SOUVENIRS D'UN ARTILLEUR sur M 41 155mm

                                             Mes Souvenirs du Service Militaire, 1963/1964. 




Mi juillet 1963.
                                                             N° I

Nous sommes arrivés à la gare de TREVES en Allemagne au petit matin, nous étions épuisés par une nuit sans sommeil, le voyage me parut interminable, changement de loco à APACH gare située à la frontière germano-française. A l'époque la vapeur était encore en activité, je me rappelle les escarbilles et le long panache de fumée qui nous gratifiait lorsque l'on ouvrait les vitres du wagon, la chaleur était étouffante, mais bon, il fallait faire avec !
Arrivés en gare de TREVES il me fallut un certain moment pour rassembler mes idées et comprendre que le moment était venu de bouger, je n'étais d'ailleurs pas le seul, nous étions reconnaissables à des lieux à la ronde, la Police Militaire était là pour nous guider et nous faire monter dans les camions militaires, des GMC devais-je apprendre plus tard, car j'étais complètement ignorant de tout ce qui concernait l'armée, et de ce qui m'attendait !
Embarquement immédiat dans un certain désordre et sans plus attendre direction la caserne, c'est à dire Le Quartier du Belvédère au 68ème RALD (lire Régiment d'Artillerie Lourde Divisionnaire).

Nous étions un certain nombre à nous rassembler dans la cour du quartier, avec notre valise et nos cheveux  un peu trop longs, c'était le temps des Yéyés, des chemises noires, des Ypies, le temps aussi des contestataires et des objecteurs de conscience, je n'étais aucun de tous ceux là, j'étais un paysan à peine sorti du travail de la terre, et qui venait de découvrir le travail dans le bâtiment, comme plombier. Je n'avais pas l'âme d'un contestataire et je réalisais tout juste ce qui m'arrivait, d'autant que mes origines italiennes me faisaient parfois douter de tout, et j'avais bien du mal à me situer, dans le temps, dans la vie de notre jeunesse, ce futur inconnu qui vous tombe dessus comme par mégarde, sans y avoir été invité, bref j'étais là, nous  étions là, je faisais désormais partie d'un groupe, il fallait assumer !

Quand on est jeune finalement on s'habitue à tout rapidement, je n'était pas un militariste, loin sans fallait, je n'étais pas non plus  anti-militariste, d'autant que la France avait été la terre d'accueil des familles de mes  parents, je ne pouvais l'oublier et j'étais donc là pour faire mon devoir, comme tout citoyen « normal » car je pense l'avoir déjà souligné, quelques camarades de ma connaissance avaient fait des pieds et des mains, pour se faire exempter par quelques artifices, plus ou moins imaginatifs, mais bon c'était leur affaire !
Il faut dire que les derniers événements venus d'Algérie, Tunisie, Maroc, n'avaient rien de bien engageant et les récits de certains appelés qui avaient réussi à rentrer étaient carrément terribles !
Mon frère venait précisément de rentrer d'Algérie mais n'avait heureusement pas vécu de drame comme ce fut le cas pour de nombreux appelés, ou rappelés, d'autant que mon frère avait été appelé sous les Drapeaux en tant qu'Italien sans que personne ne ce soucie du peu ! Ce n'est qu'à son retour que l'on appris que son service militaire ne lui avait pas ouvert le droit à obtenir la Nationalité Française, c'est donc à ce moment là que nos parents nous firent naturaliser Français, mes deux frères, ma jeune sœur et moi-même, au vu du prix des timbres fiscaux mes parents restèrent Italiens, car mon père dût débourser un mois de son maigre salaire pour les timbres !
Nous habitions Le Fauga et cela c'était passé à la Sous-Préfecture de Muret, juste avant que je ne parte pour TREVES en Allemagne.

                                                               N ° II

Les deux  premiers mois avaient été assez durs, puisque c'était la période pratiquement incompressible de ce que nous appelions «Les Classes». Ensuite on m'a demandé si je voulais faire Les Pelotons, en réalité je ne savais pas du tout ce que cela pouvait représenter, mais j'étais loin de chez moi, que pouvais-je faire d'autre, pas un sou en poche, lorsque nous allions en  manœuvre au Grünberg, une vaste zone de manœuvre proche de Trêves, après les exercices un véhicule casse-croûte, venait proposer canettes de bière et autres sandwiches, pour ma part je ne pouvais jamais m'offrir les deux, je devais choisir, mais souvent je m'abstenais, je me contentais de l'ordinaire du foyer du soldat, malgré tout il était facile de voir les jeunes dont les parents envoyaient colis et mandats !
Il faut quand même dire que la belle jeune fille qui servait était à elle seule une nourriture spirituelle c'était un bon moment de divertissement et d'évasion …..et puis on pouvait toujours rêver un peu !
Durant les classes où je fut rapidement nommé Brigadier, nous partions souvent en manœuvres et passions la nuit dehors, sous les tentes individuelles, j'étais assez robuste, je ne me plaignais pas comme certains le faisaient, chez moi nous avions été habitués à la dure, la neige, le givre, le froid, je connaissais déjà, j'encaissais…..

