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Journal des marches et opérations du
40e Bataillon de Chars de Combat |
16 novembre 1939
A zéro heure : constitution du bataillon 40 sous le commandement du chef de bataillon DELOYE.
État-major :
Capitaine WALMBAUM chef d'état-major
Lieutenant AUBRY adjoint technique
sous-lieutenant ORY officier de renseignements
adjudant chef RAMEAU officier des détails
adjudant PARISON adjudant secrétaire
sergent THUILLIER sous-officier conducteur
Première compagnie de combat
Capitaine GUILLOT commandant la compagnie
sous-lieutenant De SCHLUMBERGER commandant la 1ère section
aspirant RENARD commandant la 2ème section
aspirant PESQUES commandant la 3ème section
sous-lieutenant FAURE commandant la 4ème section
Lieutenant GONNARD commandant la section d'échelon
Sergents-chefs Van GANSEWINKEL - MELINE - MOUGEAR - BAINVILLE - SCHMITT - EGUETHER - CHRISTIN - BRAN
Sergents MAYOT - HEIMANN - DAVID - GODET - GASSER - TASCHANZ - MILLARD
Deuxième compagnie de combat
Capitaine COUE commandant la compagnie
Lieutenant MICHEL commandant la 1ère section
Lieutenant GAULARD commandant la 2ème section
sous-lieutenant NICOLAS commandant la 3ème section
aspirant RECHOU commandant la 4ème section
Lieutenant ENTRINGER commandant la section d'échelon
Sergents-chefs GAIRE - VOIRIN - De MULLENHEIM - BUCZAZZER
Sergents LOUIS - BUFFET - BOURLES - CABARET - TREVUX - GOUROUX - JACQUINOT - MALHERBE - PIERRE - SIRAND - PUGNET - GEORGES
Troisième compagnie de combat
Lieutenant QUIGNARD commandant la compagnie
Lieutenant FAGUER commandant la 1ère section
Sous-Lieutenant SOUCHIER commandant la 2ème section
sous-lieutenant GANNE commandant la 3ème section
aspirant CHAVANNE commandant la 4ème section
Lieutenant Van HEEMS commandant la section d'échelon
Sergents-chefs ADMANT - BOURCE - HANDSCHUMACHER - SCHERDER - BONNING
Sergents ADRIAN - BELGY - BERTRAND - BICHE - FERRY - FRANCOIS - MERCIER - MICHEL - RIBLE
Compagnie d'échelon
Capitaine PEROL commandant la compagnie
Lieutenant DALLEMAGNE commandant la section atelier de dépannage
Lieutenant BERSON adjoint au commandant de la section atelier de dépannage
lieutenant JALARD commandant la section de ravitaillement -approvisionnement
adjudants FRERE - MAIRE
Sergents-chefs BIZELDEAU - KEMPF - LACROIX - LAGE - LAMAZE - THOMAS QUILLET
Sergents De GARGOUET De RAULEON - DUVAL - ESSWEIN - GAUDELETTE - GEYER - HAAS - HUMBLOT - KOPP - LOEFFLER - LANTHEAUME - OTT - POPULUS
16 novembre 1939
Le bataillon qui a quitté Nancy le 13 novembre est déjà installé au camp de Meucon (Morbihan) avec le bataillon de manœuvre 42 (commandant VIVET).
17 novembre 1939
Le bataillon procède à son installation.
18 novembre 1939
Et aménage ses cantonnements.
19 novembre 1939
Dimanche : quartier libre
22 novembre 1939
Départ du détachement chargé de la perception des véhicules à Versailles et Vincennes.
23 novembre 1939
Arrivée au bataillon du médecin sous-lieutenant RIOU
23/25 novembre 1939
Continuation des travaux d'aménagement
26 novembre 1939
Arrivée à 16 heures du détachement parti le 22, avec les véhicules suivants :
3 voitures de tourisme Peugeot 402
2 camions dont 1 porte-machines-outils et un camion atelier
2 camions de 3t. 5
3 trois camions de 1t. 5
1 camionnette sanitaire
8 motos side-car
6 décembre 1939
Visite d'inspection du général CHANBIS, inspecteur des formations de chars du territoire, accompagné du colonel MASSARD commandant le groupe des dépôts de chars de la 11e région.
8 décembre 1939
Alerte " priorité DCA Morbihan ", signal reçu à 11h04. Le bataillon prend ses emplacements de défense passive. Fin d'alerte à 11h15.
18 décembre 1939
Le 40e B.C.C. est prend en compte la dotation en matériel qui lui est assignée, à savoir :
33 chars F.T. et cinq chars légers modèles et H 1939.
Ce matériel débarqué à l'arsenal de Vannes, gagne le camp de Meucon par la route sur chenilles.
19 décembre 1939
Visite d'inspection des installations des bataillons de chars 40 et 42 par le général de division DEBAILLEUL, commandant la 11e région.
28 décembre 1939
Le Lieutenant DALLEMAGNE, commandant la deuxième section de la compagnie d'échelon est mis en affectation spéciale au Canada.
29 décembre 1939
Le Lieutenant BERSON reçoit le commandant de la section atelier dépannage et le Lieutenant ENTRINGER de la deuxième compagnie prend les fonctions d'officier adjoint au commandant de la section atelier - dépannage. Le Lieutenant MICHEL prend le commandement de la section d'échelon de la deuxième compagnie.
20 janvier 1940
le Lieutenant GAULARD prend le commandement de la première section de la deuxième compagnie de combat. Le Lieutenant VILLAUME, muté au 40e B.C.C. reçoit le commandement de la deuxième section de la deuxième compagnie de combat.
7 février 1940
Remise à la deuxième compagnie (capitaine COUE) de son fanion aux armes de Lorraine et défilé de la compagnie à l'issue de la cérémonie.
29 février 1940
Visite d'inspection du général STEHLE, directeur de l'infanterie en présence du colonel MASSART commandant le groupe de dépôts de chars de la 11e région. Présentation du bataillon et du matériel au général.
5 avril 1940
Le bataillon quitte le camp de MEUCON et s'installe aux cantonnement d'Elven (10 km est du camp de Meucon). La première compagnie de combat (capitaine GUILLOT) s'installe au château de Kerboulard (5 km d'Elven sur la route de Vannes).
26 avril 1940
Arrivée à Elven du détachement parti le 22 avril 1940 pour percevoir à Versailles, Vincennes et Poissy, le matériel-véhicules ci-après :
5 camionnettes Citroën 1t 5
10 camions Renault 5t
1 camionnette à viande Renault 1t 5
3 camions citerne 5000 l Berliet-Diesel
20 motos side-car René Gillet
16 mai 1940
Le bataillon reçoit l'ordre de se tenir prêt à partir à compter d'aujourd'hui même.
18 mai 1940
Départ du bataillon d'Elven
Premier train de Vannes 13h47. Deuxième train de Vannes 19h47.
Adieux du colonel MASSART, commandant le groupe de dépôts de chars de la 11e région.
19 mai 1940
Arrivée du premier train à Versailles-Matelot à 8h30 du matin. Deuxième train à 13h30. Le bataillon, immédiatement après son arrivée, s'installe aux fermes du Grand et Petit Villetin, commune de Saclay. Il perçoit dans cette journée 25 chars R 35 et R 40, ainsi que plusieurs véhicules automobiles.
20 mai 1940
Le bataillon complète sa dotation en matériels chars et véhicules. Il reçoit dans la soirée l'ordre de faire mouvement. Il se porte sans délai dans la forêt de l'Isle-Adam (carrefour du Tremble) où il arrive vers quatre heures du soir.
21 mai 1940
Le bataillon séjourne toute journée dans cet endroit. Il y passe aussi la nuit.
22 mai 1940
Le bataillon est rattaché à la 2e division Cuirassée commandée par le colonel PERRE. Il reçoit l'ordre à 12 heures d'avoir à se porter immédiatement dans la forêt d'Halatte au nord de Fleurines. Il arrive sur cette position vers 19h30 et en repart à 20h30. Il franchit Pont-Sainte-Maxence sur l'Oise à 21 heures. Il arrive vers 23 heures dans la forêt de Rémy à l'est d'Estrée-Saint-Denis où il prend au complet position de bivouac.
23 mai 1940
Le bataillon se déplace en entier sauf le TRA à destination de Gury. Départ à 14 heures. Arrivée vers 18 heures. Les échelons de combat et les T.C. Park à 21 heures dans la direction de Roye qu'ils atteignent entre 3 et 4h30.
29 mai 1940
Le bataillon dès son arrivée à Roye prend ses positions de combat dans les groupements tactiques de la 2e D.C.r.
le 1er groupement tactique commandé par le chef de bataillon GIRIER reçoit mission de marcher dans la direction de Villers-Carbonel et d'amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Brie. La 2e compagnie du 40e B.C.C. (capitaine COUE) fait partie du 1er groupement tactique. Le 2e groupement tactique commandé par le chef de bataillon DELOYE du 40e B.C.C., reçoit l'ordre de marcher dans la direction de Licourt et d'amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Saint-Christ-Briost. La 3e compagnie du 40e B.C.C. (Lieutenant QUIGNARD) fait partie du 2e groupement tactique. Le 3e groupement tactique commandé par le capitaine MARCILLE reçoit mission de marcher en direction de Nesles-Morchain et de livrer à l'infanterie les têtes de pont de Bethencourt et de Pargny. La 1ère compagnie du 40e B.C.C. (capitaine GUILLOT) fait partie du 3e groupement tactique. Chacun des groupements tactiques comprend, outre les compagnies R 35, R 40 du 40e B.C.C., des chars B, des chasseurs portés du 17e chasseurs, des canons de 47 et les éléments d'artillerie tractée (105). Le dispositif est en place à 5h30 et se met en marche à 6 heures.
Opérations des différents groupements
Le 1er groupement passe sans incident Fouchette - Liancourt - Omécourt - Marchelepot. C'est à partir de cette localité que la résistance ennemie se révèle. Néanmoins le groupement n° 1 continue son mouvement jusqu'à Villers-Carbonel où la résistance ennemie se fait très forte. Les chars B ne marchant pas en premier échelon, les chars de la 2e compagnie du 40e B.C.C. reçoit les premiers et plus durs chocs. Par leur action le village de Villers-Carbonel est livré au 17e chasseurs portés sans aucune perte pour celui-ci. Les chars et des chasseurs poursuivent quelque temps leur avance vers le nord et vers le pont de Brie, mais l'infanterie s'étant arrêtée à Villers-Carbonel, les chars se replient vers Marchelepot. Dans cette attaque, 2 chars, celui de l'aspirant RECHOU et celui du caporal-chef ECLIN, atteints par armes antichars ennemies restaient à Villers-Carbonel.
L'aspirant RECHOU porté disparu le 24, réussit à rejoindre le 25.
2e groupement. Un seul char B marche avec ce groupement est encore n'a-t-il que 200 l d'essence. La colonne passe sans incident Canepuis, Gruny, Cremery, Etalon, Curchy, Breslancourt, Pertain. À ce moment le char B est retardé par une erreur de direction vers Morchain. À Licourt le GRD 34 signale qu'il a aperçu de nombreux éléments se replier. C'est à partir de cette localité que l'avance de se fait pénible. Cependant la 3e compagnie pousse jusqu'au pont de Saint-Christ-Briost par Cizancourt et permet au 17e chasseurs de s'y installer. Malheureusement, les fantassins qui devaient aller relever les chasseurs ne sont pas venus ; le 2e groupement tactique doit se retirer vers Licourt. La 3e compagnie du 40e B.C.C. prend sa position de repli à Omiécourt. Au cours de cette attaque, le char B en panne d'essence est resté à Saint-Christ-Briost et la section de l'aspirant CHAVANNE a disparu.
