Historique du

21e Bataillon de Chars de Combat

Retranscrit par Christophe Marcille à partir d'un document des années 1970

composé de souvenirs d'anciens

 

La création

Fin 1938, le plan de mobilisation de l'armée française, et plus spécialement de la 6ème Région Militaire était complété par la création de quatre nouvelles unités de chars : les deux bataillons d'active du 512ème RCC, les 23ème et 28ème BCC et les deux bataillons de formation les 21ème et 34ème BCC.

La mise sur pied de ces bataillons dépassait les disponibilités et les ressources de la 6ème Région et devant l'énorme déficit des approvisionnements, les 21ème et 34ème BCC passèrent-ils en seconde urgence.

 

La mobilisation

 

Le bataillon fut constitué lentement du 2 septembre au 6 octobre 1939, à partir du Centre Mobilisateur 507 de Mourmelon, avec des noyaux actifs des 507 et 512, complété par des réservistes de la région parisienne et champenoise. Il est rattaché au GBCC 517.

Après quinze jours de mobilisation, il manquait à l'unité en matériel roulant 6 camions, 1 camion citerne à essence, 16 camionnettes, 27 motos et 2 porte chars.

A la dernière minute, afin d'éviter l'immobilisation du bataillon une citerne de 20.000 litres est réquisitionnée (on en a pas trouvé de plus petite). Cette énorme capacité ne résolvait pas la question des distributions aux unités, d'autant plus qu les 12 tracteurs légers étaient également absents.

Quant au matériel chars, cinq appareils sont dépourvus d'armement.

Durant neuf mois, et malgré des demandes continuelles, ces chars resteront inactifs. Mais en mai 1940, il n'aurait pas été séant d'envoyer au combat des chars avec un trou dans la tourelle, le Ministre fit parvenir au  bataillon des plaques de tôle d'un millimètre d'épaisseur pour boucher les trous ! Solution bureaucratique bien dans le style de l'époque, et jusqu'à la reddition, les cinq chars resteront sans armement !

L'équipement vestimentaire lui non plus n'était pas au complet. Au bout de quelques semaines, les bleus de travail furent remplacés par de magnifiques pantalons de coutil d'attrayantes couleurs, gris clairs, violine ou roses. Les chemises qui furent réservées à l'unité après six semaines étaient également de coloris splendides. Enfin, pour corser les difficultés, le bataillon avait 95% de réservistes qui ignoraient tout des appareils modernes et avaient fait leur instruction sur le FT.

Et dire que le plan de mobilisation prévoyait que le dixième jour, le 21ème BCC devait être en mesure d'être engagé !

La montée en puissance

Le 7 octobre 1939, le bataillon fait mouvement sur CUPERLY (13 kilomètres nord-est de CHALONS SUR MARNE). Ce premier mouvement laisse donc un retard de 39 jours sur le plan de mobilisation.

Du 8 octobre au 23 novembre, le 21ème BCC poursuit son instruction de manière intensive, de son personnel, et essaie ses ER 54 (liaison radios).

Le 24 novembre il embarque sur voie ferrée et débarque à DOMFESSEL (BAS-RHIN), et passe à la disposition d'une armée. Il sera cantonné jusqu'au 26 janvier 1940 à GOEZENBRUCK et SARREINBERG, rattaché au GBCC 508.

Le 27 janvier, il fait mouvement par voie terrestre au centre d'instruction de la Vème Armée à BLAMONT. Ce séjour s'achève le 16 février par un déplacement extrêmement pénible complète la cohésion de l'unité.

Par un froid glacial sur des routes verglacées et sur un parcours de près de 80 kilomètres, les équipages accompliront cette épreuve sans aucune panne. Le Général commandant les chars de la Vème Armée ne s'y trompe pas et adresse au bataillon ses vives félicitations pour cette performance.

Du 18 février au 6 juin 1940, le bataillon demeurera dans sa zone de stationnement, effectuant de nombreuses reconnaissances d'emplois dans la zone fortifiée. Il passe au GBCC 501.

Les combats de 1940

 

Le 21ème BCC fait mouvement le 7 juin sur 35 kilomètres vers NEUWILLER (2ème Compagnie), et WEITZWILLER (3ème Compagnie), tandis que le 1er Compagnie reste temporairement à SARREINSBERG, à la disposition du 43ème CAF. Dès cet instant, le bataillon est dissocié. La première compagnie ne rejoindra jamais le gros du Bataillon alors qu'elle est « temporairement » détachée. Dans les opérations dans lesquelles les unités sont lancées elles surprennent par l'absence de plan d'emploi. Toutes les formations veulent des chars.