Un jour, je ne me rappelle plus pour quelle raison, ma section avait été consignée ; en punition nous avons dû faire une marche de nuit, sous la pluie encadrement compris, c'est à dire avec Officiers et Sous-Officiers  compris. Je me rappelle avoir porté l'arme d'un jeune canonnier qui n'en pouvait plus, c'était des fusils Garand assez lourds (FSA),  j'avais donc ma propre arme un PM pistolet-mitrailleur, la pluie ruisselait sur mon imperméable et sur mon visage, mais mon esprit était ailleurs, peu m' importait ce qu'ils nous faisaient voir, cela ne me touchait guère, je souriais et je me disais « Bande de ......ce n'est pas la pluie qui me fait peur » car finalement les officiers étaient aussi punis que nous, le lieutenant qui s'appelait CANY juste à ce moment là, dirige sa lampe-torche sur moi et me voit donc sourire et me demande pourquoi ? Honnêtement je n'ai pas voulu dire le fond de ma pensée, me voyant porter l'arme d'une jeune recrue, il ne me dit plus rien !
Je souffrais davantage pour tous ces jeunes dont certains n'étaient pas très résistants.
Cet officier était réglo avec nous, jamais d'injustice, c'était un officier que j'appréciais !

Au casernement lors du rassemblement matinal et de la levée des couleurs au son du clairon, environ vers les sept heures du matin, il fallait être fin prêts pour une journée de travail qui était articulée entre  le parcours du combattant, le close-combat, l'EPM éducation physique militaire, cours en salle etc... autant de matières qui maintenaient en forme sous réserve de ne pas tirer au flanc, comme certains le faisaient, mais c'était pire que de travailler, chose que j'avais compris depuis le début, mieux valait faire le travail demandé et voilà, il en était de même pour les corvées, j'étais toujours parmi les volontaires du début, car par la suite ceux qui n'avaient rien pris comme corvée se retrouvaient à balayer la place d'arme au  vu de tous, je préférais donc choisir dès le début, corvée de pluches, où l'on était assuré d'avoir un bon casse croûte par les cuistots, de service en ville au Mess Sous-Officiers ou de corvée de sanitaires, pas toujours agréable ….., et puis il y avait le service de table, les brigadiers étaient systématiquement chefs de table, pas toujours simple ce rôle car il y avait toujours quelques grincheux qui ne voulaient rien faire !

Dès le début de notre incorporation, nous avions eu comme camarade un jeune sursitaire qui était le neveu du Général de la Place d'Arme de TREVES, le Général DEBREBISSON. Ce jeune avait sur nous un certain ascendant mais c'était un gars bien, c'était un ancien séminariste, il connaissait quantité de choses qui nous étaient inconnues, il avait mis en place un Groupe d'Amitié auquel je participais volontiers, ce qui nous exemptait souvent d'appel le soir.

Nous avons gardé le souvenir de l'assassinat du président des Etats-Unis, KENNEDY, triste souvenir où je revois encore le drapeau de la place d'Armes en berne.

                                                                                                               N° III

Au mois d'octobre 1963, j'avais sollicité une permission exceptionnelle pour le mariage de mon frère aîné Laurent, qui me fut accordée, ce fut certes très court car j'avais quitté TREVES le vendredi soir après le travail, pour être de retour au casernement le lundi matin à 8h, le trajet  dévorait la moitié du temps, mais bon, je m'en étais accommodé ! Il est vrai qu'un paysan qui cherche son itinéraire en alternant, métro et taxi entre gare du Nord et Austerlitz, c'était assez stressant pour moi.
Le quartier du Belvédère comportait, outre les obusiers, la partie des fusées HONEST JOHN, unité très particulière à laquelle nous n'avions pas accès, bien que j'ai le souvenir d'avoir eu des camarades y avoir été affectés, et outre les Américains et les Allemands qui en principe en faisaient partie, nous n'avions aucun contact ! J'ai juste quelques photos transmises par l'un de ceux là qui en témoignent, mais c'est tout ce que je peux en dire.
Le parcours du combattant faisait partie des entraînements obligatoires qui nous étaient dévolus de parcourir ; combien étaient-ils ces jeunes à ne pas pouvoir sortir de «  la fosse à ours », c'était également les sorties d'instruction à Baumohlder où nous allions faire du tir d'entraînement, soit au  FSA ou à la grenade, au FLG ou bien encore à la 12/7 qui était une arme lourde posée sur affût, et de maniement assez physique ! avec de nombreux incidents de tir.
Impossible de passer sous silence les batailles de polochons !
Certains soir où nous savions que la surveillance était relâchée, batailles où parfois les matelas se retrouvaient au sol, nous étions au 1er étage, du moins pendant les classes, après c'était différent, les Sous-Officiers avaient droit à une chambre à deux lits, ainsi qu'un planton, et nous étions à ce moment là dispensés de faire notre lit au carré, pour ma part j'ai continué à faire comme au début et de ce fait en cas de problème j'éliminais la possibilité d'une revue de casernement imprévue comme ce fut souvent le cas, un gradé ganté de blanc venait vérifier qu'il  n'y avait pas de poussière à tel ou tel endroit, vous imaginez le résultat, punitions sur punitions.....