Le 3e groupement tactique passe sans difficulté Champion, Retrouvillers, Nesles et Mesnil-le-Petit. Il subit les premières réactions de l'ennemi vers Potte et avance vers Morchain. La réaction de l'ennemi est si vive de ce côté que les chars de la 1ère compagnie du 40e B.C.C. suivis par les chars B ne parviennent pas à emmener les chasseurs au-delà de Morchain ; 3 chars de la 1ère compagnie restent sur le terrain (capitaine GUILLOT, sergent chef CHRISTIN, caporal-chef ROLLIN). D'un seul char l'équipage a pu se sauver et cet équipage repartira volontairement à l'attaque le soir même. La nuit, une seconde attaque est montée, commandée par le chef de bataillon MASSENA du 48e B.C.C. avec deux chars B, une section de chars de la 1ère compagnie du 40e B.C.C. (aspirant RENARD) et une section de remplacement du 40e B.C.C. (Lieutenant ORY). Elle parvient à amener l'infanterie jusqu'à la tête du pont de Pargny.
25 mai 1940
La section de remplacement de la CE, sous les ordres du lieutenant ORY et la section de la 1ère compagnie (aspirant PENARD) terminent et mènent à bien leur mission commencée la veille sur la tête de pont de Pargny. Dans la nuit du 24 au 25 mai 1940, la 2e compagnie est également au travail ; elle attaque avec succès sur Licourt et parvient à y amener l'infanterie. Dans la journée, le PC de bataillon est installé à Liancourt ; les échelons de combat de la 1ère compagnie s'installent à Cremery ; ceux de la 2e et ceux de la 3e compagnies sont dans les bois entre Cremery et Etalon. Les échelons TT les compagnies doivent se trouver à Fonche-Fonchette. Le soir à la nuit tombante 2 sections (Lieutenant De SCHLUMBERGER et PESQUES) de la 1ère compagnie sous le commandement du lieutenant GONNARD attaquent en direction de Saint-Christ-Briost qui a été réoccupé par l'ennemi ; ils parviennent, avec l'aide des chars B à y ramener l'infanterie française.
L'aspirant PESQUES est blessé à la main par la porte de tourelle. On doit l'évacuer. À la même heure, l'aspirant RENARD de la 1ère compagnie a eu un accident de side et s'est cassé la jambe. Remarque : le capitaine WALBAUM, assurant les liaisons entre le PC et les compagnies de combat, et voulant d'autre part s'efforcer de retrouver la section CHAVANE disparue la veille, ne reparaît plus. Il avait quitté le lieutenant FAGUER à 10h10 à Omécourt, lui disant qu'il partait en side dans la direction nord-ouest.
26 mai 1940
L'état-major, les 1ère et 2e compagnies de combat sont mis à disposition de la 19e D.I. La 3ème compagnie de combat est rattachée à la 4e D.I.C. En conséquence, les éléments avancés du bataillon font mouvement dans la soirée du 26 au 27.
L'état-major établit son PC à Chaulnes. La 2e compagnie dans les bois au sud de Marchelepot. Au cours de l'exécution de ce mouvement de jour, la 2e compagnie essuie un violent bombardement aérien (une centaine de bombes au nord-est de Chaulnes) mais sans pertes. Les éléments sur chenilles des deux compagnies sont stationnés à Fonches. La 3e compagnie gagne sans incident Moreuil au cours d'un déplacement de nuit et est rejointe par tous les éléments. Une équipe légère de l'atelier (sergent Binet) est mise à la disposition de la 3e compagnie. Le gros de la CE demeure à Gury.
27 mai 1940
Aucun engagement n'est n'est à signaler pour l'ensemble. Seule une section de trois chars de la 2e compagnie sous les ordres du lieutenant MICHEL est requise par l'ID 19 pour opérer contre des infiltrations ennemies à l'est de Misery (côte 76). Les Allemands se sont repliés à son approche et la section rentre sans incident.
28 mai 1940
A trois heures du matin la 1ère compagnie attaque sur Saint-Christ-Briost avec deux sections commandées par le lieutenant De SCHLUMBERGER ; elles arrivent avec l'infanterie jusqu'au pont de Saint-Christ-Briost. Après le combat, la 1ère compagnie se regroupe à Dreslincourt. Les équipages qui ont manoeuvré continuellement depuis le départ de Versailles sont très fatigués. L'état du matériel réclame un entretien urgent. La 2e compagnie demeure dans les bois au sud de Marchelepot où elle est soumise de temps à autre à des bombardements d'artillerie et se trouve sous le feu des mitrailleuses ennemies. Le capitaine COUE est légèrement blessé au front par un éclat. La 3e compagnie soutient une importante attaque sur la poche sud de Corbie. Base de départ : lisière nord de Villers-Bretonneux. Elle doit amener un premier bataillon d'infanteries aux lisières de Fouilloy, puis aller chercher un second bataillon et l'amener aux lisières d'Aubigny. La première partie de l'attaque n'est qu'un demi-succès, l'infanterie qui avancé est clouée au sol par l'artillerie ennemie et n'arrive pas à suivre les chars qui, quatre fois, sont allés les rechercher. La seconde partie de l'attaque est par contre menée avec succès, l'infanterie ayant bien suivi. Au cours de cette attaque, les chars ont été soumis à un tir nourri et précis d'armes antichars ennemies, 7 épiscopes ont été brisés, mais tous les chars ont bien rempli leur mission et ont gagné au complet leur position de regroupement dans le bois de Blangy. Seul le lieutenant QUIGNARD, commandant la 3e compagnie, a été blessé à la face par un violent choc dû à l'action d'un projectile ennemi sur un épiscope.
29 mai 1940
La 1ère compagnie se repose et commence l'entretien de son matériel à Dreslincourt. La 2e compagnie est en position d'attaque dans les bois au sud de Marchelepot. La 3e compagnie regagne Moreuil au cours d'une marche de nuit. Dans la nuit du 29 au 30 mai, la 1ère compagnie gagne un nouveau point de stationnement : Warvillers.
30 mai 1940
La 1ère compagnie entretien son matériel à Warvillers et se déplace au cours de la nuit jusqu'à Vrely. Dans la nuit du 30 au 31 mai, la 2e compagnie gagne un nouveau point de stationnement : Beaufort-en-Santerre.
31 mai 1940
Le PC du bataillon s'installe à Beaufort-en-Santerre. Les compagnies font l'entretien de leur matériel. La 1ère compagnie à Vrely, la 2e compagnie à Beaufort-en-Santerre, la 3e compagnie à Moreuil.
1er juin 1940
Entretien est mise en état du matériel. Au cours de la nuit les échelons de combat de la 1ère compagnie quittent Vrely pour se rendre à Hallu. Les échelons de combat de la 2e compagnie quittent Beaufort-en-Santerre pour se rendre à Chaulnes. Les échelons de combat de la 3e compagnie quittent Moreuil pour se rendre à Guerligny. Le PC du bataillon est installé à Chaulnes. Les chars sont embarqués sur porte chars à Guerligny. Les échelons de combat se portent alors dans la forêt de Arguel au nord-est de Sénarpont (sur Bresles). Les échelons tous terrains et l'élément avancé de dépannage se portent sur la forêt d'Arguel. Le centre de livraison avancé (essence et munitions) fait mouvement sur la Haute-Forêt d'Eu. Le TRA dans la direction de la Basse-Forêt d'Eu. Le PC est installé au château de Sénarpont.
3 juin 1940
Entretien du matériel. Dans la nuit, les échelons de combat se portent aux positions d'attente. La 1ère compagnie ouest de Rogeant, la 2e compagnie région de Bellavesnes, la 3e compagnie région boisée nord d'Ercourt. Les échelons TT des trois compagnies de combat, les éléments de dépannage : région de Courtieu.
4 juin 1940
Le PC du bataillon est installé auprès de celui de la 39e D.I. et du GBC à Grébault-Mesnil. La 3e compagnie est mise à la disposition du 15e R.I. et se portent en position à Behen. Elle n'est pas engagée. Dans la nuit, les éléments du bataillon se regroupent dans la région de Montieu-Sarang. Les échelons de combat se portent dans les bois de Malmaison au nord de Montieu. Les échelons TT des compagnies et l'élément avancé de dépannage stationnent au château de Montieu et à Sarang. Aucun changement pour les autres éléments du bataillon ; le PC est installé au château de Montieu.
5 juin 1940
Départ le 5 dans la soirée ; le bataillon se porte dans la région de Conteville - Lavacquerie - Choqueuse, à 10 km est de Grandviliers. Le PC du bataillon est installé à Conteville. Les éléments de combat qui ont fait route toute la nuit les bombardements et sont arrivés à l'aube sont exténués.
6 juin 1940
La 3e compagnie se trouve à Choqueuse, la 1ère à Lavacquerie, la 2e à Catheux-Fontarin où elle assure la défense des ponts.
7 juin 1940
A huit heures arrive l'ordre de se préparer pour une contre-attaque éventuelle dans la direction nord-ouest de Cupais. Immédiatement le contre-ordre arrive. Il faut s'organiser en position de résistance dans les positions occupées. À 12 heures le projet d'attaque est repris ; se mettre immédiatement en liaison avec le commandant du 17e B.C.P. qui commande le groupement 40e B.C.C. - 17e B.C.P. Les compagnies font mouvement pour se porter aux abords de Cempuis. Le PC se porte à Rieux. Finalement, il n'y a pas de contre-attaque, un ordre de repli arrive. Derrière les compagnies du 17e B.C.P. dont elles protégeaient la marche, les compagnies du 40e B.C.C. vont prendre leur position. La 3e à Grez, la 2e à Gaudechart, la 1ère en réserve à Prévillers avec le PC du bataillon. Immédiatement sur place, les compagnies forment avec les chasseurs du 17e B.C.P. des centres de résistance, les Allemands attaquent. La 3e compagnie sous le commandement du lieutenant Van HEEMS résiste à la pression de Grez. Malheureusement, les artilleurs du 309 ont laissé des canons de 47 sur le terrain. La section de l'adjudant BONNING est prise à partie par l'un d'entre eux et est mise hors de combat. L'adjudant BONNING est tué dans son char. La compagnie décroche derrière les chasseurs et se replie sur Crèvecoeur puis vers Auchy-la-Montagne. La 2e compagnie à Gaudechart avec une autre compagnie du 17e B.C.P. a moins de mal à résister à la pression. Elle se replie en ordre vers Luchy. La 1ère compagnie décroche après le passage des autres compagnies à Prévillers est gagne le bois de Béhu à proximité de Luchy. Les éléments de dépannage et de ravitaillement sous les ordres du lieutenant GANNE se sont repliés avec la camionnette sanitaire et la cuisine roulante et le camion VB de la 3e compagnie à Juvignies et ont reçu l'ordre de gagner La Boudinière. Vers 20 heures les compagnies reçoivent l'ordre de décrocher pour se rendre dans la forêt de Hez. La 1ère compagnie est chargée de rester au bois de Behu jusqu'après le passage des derniers éléments du 17e B.C.P. Elle ne décrochera qu'à minuit. L'agent de transmission envoyé au lieutenant GANNE à La Bodinière le recherche pendant 1h30 sans le trouver. On pense ce qui s'est retiré ; malheureusement, il n'en est rien et le 8 à cinq heures du matin son détachement est attaqué par des engins blindés allemands. Le chasseur MOUTON, conducteur de la tourisme de la 3e compagnie parvient à rejoindre trois jours après et en informe le chef de bataillon. Avec le lieutenant GANNE, disparaissent : le médecin sous lieutenant RIOU, l'adjudant chef PARISON, le sergent chef HANDSCHUMACHER et une quarantaine de sergents, caporaux et chasseurs, avec une citerne, une roulante, des tourismes et des chenillettes.
