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350e Compagnie Autonome de Chars de Combat
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Rapport du lieutenant LE ROY Hervé,
chef de la première section de la 350e CACC sur l'engagement de Millançay.
La 350e compagnie autonome de chars D 2, récemment formée à SAULAN, sous le commandement du capitaine REY, partie de Louviers (S & O ) pour rejoindre le 19e bataillon de chars, 4e D.C.R., avait quitté le matin 18 juin les environs de CHAON et pris ses quartiers le même jour vers 17 h 30 à 5 km est de Millançay (Loir-et-Cher) et sur la route de Marcilly en Gault. Sur les 12 chars que comportait initialement l’unité, 2, restés en panne avant le passage de la Loire, avaient probablement été rejoints par l'ennemi, trois autres avaient été retardés au cours de l'étape du jour par des incidents mécaniques légers. Leur récupération prochaine paraissait probable mais, les forces de la compagnie ne comportaient plus, momentanément, outre les éléments d’échelon, que 7 chars en état de marche.
Lors de l'arrivée au bivouac, le capitaine REY n'avait confié le commandement de la compagnie et m'avait informé qu'il allait personnellement prendre la liaison avec l'état-major du premier corps d'armée et mettre éventuellement nous chars à la disposition de cette grande unité.
Vers 19 heures, le capitaine de SILANS du 2e G.R.D. vint m’informer une colonne motorisée allemande descendaient de Neung sur Beuvron vers Millancay où était établi le quartier général de la 19e D.I. et me demande si les chars pouvaient tenter une contre-attaque. D'après les renseignements sommaires que les événements ont d'ailleurs montrés inexacts, les forces ennemies engagées n'auraient comporté que trois ou quatre automitrailleuses sur roues ; elles auraient à Neung sur Beuvron capturé un colonel d'infanterie.
En raison de l'heure tardive et de l'extrême urgence probable, je répondis au capitaine de SILANS qu'il ne paraissait pas opportun d'attendre des informations complémentaires, ni des ordres formels, mais, que j'allais me porter immédiatement à la rencontre de l'ennemi avec la moitié des chars dont je disposais ; l'autre moitié resterait à la garde du bivouac et de l'échelon. Le capitaine de SILANS repartit rendre compte au général commandant la 19e D.I. de l'intervention prochaine des chars.
Je transmis hâtivement le commandement de la compagnie au lieutenant MOGHEREUIL, chef de l'échelon et le commandement direct des chars restant sur place à l'aspirant GUIGAL, chef de la troisième section, leur laissant le soin de compléter les mesures de sécurité que comportait la situation et je partis en char suivi par l'aspirant AUBER, mon adjoint et par l'aspirant FRAISOT qui avait très vivement insisté pour participer à l'action. Peu avant d'arriver à Millançay, je rencontrais de nouveaux le capitaine de SILANS qui me remit l'ordre écrit confirmatif du général commandant la 19e D.I., ordre que je détruisis ultérieurement avant de tomber entre les mains de l'ennemi.
À l'entrée de Millançay, je tournais à gauche dans la direction du Sud, afin de prendre contact avec l'état-major de la 19e D.I., de m'enquérir des informations nouvelles que l'on aurait pu recevoir sur l'ennemi est de demander une couverture pour leur prochaine où l'arrivée de la nuit rendrait les chars impuissants. Au centre de la localité, je rencontrai plusieurs officiers de l'état-major parmi lesquels le lieutenant de WAILLY qui m'était personnellement connu. À mes demandes il fut répondu que l'on n'avait pas de nouvelles de l'ennemi, mais, qu'avant d'arriver au contact, j'aurais sans doute rencontré des éléments du G.R.D. avec lesquels j'aurais pu m'entendre sur les mesures de sécurité nécessitées pour la nuit. Je donnais alors aux chars l'ordre de faire demi-tour pour nous porter vers le Nord à la rencontre de l'ennemi. Cette volte-face eut pour effet d'inverser l'ordre de la colonne dont la tête était occupée par l'aspirant FRAISOT, suivi de l'aspirant AUBER, moi-même fermant la marche.
Avant que j'ai pu rejoindre la tête, au bout de 2 à 300 mètres tout au plus, encore à l'intérieur de la localité, l'aspirant FRAISOT s'arrête en serrant sur sa gauche, l'aspirant Auber se porte sur la droite, à peu près à la hauteur de son camarade. Je me trouvais moi-même au milieu de la chaussée empêché de passer par mes 2 chars de tête.
Il paraissait évident que nous avions trouvé prématurément le contact avec l'ennemi. Toutefois, pendant quelques instants, il ne se passa rien et je voyais mal le terrain par la lunette de visée. Je me dressais par ma porte de tourelle pour examiner la situation quand le feu fut ouvert par l'aspirant FRAISOT, semble-t-il. La riposte ennemie fut immédiate et, mon buste émergeant encore, je fus légèrement blessé au coude droit. Je rentrais dans mon char, et ordonnait à mon mécanicien – chasseur DECORTE - de prendre le canon puis, constatant que mon bras blessé restait utilisable, je remit mon mécanicien aux leviers de conduite et repris mon poste à la tourelle. Je constatais aussitôt que celle-ci avait été bloquée par les premiers projectiles ennemis. J'ordonnais alors les manœuvres sur les chenilles pour obtenir le pointage des armes en direction, mais au cours de l'évolution, le char entra en marche arrière dans un mur de clôture où il resta immobilisé, soit qu'il fut en panne de terrain, soit, plus probablement que le train de roulement eut été lui aussi détérioré par le tir de l'adversaire.
Pendant ce temps, le char de l'aspirant FRAISOT avait pris feu, incendié semble-t-il par l'extérieur, soit que l'ennemi disposa d'engins inconnus, soit que, dissimulé dans les constructions, il ait pu effectuer des projections de liquide enflammé. L'équipage au complet a été brûlé à l'intérieur sans qu'aucun de ses membres paraisse avoir tenté de sortir. Par contre, l'aspirant AUBER avait ouvert sa porte de tourelle pour évacuer son char ; il était visiblement très gravement atteint et a expiré aussitôt, le buste pendant au-dehors, les jambes à l'intérieur. Le char a ultérieurement pris feu. Je restais donc avec mon seul char, lui-même en panne et tourelle coincée. Mon équipage ne m'était plus d'aucune utilité et je donnais l'ordre au mécanicien DECORTE et au radio MARTIN d’évacuer le char et de rejoindre les lignes. Je restais personnellement dans la tourelle disposant du canon qui, bien que bloqué en position fixe, prenait encore en écharpe la voie d'accès, la ligne de mire passant entre les deux chars de tête incendiés et me permettait un tir d'interdiction peu efficace mais du moins capable d'un effet moral. En un délai d'un quart d'heure environ, je tirais ainsi 15 ou 20 coups de canon plutôt afin d'intimider l'adversaire que dans l'espoir de causer des pertes réelles.
