1941 MARMON HERRINGTON
 
 
Le véhicule de reconnaissance MARMON HERRINGTON mark III A est produit en Afrique du Sud. Véhicule de 5,45 t, il possède une autonomie de 320 km, quatre roues motrices et une vitesse de pointe de 80 km/h sur route. Son équipage de trois hommes est protégé par 12 mm de blindage sur l'avant et 6 mm sur les côtés. L'armement répond au concept britannique de reconnaissance à cette époque et comporte un fusil antichar Boys de 13,9 mm, un fusil mitrailleur Bren coaxial et un autre en DCA. Afin d'adapter l'engin aux besoins des français, le S/Lt Moore du 1er escadron monte un canon antichar français de 25 mm sur un certain nombre de Marmon Herrington.
 
 

NOUVEAUX PRÉPARATIFS (en Égypte) Été 1942

La menace qu'avait fait peser Rommel sur le canal de Suez avait été trop forte pour que les Britanniques ne décident pas de l'éliminer définitivement.

Des troupes fraîches venant de l’ensemble de l’Empire britannique. du matériel neuf, souvent américain, furent acheminés sur l’Égypte. Un nouveau chef, énergique et sans idées préconçues, le général Montgomery, imposa un rajeunissement des cadres, la relève de ceux qui avaient trop "de sable dans leurs souliers " et une nouvelle tactique.

Le commandement britannique associa les troupes Françaises à la réorganisation nécessaire à la reprise de l’offensive. Les spahis reçurent des automitrailleuses d’origine sud-africaine appelées Marmon-Herrington. Leurs quatre roues étaient motrices et leur poste radio, le W.S. 19, comportait un émetteur récepteur à très courte portée permettant de se parler à l’intérieur d’un peloton et un autre pouvant communiquer. en phonie ou en graphie, à des distances de plusieurs dizaines de km, avec l’échelon supérieur. Ces engins changeaient complètement la lactique et l’emploi des automitrailleuses, donnant, le cas échéant une autonomie considérable aux pelotons ou escadrons, et permettant leur manœuvre sur des fronts très larges et à longue ponce. Des compas solaires étaient montés sur chaque véhicule, et ils étaient bien nécessaires pour éviter les inconvénients de la boussole affolée par le blindage et par les masses magnétiques fréquentes au désert. Enfin les roues étaient munies de bandes de caoutchouc plein placées entre la jante et la chambre à air, permettant de continuer à rouler sous le feu malgré les crevaisons provoquées par balles ou éclats d’obus.

Le seul défaut de ces engins, mais il était de taille était leur armement. Les Britanniques concevaient en effet la reconnaissance par l’observation et la transmission du renseignement, pour lesquels un armement d’autodéfense était suffisant. Les Marmons portaient donc un fusil-mitrailleur Bren sous tourelle pour le tir à terre, un deuxième Bren sur pivot hors tourelle pour le tir antiaérien, et un "Boys rifle". fusil anti-char d’un calibre de 12,7 mm capable de percer une quinzaine de millimètres de blindage à une centaine de mètres. En cas de rencontre avec des chars ennemis, il ne restait qu’à rendre compte et se replier.

La conception française était, et a toujours été, que la reconnaissance doit préciser le renseignement, donc prendre le contact par le feu et par le mouvement, si nécessaire par le combat ; en outre, la cavalerie a une mission possible de couverture c'est-à-dire de protection. L‘armement des Marmons était donc notoirement insuffisant. Aussi le détachement de perception des véhicules, aux ordres du Capitaine More) Deville. avec Ballarin, Moore, Le Goasguen, Rouxel et quelques sous officiers, assistés par un atelier régimentaire débrouillard, au prix de grands efforts d’imagination, de technique et en prenant de sérieux risques, réussit-il à imaginer un montage de canon de 25 mm français à la place du Boys rifle dans une tourelle de Marmon. les Britanniques acceptèrent de laisser faire un essai de tir "aux risques et périls" des Français et en particulier du Lt. Moore qui avait procédé au montage. Les essais ayant donné satisfaction, il fut possible d’équiper une blindée sur trois de ce canon, c’est-à-dire une par peloton. En même temps, un dispositif était inventé par le sous-lieutenant Contas, officier de réserve venant d’A.E.F. où il était chasseur de fauves (on dirait aujourd’hui guide de safari). Il consistait à monter des canons de 75 mm français sur des camions 3,5 T Ford 4x4, abrités par des tourelles ouvertes provenant de chars italiens M13 Ces engins furent appelés "canons Conus" : ils pouvaient tirer sous tous les angles des obus explosifs et perforants. Ce fut le capitaine de Courcel qui eût la responsabilité de former un escadron à quatre pelotons de chacun trois auto-canons. Ce sera le nouveau 3e escadron. Les deux escadrons d’automitrailleuses étaient placées respectivement aux ordres du capitaine Mord Deville et du lieutenant Traquereau: ils avait chacun cinq pelotons de trois blindées.