9 juin 1940
Arrivé à l'aube, le bataillon reste à la lisière de la forêt devant Neufville-en-Hez jusqu'à 10 heures. Il décroche avec les chasseurs pour Houdainville, Saint-Félix et Augy où il prend formation de point d'appui. À 14 heures, nouveau décrochage en direction de Courcelles-Bornel et formation avec le 17e B.C.P. de nouveaux points d'appui.
10 juin 1940
Départ vers 12h30 en direction de l'Isle-Adam et Stors. Les compagnies font toujours partie du groupement MAHLET et s'installent pour la défense des ponts de l'Oise située à l'Isle-Adam et Stors.
11 juin 1940
Départ vers 19 heures pour le bois de la Verrière près de Bièvres. Arrivée à quatre heures du matin.
12 juin 1940
Départ vers 19 heures pour Villeconin - Souzy. Arrivée des divers éléments du bataillon à l'aube du 13 juin. Le matériel est durement éprouvé par de perpétuels déplacements et demande un entretien sérieux. 28 chars seulement sont capables de se déplacer.
13 juin 1940
Arrivée les compagnies de combat vers quatre heures du matin. Les éléments légers de la CE ont rejoint sous les ordres du capitaine PEROL.
14 juin 1940
Départ vers 16 heures pour Thignonville ; arrivée vers 19 heures.
15 juin 1940
Départ vers une heure du matin. Le PC du bataillon et la première compagnie se portent à Mereville ; la 2e compagnie à Sermaize ; la 3e compagnie à Angerville ; la CE à Léouville. Chacune des compagnies de combat reçoit l'ordre de constituer un bouchon dans les diverses localités où elles stationnent et en particulier de garder les routes venant du nord nord-est et nord-est. Dans l'après-midi la 3e compagnie a à se défendre contre les infiltrations ennemies. Vers 20h30 les compagnies de combat font mouvement pour se porter : la 2e à Léouville, la 1ère à Allainville, la 3e à l'ouest de cette localité. La CE se porte à Grottes. Les compagnies de combat prennent position pour se mettre en position de résistance dans ces différentes localités.
16 juin 1940
Départ des différentes compagnies qui doivent se replier au sud de la Loire. Les compagnies doivent établir des bouchons successifs à Guignonville - Chilleurs -Chatillon, pour protéger la retraite de la 2e D.C.r. Au cours de cette manoeuvre, la 3e compagnie est prise à partie par le canon automoteur accompagnant la 1ère compagnie. Cette compagnie est elle-même prise à partie par des armes antichars françaises. Plusieurs chars de la 1ère compagnie sont fortement endommagés. Le mécanicien LEMASSON est tué. Le sergent chef DAVID est grièvement blessé. Toute la section du lieutenant SOUCHIER (3e compagnie) est mise hors de combat. Le lieutenant SOUCHIER, son mécanicien CAILLE sont grièvement brûlés. Le sergent chef SCHREDER blessé à la main. La 3e compagnie perd également sa tourisme et ses motos-side. Les compagnies de combat reçoivent l'ordre de chercher à se retirer au sud de la Loire en passant le fleuve à côté de Blois. Elles y parviennent le 17 au matin ; les uns passant par le Pont de Mer, les autres par celui de Blois. La CE avait reçu l'ordre le 16 vers 18 heures de se replier et de chercher à passer la Loire à Orléans. En cours de route, elle retrouve le PC du bataillon qui cherche également à passer par Orléans. La marche de ces éléments sur roues est considérablement retardée par les convois de réfugiés et les convois hippomobiles. Arrivés à proximité d'Orléans, ces éléments sont arrêtés, l'ennemi occupant la ville. Sans ordres, sans cartes, au milieu d'un encombrement indescriptible, ces éléments parviennent à se dégager en se dirigeant également vers Blois. Ils passeront la Loire au début de la matinée, les uns à Blois, les autres à Mer.
17 juin 1940
Le bataillon se regroupe dans la forêt de Boulogne, à proximité de Bracieux, à l'exception de la 3e compagnie qui s'est arrêtée au sud de Blois. Vers 20 heures nouveau mouvement pour se rendre dans la forêt de Gatine entre Villentroy et Valençay sur ordres du général DELESTRAINT, commandant le groupement Cuirassée de la 2e D.C.r. - 4e D.C.r. Le PC du bataillon ; la CE, les 1ère et 2e compagnies exécutent ce mouvement. La 3e compagnie épuisée se repose et rejoint les autres éléments du bataillon le 18.
18 juin 1940
Nouveau départ vers 20h30 pour se rendre dans la région de Lury-sur-Arnon où s'effectue des le regroupement de la 2e D.C.r. Le bataillon possède encore 27 chars sans compter ceux qui font mouvement avec les éléments lourds d'ateliers qui se déplacent sous les ordres directs de la 2e D.C.r.
19 juin 1940
Arrivée à l'aube dans les bois deux kilomètres nord de Lury-sur-Arnon (Cher). Départ le soir à 20 heures pour se rendre à Le Canssin - commune de Trouzanne, 10 km ouest de La Châtre (Indre). Au cours de cette étape longue de 80 km, quatre chars ont dû être abandonnés et brûlés. Les équipages sont de plus en plus épuisés.
20 juin 1940
Vers 20 heures nouveau mouvement pour effectuer une étape de 50 km. Le bataillon se porte dans la région de Dun-le-Palleteau (Creuse). La 1ère et 3e compagnies stationne à Chabannes. La 2e compagnie et la CE que le PC du bataillon sont à Puybrières.
21 juin 1940
Le bataillon fait mouvement pour se porter dans la région de Montboucher - les Martys, 8 km ouest de Bourganeuf (Creuse). L'état-major, la CE et la 2e compagnie stationnent à Montboucher. La 1ère et la 3e compagnies à Martys.
22 juin 1940
Deux sections de la 1ère compagnie est une de la 2e compagnie sont détachées pour faire un bouchon à Pontarion sous les ordres du colonel BALLAND. Les autres éléments se forment en position de résistance autour des cantonnements.
25 juin 1940
A midi, l'ordre de cessez-le-feu est transmis : les hostilités étant terminées. Les bouchons sont désagrégés, la 3e compagnie à s'installer à Le Nouhans ainsi que la 1ère compagnie.
26 juin - 15 juillet 1940
Remise en état du matériel sur place et versement des chars et véhicules.
16 juillet 1940
Le 40e bataillon de chars est dissout le 16 juillet 1940 à 0 heure.
Sources : Philippe Parison, Archives du SHAT Vincennes.
39e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT
ENCADREMENT
Formé à Maubeuge avec un noyau actif de l’école des chars et des réservistes originaires du département du Nord, armé de chars R 35.
Capitaine MAZIER, Commandant provisoirement le bataillon.
A partir du 14 mai, Chef de Bataillon MAUREL.
Lieutenant BONDUEL, Adjoint technique.
Lieutenant DUMONT, Officier de Liaison.
Lieutenant TAULE, Officier de Renseignement.
Lieutenant PRIVE, chargé des Détails.
1ère Compagnie
Capitaine de VALLAVIELLE. Lieutenant MAULET. Lieutenant KNYGT.
Lieutenant ROUX. Sous‑Lieutenant BOLLE. Aspirant LE PIENNEC.
2e Compagnie
Capitaine CAILLOU. Lieutenant ANDRIS. Lieutenant REGENT.
Lieutenant BAILBY. Sous‑Lieutenant GOUPIL. Aspirant BOUILIEZ.
3e Compagnie
Capitaine ROBYN. Lieutenant BOULAN. Lieutenant PILLOT.
Lieutenant LECLERCQ. Lieutenant COURCOUX. Sous‑Lieutenant SPRIET.
Compagnie d'échelon
Capitaine CHATOT. Lieutenant DUBURQUOY. Lieutenant PETIT.
Lieutenant HUBER. Lieutenant DELILLE. Aspirant CHANDERIE.
CITATIONS
Légion d'Honneur : 9 Médaille Militaire : 8.
Citations à l'Ordre de l'Armée : 8.
à l'Ordre du Corps d'Armée : 14
à l'Ordre de la Division : 19
à l'Ordre de la Brigade : 2
à l'Ordre du Régiment : 45.
PERSONNEL Officiers S‑Officiers caporaux et Chasseurs
Tués . 7 9 28
Blessés . 5 4 37
Disparus . 4 12 60
MATERIEL
Détruit du fait de l'ennemi : Chars 42 sur 42. Tracteurs 8 sur 8.
Détruit à Dunkerque tous les véhicules 100 %
L’historique du bataillon se divise en trois périodes.
1. ‑ 28 AOUT 1939 ‑ 9 MAI 1940.
Le bataillon cantonné à Eclailles et Eeuclin (Nord), est rattaché au G.B.C. 519, fait mouvement sur Etreux (Aisne).
Au cours de cette période, l'instruction du personnel est activement poussée, manœuvres, tirs, exercices de cadres. Instruction indispensable à des équipages ignorant tout du matériel moderne.
II. ‑ 10 MAI 1940 ‑ 30 MAI 1940.
12 MAI. ‑ Embarquement du matériel chenillé à Etreux. Les éléments sur roues font mouvement par voie de terre.
13 MAI. ‑ A 14 heures débarquement des chars à Chatelineau (7 km est de Charleroi). Mouvement sur Jodion, bois sud‑est du village (8 km ouest de Namur. Le bataillon est mis à la disposition de la 5e D.I.N.A. et reçoit l'ordre de coopérer à la préparation d'une contre‑attaque face au nord dans la région de Saint‑Mard (3 km nord de Namur).
14 MAI. ‑ Au petit jour, la liaison est prise avec le Colonel Cdt le 24e R.T.T. Une reconnaissance d'emploi est effectuée sur Champion (6 km nord‑est de Namur). Puis dans la nuit lorsque les compagnies se portent sur leur P.D., bois de St‑Mard à 23 heures, la division, en raison de la situation créée par le repli profond de la IIe Armée entre la Sambre et la Meuse, le bataillon est mis à la disposition du 6e R.T.M. en vue de couvrir le flanc droit de la D.I., sur la rive droite de la Sambre.
15 MAI. ‑ Les unités sont dirigées au Nord de Flawinne (4 km est de Namur) pour y occuper une position d'attente leur permettant de passer la Sambre en direction du sud.
Des reconnaissances d'itinéraires sont effectuées sur les bois de Malonne. A 17 heures, le bataillon, relevé de sa mission, s'installe en P.A. dans les bois de Fays.
Au cours du déplacement le Cdt du 24e R.T.T. demande qu'une compagnie assure la mission de protection qui primitivement avait été donnée au bataillon sur la rive droite de la Sambre. La 2e Cie est désignée pour assurer cette mission. Mesure qui va scinder le bataillon. Jusqu'au 21 mai cette compagnie mènera une action indépendante.
La 1ère est mise à la disposition du 24e R.T.T. pour contenir la poussée ennemie sur Temploux.
La 3e Cie s'installe en position défensive au nord de Jodion.