Et puis il y eu ce mémorable Noël 1963/64 passé à la caserne,  et surtout le complément que nous avions joint à l'ordinaire et que nous avions dégusté dans notre chambrée, il y avait un camarade dont j'ai oublié le nom qui avait emmené son accordéon et qui jouait comme un dieu, nous l'écoutions goulûment, du moins moi, car l'accordéon est, et demeure mon instrument préféré !
Tous ces souvenirs se bousculent dans ma mémoire, peut être de façon dispersée, mais tous sont encore intacts.

A la 11ème Batterie où j'étais affecté  nous avions à tour de rôle la semaine à assurer et  lors du rassemblement du matin nous devions passer en revue les troupes en présence ou non d'un officier ou d'un Adjudant de Batterie. Nous avions par exemple l'adjudant chef RIOLLACCI  (je ne suis pas du tout sûr de l'orthographe), il était corse, et assez sévère. La semaine consistait à être responsable de l'emploi du temps pré-établi par l'autorité supérieure, y compris la nuit ; combien de nuits sans sommeil... à surveiller ceci ou cela.
Impossible de passer sous silence l'épisode des boutons….. une  tradition voulait que celui qui inspectait les troupes le matin coupe tout bouton non boutonné ….. j'ai vu des boutons coupés, ces pauvres jeunes n'en revenaient pas de voir se réaliser de telles bêtises, et obligé de faire comme les autres et d'appliquer avec sévérité cette façon de faire, à part que je n'ai jamais coupé un seul bouton. J'avais trouvé la parade, je mettais un bouton dans la main à l'insu des autorités, et j'inspectais les rangs, le couteau prêt à sévir, car il y avait toujours un étourdi qui avait oublié la farce du coupe bouton, les jeunes s'en apercevaient bien-sûr….. Ainsi j'étais apprécié par les jeunes et passait pour un bon Sous-Officiers pour les autorités.
Tout cela pour dire qu'à l'époque les jeunes étaient assez rudoyés par les gradés, mais ceux qui prenaient le plus de plaisir à les faire souffrir étaient les Sous-Officiers subalternes de carrière en quête d'avancement de solde et de galons !
Pour ma part je n'ai jamais puni qui que ce soit,  je me débrouillais comme je pouvais avec les autorités.