Au bout de ce temps, il était certain que l'ennemi avait renoncé à forcer l'issue Nord défendue par les chars. Je quittai à mon tour mon char immobilisé après y avoir mis le feu.
En essayant de me replier, je fus atteint successivement de 2 nouvelles blessures, l'une au bras gauche, l'autre à la hanche gauche. Les trous constatés dans mon cuir, montre que j'ai été frappé d'avant en arrière alors que j'étais en train de me replier. Ce fait, d'apparence paradoxale, semble prouver qu'à ce moment le village était déjà tourné. Immobilisé par ma dernière blessure, mais conservant ma connaissance, je suis resté étendu sur la chaussée. Au bout d'une demi-heure environ, une colonne de 2 à 300 fantassins allemands remonta la rue centrale de la localité. Elle se faisait précéder par quatre ou cinq prisonniers français, désarmés, et marchait du Sud au Nord. Elle avait donc contourné le bourg avant d'y pénétrer. Je fus pansé sur le terrain par un médecin militaire allemand puis transporté chez le docteur FOURNIER, médecin militaire français en retraite, retiré à Millançay. Je fus, le lendemain évacué sur une ambulance chirurgicale de campagne allemande, où je fus opéré, puis de là, sur l'hôpital mixte d’Orléans. Trois mois plus tard, je fus libéré par les autorités allemandes comme reconnu inapte au service militaire.
Pendant mon séjour sur le terrain, j'avais été interpellé par plusieurs officiers allemands me reprochant une résistance qu'il déclaraient "un non-sens", me demandant si c'était moi qui avait accompagné leur colonel ? si j'avais ordonné d'ouvrir le feu etc….
Très fatigué par mes blessures, je répondis seulement que je ne comprenais pas le sens de leur question et qu'il allait de soi que des troupes françaises, rencontrant des troupes allemandes ouvraient le feu sur elles.
En définitive, l'affaire de Millançay engagée dans des conditions très difficiles, sans renseignements ni reconnaissance possible, le contact trouvé sur un emplacement très défavorable s'est soldé par de lourdes pertes pour la 350e C.A.C.C. : trois chars détruits, quatre tués, un blessé, probablement quatre prisonniers. Il ne paraît toutefois pas que les circonstances permissent de faire mieux. Il semble même, en raison du visible mécontentement que j'ai constaté chez les officiers allemands et aussi d'après certains indices recueillis par les patrouilles du 21e G.R.D., que les pertes causées à l'ennemi par le feu des aspirants FRAISOT et AUBER aient été plus considérables qu'on aurait pu s'y attendre à priori. En tout cas, le remarquable esprit de sacrifice des équipages auxquels je dois rendre hommage a été l'un des facteurs prépondérants dans le rôle de décrochage de la 19e D.I. qui a pu échapper sans pertes sensibles avec archives et bagages à la menace ennemie.
Limoges, le 26 octobre 1940
Le Lieutenant chef de la première section de la 350e compagnie autonome de chars
signé : Hervé LE ROY
Annexe I
État des pertes
Les trois chars engagés à Millançay ont été détruits : mes papiers ont été perdus ; d'après mes souvenirs personnels et les renseignements extérieurs recueillis jusqu'ici, la situation des équipages était la suivante :
char du Lieutenant LE ROY
- Lieutenant LEROY blessé, traité à l'hôpital d'Orléans, libéré par les autorités allemandes le 3 septembre, démobilisé à Limoges le 25 octobre 1940. Dans la vie civile, inspecteur général des finances, ministère des finances à Paris.
- Chasseur DECORTE premier mécanicien, a quitté le char sur les ordres du lieutenant. D'après les renseignements fournis par le docteur FOURNIER de Millançay, aurait passé 36 heures caché dans Millançay puis aurait tenté à la faveur de la nuit, de regagner les lignes françaises. Paraît figurer sur la liste officielle des prisonniers située par les archives nationales sous la rubrique "DECORTE Robert 17-2-14 Vasquenal 1ère Cl. 501e CCC."
- Chasseur MARTIN radio, a suivi le même sort que le précédent, pourrait être MARTIN François 1-4-14 La Flèche 351e R.I. bien la désignation de l'unité ne concorde pas.
Char de l'Aspirant AUBER
- Aspirant AUBER Joseph, né à Toulouse 21-9-1916, du recrutement de Châlons-sur-Marne.
Tué dans son char, serait enterré à Millançay.
- Chasseur CLEMENT, Chasseur VILLARET.
Le radio et le mécanicien de ce char ont été vu le 19 juin par le lieutenant LE ROY, encore à Villançay, prisonniers est en bonne santé.
Char de l'aspirant FRAISOT
- Aspirant FRAISOT Henri, né le 6 juillet 1917.
- Chasseur mécanicien De MALGLAIVE Guy, classe 1929.
- Chasseur radio VIRGILE Joachim, né le 26 mars 1919
On a retiré du char, les trois corps carbonisés. De MALGLAIVE et VIRGILE ont été identifiés sur pièces. Le corps de l'Aspirant FRAISOT, se trouve en conséquence identifié par élimination. Tous trois ont été enterrés à Millançay, sous le contrôle du docteur FOURNIER.
COMPLEMENT AU RAPPORT DU LIEUTENANT LE ROY
En date du 26 octobre
Je me suis, depuis le 26 octobre, rendu à Millançay et j'ai reçu quelques autres renseignements nouveaux.
Il n'y a dans l'ensemble, rien à changer aux termes de mon rapport. Il ressort de la lettre du Général LENCLUD, en date du 21 novembre, que le chef d'état-major de la 19e D.I., voyant l'ennemi entrer dans le village, m’aurait donné l'ordre verbal de contre-attaquer. Je n'ai pas entendu cet ordre. Peut-être le chef d'état-major me l’a-t-il crié au moment où mon char s'ébranlait et ne l'ai-je pas entendu. En tout cas, je ne soupçonnais pas encore la présence de l'ennemi quand nous avons trouvé le contact.