16 MAI. ‑ Le bataillon est chargé d'assurer la protection du repli de la D.I., de part et d'autre de la route Temploux‑Jemmepes à la lisière est des bois du Fays, 1ère Cie au nord de la route, 3e au sud. A 10 heures, la mission accomplie, les compagnies se replient par échelons sur les lignes successives suivantes : Sortie ouest des bois Est de Jemmeppes, Est d'Auvelais, Est de Keumiee.
Toute la journée de brefs engagements au canon ont lieu avec des éléments ennemis qui disparaissent dès qu'ils sont pris à partie. A la nuit le bataillon stationne à Pironchamp.
17 MAI. ‑ Repli sur Charleroi et Binche. Une Cie est mise à la disposition de chacune des deux colonnes formées par la D.I.
A 13 heures, la 1ère Cie dégage le carrefour de Vieux‑Campinaire (N 21) où l'ennemi presse l'arrière‑garde de très près.
A 17 heures, la 3e Cie en soutien de l'infanterie, au pont de Le Roux (voies ferrée et route) ; la 1ère assure la même mission de part et d'autre de la route Charleroi‑Fontaine‑l'Evêque. P.C. du Btn à Epinay avec le P.C. D.I., à 21 heures, le village et ses abords attaqués par des parachutistes est nettoyé par la 1ère Cie.
A 22 heures, l'ordre de repli est donné : Axe, Binche, Estinnes, Mont‑Givry, Aulnois. Les compagnies assurent l'appui des arrières-gardes.
18 MAI. ‑ En fin de journée le bataillon stationne à Aulnois.
19 MAI. ‑ Des troupes françaises étant encerclées à Maubeuge, la D.I. monte une attaque en vue de les dégager. La 1ère Cie attaque le Gros‑Chêne fortement occupé. La 3e progresse sur La Longueville qui est pris sans effort.
A 13h30, nouvel ordre de repli le bataillon se porte sur Louvigny‑Queue‑au‑Leu, en vue d'attaquer la lisière nord est de la forêt de Mormal H. 15 heures.
A 14h45, les unités sont à leur P.D., mais l'infanterie est encore à La Longueville. Après reconnaissances rapides sur Merquignies, Cibles, Maison Forestière, le bataillon part à l'attaque. Il occupe d'abord la lisière de la forêt, la 1ère Cie sur la route Bavay Englefontaine, vers Les Caches‑Surloton, la 3e sur la Maison Forestiere et le carrefour 2 km sud sur la route Gomegies‑Pont‑sur‑Sambre. Au cours de l'action le capitaine de Valavielle est tué.
A 21 heures, l'infanterie occupe la lisière de la forêt.
20 MAI. ‑ Les deux compagnies sont aux ordres des deux commandants des avant‑gardes de la D.I. qui engagent les sections isolément aux carrefours. Jusqu'à la route Jolimetz‑Locquignol, la progression s'opère assez facilement. De fortes résistances se révèlent vers les cotes 147 et 149 (pièces antichars et chars lourds)
Au carrefour de la cote 153, la section Courcoux (3e) détruit une forte colonne motorisée défendue par des pièces antichars qui sont réduites au silence. Plusieurs citernes d'essence brûlent, les occupants fuient dans la forêt, laissant de nombreux cadavres sur terrain. Les sections Courcoux et Spriet (3e) sont ensuite engagées sans appui de feux sur la route 153‑149 et le layon 153‑147. Dès leur débouché elles sont soumises aux feux de pièces antichars e. de canons automoteurs. Elles ripostent, détruisent plusieurs engins mais finalement, sont détruites et incendiées. Deux chars seulement rentrent dans nos lignes. Le mouvement est arrêté sans que la sortie du bois ait été forcée.
Pendant ce temps la 1ère Cie progressait de part de la route de Bavay‑Englefontaine avec le 24e R.T.T. A partir du carrefour Moulin‑Rouge, les résistances s'affirment, de nombreuses mitrailleuses dans les arbres laissent passer les chars puis arrêtent l'infanterie, les chars ne cessent de revenir en arrière pour rejoindre l'infanterie. A 1.000 mètres une formation motorisée est surprise, nos chars l’incendient, les occupants s'enfuient à travers champs.
Au sud d'Allouet une résistance est attaquée et détruite. Une formation blindée débouchant de Jolimetz contre‑attaque, elle est repoussée, laissant sur le terrain trois engins. Le nettoyage de la région d'Allouet est entrepris. Une section du 38e B.C.C. protège le flanc droit et nettoie les vergers à l'ouest de la route.
La contre-attaque ennemie progresse, le feu redouble d'intensité. Quatre chars sont détruits, le Commandant de la 1ère Cie est blessé. La compagnie est réduite à un seul char qui rejoint le reste du bataillon dans le layon nord‑est du carrefour de la Grande‑Carrière.
La D.I. est bloquée de tous côtés. La situation paraît désespérée lorsque des reconnaissances d'infanterie constatent que l'ennemi s'est retiré sur tout le front de la D.I., laissant le chemin libre vers Englefontaine. A 20 heures, la progression est reprise sans opposition jusqu'à la lisière des bois.
Dans Englefontaine, la colonne est prise à partie par des tirs de mitrailleuses. En pleine nuit cette surprise crée un certain désordre dans les rangs des tirailleurs. Les trois chars encore disponibles qui formaient l'arrière‑garde accompagnés de trois tracteurs de ravitaillement sont poussés en avant, rendent confiance à l'infanterie qui reprend son mouvement.
Le même incident se reproduit devant Verchain où une erreur d'itinéraire a conduit la colonne sur une résistance ennemie solidement tenue. A nouveau le désordre est inexprimable et il faut tout le sang‑froid des cadres pour rétablir l'ordre. De nombreux accrochages ont encore lieu avec des patrouilles de motocyclistes ennemis. La colonne arrive à Denain mais les trois derniers chars du bataillon ont été détruits.
Les éléments du bataillon qui ont pu sortir de cette retraite sont regroupés à Abscon. Le bataillon est libéré par la 5e D I.N.A.
2e COMPAGNIE
15 MAI. ‑ A 17 heures, la compagnie prend congé du bataillon et gagne le pont de bois de Floriffoux qu'elle franchit char par char à 23 heures. Elle se porte ensuite sur Le Roux (route Namur Charleroi).
16 MAI. ‑ Par une marche pénible, ponctuée d'attaques d'isolés souvent civils, sur une route dépourvue d'indication de direction, parsemée de débris de toutes sortes, la compagnie arrive au petit jour. Le personnel en marche depuis 2 jours et 3 nuits est fourbu. A 8 heures, elle reçoit l'ordre de dégager le village de Fosses où des éléments ennemis sont installés. Les sections Regent, Goupil et Boulle attaquent, réduisent les résistances et contiennent la progression de l'ennemi.
Vers midi, la Cie est mise à la disposition du groupe motorisé formant arrière‑garde ; le détachement marche par bonds sur l'axe Namur‑Charleroi.
A la fin du premier bond, une violente attaque aérienne se déclenche sur l'arrière‑garde. Le Capitaine Caillou est grièvement blessé, deux chars sont détruits. Le lieutenant Regent prend le commandement de la compagnie. L'unité reçoit l'ordre de se regrouper à Chatelet, puis à Avesne. A 21 heures elle part, les routes sont encombrées, soumises à de continuels bombardements d'avions, au cours de l'un d'eux un char est détruit. Beaumont étant occupé par l'ennemi la compagnie est dirigée sur Thuin en feu, le pont est détruit. Arrêt à Assevent. Les équipages tombent de fatigue.
17 MAI. ‑ La Cie se porte sur Mont‑Doulers où elle est rejointe par la 1ère Cie du 6e B.C.C., qui se met aux ordres du Lieutenant Regent. Mont‑Doulers étant fortement tenu par l'ennemi, les deux compagnies s'installent en D.C.B. sur la route afin de protéger les troupes défilant au nord de Maubeuge. Toute la journée ces deux unités restent en place.
18 MAI. ‑ Le Commandant Bonnet, du 26e B.C.C., isolé avec les trois chars qui restent de son unité (son bataillon ayant été détruit sur la Meuse) prend le commandement des éléments des 6e et 39e B.C.C. et décide de forcer le passage sur Avesnes. Les chars partent mais reviennent rapidement, poursuivis par des chars lourds ennemis. Durant l'engagement le Cdt du 6e R.T.M. donne l'ordre aux chars de se porter sur Boussois pour participer à la défense des ponts. Arrivés à Boussois à 22 heures les chars s'installent en halte gardée.
19 MAI. ‑ A 4 heures, des chars ennemis attaquent les ponts. La 2e Cie est mise à la disposition du 6e R.T.M., chargé de la défense des ponts d'Assevent et de Boussois.
Durant la matinée l'artillerie ennemie bombarde les positions. Une première attaque a lieu au pont d'Assevent et est repoussée par la section Goupil. Une seconde attaque au pont de Boussois n'obtient pas plus de succès. Devant ces essais infructueux l'ennemi attaque par Maubeuge où la section Bailby intervient plusieurs fois pour repousser l'ennemi pressant nos fantassins qui se replient sur Assevent.
20 MAI. ‑ Dès le lever du jour, l'ennemi bombarde par avions en piqué et par d'intenses tirs d'artillerie. Vers 17 heures, les chars interviennent en direction des buttes de tir occupées par de nombreux éléments allemands.
Les sections Bailby, Goupil et Pacaud du 6e B.C.C. interviennent. Elles sont prises à partie par un PzKw II et un PzKw III. Trois de nos appareils sont détruits, un char ennemi est mis hors de combat. Malgré la disparition de leurs chefs (quatre officiers sont tués) les équipages quelque peu désemparés poursuivent leur mission. Notre attaque n'a pas brisé la pression de l'adversaire qui progresse bien au delà du front tenu par nos chars. Les équipages se replient dans les bosquets à l'entrée d'Elesmes. Les tourelles et les trains de roulements sont perforés, sur certains appareils on relève une centaine d'impacts de 37 et de balles perforantes. L'essence est épuisée, il en est de même des munitions. Le Cdt du 6e R.T.T. donne l'ordre de mettre hors d'usage les chars.
21 MAI. ‑ A 2 heures un violent bombardement s'abat sur Beussois, l'ennemi pénètre dans le village, le P.C. est investi.
III. ‑ 21 MAI 1940 ‑ 8 JUILLET 1940.
21 MAI. ‑ Il ne reste au bataillon qu'un seul char, épargné parce qu'il était en réparation à la C.E. et des véhicules autos. Tous ces éléments sont dirigés sur Dunkerque.
27 MAI. ‑ Une équipe de dépannage est détruite par un tir d'artillerie sur la route de Caestre (sud de Steenworde) alors qu'elle allait dépanner des chars engagés au nord d'Hazebrouck.
28 MAI. ‑ Le détachement du bataillon parvient à Dunkerque. L'Aspirant Chanderis est mis avec son char à la disposition du 38e B.C.C. désigné pour coopérer à la défense de Dunkerque.
Par Killen les éléments du bataillon font mouvement sur La Panne. En cours de route au Pont‑à‑Mouton, un violent bombardement fait de nombreux morts et blessés dont 13 du bataillon.
A 21 heures, à l'est de Bray‑Dunes les véhicules sont abandonnés et incendiés. De nuit et à pied le détachement poursuit son mouvement le long de la voie ferrée Dunkerque‑Furnes puis le long du canal de Furnes.