Le maréchal des logis Juin, autre réserviste venant d’AEF, qui, après la campagne de France, avait rejoint l’Angleterre et fait la campagne d’Erythrée avec la Légion, puis affecté aux spahis à Damas, raconte ainsi les opérations de perception du matériel au camp britannique de TelI el Kebir :

Dès notre arrivée, nous fûmes incorporés dans un atelier de réparations d’A.M. Nous n’étions pas très fiers car. si pour la conduite des A.M. nous n avions rien à craindre, il n'en était pas de même pour la mécanique... Nous n’y connaissions strictement rien. Les Anglais, s’imaginant avoir affaire à des spécialistes. commencèrent par nous distribuer des combinaisons de mécanicien, une très belle trousse à outils, puis partagés par petits groupes de trois nous fûmes emmenés devant une automitrailleuse arrivant tout droit du désert. Il s’agissait de la mettre en petits morceaux pour la remettre en état... heureusement que le Français est débrouillard et que l'Anglais est compréhensif.... Bref avec des conseils et beaucoup de bonne volonté, nous sommes tout de même arrivés à un résultat, non pas du côté mécanique mais à celui d’obtenir nos fameuses A.M.

Nous touchions en effet des Marmon Herrington. Ces véhicules possédaient un moteur Ford VS/85. un châssis de camion Ford renforcé, une boîte de 4 vitesses, plus une démultiplication, ce qui en fait donnait 8 vitesses, un crabotage pour avoir les 4 roues motrices. La vitesse maximum sur route était de 80 km/h. La carrosserie était fabriquée on Afrique du Sud où avait également eu lieu le montage complet de l'AM. L’intérieur était confortable et prévu pour la vie dans le désert. Le blindage était doublé d’une matière isolante. Deux réservoirs d’eau pour la boisson plus les installations que nous allions faire nous mêmes nous permettaient d’emporter en tout environ 200 l d’eau. Le poids total en ordre de marche était de 8 tonnes : ce qui était déjà important pour le désert.

Nous devions également effectuer le montage d’un canon antichars français de 25 mm sur 5 A.M. nous permettant de doter ainsi chaque peloton de notre escadron d’une de ces pièces. Ce travail fut terminé le 25 juin; c’est donc presque un mois que nous avons passé en contact étroit avec les Britanniques. nous permettant ainsi de nous rendre compte de leur genre de vie et de leur moral. Nous fûmes surtout étonnés de la discipline et du travail considérable fourni : 5h réveil et "breakfast", début du travail 6 h ; 9h, thé pris sur place dans l’atelier ; arrêt à midi, lunch rapide, reprise du travail à 13 h ; thé à 16 h ; arrêt à 18h ; douche, football jusqu’à 20 h ; dîner ; musique et jeux au mess jusqu’à 23 h. Jamais je n’ai entendu la moindre petite réclamation. Si nous questionnions l'un deux, il nous était répondu très simplement sans aucune arrière-pensée :

"Si nous étions en ligne, il ne serait pas question d’horaire, nous risquerons d’y laisser notre peau et puis, nous voulons gagner la guerre à tout prix".
Pour notre part, nous eûmes au début beaucoup de mal à suivre cette cadence de travail, compte tenu, surtout, de la température infernale (35 à 40 degrés) qui régnait généralement dans les ateliers. Nous avons pu constater que, contrairement à ce qui arrive très souvent, le moral de l'arrière était parfait. Le commandement était arrivé à donner à chaque militaire, à quelque poste qu’il occupait, du dernier planton d'état-major du Caire au 2ème classe de commando, un esprit de sacrifice et la volonté farouche d’obtenir la victoire. C’est ce qui permit à la célèbre VIIIe Année de gagner la guerre du désert.


 

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