                                                                                                     N°  IV

En général les Officiers Supérieurs étaient bien plus sympathiques,  nous avions eu aussi des Sous-Officiers sursitaires qui de par leurs études se croyaient tout permis, même avec les anciens, je vous raconte un épisode :
Un soir nous avions fait une sortie de nuit avec les quatre obusiers, ce qui signifiait que le chef de pièce, dont j'étais, percevait chez le fourrier tout le matériel nécessaire pour faire du tir fictif. Cela fait nous voilà, en route vers le Grünberg, chaque équipage au complet avec ses dix personnes, dont une partie était embarquée sur des GMC ou des Unimog ce qui représentait quand même pas mal de matériel, que je détaillerai dans un autre chapitre. Nous voilà donc à pointer sur les étoiles, réaliser les tirs fictifs avec tout ce que cela représentait comme préparation, mesures de sécurité, etc.... Au retour, au petit matin, il fallait restituer le matériel chez le fourrier qui vérifiait soigneusement la liste du matériel ainsi que l'armement individuel. Pour moi tout était OK sauf que le lendemain on me signale que le refouloir de déchargement des obus à disparu, cette pièce en bronze servait à décharger l'obus engagé dans le tube, en cas d'incident de tir ou de toute autre ordre de déchargement pour une raison donnée.
Voilà que ma pièce avait disparu, or l'Adjudant de Batterie me demande de trouver un responsable et de faire une déclaration de perte, ce qui devait m'en coûter  selon ses dires de faire du rab et de faire des jours de consigne, autrement dit la prison ! Je ne me suis pas démonté, bien que je savais ce qui m'attendait, je n'avais désigné qu'un responsable, moi même et préparé mon 21x27 que je n'ai jamais envoyé et gardé par devers moi jusqu'au jour où lors du lavage des automoteurs, le refouloir de déchargement fut retrouvé dans une alvéole d'obus de l'obusier d'un Sous-Officier sursitaire qui ayant égaré le sien, avait tout simplement demandé à ses canonniers de se débrouiller…. Ils avaient resquillé le mien, bien que je soupçonnais le fourrier d'avoir été complice car les appareils portaient un N° de série, le contrôle avait dû être assez aléatoire et de me féliciter de n'avoir pas désigné d'office un responsable parmi mes jeunes, j'aurai eu l'air de quoi !
Pour l'histoire je conserve toujours dans mes archives ce fameux document qui atteste mes dires !
Du fait de l'éloignement je n'ai bénéficié que de deux permissions, la première lorsque mon frère aîné Laurent s'est marié en octobre 1963 et l'autre en tant que permission libérable juste avant la fin de mon service, il est vrai que j'avais cumulé des heures de «perm» notamment des 48h, à diverses occasions, par exemple le don du sang entre-autres, mais vu la distance de mon domicile, je ne pouvais pas partir.
Avec mes camarades, j'ai participé à trois  manœuvres en France à tir réels en EAF (Ecole à Feu), se répartissant entre Suippes et Valdahon, lors des premières manœuvres, j'étais artificier, c'est à dire que j'étais sensé visser et régler les fusées sur les obus, cette fusée comportait le système de mise à feu des obus qui explosaient ainsi soit en fusant, c'est à dire que l'explosion se produisait à une certaine hauteur, celle-ci étant calculée par le PCT Poste de Commandement de Tir, l'explosion pouvait également survenir avec du retard, réglable, et enfin explosion en percutant, chaque obus portait des repères de couleur différentes pour identification.
Toutefois ce travail était plutôt effectué par l'Adjudant de Batterie qui avait bien trop peur que le jeune canonnier artificier ne commette une erreur…... C'était certainement une sage précaution.
Car nous avions eu comme information, que lors de manœuvres précédentes un obus avait par mégarde causé un accident et le tracteur d'un agriculteur avait été détruit...... Sans plus de détails !

                                                                                                             N° V

Lors des deuxièmes  manœuvres, j'étais brigadier et pointeur, mon travail consistait donc à mettre en œuvre le système de visée grâce à un appareil qui s'appelait le goniomètre, appareil très sensible qui permettait de contrôler et de procéder à la mise en fonction de l'obusier,  il fallait afficher le gisement en un premier temps, la dérive en second temps, régler la hausse, tout cela grâce à deux manettes, réglage qu'il fallait parfaire, lors du premier tir, car au départ du coup, l'obusier faisait un bond et la bêche arrière se plantait dans le sol, c'était donc le rôle du pointeur d'affiner les éléments de dérive et de gisement en alignement sur les doubles piquets pour arriver à obtenir le meilleur réglage et donc faire le meilleur score qui était collationné par l'équipe des Observateurs situés quelque part dans ou près de la zone de tir. C'est la raison pour laquelle avant chaque tir réel, les tubes des obusiers étaient positionnés de telle façon que l'Officier de Tir devait contrôler le gisement de chaque tube à l'aide d'une boussole. Toutefois l'officier de tir positionnait un autre instrument qui permettait la mise en œuvre des données de tir, c'était ce qui s'appelait le TS théodolite simplifié, genre appareil de géomètre.
Pour mes troisièmes manœuvres j'étais Chef de Pièce MDL Maréchal des Logis, avec malgré tout la responsabilité de mes neuf canonniers, ce n'était pas de l'amusement de gamin, et je m'étais d'ailleurs souvent demandé comment j'en étais arrivé là, moi qui ne connaissais rien à la géographie, car entre le nord de la carte, le nord géographique et le nord magnétique, j'y perdais mon latin, ajouté à tout cela les dérives et les gisements, les DZ et de me retrouver responsable de mes gars, j'avais malgré moi fait bien du chemin….... Au quartier Castelforte il y avait bien ce qui s'appelait le CIDB, le Centre d'Instruction des Blindés mais nous n'y avions été que deux ou trois fois.
D'ailleurs lors de nos dernières manœuvres à Suippes , il m'arrive un incident notable. Nous avions perdu une fusée. Catastrophe, j'étais bon pour faire du Rab, de là à trouver la raison, ou un responsable il était dès lors trop tard pour épiloguer. Comme notre pièce avait été désignée pièce directrice, nous avions eu le mérite de faire mouche à la distance maximum autorisée par l'engin, nous étions les meilleurs... de la batterie. C'est vrai que j'avais de braves gars qui m'estimaient et je n'avais jamais eu à me plaindre d'eux, il faut dire que j'étais (je pense) brave avec eux , ils me le rendaient bien !
Malgré tout ce jour là, j'ai eu la frayeur de ma vie, je décidais donc d'envoyer l'obus sans fusée avec son anneau de transport, en me disant que si un incident survenait et s'il fallait décharger l'obus (voir refouloir de déchargement cité plus haut) j'étais bon pour le conseil de guerre... Toutefois après une longue attente faite d'ordres et de contre-ordres nous recevions l'ordre de tir pour ce dernier «pélo» obus. Ouf quel soulagement, d'autant que l'obus en question avait été dédicacé en la circonstance, celui-là n'a jamais explosé. Je suppose que lors d'opérations de déminage beaucoup plus tard il a du être retrouvé intact, car sans sa fusée un obus ne peut pas exploser, sauf situation particulière, c'est à dire à l'aide d'explosif genre TNT, lire trinitrotoluène, ou nitralite, ou cheddite avec cordeau détonnant.
Personne ne vendit la mèche, (sans jeu de mots) et je n'en ai jamais eu d'écho !