C'est par erreur que j'indique dans mon rapport avoir détruit "avant de tomber entre les mains de l'ennemi", l'ordre écrit émanant du général LENCLUD. En réalité, cet ordre, qui était resté dans mon portefeuille, a été détruit sur ma demande par Mme FOURNIER après que, blessé, j'avais été transporté chez elle.
Il résulte des renseignements recueillis, que les forces ennemies auxquelles je me suis heurté, comprenaient notamment trois ou quatre A.M.D., une ou deux batteries antichars, une batterie de 105, d'importants éléments d'infanterie portée. Toutes les pièces étaient déjà en batterie à l'ouverture du combat mais il n'est pas certain que les 105 aient tiré : ils n'ont en effet pas causé de dégâts aux immeubles. Toutefois, certaines traces constatées sur le char de FRAISOT, paraissent provenir d'éclats de gros calibre plutôt que de projectiles antichars.
Il résulte également des renseignements recueillis qu'un des deux membres de mon équipage –probablement DECORTE - a été blessé légèrement au visage par une balle de mitraillette après avoir, sur mon ordre, quitté le char.
Les chars sont toujours à Millançay, simplement poussé sur le bord de la route. Un examen sommaire m'a permis les constatations suivantes :
Char FRAISOT : très nombreux points d'impact à l'avant, sans perforation de blindage, mais plusieurs rivets ont été arrachés et ont fait balle à l'intérieur. Plusieurs perforations des chenilles et du train de roulement. Le phare a disparu, la porte avant détachée. La plaque de protection du phare aurait été retrouvée projetée à 200 mètres du char. Le poste de combat est entièrement dévasté par l'incendie, avec importantes coulées de métaux fusibles. Les traces d'incendie sont également considérables à l'extérieur arrière de la tourelle. Un projectile de 37 a profondément marqué le tube du canon et a perforé le masque, mais a été arrêté par la tourelle.
Char AUBER : beaucoup moins atteint. Un projectile de 37, probablement celui qui a tué AUBER, a perforé la tourelle. Pas de traces d'incendie apparentes. Cependant le corps d’AUBER était carbonisé. On peut se demander si l'ennemi n'a pas fait de projection de liquides enflammés sans parvenir à incendier le char.
Char LEROY : le moins atteint de tous. Cependant trois points d'impact sur le chemin de roulement et un épiscope du tourelleau détruit. Traces d'incendie faibles dans le poste de combat, importants que dans la région moteur, l'essence du réservoir ayant brûlé.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
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349e Compagnie Autonome de Chars de Combat
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La compagnie quitte Aubigny sur Nère le 17 mai et va toucher son matériel à Satory. Elle s'y forme en 2 jours, puis repart le 21 au soir et rejoint la deuxième D.C.r. dans la région de Roye.
Le 24 mai la compagnie arrive à Roiglise. Elle participe à l'attaque du pont de Brie précédée par des chars R 35.
Un char est détaché avec une section de chars légers pour attaquer Pargny.
Elle traverse Villers-Carbonnel, patrouille dans ce village et se porte enfin au Pont de Brie. L'ennemi ne manifeste sa présence que par un tir d'armes antichars à l'entrée de Villers-Carbonnel.
Dans la nuit suivante, la compagnie est engagée sur le pont d'Epenancourt. L'opération se fait sans difficulté pour les chars.
Dans la nuit du 25 au 26, la compagnie participe à l'attaque du pont de Saint-Christ. La réaction ennemie est beaucoup plus forte.
La compagnie se regroupe à Etalon puis effectue pendant huit jours divers mouvements, souvent contradictoires avant de participer à l'attaque du 4 juin sur Abbeville.
Le sous-lieutenant Richard disparaît avec son équipage à Abbeville le 4 mai 1940.
Engagements :
Villers-Carbonnel, Pont de Brie, Epenancourt, Saint-Christ, Licourt le 24 mai
Pont d'Epenancourt nuit du 24 au 25 mai
Pont de Saint-Chist, nuit du 25 au 26 mai
Bataille d'Abbeville : 4 juin
Armistice : Compagnie stationnée au Chatenet près de Limoges
525 ECKMUHL
516 AUGON (?) Détruit à Abbeville le 4 juin 1940
517 ESSLINGEN Détruit au Pont de Saint Christ le 26 mai 1940.
518 ALGER
519 AUSTERLITZ
520 AUERSTAEDT
521 ELCHINGEN
522 EYLAU Détruit à Abbeville le 4 juin 1940
523 FLEURUS Détruit à Abbeville le 4 juin 1940
524 HOHENLINDEN Détruit à Abbeville le 4 juin 1940. Aide pilote chasseur Sélinier
525
Rapport Lieutenant Barst chef du char HOHENLINDEN
L'intéressé participe le 24 à l'attaque du Pont de Brie. Il traverse Villers Carbonnel, patrouille dans ce village et se porte enfin au Pond de Brie. L'ennemi ne marque sa présence que par un tir d'un antichars à l'entrée de Villers Carbonnel.
Dans la nuit suivante, l'intéressé est engagé sur le pont d'Epenancourt. L'opération se fait sans difficulté pour le char.
Dans la nuit du 25 aux 26, l'intéressé participe à l'attaque du pont de Saint Christ. La réaction ennemie est beaucoup plus forte. La compagnie se regroupe à Etalon puis effectue pendant huit jours divers mouvements, souvent contradictoires avant de participer à l'attaque du 4 juin sur Abbeville. L'intéressé ne participe pratiquement pas l'attaque, son char qui a été emprunté par son capitaine et détruit au cours de l'action. Il effectuera la retraite sans commandement.
Rapport du Lieutenant Derickre, chef de section
24 mai 1940. La section arrive Roiglise. Elle doit attaquer Epenancourt sous les ordres directs du commandant de compagnie précédée par des chars R 35. Un char est détaché avec une section de chars légers pour attaquer Pargny. Les chars R 35 étant arrêtés dès Morchain, les chars B restant sont engagés.
En fait, seul le char du chef de section se porte à 1200 mètres en avant ; il n'est pas suivi et revient. Il repart après avoir pris contact avec des éléments du 17e B.C.P., gagne la crête, il est attaqué à bout portant par une arme antichars qui met hors de service sa mitrailleuse et blesse le pilote. L'arme antichars est démolie au 75. L'infanterie n'a pas suivi le char. Une batterie de 77 prend le char à partie, le char revient à hauteur du PC de son capitaine et gagne Nesle. Il ne lui reste qu'une demi-heure d'essence ; il va se ravitailler à Roiglise où est le PC de la 2e D.C.R.