 

1ère Compagnie du 21ème BCC

 

Sur l'ordre du Général comandant le SFR, elle quitte le 13 juin SARREINSBERG, par l'itinéraire WINGEN TIEFFELBACH OTTEWILLER SIEWILLER WETTING.

Le 14 juin, à 17 heures départ en direction de POSTROFF. Avant la nuit, les sections sont placées en surveillance aux barrages a) sur la route nord de POSTROFF b) face à NIEDERSTINZEL c) face à FENETRANGE d) face à ROMELFING.

Le 15 juin, surveillance.

Le 16 juin, arrivée à 4 heures dans le bois ouest de DOLWIG, surveillance au nord et à l'est de DOLWING.

Le 17 juin, à 7 heures, la Compagnie arrive à NIEDERHOFF.

Le 18 juin, le commandant de compagnie installe son PC au bois nord du chemin de GUNTZWILLER à NIEDERWILLER. A 10 heures, l'artillerie ennemie arrose copieusement le bois, l'infanterie se replie. A 11 heures, les chars rejoignent le bois HEHTHAL-NIEDERWILLER et à 16 heures la Compagnie reçoit l'ordre de se porter à la corne sud-ouest du bois de NITTING d'où elle est à nouveau dirigée à la sortie du bois est de ASPACH avec mission de s'y installer en surveillance.

Le 19 juin, à 1 heures, la Compagnie se replie sur TAUCONVILLE et CIREY. A 3 heures elle parvient au bois sud-ouest de la route TAUCONVILLE-CIREY. A 7 heures, l’ordre lui parvient de rejoindre le bataillon, mais à 14 heures la colonne est arrêtée au sud de CIREY et reçoit l'ordre de retourner à BERTRAMBOIS pour y dégager un PC.

Le 20 juin, à 8 heures, la colonne revient après avoir accompli sa mission sans avoir éprouvé aucune perte. A 15 heures, elle se met en route pour rejoindre le bataillon. La colonne sur roues parvient au col de Haut-Jacques à 20 heures, tandis que la colonne combat est arrêtée à MARZELAY (1 km de la route St DIE- LA PECHERIE) pour assurer la défense de ce point.

Durant cette période de sept jours (du treize au 20), ordre, contrordre sans objet se sont succédés, et sur 80 kilomètres, les chars assumeront seuls la sécurité du repli de l'infanterie. Opérations de jours, marche de nuit.

Le 22 juin, les liaisons sont coupées.

Le 23 juin, reddition générale.

2ème et 3ème Compagnies du 21ème BCC

Le 9 juin, le bataillon est mis à la disposition de la 62ème D.I. En fin de journée, le stationnement est le suivant : EM à ST LEONARD; CE ROSHEIM ; 2ème Cie OTTROTT ; 3ème Cie BOERSCH.

Les 14, 15, 16 juin, nouveaux déplacements, sur RUSS RAVES BERTRIMOUTIER BRUYERES. La 3ème Compagnie s'établit en position d'attente à SEMERSHEIM, à la disposition de la 103ème D.I. Au début de l'après midi chars et infanterie décrochent en combattant et se replient sur VILLE. La Compagnie reste les jours suivant où elle assure les barrages de la vallée permettant le décrochage de l'infanterie. Toute l'unité sera capturée à VILLE lorsque l'ennemi en aura assuré l'encerclement.

La 2ème Compagnie se porte à HOHWARD (ordre de la 62ème D.I. reçu à 2 heures par téléphone) puis à 7 heures, contre ordre de la 54ème D.I. lui faisant faire demi-tour. Dès son arrivée à BERTRIMOUTIER, les  sections s'installent, la 3ème TIXIER au col de Ste Marie, la 1ère section GOUT Col du Bonhomme, la 4ème section REMOND Col de la Schlut, la 2ème section AVOUTS à Longemer.

Le 17 juin, les sections Desjoncquières et Sarrazin de la 3ème Cie sont dirigés sur NEUBOIS pour coopérer à la défense du barrage.

Le 18 juin, la 3ème Compagnie reçoit l'ordre d'engager ses sections pour dégager un PC de bataillon à DAMBACH-LA-VILLE, motif qui s'avère faux car en fait il s'agit de procéder à la récupération de l'armement abandonné par nos troupes. Vers 20 heures, la section Sarrazin attaque sur NEUBOIS et inflige de sérieuses pertes à l'ennemi. La Compagnie est laissée sans ordre, le Commandant du Régiment pour lequel la compagnie intervient a quitté son PC.