Malheureusement lors de ses dernières manœuvres et dans l'autre l'équipe car il y avait deux batteries de quatre obusiers en action autrement dit huit obusiers, il y a eu un terrible accident, le tireur de l'une des pièces commit une imprudence qui devait lui coûter la vie. En effet il y eu un long feu, c'est à dire qu'après avoir percuté l'étoupille (sorte d'amorce qui  était le système de mise à feu de la charge ), le coup ne part pas, et ce pauvre gars d'actionner à la main le marteau qui servait de percuteur, là le coup est parti.... le tuant net sur place la tête déchiquetée. Halte au feu tout azimut !

                                                                                                              N° VI

Un hélicoptère était  intervenu immédiatement dans un délai très court et notre camarade transporté dans un hôpital, mais ses blessures étaient irréversibles, il succomba avant même l'atterrissage de l'hélicoptère !
Le chef de pièce était de Montauban, il s'appelait LATAILLADE, un MDL comme nous, sauf que c'était un ADL c'est à dire un rengagé, Au Dessus de la Durée Légale donc un professionnel, et non pas un appelé comme je l'étais.
De retour au casernement une messe avait été dite pour le repos de son âme, l'aumônier militaire avait demandé quelqu'un pour servir la cérémonie, comme personne ne se présentait, j'y suis allé comme lorsque j'étais gamin. Pauvre camarade, il s'appelait CADET, le prénom ne me revient plus, ses parents étaient venus assister à l'office et récupérer ses affaires, triste, triste journée !

Un peu de technique sur l'obusier Automoteur M 41 Chaffee, c'était un engin d'un peu plus de 20t, équipé de deux moteurs à essence, soit Cadillac d'origine ou  Massey Harrys en réparation, comportant deux réservoirs d'essence de 200 L chacun, avec train de roulement chenillé, une bêche arrière permettait de stabiliser le char lors des tirs réels. La bêche était comme une pelle d'un chenillard qui se plantait lors du tir, et qu'il fallait relever à chaque déplacement de l'engin. L'autonomie était assez réduite, mais les deux batteries ne se déplaçaient qu'en groupe organisé, avec les véhicules transportant les munitions, les charges de poudre séparées,  les réserves de carburant, le PCT Poste de Commandement de Tir, les Observateurs, les Transmissions, le véhicule sanitaire, le véhicule Lot 7 c'est à dire un puissant véhicule de dépannage, au total cela représentait une quantité de matériel assez impressionnant.
En fait le moment le plus impressionnant, se situait lors du rassemblement de tout le matériel sur la place d'armes du quartier Castelforte, y compris tous les paquetages du personnel au complet prêt à embarquer sur les transports de troupe qui devaient les emmener à la gare, y compris les véhicules et les chars qui étaient eux embarqués sur des engins porte-char que l'on appelait des Wreckers.
Toutefois j'ignore si les munitions étaient transportées en même temps, mais je suppose que non, celles-ci devaient être acheminées directement sur place depuis les soutes à munitions situées en France.
Tout ce matériel, y compris le personnel était ensuite chargé et embarqué en gare de Trêves sur le train, ou les locomotives à vapeur étaient encore en service, c'était « fumant et impressionnant ».
Pour le trajet, nous recevions des boites de ration contenant «du singe» et une petite dose d'alcool , le trajet était très long car le train devait laisser la priorité aux trains de voyageurs et de marchandises, nous restions de longs moments à l'arrêt, des heures entières, ne sachant trop comment occuper notre temps, il fallait faire avec !
L'arrivée à destination était toujours un moment de désorientation, où tout se passait de manière assez confuse, et l'arrivée sur le lieu des manœuvres ne passait pas inaperçu dans la campagne. Il faut dire que lors de mes trois manœuvres, je n'ai jamais eu de permission de sortie, la première fois, nous étions jeunes je le comprenais, mais aux deuxièmes manœuvres, nous avions été consignés pour je ne sais plus quelle raison, donc nous vivions en vase clos sans contact avec les populations extérieure, chose qui nous aurait remonté le moral. Pour les dernières manœuvres comme j'étais de garde, pas de permission possible, d'autant qu'une nuit un jeune chauffeur «subtilise» une jeep pour aller en ville, il est repéré par un planton de la garde qui vient m'en rendre compte, et à mon tour obligé d'aller réveiller l'officier de permanence, car en cas d'accident j'aurai été responsable. La Police Militaire prévenue, notre camarade fut ainsi ramené au camp et mis en cellule, il a dû me «bénir», mais que pouvais-je faire d'autre !