Il est chargé le soir d'organiser une compagnie mixte (une section B, une section H, une section R) qui doit se rendre à Potte à la disposition du commandant Masséna. Il y arrive à 21 heures précédant sa colonne et y apprend qu'il doit attaquer à minuit. L'heure de l'attaque est reportée à une heure en raison de l'insuffisance du clair de lune.
25 mai : l'opération a pour objet d'enlever de nuit les ponts de la Somme. L'intéressé reprend sa section (réduite à deux chars) et doit enlever Bethencourt accompagné par une section de chars légers et un peloton de chasseur. La nuit étant assez sombre, il est très difficile de diriger les chars. Le détachement arrive toutefois devant Bethencourt, il pénètre sans rencontrer grande résistance et parvient au pont qui est détruit. Peu après des éléments d'infanterie prennent le village à leur charge.
26 mai : une nouvelle attaque de nuit est effectuée sur Saint Christ. À 1 heure, l'intéressé a toujours deux chars. La résistance ennemie est plus vigoureuse. Les chars sont pris à partie dès qu'ils dépassent Marchelepot. Cependant l'opération réussit, le pont de Saint Christ est trouvé détruit.
L'intéressé répare son matériel jusqu'au 29 mai. Il ne sera pas engagé dans l'opération d'Abbeville ni dans les opérations ultérieures en raison des avaries de son char.
Rapport de l'aspirant de Bar de la Garde
Etant stationnée dans la haute forêt d'Eu à Rieux, sud de Blangy, avec mon char B1 bis n° 520, en réparation à l'atelier de ma compagnie (349e) ; l'ordre de déplacement fut donné à cette section, de faire mouvement en direction du sud sur Marseille en Beauvaisis, sous les ordres du lieutenant Charreron.
Deux colonne furent formées :
I° échelon sur roues : camions atelier. Magasin. Essence.
II° échelon sur chenilles comprenant :
4 chars B1 bis
2 tracteurs
L'itinéraire fixé était : Rieux - Blangy - la rive gauche de la Bresle, par Nesle, Sénarpont, St Léger sur Bois, nationale 320, Aumale, nationale 316, Abancourt, Feuquières et Marseille en Beauvaisis.
Départ dans la nuit 5 juin à 22 heures.
Ma position dans la colonne était la dernière, le char précédant commandé par le sous-lieutenant Gibouins se trompe d'itinéraire et à l'aube du jeudi 6 juin nous nous trouvâmes à Guémicourt sur la nationale 15B à 5 km 500 au nord d'Aumale. Le sous-lieutenant Gibouins, partit dans la 202 de l'unité qui venait à notre rencontre, pour retrouver le chef de colonne : Lieutenant Charreron. En partant, il me pria de camoufler les 2 chars et les 2 tracteurs en attendant son retour. Ce qui fut fait dans les bois environnants. Un planton fut mis par mes soins sur la route N 15B. Ayant stationné toute la journée à l'abri des vues aériennes, la colonne qui restait sous les ordres fut mise en route à la tombée de la nuit en passant La Bresle à hauteur de Guémicourt pour éviter Aumale qui fut fortement bombardé dans l'après-midi de la même journée, ainsi que la portion de route comprise entre Guémicourt, pour éviter Aumale qui fut très abîmé et que les tracteurs n'auraient pu franchir.
Je dirigeai ensuite colonne sur le sud d'Aumale à Gaillefontaine. Je ne pus franchir la Bresle, l'armée anglaise ayant fait sauter tous les petits ponts une heure avant mon passage. Je pris donc la décision de continuer sur Gaillefontaine, où j'étais camouflé des vues aériennes, au nord de ce village, vers quatre heures du matin. Les deux chars avaient environ 1h30 d'essence et manquaient de ricin. 50 l étaient nécessaires pour continuer la route sans risque de dégâts matériels ou de grippage.
Vers huit heures, je rencontrai une camionnette du 47e bataillon qui descendait sur Chauneuil près de Beauvais, rejoindre son unité. Je pris la décision de laisser mes chars en station sous les ordres d'un sous-officier et d'emprunter ce véhicule pour que celui ci me dépose à Marseille en Beauvaisis. Mon unité n'y étant pas, je continuais donc que jusqu'à Chauneuil, stationnement du 47e bataillon où j'arrivais vers midi.
Le bataillon mit à ma disposition une camionnette et 750 l d'essence et 100 l de ricin, mais je ne pus repartir avant 17 heures, la section essence étant à Gisors.
Les derniers renseignements donnés comme certains, la présence d'automitrailleuses ennemies à Gournay en Brie. Je pris donc comme itinéraire l'ouest de Gournay en direction d'Argueil. J'arrivais dans ce village vers 19 heures, et là je fus arrêté par un officier d'infanterie qui ne voulut pas me laisser passer et sur mon insistance, m'envoya prendre des renseignements au PC de la 19e D.I. à Fry (3 km ouest d'Aumale).
Là, un officier d'état-major ne dit que l'infanterie décrochait et que des auto mitrailleuses ennemies se trouvaient dans Forges les Eaux (à 8 km au sud de Gaillefontaine, point de stationnement de ma colonne).
Je revins à Argueil et rencontrai un tracteur Somua et une camionnette cuisine du 47e bataillon que je pris sous mes ordres pour redescendre sur Ayens le Forest et aller prendre des ordres au PC des chars de la Xe Armée.
Je ne pus le faire dans cette même soirée, étant obligé par la régulation routière de suivre la colonne en direction de Pont Saint Pierre que j'atteignis vers 23h30 et où un gendarme dirigeait les isolés sur Les Andelys et Gaillon.
Voulant faire l'impossible pour essayer de rejoindre mes appareils, je pris la décision de coucher dans le bois.
Le lendemain matin, samedi 8 juin, je me rendis à état-major des chars de la Xe Armée pour lui demander des ordres et en lui rendant compte que j'avais vu passer à Pont Saint Pierre six chars H 39 et une camionnettes du 27e bataillon de chars.
Je reçus de M. le colonel Salvagniac, commandant des chars de l'armée, l'ordre suivant :
1ère Armée P.C. 8h45 le 8 juin 1940
commandement des chars
état-major ORDRE n° 25
L'aspirant de Bar, de la 349e compagnie est chargé de diriger sur le P.E.B. 10, à Bresville, les trois véhicules (1 tracteur Somua, 1 camionnette roulante, 1 camionnette) qui était sous ses ordres stationnés à Pont Saint Pierre.