29 MAI. ‑ Le bataillon arrive à Malo‑Plage, le personnel s'abrite dans les dunes à l'est de la ville. A 15 heures, arrive l'ordre de porter le détachement sur les remparts à l'est de Dunkerque (bastion 32) occupé par le Cdt du secteur et de la Marine. A peine sur place un bombardement par plusieurs centaines d'avions s'abat sur la ville. Un officier du 9e B.C.C. qui s'était joint au bataillon est tué avec plusieurs de ses hommes.
A 10 heures ordre de gagner l'Embectage. Vers 18 heures, le bataillon avec des éléments d'autres unités de chars, bivouaque sur la place à l'ouest de l'entrée du port.
30 MAI. ‑ Vers 3 heures, l'ordre est donné de rejoindre à Dunkerque les points de stationnement de la veille. A 10 heures, nouvel ordre d'embarquement à l'Embectage. A 15 heures, l'E.M., les 1ère et 3e Cies sont embarqués sur le Foudroyant, la C.E. sur le Bouclier.
31 MAI. ‑ Arrivée à Douvres. Embarquement en chemin de fer. Le bataillon est scindé en plusieurs fractions, l'E.M. et la 3e Cie sont dirigés sur Exeter.
1‑2 JUIN. ‑ Stationnement à Exeter.
4 JUIN. ‑ Embarquement à Plymouth sur le Ville d'Alger qui gagne Brest par convoi escorté.
5 JUIN. ‑ Débarquement à Brest, transport par voie ferrée Evreux. Cantonnement à Aviron (nord‑ouest d'Evreux ).
6‑7-8 et 9 juin. ‑ Stationnement à Aviron.
10 JUIN. ‑ Embarquement en chemin de fer en gare d'Evreux. Bombardement par avions de la gare, 6 tués et 13 blessés.
11 JUIN. ‑ Retour à Aviron.
12 JUIN. ‑ Embarquement sur camions, mouvement par Chartres, Bonneval, Châteaudun, Vendôme et Contres (20 km. sud‑est de Blois).
13 JUIN. ‑ Séjour à Couddes.
14 JUIN. ‑‑ Mouvement par St‑Aignan, Chatillon‑sur‑Indre, Le Blanc, Montmorillon et stationnement à Champagne‑Mouton (42 km nord‑ouest d'Angoulême).
15‑19 JUIN. ‑ Séjour à Champagne‑Mouton. Les 9e et 39e B.C.C. sont amalgamés sous l'appellation Btn 939.
20 JUIN. ‑ Mouvement par Angoulême, Ribérac, Bergerac. Stationnement à Rampieux (20 km sud‑ouest de Bergerac).
21 JUIN ‑ 26 JUIN. ‑ Séjour à Rampieux.
27 JUIN. ‑ Déplacement sur Mirepoix (Gers).
28 JUIN ‑ 7 JUILLET. ‑ Séjour à Mirepoix.
8 JUILLET. ‑ Dissolution du bataillon.
Faits Remarquables
L'existence du 39e est liée à celle du 38e, tous deux appartenant au G.B.C. 519 et affecté au 5e C.A. Alors que le 38e suivra le sort de la 12e D.I.M., le 39e celui de la 5e D.I.N.A. Missions identique :
Sacrifices semblables, même destinée.
Durant toute la campagne la vie du bataillon sera marquée par l'imprévu.
Le Commandant Pennec qui depuis la mobilisation commandait le bataillon était muté en avril 1940. Son successeur n'était désigné que le 10 mai. Le Commandant Maurel venant du dépôt d'Angoulême ne rejoint le bataillon que dans la nuit du 13 au 14 mai, sautant dans le dernier train de chars de l'unité quittant la gare de Maubeuge.
Cette prise de commandement « au vol » n'est qu'un incident banal mais assez grave du point de vue psychologique car le lendemain, au petit jour, le premier contact de ce chef avec son unité sera l'ordre d'engagement du bataillon. Malgré ce désavantage l'exécution des missions s'effectuera avec brio, tout à l'honneur du chef qui sut s'imposer et du personnel qui immédiatement sut apprécier l'autorité du chef de guerre.
La suite des événements est une suite ininterrompue de combats sans espoir où les chars de bout en bout n'auront pour mission que de protéger une infanterie bousculée, lui évitant une désorganisation prématurée.
Le bataillon satisfait à toutes les demandes, dans toutes les directions qui en cinq jours le réduira à néant.
A Caches, le 19, le Cdt de la 1ère Cie avec une section attaque des pièces antichars. Combat d'une rare violence, vivement mené, où le Capitaine de Valavielle et le Sous‑Lieutenant Bollée trouveront la mort.
Le 20 sera la journée cruciale, les chars se sacrifieront jusqu’au dernier pour ouvrir la route à l'infanterie, à bout de force, talonné par un adversaire audacieux.
L'héroïsme de tous sera total. Malgré les objections des Cdt d'unités et du Cdt du Btn les chars seront engagés isolément sans aucun appui.
La section Courcoux (3e) surprend une forte colonne motorisée défendue par des pièces antichars, les réduit au silence et met en fuite la colonne allemande.
Le Lt Maulet, Cdt la 1ère Cie et le Lt Gouiric du 38e (qui isolé s'était regroupé au bataillon) sont blessés. Le chasseur Hauteclocque conducteur du Cdt de Cie, sous le feu de l'ennemi, vient chercher le S‑Lt Gouiric, le retire de son char lorsqu'une rafale de mitrailleuse le frappe mortellement et achève le Lieutenant. Un obus traverse le tourelleau du char du S‑Lt Goupil, le tue, blesse son mécanicien qui trouve encore assez d’énergie pour ramener son char à la P.D. avec le corps de son officier.
Au soir du 20, le bataillon ne possède plus d'appareils. Avant de libérer les rescapés du 39e, le Cdt de la 5e D.I.N.A. remercie le Chef de bataillon en termes particulièrement chaleureux pour sa collaboration, le félicite pour la superbe attitude au feu de tous les éléments de son unité pour le soutien remarquable qu'ils ont apporté à l'infanterie pendant la retraite et notamment en forêt de Mormal. Serre la main de tous et ajoute : « toute la résistance était sur vous, vous avez fait tout ce qu'il était possible de faire. je vous remercie. »
Quant à la 2e Cie, isolée du bataillon dès le début de l'engagement, elle ne cessera durant deux jours de courir du sud au nord et de l'est à l'ouest. Dirigée sur Le Chatelet puis sur Avesnes, trouvant la route de Beaumont coupée par l'ennemi, elle revient sur Thuin. retourne sur Maubeuge d'où elle est lancée vers Mont‑Doulers. Quelle magnifique unité ! Lorsque le 18, à 22 heures, elle parvient à Boussois, les équipages tombent de fatigue, ne pensent qu'à dormir et cependant ils procèdent tant bien que mal aux pleins et aux graissages sans aucune nervosité, sans récrimination. Le moral est admirable.
Le 21 mai, le Colonel Mariage se rend au Général allemand. Celui‑ci manifeste « son extrême étonnement de trouver devant lui si peu de force . »
Si le bataillon ne combat plus, les souffrances ne sont pas disparues. Le pénible embarquement de Dunkerque durant les journées des 29 et 30 seront encore une nouvelle épreuve.
Le 29 partant pour l'Embectage, le personnel est rassemblé en colonne par trois. A la sortie de Dunkerque, un Général est arrêté, aussitôt le bataillon est mis au pas cadencé et défie tête gauche tout comme à une prise d'arme en garnison, Le Général manifeste sa satisfaction au Chef de Bataillon (Marine Dunkerque, par Maurice Guierre, page 252 ).
Le 30, contre‑ordre est donné pour l'embarquement. Ce faux‑départ sera pour le personnel l'heureuse chance de la campagne, car le torpilleur le Douaisien sur lequel il devait être embarqué fut torpillé et coulé alors qu'il voguait vers l'Angleterre.
Bravoure, discipline, cohésion, esprit de sacrifice, sans aucune défaillance, les équipages du 39e ont vaillamment combattu et pourtant comme ceux du bataillon frère du 38e les conditions morales étaient des plus pénibles. Originaires du Nord, ils se sont battus chez eux, dans leur village. Malgré cette atroce situation les équipages du 39e n'ont pas failli à la tradition de l'Arme.
Extrait de l'ouvrage « Nouvelles vérités sur les Combattants » de Jean Labusquière.
Au 5e Corps, la 5e D.I.N.A. continue sa lutte extrêmement violente pour sortir de la forêt de Mormal. Le 39e bataillon de chars qui l'appuie tente, au crépuscule de nettoyer la forêt. Il s'y battra toute la nuit, détruisant de nombreux chars, mais perdant la plupart des siens qui sautent sur les mines ou qui sont écrasés sous les coups de 77.
A la fin de la matinée du 20 tous ses engins sont détruits et une de ses compagnies, la 3e, partie avec 121 officiers, sous‑officiers et hommes ne possède plus que 3 officiers et 37 sous‑officiers et chasseurs. Le 21 lorsqu'il gagne Denain il ne restera plus qu’un char au Bataillon.
38e Bataillon de Chars
Unité constituée à Maubeuge, le 2 septembre 1939, avec un noyau actif du 509e R.C.C. et des réservistes originaires des départements du Nord et du Pas‑de‑Calais et armée de Chars H 35.
ENCADREMENT
Le 30 avril 1940, l'encadrement du Bataillon était le suivant :
Chef de Bataillon : Chevrel.
Chef d'Etat‑Major : Capitaine Miquet.
Adjoint technique : Lieutenant Courteau.
Officier des renseignements : Lieutenant Delloye.
Officier des transmissions : S/Lieutenant d'Espaigne.
Officier des détails : Lieutenant Drux.
1ère Compagnie
Lieutenant DELAITRE Lieutenant ARNAUD Lieutenant DASSONVILLE
Lieutenant SPRIET Lieutenant LOUF Aspirant BOUSSEL
2e Compagnie
Capitaine BOUCHER Lieutenant COINT Aspirant BASELY
Lieutenant DELESALLE Lieutenant BERTIN Lieutenant DECROIX
3e Compagnie
Capitaine RENARD Lieutenant LECLERCQ S/Lient. GOVERIC
S/Lient. SCHONBACHER S/Lient. BRASSEUR S/Lient. SUTTIN
Compagnie d'Echelon
Capitaine CLORIS Lieutenant DELAHOUSE S/Lient. THOMAS Lieutenant DENIS
Adjudant Chef MOREAU Adjudant GAUTHIER Aspirant CHARLIER.
PERTES
P E R S O N N E L
Tués Blessés Disparus Prisonniers
8 17 124 172
370 Officiers, S/Officiers et hommes des éléments haut‑le‑pied du bataillon (sans matériel) ont pu être embarqués à Dunkerque avant le 4 juin sur l'ordre du Commandant du G.B.C. 519.
M A T E R I E L
Chars détruits par l'ennemi : 36 Détruit par ordre le 4 juin : 9
CITATION
Citation collective à l'ordre du Corps d'Armée o/Général n° 111 C du 30 juillet 1940
J.O. du 21 août 1941.
38e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT.
« Sous les ordres du Commandant CHEVREL, a combattu sans répit, du 15 mai au 3 Juin 1940, en Belgique et dans les Flandres, donnant l'exemple du plus bel esprit de sacrifice et de ténacité. A notamment 1e 21 Mai, permis à l'infanterie de s'emparer du village d'ABANCOURT, détruisant un nombreux matériel et faisant de nombreux prisonniers. A participé avec les derniers éléments restants à la protection des embarquements à DUNKERQUE
Cette citation comporte l'attribution de la CROIX DE GUERRE avec ÉTOILE DE VERMEIL.