                                                                                                                 N° VII

Plus tard j'ai revu ce camarade mais j'ignore s'il a su qu'il avait été mis en cellule par ma faute ! Il s'appelait AVINET.
D'autant qu'à la fin de ces dernières manœuvres, j'avais accumulé les incidents. En effet à un certain moment un niveau qui servait à vérifier et à contrôler l'horizontabilité de l'obusier lors du tir, avait été endommagé et l'officier de batterie m'avait demandé de nouveau de désigner un responsable, et de faire un 21x27, un compte rendu en règle, or je ne l'ai jamais fait et de retour au casernement personne ne m'a rien demandé.
Les quelques mois qui précédèrent ma libération furent très occupés, en rentrant à Trêves, je fus consécutivement de semaine et de garde, alors que jusque là nous en avions été exemptés, une nuit, une rixe éclate dans une chambre, nous recevons un appel, et me voilà doté du piquet de garde composé de trois canonniers armés obligé d'aller calmer le jeu, en fait il s'agissait d'un sursitaire qui avait déjà eu semble-il des problèmes avec la justice et qui avait dégainé un énorme couteau et voulait en découdre…... J'ai dû user de diplomatie pour le lui enlever et le conduire en cellule escorté de la garde. Je n'étais pas tranquille du tout, car nos munitions étaient cousues dans des sortes de pochettes de toile que l'on ne pouvait ouvrir qu'en cas de danger grave et immédiat !
Je ne citerai que son prénom Salas P…....... Grosse frayeur cette nuit là. Dans la même semaine, toujours lors de la garde, un planton nous signale de la fumée dans une cellule de la prison, et nos voilà de nouveau à intervenir, pour connaître les causes de cette fumée qui provenait en fait d'une cigarette, cachée et mal éteinte sous une lame du sol, j'avais dû confisquer les cigarettes, mais partiellement simplement, merci qui …...ce camarade que je connaissais bien car il était de ma classe s'appelait GAYE.
Toutefois rien de bien méchant, par contre quelque temps plus tard, mon camarade Jean-Paul MUNIER était de semaine à son tour, et à un certain moment il reçoit la plainte d'un jeune appelé se plaignant d'avoir reçu des «avances….» d'un MDL qui était affecté au Groupement d'Instruction dont nous faisions partie. J'ai oublié le nom de ce Sous-Officier Nord Africain, comme le jeune en question ne voulait pas en démordre, force fût à mon camarade Jean Paul de noter l'incident sur le cahier de semaine, document sur lequel étaient notés tous les événements quels qu'ils soient. L'affaire bien sûr fit grand bruit,  le sous-officier en question passa en conseil de discipline et fut radié de l'armée, alors que c'était un engagé. Il avait menacé de mort mon camarade qui n'était plus tranquille du tout, et depuis lors, il ne sortait plus qu'accompagné, il est vrai que nous nous entendions bien, et le peu que nous pouvions sortir nous étions ensembles !
Il s'en falait que nous approchions de la fin de notre service, cela aurait pu devenir dangereux pour ce camarade !
La plupart du temps nous allions simplement au Foyer du Soldat ou le demi valait 5fr, nous ne pouvions nous offrir plus. De temps à autre nous allions assister à la messe à la cathédrale de Trêves, peu importe si on n'y comprenait rien, on y voyait entre-autres la Tunique du Christ comme relique.
En descendant à pied vers la ville, nous passions à travers la campagne et souvent les chevreuils traversaient les vergers de pommiers devant nous !
Une fois nous avions entrepris d'aller au plus près de la vierge noire, statue monumentale haut perchée dans les coteaux de la ville, qui surplombaient la rivière, la  Moselle je pense, mais vu la distance, nous y avions renoncé !