Il se mettra en outre immédiatement à la recherche de la colonne du 27e bataillon comprenant : six chars H 39 et 1 camionnettes qu'il a vu passer à pont saint Pierre à 7 heures 45 et se dirigera également sur Bresville où ces chars seront immédiatement pris en réparation.
Le colonel Salvagniac commandant
P.I. les chars de l'armée
Cet ordre fut exécuté dans la journée du samedi 8 juin et dans la soirée de cette même journée je remettais à M. commandant mécanicien Perrier, commandant le P.E.B. 10 :
6 chars H 39, une camionnette Citroën du 27e bataillon,
1 tracteur, une camionnette cuisine, une camionnette Citroën du 47e bataillon.
Le commandant du parc garda le matériel, personnel, ainsi que moi-même jusqu'au 25 juin 1940, date à laquelle je fus fait prisonnier.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
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348e Compagnie Autonome de Chars de Combat |
La compagnie est constituée le 18 mai 1940 à Guyancourt. Elle quitte Versailles dans la nuit du 19 au 20 mai en direction de Pierrefitte où elle passe la nuit et la journée du 20. A partir de cette date, les déplacements des chars s'effectuent sur chenilles.
Matériel : 14 chars B1 bis
432 KLEBER
489 DAVOUT
??? LA SALLE
429 MARCEAU
528 Maréchal LEFEVRE
427 LA FAYETTE
530 NEY
433 MASSENA
527 CAMBRONNE
220 PARIS
428 HOCHE
227 BORDEAUX
233 NICE
259 TERRIBLE
Bataille d'Abbeville 4 juin 1940
A 3 heures 20 la compagnie débouche de son P.D., en colonne, sur la droite par section de trois chars :
dans l'ordre : BORDEAUX, NICE, Maréchal FEFEVRE, KLEBER, char du capitaine.
En deuxième échelon : NEY, LAFAYETTE, TERRIBLE
A 3h30 la section du Lieutenant Mathieu, premier échelon, passe la base de départ d'infanterie écossaise et se dirigea sur 01.
À 3h45, arrivant à 01, elle marque un temps d'arrêt du fait de la présence d'engins antichar.
A quatre heures, la section du Lieutenant Mathieu se dirigea sur 02. Le NICE et le BORDEAUX sautent sur un champ de mines. Seul le Maréchal LEFEVRE atteint 02 vers 4h30.
À 4h20, le KLEBER, char du capitaine, se dirigea sur la parallèle d'infanterie écossaise, fait demi-tour pour ramener les chars du deuxième échelon qui le dépassent.
À 4h35 les chars du deuxième échelon, NEY et TERRIBLE, atteignait la parallèle de départ arrivant à H +5, et se dirigent sur 01 où il sautent successivement sur le champ de mines à environ H +30.
Le LAFAYETTE descend sur la droite, suit la route d'Abbeville et est arrêté par un 105 allemand (à H +45).
Le KLEBER passe la parallèle de départ à H +15, poursuit sa route de sur 01 et dépasse la ligne d'infanterie anglaise arrêtée par les armes automatiques ennemies ; laissant sur sa gauche les deux chars déjà sautés sur le champ de mines, poursuit sa route sur 02, laissant derrière lui les deux chars du deuxième échelon est atteint 02 vers 5h10. Après avoir dépassé le Maréchal LEFEVRE, il poursuit sa route sur les contre-pentes nord-est de l'éperon du Mont Caubert. Il est la cible d'un violent tir d'artillerie et dépasse trois lignes de résistance allemande en y causant des pertes importantes en matériel et en personnel.
A 5h30, se dirigeant à l'aide du compas VION, il revient sur 02, rameuter le Maréchal LEFEVRE et est pris à partie par les chars légers qui le forcent à faire demi-tour. Il repart sur 02 et enfin rejoindront la position de ralliement à 6h15.
Le commandant des forces anglaises signale un emplacement d'armes automatiques non réduites entre 01 et 02.
Le KLEBER repart à nouveau, dépasse 01 et atteignant 02, neutralise sur son chemin les armes indiquées. En revenant sur la position de ralliement, il rallie le Maréchal LEFEVRE.
Le char CAMBRONNE en panne au départ, rejoint la position de ralliement vers 6h50.
Les armes antichars ayant été signalées en lisière est du bois de Villers, le KLEBER et le CAMBRONNE sont chargés de les réduire en allant se poster à proximité. Mission accomplie à 7h30.
Chars rentrés : KLEBER, CAMBRONNE, Maréchal LEFEVRE.
Chars sautés sur mines : NICE, BORDEAUX, TERRIBLE, NEY.
Char arrêtés par les armes antichar : LAFAYETTE.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
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347e Compagnie Autonome de Chars de Combat
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Dans la nuit du 20 au 21, la compagnie se porte dans la forêt de Senlis où elle reste jusqu'aux 22.
Le 22 mai, à 13 heures, la compagnie reçoit un ordre la rattachant à la 2e D.C.r. (P.C. à Orruy).
À 22 heures, la compagnie quitte la forêt de Senlis pour Gury.
23 mai : à 20 heures la compagnie fait mouvement vers le Plessier de Wangny. Elle y reste jusqu'au 27 mai.
28 mai : à 18 heures, la compagnie se met en route pour Guerbigny. Elle est rattachée au 8e bataillon de chars. À 23 heures elle quitte Guerbigny pour Quiry le Sec.
29 mai : La compagnie arrive à cinq heures et en repart à 10 heures pour Bonneuil les Eaux où elle arrive à 15 heures. À 16 heures elle repart en sens inverse pour Estrainvillers qu'elle atteint à deux heures le 30 mai.
La compagnie séjourne les 30 et 31 à Estrainvillers.
1er juin : la compagnie part à 0 heures pour Lignières qu'elle atteint à 4h30. À 21 heures elle repart pour le bois de Neuville sur Leuilly.
2 juin : le bois est atteint à 5 heures. La compagnie repart le soir même à 23 heures et gagne les bois de la Cavette.
3 juin : la compagnie se porte à partir de 22 heures sur Grebaumesnil pour y prendre des positions de départ. Il reste trois chars sur 14. Ils sont mis à la disposition du 8e bataillon de chars pour former une compagnie de marche qui participera à l'attaque du 4 juin sur Abbeville. Les cinq autres chars B sont envoyés à l'élément d'atelier en forêt d'Eu pour réparation.