Le 19 juin, la section Desjoncquères traverse NEUBOIS. Le Lieutenant remarque à travers les soupiraux des caves de la scierie des mouvements suspects. A ce moment, un obus vient frapper l'avant de son char, perce le blindage, passe entre les jambes du mécanicien pour sortir par le fond du char. L'attaque ennemie se déclenche, le char encaisse cinq coups d'obus, mais parvient à reculer, protégé par le char du Caporal Lejeune qui recevra deux obus. Vers 11 heures, infanterie et chars se replient sur VILLE, sauf la section SARRAZIN qui continue seule à tenir NEUVE-EGLISE.

Le 20 juin, les missions pleuvent sur la 2ème Compagnie et en quelques minutes, la Compagnie est éparpillée sur un polygone de 20 sur 30 kilomètres. La 3ème Compagnie se retrouve seule dans VILLE après son abandon à 5 heures 45 par l'infanterie. L’artillerie française déclenche alors ses feux sur la localité encore tenue par les chars français, qui combattront seuls jusque 14 heures. Les éléments survivants des 2ème et 3ème Compagnie sont rassemblés au col du Haut-Jacques.

Le 22 juin, à 16 heures, l'ordre de reddition est donné aux troupes. Les chars restant sont incendiés.

Le 23 juin, à 7 heures, la reddition s'effectue.

Conclusion

 

Le 21ème BCC a vraiment été maltraité par les événements et les états-majors. Les hommes, les cadres se voyant si pauvrement dotés auraient pu se sentir diminués. Mais pourvus d'un esprit de corps solidement entretenu par les cadres, tous ont fait preuve d'une abnégation et d’un esprit de sacrifice bien digne des traditions de l'arme. Le 19 juin, alors que les chars avaient besoin d'entretien et que le personnel tombait de fatigue, les Compagnies avaient encore une excellente tenue au feu.

Bien mal récompensée car ce n'est pas sans regret que l'on constate que le Ministre répond au Commandant des chars de l'Armée « que ses propositions de récompenses n'étaient pas retenues ».

Après les dures années de captivité qu'endurèrent le Commandant CAILLES, les Capitaines ROBERT et BROCH, la joie de revoir les leurs leur fut refusée. Tous trois furent tués dans un bombardement aérien de leur camp par les formations U.S. en fin 1944.

 

 

ENCADREMENT

Chef de Bataillon André CAILLES, Commandant le bataillon

Capitaine MAUROY, Chef d'état-major

Lieutenant MIGEON, Adjoint technique

Lieutenant DUVAL, Officier renseignements

Lieutenant MAUNY Officier de transmissions

Lieutenant JOYE, Chargé des détails

 

1er  Compagnie     

Capitane GIL

Lieutenant BUOB

Sous-lieutenant CHAGNAUD

Aspirant BEL

Adjudant-chef NASICA                                                                                                                            

2ème Compagnie

Capitaine BROCK

Lieutenant GOUT

Sous-lieutenant TIXIER

Sous-lieutenant BOEUF

Aspirant  REMOND                                                                                            

3ème Compagnie

Capitaine PERAT

Lieutenant DESJONCQUIERES

Lieutenant LESUEUR

Lieutenant BIENVENU

Lieutenant DRESSE

Adjudant-chef SARRAZIN

Compagnie d’Echelon

Capitaine ROBERT, Commandant la Compagnie

Lieutenant JEANNETON, Adjoint

Lieutenant PARRY, Atelier

Lieutenant PROFFIT, ravitaillement

Adjudant ORSAL, section de remplacement

Pertes

Au combat 1 officier, 1 sous-officier, 1 caporal, 5 chasseurs

Tué en captivité par bombardement U.S. Chef de Bataillon CAILLES, Capitaines ROBERT et BROCK

Récompenses

1 Officier de L.H ; Chevalier, 2 ;  Médaille militaire 5

Citations : Armée 7. Corps d’Armée 6. Division 5. Brigade 5. Régiment 92

Propositions de citations collectives à l'Armée : pour la 3ème Compagnie puis pour le bataillon. Propositions formulées par le Général commandant la Vème Armée qui n'ont jamais été retenues.

 

 

LES MARQUAGES DU 21e BCC par Laurent Deneu