                                                                                                 N° VIII

De retour à Trêves, lors des dernières manœuvres, le travail  qui m'avait été confié était de plus en plus intense, comme si l'autorité profitait de mes derniers jours pour me faire craquer, mais j'ai toujours tenu bon. D'une part il avait été demandé aux Sous-Officiers qui étaient chef de Pièce de passer le permis char. En effet, lors de déplacements avec les chars, le chef de Pièce était considéré comme étant chef de voiture, il devenait donc obligatoire qu'il ait le permis approprié. Nous avons donc eu une formation théorique du code allemand et pris quelques cours de pilotage sur les engins chenillés, qui demandaient une formation spécifique. Pour moi qui dans ma campagne conduisait depuis bien longtemps, le tracteur à boule chaude, un Percheron, dont le plus compliqué était le démarrage, ensuite je pilotais la moto de mon père,  moto que je prenais sans son  aval  et avec  la complicité de ma mère pour aller faire les courses, ainsi que la voiture, une P60 Simca que je conduisait la nuit principalement pour ramener l'amie de mon frère chez elle….. Tout cela bien entendu sans permis d'aucune sorte.
La conduite fut pour moi comme un jeu d'enfant, toutefois je fus collé au code, car on nous avait questionné sur le code allemand, et mis à part quelques mots, je n'y comprenait rien du tout. Quelques jours plus tard, nous repassions ce fameux code de la route au casernement en questions bien françaises, malgré cela mon permis ne me servit à rien, car il fallait avoir fait un certain nombre de km pour pouvoir le faire valider !
Finalement nous avions été deux à avoir le permis chenilles, car lors d'un cours pratique sur engin chenillé, mon camarade Jean-Paul commit une erreur de pilotage qui aurait pu être fatale à l'Officier instructeur, la tourelle du char s'était détachée et avait sérieusement commotionné le lieutenant CANY qui était notre moniteur, il n'eut jamais son permis !
En ce qui me concerne quelques jours avant mon départ, un camarade de ma classe, me demande mon brevet, et je pensais qu'il m'était retiré, mais voilà que quelques jours plus tard, mon permis militaire m'est rendu, dûment tamponné, comme si j'avais fait le nombre de km requis et ce même camarade de me dire que sitôt rentré dans mes foyers je pourrais le faire transformer en civil. En fait je n'y croyais qu'à demi, toutefois c'est ce qui se passa de retour chez moi et avant la fin 1964 je me présentais à la Sous Préfecture de Muret où mon brevet de pilote toutes catégories, sauf moto de plus de 125cc fut validé en permis civil. Vous imaginez ma joie et l'incrédulité de certains, y compris mon père qui avait investi une somme importante dans ce papier rose, eu égard à son maigre salaire !  Ce fut en quelque sorte mon salaire, merci l'armée…...
Quinze jours avant la date de ma  libération, on me demande de passer le CIA, Certificat Inter Armes, en réalité je ne voyais pas du tout l'utilité de la chose, mais bon, j'acceptais, et me voilà retourné sur les bancs d'école à refaire une formation théorique et pratique approfondie.
Or dès le premier jour d'exercice, au cours du passage de l'échelle de rail en sautant après avoir fait «le soleil» je me réceptionne mal au sol et me foule la cheville, impossible de marcher, j'ai du aller à l'infirmerie voir le Médecin Colonel qui me prescrit une exemption de service, me donna des médicaments que je n'ai jamais pris. Pour moi c'était une catastrophe car je pensais bien rester à Trêves pour profiter de voir autre chose que le quartier du Belvédère, alors je demandais une dispense de certaines activités, mais j'ai toujours suivi le groupe en clopinant et continué les activités comme par exemple la natation. Moi qui ne savait pas nager, j'ai appris en trois séances à plonger et à remonter à la surface, ….. où l'on me tendait la perche, mais l'honneur était sauf, car la natation était note éliminatoire. Le jour de l'examen j'ai eu le minimum requis et c'est ainsi qu'après avoir passé les différentes épreuves je fut reçu avec une  moyenne de 12,5 avec mention passable.
A noter que lors de ce court passage dans cette unité de formation, une alerte générale se déclare. Je n'avais pas mon paquetage, je ne savais plus où me mettre, je me rappelle m'être caché pour éviter que l'on me voie et puis tout redevint dans l'ordre !