Le lieutenant Fèvre commande l'élément d'atelier.
Le lieutenant Philibeaux prend le commandement de l'échelon qu'il ramènera par étapes jusqu'à Montfayon (Creuse).
Dans la journée du 5 juin, les chars PROVENCE, VENDEE, NANCY sont réparés. Le 6 juin à 20h, l'échelon est replié en direction de … où l'élément reste encore le 7 juin conduit par le sous-lieutenant N…
Le char PROVENCE remorque le NIVERNAIS, le VENDEE remorque le BEARN, le NANCY remorque
Le 9 juin le VENDEE tombe en panne. Le pilote Grenier et l'aide pilote sont tués par un fusil mitrailleur français qui croit avoir affaire à un char ennemi. Le sergent Lafleur est blessé.
Le 10 juin le char PROVENCE est détruit par un antichar allemand et le personnel est fait prisonnier à Rozay.
Le 12 le sous lieutenant Berlin et le sergent Noret sont faits prisonniers à Saint Valéry en Caux en même temps que tout ce qui reste de la 2e D.C.r.
Personnel
Effectif : 230 sous-officiers, caporaux et chasseurs
1 section de commandement
4 sections de combat
1 section d'échelon
1 élément d'atelier de bataillon
L'encadrement composé uniquement d'officiers de réserve était de première qualité.
Matériel
13 chars, 10 chars B1, 3 chars B1 bis. (effectifs indiqués par le rapport du Lt Philibeaux mais le rapport du Cdt Girier indique 14 chars).
371 AVIZE
119 BEARN
117 VENDEE
133 NIVERNAIS
109 NANCY détruit le 9 juin à Mesnières
111 DUNKERQUE détruit le 8 juin à Neuvy sur Loeilly
110 BELFORT
103 LORRAINE
403 CRECY au MONT Lieutenant Blondelet détruit le 4 juin à Abbeville
106 METZ
118 AUVERGNE
121 BOURGOGNE
251 FANTASQUE détruit le 6 juin à Rambures
58 véhicules sur roues.
Le matériel char était du matériel d'instruction déjà usé. Il en est résulté que trois chars seulement sur 14 sont arrivés à pied d'œuvre pour l'attaque d'Abbeville.
Les échelons restants constitués par du matériel neuf ont donné toute satisfaction à l'exception des sides Terrot.
Mouvement de l'unité.
La compagnie s'est usée sur la route. Son matériel était en panne, au bout de course lorsqu'elle est arrivée à pied d'œuvre pour être engagée. Le personnel roulait la nuit et passait sa journée à réparer et à remettre en état le matériel.
Lors du repli de l'échelon, les attaques aériennes ont occasionné des pertes sensibles (deux tués, cinq blessés, quatre véhicules détruits).
Le détachement Berlin
Le 5 juin, sous la menace de la poussée ennemi, la C.E. 8/15 doit évacuer la haute forêt d'Eu alors que les cinq chars ne sont pas remis en état. Les équipages, sous la direction du sous-lieutenant Berlin et de l'adjudant chef Kouton, ne voulant pas abandonner leurs chars, travaillent jour et nuit pour les remettre en état, malgré les bombardements répétés de l'aviation (6 juin : cinq heures, 15 heures, 18 heures, 21 heures).
Dans la nuit du 6 au 7, n'étant plus couverts par aucune troupe, les chars se replient, trois seulement pouvant rouler par leurs propres moyens, doivent remorquer les deux autres.
A Neamères, le char NANCY tombe en panne de terrain et doit être abandonné. Son équipage (adjudant chef Mouton, sergent Rosquoët, caporaux Lapierre et Monteau) le fait sauter et réussit à rejoindre la compagnie au sud de Paris, par Rouen, le Havre et le bac du Hode.
Les chars BEARN, NIVERNAIS qui ne peuvent plus rouler par leurs propres moyens, sont disposés à la corde est de la forêt de Saint Saëns, devant Martincamp. Les pilotes (sergents Lecaffeux et Baddoin, caporal-chef Noumier) assurent la défense de ce point d'appui, avec les armes des chars et de concert avec un peloton du 12e chasseurs à cheval. Le 10 juin à neuf heures, l'ordre de repli est donné. Ils font sauter les deux chars et s'assurent de leur destruction totale ; ils tentent de se sauver mais trouvent tous les ponts de la Seine sautés et les rives gardées. Ils se cachent chez des paysans, mais sont finalement capturés, le 22 juin.
Les chars VENDEE et PROVENCE assurent la défense du P.C. des Petites Tentes dans la forêt de Saint Saëns (5e division de cavalerie).
Le 9 juin le VENDEE tombe en panne. Pendant que les équipages tentent de dépanner il est pris sous le feu d'engins motorisés.
Le char PROVENCE formant équipage avec le VENDEE est engagé deux fois dans la journée du 10 juin pour repousser l'avance de l'infanterie. Il est incendié en fin de journée par les antichars ennemis. Son équipage est fait prisonnier peu après.
Sources : Archives du SHAT Vincennes.
L'effectif d'un bataillon quitte le dépôt numéro 511 de Bourges pour se rendre à La Bussière (Loiret).
Personnel : jeunes mobilisés ou récupérer, quelques sous-officiers de réserve, les aspirants et des sous-lieutenants de la promotion de mars à de l'école des chars. Il s'agit de former un bataillon de B1 bis, le 108e, sous la direction du commandant Héritier.
Le 10 mai était arrivé et aucun B1 bis n'avait été livré. Au dernier moment, on avait reçu quelques FT pour instruction.
Formation de la 346e compagnie autonome.
Au 10 mai, émiettement du bataillon en formation.
- Une section B (matériel et instruction)
- Une compagnie B sous la direction du capitaine Grand
- Plusieurs détachements (FT pour la garde des camps d'aviation).
Enfin le 18 mai, formation d'une nouvelle compagnie.
250 hommes, venus pour la plupart du dépôt, sans formation, et même sans équipement.
13 aspirants ou sous-lieutenants.
Sous le commandement du capitaine Durand, venant d'un régiment régional (Nancy).
Matériel : 10 chars D2 neufs (matériel inconnu de tous).
Une compagnie d'échelon entière.