P R O P O S I T I O N S
Légion d'Honneur : 11 Médaille militaire : 8
C I T A T I O N S
Globalement : 70
HISTORIQUE
L'histoire du 38e Bataillon de Chars se divise en quatre périodes.
I. ‑ 2 SEPTEMBRE 1939 ‑ 11 MAI 1940
Le 2 SEPTEMBRE, le 38e B.C.C., rattaché au G.B.C. 519, est cantonné à Beaufort (sud de Maubeuge), se complète en matériel et en personnel, parfait son instruction par des manœuvres à Assevont (nord de Maubeuge), coopère à des reconnaissances d'emploi dans la région Bavai ‑Maubeuge Forêt de Trelon.
Le 12 JANVIER, il fait mouvement et va stationner à Fresnoy‑le‑Grand et Brancourt‑le‑Grand (Aisne) où il est placé en réserve générale de la 1ère Armée.
II. ‑ 12 MAI 1940 ‑ 23 MAI 1940
12 MAI ‑ Alertés, les éléments chenillés embarquent à Fresnoy‑le‑Grand tandis que les éléments sur roues font mouvement par voie de terre. Le même jour, les éléments sur voie ferrée débarquent à Chatelineau (est de Charleroi) et dans la nuit sont immédiatement dirigés sur Spy où ils s'établissent en position d'attente.
Il est rejoint par les détachements sur, roues dans la journée du 13 à Taurines après avoir effectué leur déplacement en deux étapes par Merbes‑le‑Château (nord de Maubeuge) où ils avaient stationné la nuit du 12 au 13.
13 MAI. ‑ Le Bataillon est mis à la disposition de la 12e D.I.M. (P.C. Spy) établie défensivement au nord‑est de Spy. Des reconnaissances d'emploi sont effectuées dans la région Isnes ‑ Temploux ‑ Boyesse ‑ Rhisnes.
15 MAI. ‑ De nouvelles reconnaissances sont faites au profit de la 5e D.I.N.A. à Smarlée et Saint‑Marcq (nord‑ouest de Namur) pour le compte du 39e B.C.C., retardé dans son déplacement.
Dans la nuit du 15 au 16, la situation de la 9e Armée impose à la 12e D.I.M. de se replier sur l'Onoz et le bataillon est chargé de couvrir son repli en s'installant aux lisières nord et Nord‑est de Spy et des bois plus au nord. Des détachements de génie chargés de destructions lui sont adjoints.
16 MAI. ‑ La 12e D.I.M. est établie défensivement sur les hauteurs ouest de l'Onoz (P.C.D.I. Waufercée Boulet I.D. Chars Velaine). Les trois compagnies en ligne sont soumises à d'incessants bombardements par avions. A la nuit, la D.I. reçoit l'ordre de se replier sur Capilonne par Gosselie et de s'établir en position défensive sur le canal de Charleroi au sud‑ouest de Luttre. Par Velaine Lambusart ‑ Vieux‑Campinaire‑Gosselies et Motte, le bataillon opère son repli.
17 MAI. ‑ Les 1ère et 2e Compagnies renforcent la défense de la 12e D.I. (P.C. Pieton) au sud‑ouest de Luttre et la 3e Compagnie affectée au 14e R.I.N.A. (5e D.I.N.A.) coopère à la défense du Pont de La Motte.
Dans l'après‑midi, l'ennemi se manifeste à Luttre. Des blindés légers ennemis appuyés par de l'Infanterie franchissent le canal. Une contre‑attaque de la 1ère Cie détruit quelques blindés ennemis, fait des prisonniers et repousse l'adversaire.
Dans la nuit, la 12e D.I. se replie en direction de Peronne‑les‑Binches, puis ou sud‑ouest de Mons par Pieton ‑ Ressaux Charbonnages ‑ Peronne‑les‑Binches ‑ Villiers ‑ Saint‑Ghislain Harmignies ‑ Noirchain et Eugies.
Au cours du repli, six tracteurs de ravitaillement ne peuvent rejoindre le bataillon et sont finalement capturés.
18 MAI. ‑ Dans la soirée, la Division s'installe défensivement au sud de Mons P.C. D.I. Chars ‑ Eugies.
Ayant sa droite à Noirchain‑Frameries, sa gauche à Dour‑Elonges, la 12e D.I. est établie sur 20 km.
19 MAI. ‑ Le bataillon renforce la D.I.
1ère Cie N. de Dour à Elonges
2e Cie S. de Mons à Ciply et N. de Noirchain ‑ Framerie.
3e Cie N. de Paturages.
2e Cie ‑ Des éléments avancés signalent une attaque ennemie précédée d'engins blindés légers progressant de Mons vers Ciply.
Dans un vigoureux engagement, cette compagnie détruit les premiers engins de l'adversaire, repousse son Infanterie vers les lisières sud de Mons. L'attaque allemande soutenue activement par l'aviation assaille les chars à la bombe.
Dans la nuit, la 12e D.I. se replie sur la Forêt de Mormal, puis s'installe sur la ligne fortifiée Baval ‑ Valenciennes.
Le bataillon couvre le repli de la D.I. sur trois itinéraires (une compagnie sur chacun d'eux).
‑ à droite Ciply ‑ Genly ‑ Blaregnies ‑ Malplaquet ‑ Bois de Lanière et Hon.
‑ au centre Eugies ‑ Hon ‑ Saint‑Waast.
‑ à gauche Dour ‑ Erquennes ‑ Hon.
Point de regroupement : Querenaing.
20 MAI. ‑ A 4h30, l'ennemi est signalé aux environs de Bavai, le bataillon est dévié par Bry ‑ Jeulin ‑ Preseau - Querenaing. L'ennemi est contenu assez loin des derniers éléments de la D.I., mais les liaisons sont déficientes avec le G.R.D.I. A tel point que durant six heures, le bataillon reste totalement isolé.
A 16 heures, le Bataillon arrive enfin à Querenaing où il est reçu par des rafales d'armes automatiques. Deux sections sont axées sur les résistances, qui sont rapidement réduites ou silence.
Une centaine d'Allemands et cinq blindés légers sont vus à la lisière sud du village sur la route de Solesme. Le bataillon se maintient à Querenaing et reprend liaison avec la D.I. à Aubry. Puis il se dirige sur Valenciennes par Famars en laissant deux sections de la 3e Cie pour assurer la liaison avec la 5e D.I.N.A. engagée au nord‑ouest de la Forêt de Mormal.
21 MAI. ‑ Le Bataillon quitte la 12e D.I. et dans la soirée est mis à la disposition de la 25e D.I.
Le mouvement de repli se poursuit toute la nuit par Douchy-les-Mines ‑ Bouchain ‑ Marquette-en-Ostrevent ‑ Marcq-en-Ostrevent ‑ Fressain ‑ Féchain.
22 MAI. ‑ Il parvient dans cette localité dans la matinée pour être mis à la disposition du 121e R.I. (P.C. Fretin), avec le G.R.D.I. 3 et des chars H d'une D.L.M. en vue de participer à une contre‑attaque en direction d'Abancourt, Hem Lenglet.
A 7 heures, sans préparation d'artillerie et malgré le harcèlement de l'aviation, la progression s'effectue sans difficultés jusqu'à Abancourt. Rien n'arrête les chars ni l'infanterie et l'après‑midi la progression continue en direction de Sancourt et Blécourt, l'infanterie atteint les hauteurs sud‑ouest d'Abancourt.
Les chars continuent seuls vers Tilloy où, sans protection aérienne, avec un faible appui d'artillerie, ils arrivent à progresser de 8 kilomètres. La 2e Cie perd tous ses officiers tués, blessés ou disparus. Les chars reçoivent l'ordre de se replier sur les lisières sud d'Abancourt et tard dans la soirée, de se regrouper à Auby (nord de Douai par l'itinéraire Féchain - Fressain ‑ Erchin ‑ Dechy ‑ Flers-en-Escrebieux.
23 MAI. ‑ Les unités parviennent à Auby et y stationnent.
III. ‑ 24 MAI 1940 ‑ 29 MAI 1940
24 MAI. ‑ Dans la soirée, nouveau mouvement sur le Bizet (nord d'Armentières) par le Forest ‑ Monchaux Thumeries ‑ Camphin ‑ Wavrin ‑ Ex. : Cobecques ‑ Houplines.
25 MAI. ‑ Au mouvement de nuit par Messines Ypres ‑ Poperinghe ‑Provens ‑ Rexpoede.
26 MAI. ‑ Arrivée à Warhem où le bataillon stationne avec les restes de la 13e BBC et du GBC 516.
27 MAI. ‑ A la nuit, le commandement des chars de la 1ère Armée prescrit au Commandant du 38e, de prendre sous ses ordres tous les chars disponibles de la 1ère Armée, de se mettre à la disposition du 16e CA et plus spécialement du Commandant du Secteur Fortifié des Flandres (S.F.F.). Quatorze appareils sont regroupés, onze du 38e, trois d'autres bataillons qui dans la nuit prennent une position d'attente au sud de Teteghem au carrefour de Galghoeck.
Le personnel hors des équipages est groupé dans le bois d'Adunkerque‑Panne.
28 MAI. ‑ Reconnaissances sont effectuées en vue de coopérer à la défense des points sensibles, à hauteur du Canal de la Basse‑Calme (Secteur est de Bergue).
IV. ‑ 30 MAI 1940 ‑ 4 JUIN 1940
30 MAI. ‑ Organisation de la défense du SFF. Défense fixe. Un groupe de chars chargés de la défense des ponts sur le canal Hoymille ‑ Rentie ‑ Meulem ‑ Pont‑à‑Mouton ‑ Mille‑Brughe et voies d'accès de Teteghem‑Uxem.
Défense mobile ‑ Deux groupes de chars en réserve pour les contre‑attaques. La situation est lamentable, le matériel non détruit abandonné par l'Armée anglaise encombre les routes et rend l'organisation de la défense extrêmement difficile. Les unités d'infanterie éprouvent des difficultés énormes pour leur regroupement. Cependant la défense française tient. L'ennemi n'arrive pas à rompre le front défendu par le 137e R.I. (21e D.I.), le GRD 7 et, plus au nord, par la 12e DIM.
1er JUIN. ‑ L'ennemi réussit à franchir le canal de la Basse‑Calme en quelques points au nord et nord‑est de Bergues, le Commandant du S.S.F. prescrit une contre‑attaque afin de refouler l'ennemi au sud du canal.
Le Commandant de la défense de Dunkerque ordonne de résister jusqu'au soir du 2 juin pour assurer la sécurité des embarquements, le Commandant de l'ID 21 monte deux contre-attaques :
‑ l'une avec chars du 38e
‑ l'autre avec des SOMUA d'une DLM.
La première se déclenche à 21 heures, la seconde le 2 juin.
2 JUIN. ‑ 2 heures ‑ Les chars progressent par toutes les voies d'accès, refoulant l'ennemi jusqu'au canal, mais l'infanterie n'arrive pas à s'organiser aux abords de cette coupure, de nouvelles infiltrations se produisent. La ferme Notre-Dame‑des‑Neiges, tenue par des éléments des bataillons Coué et Miquel (137e R.I) est incendiée.
A 4 heures, nouvelle contre‑attaque avec le GRDI 7 pour refouler l'ennemi au‑delà du Canal.
Un détachement de Somua avec le GRD attaque Boomekens et Notre‑Dame‑des‑Neiges. Le 38e et 8 Somua sur Galghceck ‑ Pont de Rentie ‑Meulem sur l'axe Galghoeck ‑ Warheim. L'ennemi est repoussé au sud des Moeres.
