau et se prépare à contre-attaquer demain matin. Allons tout va bien… Mais il faut que la Compagnie garde sa puissance de combat, car on aura besoin d'elle dans quelques heures. D'ailleurs sa mission est remplie. A contre cœur, le Capitaine va donner à  ses chefs de section l'ordre de repli.
Le Sous-Lieutenant Thomas, un soldat discipliné obéit en sollicitant encore l'autorisation de vider quelques chargeurs. Le Sous-Lieutenant Lassale lui, n'entend même pas les appels de son Cdt de Cie.
Le veste en cuir en lambeau, des écorchures partout, un visage noirci où les yeux francs devenue d'acier luisent sombrement animés d’une flamme farouche, il tire, il observe, il pousse des interjections de joie ou de rage, il tire encore. Quel beau soldat ! Le Capitaine au milieu des balles qui claquent sur le talus admire la résolution farouche. Mais il faut penser à ceux qui nous attendent la-bas pour les appuyer demain. Allons en route.... Lassale grogne.
Il veut consommer toutes ses munitions. Il grogne comme ceux qu'un aïeul menait sabre au clair à l’assaut des villes prussiennes…
Et puis tout de même, car il sait que l'individu doit s'incliner devant l'intérêt général ; il obéit et fait mettre ses moteurs en route. Lentement les deux chars qui lui restent exécutent un demi-tour impeccable. Les tourelles se tournent vers l'ennemi et, avant de doubler le char incendié qui allume dans le soir tombent une torche gigantesque, le section Lassale en guise d’adieu lâche une dernière bordée sur les bataillons gris-verts.
Puis dans un ordre parfait, en colonne de route, aux distances réglementaires, la 2e Cie du 17e  B.C.C. brisée de fatigue, noire de poudre, mais soulevée d'une joie immense et d'un enthousiasme patriotique, fonce dans le grondement de ses moteurs vers le rendez-vous que la Gloire - ou peut-être la mort lui a assigné pour inscrire une page de plus au Livre d’Or de l'A.S.
Le 8 Juin, une Compagnie de combat est constituée avec les chars rescapés du 17e B.C.C. (dont les 5 de la 1ère Cie), sous le commandement du Capitaine Victor Petit.
Le même jour, après plusieurs ordres et contre-ordres, elle se poste en P.A. près de Grisolle.... où, dès le 9, elle perdra tout contact avec l'E.M. et ce qui reste du Bataillon.
Mise (par le Général De Bizemont) à la disposition de la 7ème Demi-Brigade de Chasseurs, dont quelques éléments – dans un désordre général indescriptible - résistent à la Ferme Puaux au Nord de Beuvardes, la Compagnie gagne la lisière Est du bois de la Tournelle, prête à intervenir.
Dans la nuit du 9 au 10, la Demi-Brigade de Chasseurs ayant reçu l'ordre de repli au delà de la Marne, la Compagnie de chars, après avoir fait bouchon à Beuvardes se replie dans les bois sud d’Espied, en vue de passer la Marne au pont de Mont St-Père. Des renseignements indiquant que ce pont a été endommagé par la Luftwaffe, le Cne Petit envoie le Lt Pamero,en moto, reconnaître l'état des autres ponts sur la Marne, en particulier à Château-Thierry. On ne reverra plus le Lt Pamero.
Faisant effort sur Mont-St Père, l'ennemi a déjà atteint La Cense à Dieu... la Compagnie devra forcer le passage pour atteindre le pont. Les tracteurs, commandés par l'Aspirant Rémond,sont encadrés par les chars.
La bataille s'engage contre les pièces anti-chars que l'ennemi met en œuvre. Le char de l'Aspirant Colin est atteint par une vingtaine d'obus ; celui de Sergent Foret est perforé sur le coté, blessant le chef de char, mais l'appareil n'est pas immobilisé.
L'Adjudant Guidoni, en tête de colonne se présente au pont pour demander le passage ; mais un court répit pour permettre de détruire les chars qui ne pourront pas le franchir.
Le lieutenant qui le défend refuse ; le pont va sauter, et seuls les équipages auront juste le temps de passer avant qu'il soit totalement détruit..... Le Capitaine Petit, quí en queue de colonne a assisté au drame, fait demi-tour avec son char, et s'engage à travers le bois pour tenter de gagner Château-Thierry. Il tire sur l'ennemi qui le suit de très près mais le char a une fuite d'huile, et finalement, cerné, Petit doit le détruire en l'incendiant.
De son coté, le Lt Autogue, pour sauver les motos, remonte jusqu'au pont de Jaulgonne mais lorsqu'ils y parviennent ils tombent en pleine bagarre ; les tirailleurs qui le défendent sont déjà aux prises avec les allemands. Autogue doit se résoudre à détruire le matériel ; et il parvient à faire franchir le pont par le personnel, par petits groupes successifs. A peine vient-il lui-même de passer et qu’il met en batterie un F.M récupéré des Chasseurs, que le pont saute ; il est couvert de gravas. Vers 17 heures il va au P.C. de la 20e D.I. à Connigis, rendre compte, avant de se mettre à la recherche du 17e B.C.C.
La désorganisation, l'absence de liaisons, de renseignements ... et d'autorité, ont obligé de détruire tout le matériel, et à ne sauver que le personnel.
Du 7 au 21 juin, au Sud de l'Aisne et au cours des replis de la 6e Armée, les opérations ont été menées à l'aide de Compagnies ou de sections reconstituées qui ont toujours été engagées et ont obtenu d’excellents résultats.
Le jour de l'armistice, le Bataillon avait encore au contact une section de trois chars et un élément avancé.

Pertes au cours des opérations.

Personnel :
5 Officiers, 2 Aspirants, 9 Sous-Officiers, 8 Caporaux-chef et Caporaux, 26 Chasseurs tués ou disparus
3 Officiers, 4 Sous-officiers, 2 Caporaux, 2 Chasseurs blessés.

Matériel :
35 chars détruits.

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