Le tout en deux trains qui partirent de Gien dans la nuit du 19 au 20. Un ordre d'attaque (nous le sûmes plus tard) était prévu pour nous le 20 à sept heures du matin !!!
Le voyage fut gêné dès l'aube du 20 (le Bourget) par des bombardements. À Villers-Cotterêts des motocyclistes venant de Gien nous apportaient les percuteurs des 47, qui, paraît-il, manquaient dans le matériel : c'était heureux, nous n'avions rien pu vérifier des canons dont nous avons pris livraison de Gien.
Bientôt des bombardements si violents qu'on nous donne l'ordre de nous mettre à l'abri dans le tunnel de Vierzy.
Le capitaine, qui avait passé son voyage à nous décrire son incapacité à diriger, à son age, une telle unité, part à la recherche d'un état-major.
Tous les jours, jusqu'au 1er juin, date à laquelle il obtint enfin la relève, il sera sur les routes.
Débarquement : à la nuit, le sous-lieutenant Lavelle et moi-même, malgré l'absence d'aide, prenons sur nous d'effectuer le débarquement.
La manœuvre est épouvantable par manque de personnel exercé nous devons mettre nous-mêmes la main à la pâte.
Aucun couvert à des kilomètres à la ronde. Le jour venait rapidement, le capitaine n'avait pas donné signe de vie.
Lavelle par voiture, au hasard, à un carrefour manque de télescoper un side : c'était celui du capitaine.
Ordre de se mettre à couvert dans un bois près de Longepont (21 mai).
Période du 21 mai au 31 mai
C'est là seulement que nous pûmes étudier un peu notre matériel (les quelques heures disponibles à Gien s'étaient passées à comptabiliser en détail le matériel des caisses à outils).
Chars neufs, non rodés. Tout coinçait (portes, attaches de chargeurs), rien de réglé (embrayage, commandes).
Pour la première fois aussi nous pûmes rendre compte de ce que contenaient les camions. À mesure de nos découvertes nous montions à bord des chars, armement, optiques, lots de bord, munitions…
Le travail de mise au point s'achevait, lorsque le capitaine commandant d'une compagnie du 19e bataillon, qui n'avait plus de chars, obtint de prendre les nôtres.
Nous rejoignîmes l'échelon du 19e B.C.C. en forêt de Compiègne, près de Pierrefonds.
Période du 1er au 9 juin
La 346e devient la 3e compagnie du 19e B.C.C.
C'est alors que le capitaine Durand obtint d'être relevé. Il fut remplacé par le capitaine Collot du 19e B.C.C. breveté d'état-major.
On nous assigne des chars d'instruction du 19e B.C.C. Au 10 mai, ils étaient en réparation à Cirey en Lorraine. Beaucoup avaient les tourelles enlevées pour changer l'armement. L'ordre de marche les avait surpris dans cet état. Ils firent route, les valides traînant les invalides et laissant des trainards le long du chemin vers la forêt de Compiègne où le 19e bataillon toucha du matériel neuf.
C'est du matériel, à demi démonté, pillé de tout outil de bord, qu'on nous donne le 2 juin. Nous avions huit jours pour le remettre en état.
Le 7 juin, devant la reprise de l'offensive allemande, ordre de se rendre pour embarquement à Verberie, avec tout le matériel en état de rouler. Nous réussissons à emmener tant bien que mal, 13 chars.
Dans la nuit, descente par voie ferrée vers Creil, remontée sur Beauvais.
Le 8 juin au matin, à Saint-Sulpice (près de Beauvais) débarquement. À midi nous étions à Auneuil devant Beauvais en flammes et qui subissait un violent bombardement.
Dans la journée, étape de 25 à 30 kilomètres vers Savignies. Ce fut la marche d'épreuve de nos chars. Sur 13 chars que nous avions, 7 restèrent en route. Souvent pour des motifs futiles (canalisations rompues, pompes d'alimentation crevées). Nous n'avions aucun moyen de réparation et pas d'échelon avec nous.
Mon char, un des meilleurs, doit être abandonné au passage à niveau d'Auneuil : une bande de freins usée ne lui permettait plus de virer. Le fait avait été signalé au cours des réparations mais les pièces détachées manquaient…
Comme l'ordre était que coûte que coûte, les chefs de section devaient arriver à Savignies, je montai à bord de mon second char.
Journée du 9 juin 1940.
Le deuxième char de ma section, avec lequel j'arrivais à Savignies le 8 au soir, était assez fatigué : le train de roulement en particulier était usé (ce fut la cause mon malheur) et l'allumage était défectueux. C'était un des premiers D2 sorti et portait le numéro 2035 .
L'armement n'avait pas été modifié : 47 court.
L'équipage était formé :
du radio : Mirant André de Thaon-les-Vosges, remarquable d'initiative, de décision et de ténacité.
du pilote : Pruvost d'Arras ? qui souffrait visiblement d'être sans nouvelles de sa femme depuis le 10 mai.
Avec ce char et cet équipage nous passâmes la nuit à Savignies, en compagnie des cinq autres chars restants.
Toute la nuit, cohue indescriptible de réfugiés : une colonne double allant en sens opposé. Aucune trace de troupes à Savignies, pas plus d'ailleurs que dans tous les environs de Beauvais. Beauvais au loin brûlait.
Le 9 juin, à quatre heures du matin sans avoir dormi, ni mangé, ordre de marcher en avant. Nous devions aller à Milly aider au décrochage d'un bataillon de chasseurs.
Traversée de Savignies très pénible à cause des réfugiés particulièrement nombreux et pressés. Puis brusquement le vide total et le silence de la nature.
Traversée de Pierrefitte, où soudain se mirent à pleuvoir des 105. Puis nous nous engageons dans des chemins de terre.
Je presse mon pilote afin de ne pas être distancé. Cette marche d'approche, comme toutes les autres d'ailleurs se faisant sans cartes, il importe de ne pas perdre le fil, sinon il ne reste pour se guider, que la trace des chenilles.
D'ailleurs nous avions abandonné le chemin pour les champs. Puis ce fut la dégringolade au fond d'une gorge escarpée au risque de culbuter.
Le capitaine nous étageait en bordure d'un taillis jusqu'au fond de cette gorge. En face et assez près, une colline arrondie et boisée qui coupait toute vision !
Que venait-on faire là ? pourquoi cette position bizarre et sans issue ? Où étaient les chasseurs à faire décrocher ?