Le Commandement prescrit de prolonger la résistance jusqu'au 4 juin 3 heures.
L'infanterie peu nombreuse au sud‑ouest de Teteghem est dans l'impossibilité de se maintenir au sud de Galghoeck.
Dans l'agrès‑midi, l'ennemi s'infiltre jusqu'au nord‑ouest de Notre-Dame‑des‑Neiges. Une nouvelle attaque est lancée, l'adversaire est repoussé au‑delà de Notre‑Dame‑des‑Neiges. Le 225e R.I. arrive trop tard et ne profite pas de la neutralisation des chars, aussi l'infiltration continue en direction du canal des Moeres.
3 JUIN. ‑ 5 heures ‑ Dernier effort offensif. Une contre‑attaque est montée avec deux bataillons d'infanterie
‑ à droite un du 143e R.I.
‑ à gauche un du 122e R.I.
Six SOMUA, quatre H du 38e et huit H d'une DLM.
L'ennemi déclenche des tirs précis d'artillerie, conjugués avec un bombardement d'avions. Cependant, les chars progressent jusqu'aux abords de Notre‑Dame‑des‑Neiges, l'infanterie amie progresse vers le canal des Moeres, puis se replie vers le nord, laissant isolés les éléments du 137e R.I.
Le groupe de Chars qui couvrait le flanc droit de l'attaque est violemment pris à partie par des pièces anti‑chars placées dans la ferme Boomkems qui a été abandonnée dans la nuit par l'infanterie (sans en aviser le commandement). Un seul char de ce groupe rentre dans nos lignes.
A l'autre groupe, deux chars du 38e et quatre SOMUA sont détruits.
A 17h30, au nord et nord‑ouest de Bergues, l'ennemi accentue sa pression, les troupes du S/secteur de Teteghern reçoivent l'ordre de se replier par bonds en retardant l'avance adverse jusqu'au Canal de Dunkerque à la lisière sud‑est de Rosendaël. Position qui est occupée à 19h30.
4 JUIN. ‑ Les derniers chars combattent dans les rangs du 137e RI. Le personnel sans matériel continue la lutte avec l'infanterie puis arrive sur les quais est de Dunkerque vers 4h30. Depuis 3h30, le chenal a été obstrué par deux bateaux coulés en travers de la passe. Aucun ordre n'est donné pour l'embarquement et le Commandant du S.F.F. prend place dans la dernière vedette.
6 heures. ‑ Aucun bateau ne paraît à l'horizon. Aucune défense ne peut être envisagée, il ne reste avec les rescapés que l'armement individuel qui a pu être ramassé et les munitions sont rares.
L'aviation continue à survoler Dunkerque et Malo‑les‑Boins. L'artillerie allemande est presque muette. L'infanterie allemande poursuit son avance et parvient sur les jetées où les troupes sans moyen de défense se sont entassées. DUNKERQUE est pris.
Faits Remarquables
Les chars qui furent épargnés par l'ennemi de l'ouest de Namur à Dunkerque ont, en 20 jours, (du 12 mai au 4 juin) parcouru plus de 600 kilomètres.
Le personnel du 38e a combattu avec une grande bravoure, fait preuve d'une ténacité remarquable, d'une résistance physique sans défaillance, d'un sentiment de discipline exemplaire, d'un dévouement sans restrictions et d'une foi patriotique admirable. Et pourtant les conditions morales étaient particulièrement pénibles. Presque tous originaires du Nord et du Pas‑de‑Calais. Du 18 au 24 mai, ils ont combattu chez eux, certains même, dans leurs champs, dans leur village. Quelle situation atroce pour les gars du terroir de coopérer à la destruction de leur foyer, de savoir des siens en danger, sur les routes, et ne pouvoir assurer leur protection.
Ils ont tout fait pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi, ont épuisé tous les moyens de combat. On leur avait promis de les embarquer, de les sauver, et ils ont été abandonnés. Ils ne méritaient pas le sort qui leur fut réservé.
C'est grâce à l'esprit de sacrifice des derniers défenseurs que 300.000 combattants, dont toute l'armée anglaise, ont pu être embarqués.
L'aide qu'ils ont apportée à leurs camarades de combat, les fantassins, a été un exemple de solidarité et le chef de bataillon Miquel, commandant le 1/137 leur a éloquemment exprimé toute la gratitude dont son unité leur était redevable. « Je signale, disait‑il, à votre attention, la brillante conduite de deux officiers de votre bataillon, le Capitaine Renard et le Lieutenant Spriet, ainsi que leurs équipages qui sont restés à ma disposition avec leurs chars du 2 juin midi au 4 juin 4 heures, et qui, malgré les bombardements intenses, répétés et prolongés de l'adversaire, ont toujours apporté à mon bataillon, au moment opportun, tout l'appui que j'étais en droit d'attendre d'eux.
Notamment, au moment critique de la journée du 3 juin, lorsque vers 17 heures, le Colonel Commandant du Régiment venant d'être fait prisonnier avec son état major, tous les éléments organiques du régiment, et ce qui restait des 1er et 3e bataillons, un parlementaire est venu me sommer de me rendre avec mon bataillon.
C'est parce que j'avais l'appui total et absolu de vos chars que j'ai pu non seulement rejeter cette offensive, mais rompre et briser de mes feux la tentative d'encerclement, puis participer efficacement jusqu'au 4 juin 4 heures à la défense de Dunkerque en contenant l'ennemi au‑delà du Canal de Furnes. Au moment de se rendre, le Commandant Miquel trouvait les mots qui pouvaient exprimer le plus bel hommage à ses compagnons de misère.
La tradition chars a bien été maintenue par le 38e BCC et celle du 137e RI de la tranchée des baïonnettes a Verdun, en 1916, n'avait pas été oubliée par la génération de 1940.
Le 37e BATAILLON DE CHARS DE COMBAT en Belgique
15 au 16 mai 1940
Témoignage des Lieutenants Bounaix et Perrier
Au petit jour, le 15 rnai 1940, les 2e et 3e compagnies sont déployées sur une crête dominant la route Flavion Ermeton. Le chef de bataillon est en retrait avec la 1ère Compagnie. L’inquiétude est très vive car l’essence n’est pas arrivée ; il reste, dans les réservoirs, moins d’une heure de marche.
Enfin, à dix heures, le capitaine David arrive exténué mais heureux ; il ramène nos tracteurs de ravitaillement. Les équipages exultent, c’est la vie qui coule dans les tuyaux de remplissage.
Un Henschel 126 le “mouchard” tourne sans arrêt, impunément, à une centaine de mètres au-dessus de nous. Il renseigne ses copains... La partie de poker est faussée ; il connaît notre jeu.
A 12 heures 15, un ordre radio arrive de la Brigade, retransmis par le commandant de Cissey à la 2e compagnie : “Contre attaquez ! Engins blindés signalés à l’est de FIavion ".
La compagnie Gilbert se déploie en effectuant un “à droite”, reste un long moment à mi-pente et, vers 13 h 15, disparaît derrière la crête. Le lieutenant Bounaix raconte la suite.
APPROCHE
14 mai 15 heures
Nos oreilles, habituées depuis des années, se sont particulièrement assurés, ce matin, que la voix des moteurs est bonne. Les graissages sont faits ; vivres à bord pour quatre jours ; armes réglées ; munitions vérifiées, qui jettent des lueurs jaunes dans le duralumin des casiers. Et les cœurs…. ? Prêts… !
Confiance enracinée, géante, dans ce matériel dont les champs de tir, les longues routes, la boue, les réseaux de rail, les forêts nous ont confirmé la puissance.
Foi des uns dans les autres ; foi totale dans nos chefs ; dans nos équipages qui ont tous de nombreuses heures de « bord ».
Car nous sommes le premier bataillon B formé ; celui dont, directement ou indirectement, l'expérience a profité à tous les autres ; celui qui a essaimé le plus ; celui que le colonel Bruneau a formé avec amour, et qui, maintenant, est si fier d'être à nouveau sous ses ordres.
La récompense de tout ce labeur est aujourd'hui tangible dans ce sentiment de confiance ; et elle sera plus encore, nous en sommes sûr, au combat.
Aussi, lorsque que à 15h30, après lecture de l'ordre du jour du général, arrive le « En avant », mes deux officiers chefs de char subordonnés sourient. Le sergent Reverberi, avant de s'installer au poste de pilotage de mon GUYNEMER, mon radio sergent Perles, mes deux aides pilote Le Bris et Millard sourient aussi !
Confiance ! Confiance partout !
« En avant » ! Des palissades de vergers gémissent, les haies s’entrouvrent, les camouflages tombent, et les trois chars des trois sections apparaissent sur la route, s'alignent derrière l’ADOUR, char du capitaine Gilbert.
Sur l'avant de GUYNEMER flotte le fanion du Sacré-Coeur avec la devise « tout droit ».
Nous quittons donc Wanfercées-Baulet (12 km N-E de Charleroi, Belgique) par la route d’Onoz. Arrêt au bout de quelques minutes pour attendre (en vain) le DAKAR (lieutenant Brochard, chef de la première section) qui a des ennuis de boîte.
Le capitaine Gilbert me donne alors quelques explications :
«L'ennemi a établi une tête de pont et fait une poche dans la région de Dinant ; la première D.C.R. est chargé d'aller résorber ça ! »
J'ai, d'avance, la vision de notre compagnie, de notre DCR, tout entière, entrant comme un bloc d'acier dans l'ennemi, cet ennemi dont le matériel est d'une flagrante infériorité technique, et dont les équipages ne peuvent pas être plus entraînés, plus ardents que les nôtres…..
Cependant, un doute, précis comme un coup d'épingle, quand j'examine ma carte : « une quarantaine de kilomètres ! L'essence sera bien basse pour attaquer après une pareille randonnée ! »
La compagnie Gilbert ouvre la marche du bataillon.
Ma section, en tête, éclaire et protège la compagnie elle-même.
Les chefs de char ont pris place à bord des tourelles. De la mienne, les yeux au PPL, je vois sous l'effet du tangage se lever et s'abaisser devant moi la ronde goudronnée sur laquelle se rue le bataillon tout entier avec ses 900 tonnes de métal.
En me retournant j'aperçois les tubes aux belles gueules ; car la suprême toilette a été faite les canons : on a enlevé les couvre-bouches de cuir. Et les aides pilotes préparent les obus, fusées à portée de la main. Le Bris m’interroge souvent du regard tandis qu'il engage déjà l’ogive du projectile ; je hoche la tête : « pas encore ». Et tout de même, d'instinct, chaque fois, je pose la main sur la culasse de mon canon de tourelle. L'arme est fraîche, bonne a toucher ! L'oculaire de la lunette de tir luit dans la pénombre. Du couloir machine monte le grondement continu que surveille Millard.
Nous utilisons d'abord un excellent itinéraire jalonné par le Train de la DCR :
Auvelais – Tamines (franchissement de la Sambre) – Arsiment – Fosses.
3 km avant Fosses je reçois par moto l'ordre de m'arrêter ; un deuxième ordre me fixe une base de départ vers laquelle je dois orienter le bataillon : route Ermeton sur Biert - Anthée, en K (carte au 1/40 000) d'après le quadrillage.
À partir de Fosses plus de jalonnage.
A Bambois nouvelle halte sur ordre. Un papier m'arrive vers 17 heures : « portez-vous à Mettet par Saint Gérard » ; donc déviation considérable de l’axe de marche initialement fixé.