                                                                                                           N° IX

A noter que pour moi avoir le CIA ou pas n'avait aucune importance, et ce n'est que plus tard lors de mes périodes de Réserviste que je recevais la notification de mon grade de MDL-CHEF, or il n'en allait pas de même pour les Sous-Officiers d'active qui voyaient leur solde et leur grade augmenter, et l'on voyait la mine déconfite de ceux qui n'avaient pas été reçus aux épreuves !
Peu avant le grand départ, nous avions eu un entretien avec le Commandant d'unité ASSELINAU qui nous proposait de nous engager dans l'armée. Il m'avait ainsi été proposé de faire l'école d'Artillerie de Châtellerault  et l'on nous proposait même une certaine somme bien rondelette mais moi j'avais mon métier, j'étais plombier chauffagiste, j'ai préféré rentrer chez moi et me remettre au travail.
J'avais fait mon service National, j'avais servi la France, la terre d'accueil de mes parents, j'avais en quelque sorte payé ma dette, et j'avais choisi de tourner la page, d'ailleurs juste avant le départ nous avons reçu notre Certificat de Bonne Conduite, nous en étions fiers, j'en étais fier !
C'est là qu'un jour dans un couloir, je rencontre un jeune récemment appelé qui me dit :
Maréchal des Logis on t'aime bien, mais on ne veut pas que tu rempiles». Le jeune canonnier avait certainement dosé ses paroles car il était strictement interdit de se tutoyer, et bien sûr je le rassurais sur le champ !
Ainsi je quittais donc définitivement TREVES quand même le cœur gros, nous y avions passé certes une partie de notre jeunesse, mais aussi de bons moments de camaraderie, comme de moins bons moments vite oubliés .
Je retournais dans mes foyers avec deux mois de permission libérable, et le reste de ma vie à pouvoir ! Juste un détail avant ma permission de libérable, j'avais envoyé mes cigarettes à mon beau-père, car je ne fumais pas, et lors du retour chez moi j'ai dû aller régler une amende de douane, motif 10 paquets de dépassement non autorisé !
Et c'est là que dès mon retour chez moi je reçus la visite d'une personne qui m'entretint de la Réserve.
Il faut dire que dès le début je n'étais pas très chaud de me remettre dans le bain, car le but était de participer à l'encadrement des jeunes pour La PME la préparation militaire élémentaire, et puis ce fut l'enchaînement avec des Sous-Officiers qui avaient fait l'Algérie notamment, et sans savoir pourquoi  je me suis laissé faire, à l'époque la Section de Muret comportait plus de 40 membres.
Et c'est ainsi que je me retrouvais à l'encadrement de la PME et à participer à quantité de manœuvres : Caylus, Camps de GER, Toulouse , etc.......
Entre-temps je m'étais installé artisan. Les conditions devenaient de plus en plus dures, mais j'ai toujours tenu bon, jamais le meilleur, jamais le dernier, mais toujours prêt à SERVIR avec les modestes moyens qui étaient les miens.
Bien plus tard voyant que je ne servais plus à rien, j'ai demandé à être Porte Drapeau. Une façon comme une autre de garder le lien avec la FRANCE notre terre d'accueil et ma PATRIE, et de travailler sur le Devoir de Mémoire.

 

Composition de l'équipage de l'obusier automoteur de 155mm M 41 en ordre de service.     
Le M 41 comportait un équipage de 10 personnes au total pour servir la pièce.
Le chef de pièce qui était obligatoirement un Sous-Officier au minimum
Le pointeur qui était un brigadier.
Le premier artificier, vissait et réglait les fusées sur les obus.
Deuxième artificier aidait le premier artificier, ils étaient complémentaires.
Le pilote dont la principale mission était de conduire le char à sa destination.
Le chef de voiture responsable du matériel.
Le tireur dont la mission était d'introduite l'étoupille et actionnait le cordon de mise à feu.
Le chargeur qui préparait les charges selon les ordres reçus du chef de pièce.
L'aide chargeur qui aidait au chargement de l'obus sur la civière pour l'introduire dans le tube et procédait également à la mise en œuvre des doubles piquets.
Le pourvoyeur qui approvisionnait les obus qui étaient stockés dans une zone dite de sécurité.
Des tâches supplémentaires étaient dévolues à certains canonniers, je n'ai plus le souvenir de tout, mais il fallait outre les tâches citées ci dessus, enlever le couvre-bouche, baisser la bêche, déverrouiller la masse pivotante. Etc........ Le chef de pièce était doté d'un moyen de transmission radio genre ANGRC 9 ou TRPP 8 A et était en liaison permanente avec le PC.

Caractéristiques de l'obusier.
22 obus étaient chargés sur chaque  pièce, et 67 sur le véhicule support.
Composition d'une charge : l'étoupille, et la gargousse qui contenait les différentes charges, ces dernières étaient calculée par le PCT, fonction de la vitesse du vent et de la distance prévue par l'impact, le tout associé à l'inclinaison du tube, et le gisement corrigé de la dérive.
La masse reculante, était  composée du lien élastique, c'est à dire de vérins hydrauliques et de puissants ressorts de rappel, le tube pouvait reculer de 1,50 m en charge  maximum et pesait 1500 kg, la culasse était de type à vis à filets interrompus, et le tube était rayé de façon à donner à l'obus une trajectoire stabilisée, il comportait 48 rayures.
L'obus comportait une bande de forcement en laiton ou en cuivre qui épousait les rayures du tube lors du départ du coup.
Les obus pesaient en moyenne 43 kg et la portée maximum  de l'obusier était de 15 km.  

Voici en vrac les authentiques et principaux souvenirs de mon Service Militaire, vestiges du passé.   

Fait à Muret le 25 Août 2016.   C Fred .
Alfred
Contarin