Soudain, vers six heures le capitaine donne les ordres : il fallait dégager immédiatement, nous allions être encerclés ; les chasseurs avaient décroché depuis longtemps !
Tout devenait clair !
C'est alors que, dans la manœuvre pour sortir de ce ravin, mon char perdit une chenille : elle ne se cassa pas, elle tomba à côté du char !!! Cela prouve l'état du matériel.
Le capitaine mis au courant, m'enjoint de tacher de trouver les autres éléments d'échelon et d'essayer de rejoindre une fois la réparation effectuée.
Les autres partent, nous sommes seuls ; silence total.
Huit heures. Soudain, dans un chemin de terre 500 m une colonne en marche. Je me précipite. Ce sont les éléments de dépannage lourd de l'échelon du 19e B.C.C. : ce qu'il me faut. J'explique mon cas. Refus poli, je n'avais qu'à me débrouiller.
Moralement, devant ce refus, nous étions absolument dégagés de toute obligation. Cependant pas un instant ne fut envisagé l'éventualité d'abandonner le char. Nous nous mîmes au travail immédiatement : sans outil de travail était théoriquement impossible.
À neuf heures, nouveau bruit de moteurs sur le chemin de terre : de la crête nous découvrons des voitures blindées allemandes qui patrouillent lentement. Plus de doute cette fois. On se regarde…
Sans rien dire, on se remet au travail : un seul regret, que le char ne soit pas à défilement de tourelle pour faire un carton facile. Petit à petit la méthode de travail est mise au point : il s'agit dans ce ravin plein de taillis, de démonter la chenille patin par patin, de la reformer derrière le char, de laisser couler ce dernier de son propre poids afin qu'il chenille de nouveau. Des branches gênaient : on les coupe au couteau.
Bref, après plusieurs tentatives manquées et au moment où un gros arbre allait interdire définitivement la descente libre du char, nous réussissons la manœuvre.
Restait à boucler la chenille : autre problème, compliqué par le fait qu'un terrain inégal perdait de la longueur sous le char.
Enfin on y réussit : il pouvait être six heures du soir.
Le départ. Pendant que tout s'achève, je fais une petite reconnaissance sur la crête : j'y suis accueilli par des rafales de mitrailleuse, parties de lisières assez éloignées.
Il fallait sortir de ce ravin : le char partirait-il ? en effet l'allumage était défectueux.
Démarrage magnifique. Quel enthousiasme pour tous trois de se sentir de nouveau emportés.
Désormais tout espoir était permis. Encerclés ?? qu'est-ce que cela signifiait ?!! Nous étions décidés à foncer plein Sud !
Nous ne savions pas qu'à ce moment-là, l'ennemi était à 80 km au sud, aux Andelys, sur la Rive Gauche de la Seine.
La crête franchie, nous étions en terrain découvert : soudain signes d'inquiétude du pilote. Je me penche. Le char roulait à merveille, mais il refusait de virer : les manœuvres dans le ravin, exécutées uniquement aux freins, avaient achevé les bandes de direction. Quelle malchance !
On continue. Le char vient donner du nez à l'orée d'un bois contre un gros arbre. Impossible d'aller plus loin.
Ma capture.
je suis pris d'un espoir insensé ! Quand je me rends compte de la réalité (bien tard, puisque je suis accueilli par des mots français et sans brusquerie) je suis bien encadré. On m'avait dit que la Luftwaffe n'était pas là.
Celle de mon équipage.
Pruvost, ne me voyant pas rentrer, me recherche et se fait cueillir au hameau voisin. Conduit immédiatement au P.C., je l'y retrouve quelque temps après, en bien mauvaise posture : il avait été pris en effet habillé d'un pantalon de velours, d'une veste bleue à même la peau, d'un béret, ne portant aucun papier d'identité… Je le tire de là.
Mirant se camoufle jusqu'à la nuit, rend le char et l'armement inutilisables, de prend une mitrailleuse et des chargeurs et part vers le sud (toujours le sud !!!) Il marche toute la nuit. Au petit matin, alors qu'il traversait une route, un side stoppe sa hauteur. Il tire son revolver et foudroie les deux occupants. Il fonce ensuite et vient donner dans une batterie de DCA.
À neuf heures du matin, le 10 juin, nous étions tous trois au PC de Von Beck, où l'on était étonné de voir des " panzer " à 80 km dans les lignes. Moments critiques de l'interrogatoire. Comparutions séparées et répétées, car les déclarations ne correspondaient pas et pour cause…
Je les vis une dernière fois à la caserne Friand à Amiens, au milieu de la foule des prisonniers. Je les quittai pour suivre la colonne des officiers. Nous devions marcher jusqu'à Anent ??
je n'ai pas eu depuis de leurs nouvelles. Pas plus d'ailleurs que de camarades de mon ancienne unité. Et pourtant nous sommes, selon toute ressemblance des seuls prisonniers de la troisième compagnie du 19e bataillon.
Aussi devant ce silence :
sachant combien peut-on souffrir là-bas, surtout quand on a essayé, quand même, de faire plus que le strict devoir ;
considérant par ailleurs que je suis le seul témoin des faits ci-dessus et probablement le premier libéré de ceux qui les ont vécus.
Considérant en outre que rien ne soulagera davantage nos camarades en exil qu'un témoignage officiel de leur dévouement.
J'estime de mon devoir de vous demander, sur le rapport précédent, de vouloir bien attribuer à Mirant et aussi à Pruvost les citations dont les textes pourraient être les suivants :
Mirant André. " Sous-officier radio, plein d'initiative et de dévouement. Encerclé avec l'équipage de son char immobilisé, a mis en œuvre toute son énergie pour le remettre en état et rejoindre les lignes (9 juin 1940). Malgré tous ses efforts et son courage, n'a pu éviter la captivité.
Pruvost. " Pilote de char. Dans des conditions matérielles et morales très pénibles, a fait preuve de la plus grande énergie le 9 juin, où, encerclé avec l'équipage de son char immobilisé, et tenté l'impossible pour le ramener dans les lignes. N'a pu, malgré ses efforts, éviter la captivité.
Remarque. Je crois que pour Mirant un autre devoir s'impose.
Admis, à Bourges, au peloton des S.O.R., il en sortit convenablement en avril 1940. Sa nomination de sous-officier ne vint jamais. Il portait, au cours de la campagne, les galons de caporal, fictivement attribués à lui et à ses camarades par le commandant Héritier à La Bussière (Loiret) au moment où il faisait partie du 108e en formation.