La colonne repart. Les fantassins et des chars légers croisent maintenant le 37e avec des attitudes de gens harassés, découragés.
A Saint-Gérard un sous-lieutenant de cavalerie exprime cette opinion au passage des champs de tête : « c'est ça qu'il aurait fallu, hier ! »
Après Saint-Gérard je prends au plus court par Cottaprez.
Des camions, des autobus obstruent en partie les routes. Le bataillon passe sans trop ralentir.
Arrivée à Mettet sur la place de l'église à 19 heures. Attente d'ordres durant 20 minutes. Ils enjoignent de reprendre la direction de la base de départ primitivement fixée.
Le capitaine Gilbert me fixe sur la carte itinéraire : Mettet, Furnaux, Ermeton etc…
Nos chenilles marquent maintenant une piste montante qui, après avoir traversé un bois de crête, doit nous conduire à la route Saint Gérard - Ermeton. La nuit tombe.
GUYNEMER s'engage dans ce bois et les autres chars derrière lui. On n'y voit mal, et il n'est pas question d'allumer les feux. Soudain j'ai l'impression que ce chemin devient étroit. Mais oui ! Juste la place des chenilles ! À droite un remblai ; à gauche une sorte de carrière d'où émergent les cimes d'arbres ! Je ne suis plus moi ; je suis cette chenille droite ; je suis tous les chars du bataillon qui marche sur mes traces dans ce chemin ! J'imagine la longue marche arrière, le demi-tour dans ce bois en pleine obscurité, les cas inévitables avaries, les fatigues supplémentaires ! Et la piste se rétrécit toujours !
Tant que Reverberi ne parle pas, c'est qu'il y a encore l'espoir. J'attends avec terreur le « mon lieutenant…... » qu'il va prononcer…. Jamais, même en plein combat je ne me suis senti aussi lourdement pareil poids sur les épaules ! « Mon lieutenant, c'est trop étroit ; je ne peux plus passer ! » Je m'écoute répondre sans hâte, avec une conviction désespérée ; « il FAUT passer ».
Le char est reparti. La chenille droite a mordu au remblai, a grimpé ; l'appareil s'est incliné à gauche. Le goulet n'est que de quelques mètres ; l'appareil se rétablit…. Mais plus de piste ; le plein bois. GUYNEMER rit de cette difficulté. Tout droit, à pleines chenilles, à plein poitrail, lentement de peur d'obstacles inconnus, il ouvre sa voie dans le noir du feuillage, sur les troncs écrasés.
Quelques minutes et je vois luire une chaussée ; le choc des patins contre une surface dure : la route !
Peu à peu arrivent les autres chars que leurs pots d'échappement commencent à rendre visibles dans la nuit.
À l'entrée du village d’Ermeton je vois avec un serrement de cœur s'immobiliser le VAR (de ma section : sous-lieutenant de Lamorignière) dans la position significative de l'appareil qui n'a pas pu virer ; il ne pourra rejoindre (joint inférieur de Naeder claqué).
Yeux grands ouverts j'interroge la nuit et ma carte.
Enfin, vers 22 heures, arrivée à la base de départ fixée.
La compagnie s'installe aux lisières du bois de Biert l’Abbé face à l’Est. Liaison au sud avec le 28e BCC, l'autre bataillon B de la 1ère DCR.
Devant nous des lueurs rouges comme celle d'une fin de bataille, à 3 km environ.
Le capitaine et moi partons à pied vers le commandant.
Triste nouvelle : Le SEINE de la première compagnie (Raberin) ayant glissé sur la route goudronnée est tombé dans un ravin ; l'appareil a flambé, portes coincées. Le sous-lieutenant Mathieu, mon cher camarade des ses quatre hommes d’équipage….. !
Les premiers morts du bataillon.
Il reste 100 litres d'essence dans nos réservoirs, soit deux heures de marche !
ENGAGEMENT
15 mai 1940
Aujourd'hui on va tâter du Boche !
Confiance ! Ignorance de la situation générale !
Pourvu que nous ayons de l'essence ! Il paraît que serait arrivée cette nuit, vers la Chapelle de Biert l’Abbé. Aussi à quatre heures la compagnie se rend-elle dans la zone indiquée : pas de tracteurs de ravitaillement !
Le capitaine m'apprend alors que notre mission en attendant l'essence, est de nous installer dans le thalweg formé par le Haut Biert (P2 d'après le quadrillage) et d'interdire tout passage d'engins blindés ou autres sur la route n° 51, aux environs du lieu-dit La Chapelle. La compagnie forme un V, le capitaine au centre du dispositif.
Le bataillon est formé en A, à cheval sur le Biert, la deuxième compagnie en tête.
Le 28e bataillon occupe les abords du bois de Biert l’Abbé.
Hausses repérées, obus dans les tubes, nous attendons le débouché de la Panzer.
Longue immobilité !
Je vois passer dans un side-car un officier de l'état-major du bataillon, le capitaine David, qui est à la recherche de tracteurs de ravitaillement en essence. Une dizaine de Dorniers nous survolent à très basse altitude, passent et repassent, se contentant de nous repérer.
Nous mangeons. Au sud quelques coups de canons.
À 11 h 30 la grande nouvelle ! L'essence est là !
Avant même d'aller faire nos pleins vers le confluent du Biert et de son affluent, nous recevons le message suivant :
« engins blindés ennemis en marche HZ-HY »
ce qui situe cette colonne à 5 km de nous vers le sud ; à 1 km du village de Flavion. Nous nous hâtons vers les tracteurs. A franchir le Biert et ses bords marneux, au moment où GUYNEMER prend appui sur la berge opposée le terrain cède. L'appareil penche à droite et ses chenilles battent une boue liquide… La panne stupide à quelques minutes de l'attaque !
Vite, marche arrière ! Quelle anxiété, puis quelle joie !
GUYNEMER s'agrippe la terre arrière plus ferme et remonte lentement dans ses propres traces. Un geste à Reverberi : GUYNEMER reprend du champ, revient sur l'obstacle en un point voisin, mais en cinquième cette fois. L’eau, la boue giclent ; un sérieux coup de tangage ; le fossé est franchi.
Hélas, l’OISE (2e section : sous-lieutenant Didot) se débat dans le cloaque. Il y reste, et son équipage devra le brûler lorsqu'il se verra atteint par l'infanterie allemande !
Les tracteurs ravitailleurs en essence ont été survolés à diverses reprises par les bombardiers ennemis. Au moment où je vais partir le lieutenant Vaugien, commandant les tracteurs me dit en montrant le ciel : « ils peuvent faire ce qu'ils veulent maintenant, nous faire sauter ; je m'en fous : vous avez l'essence ».
L’ATTAQUE
La compagnie, avec ses trois sections à deux chars, a repris la formation en V et fait face au Sud.
ISERE et OURCQ (1ère section) ; GUYNEMER et GARD (3e section) constituent l'échelon de mouvement.
SAONE et HERAULT (2e section) forment échelon de protection. Le capitaine avec ADOUR est au centre du dispositif.
La compagnie est immobile dans le thalweg du Haut-Biert.
Les moteurs tournent ; je vois les gaz d'échappement monter dans cette lourde atmosphère d'après-midi de mai. Mon sectionnaire, le GARD, (lieutenant Lelong) est à 100 m à ma droite, légèrement en retrait. Sans doute les autres compagnies du bataillon se préparent-t-elles derrière nous a formé de protection. Irrésistiblement la ruée de ces 30 tubes de 75, de ces 30 tubes de 47, de ces 60 mitrailleuses ; tout cela commandé par radio, se mouvant à 30 km à l’heure en tout-terrain, derrière des blindages « encaissant » l'obus de 75 à la gueule même des canons ! Et dans ces appareils, des équipages conscients de cette force !
13 heures 30.
De l’ADOUR : « EN AVANT ! »
GUYNEMER et son fanion du Sacré-Coeur vont recevoir le grand baptême !
Nous franchissons la première crête, descendons vers le premier thalweg, au fond duquel court chemin creux ; puis nous remontons. Nous abordons une espèce de plateau constitué par deux croupes assez molles orientées Est-Ouest, dont la séparation est à peine marquée par un thalweg naissant à la route Ermeton-Flavion (n° 51) et qui va s'accentuant en direction de l'Ouest vers l'affluent du Biert. Ce plateau s'inscrirait dans un carré de 2 km de côté. L'angle nord-est est occupé par le bois de Biert l’Abbé. Le côté sud est parsemé de boqueteaux.
En passant près du bois de Biert-l’Abbé, je m'inquiète du bataillon « frère » du notre : le 28e. J'aperçois quelques-uns de ses chars embossés en lisière. J’en distingue même un autre au rebord sud du plateau, paraissant « tenir » la crête. Serions-nous donc en deuxième échelon ? l'autre bataillon a-t-il attaqué ?
“A peine ai-je doublé ce bois que mon char GUYNEMER, ailier extrême-gauche de la compagnie, reçoit un obus à bâbord. Choc sourd. Le Bris annonce calmement, avec ironie même : “On tire dans le cirque, un boulon sauté !" L’ennemi si près de nous... J’ai peine à le croire. Pourtant, une lueur rouge s’allume, large traînée horizontale là-bas, au ras de la route, à huit cents mètres environ. J’oriente ma tourelle vers la lueur entr’aperçue, j’expédie quatre ou cinq explosifs de 47. Mes projectiles encadrent le but. Pourtant, la lueur se rallume toujours. Toujours le martèlement sur mon blindage, côté gauche. “Char défilé ou arme enterrée” pensai-je. Je passe alors aux obus de rupture; deux coups et l’adversaire se tait.
GUYNEMER reprend sa marche et après 200 m environ est à nouveau accroché dans des conditions analogues. Pour vérifier le réglage je charge le 75 de la besogne, cette fois. Mais quelle difficulté pour désigner au pilote un objectif ! La désignation d'objectifs entre observateurs, debout, à pied, sur le terrain de manœuvre est chose parfois ardue : mais elle l'est bien plus encore, celle qui doit se faire par tube acoustique, en char, dans l'ambiance de combat, alors que l'objectif est visible par intermittence, que les fractions de seconde comptent (cas de la flamme d'un antichar). Néanmoins, en quelques explosifs Reverberi règle la question.
Durant une nuit de garde, quelques jours après, Millard me confiera que mon équipage avait, d'un geste puéril, gravé les cinq premières fusées de 75 : « de la part du lieutenant Bounaix : à refondre… De la part du sergent Reverberi : à repasser en usine….. Et ainsi de suite pour chacun de l'équipage du GUYNEMER.
Nous rattrapons GARD et ADOUR qui n'ont pas ralenti et arrivons aux boqueteaux qui garnissent la deuxième crête au rebord sud du plateau.
Là commence la vraie bagarre ! Les languettes de bois déterminent de véritables couloirs de feu. Je n'identifie pas instantanément l'adversaire, vient que de nombreux coups sonnent sur nos tôles. Je cherche, tourelleau orienté vers le sud-est. Le pilote, face à l'est me crie : « un char à gauche, au coin du bois ! » C'est bien un lourd allemand ; un Panzer IV avec canon de 75 sous tourelle. Et le duel s'engage.
Je règle le tir de mon pilote : “Hausse 450 et court !" Pourvu que notre blindage tienne jusqu’à ce que nous ayons trouvé la bonne hausse ! L’adversaire l’a trouvée, ayant sans doute repéré son terrain depuis longtemps. Ses coups précis, à vive cadence, nous arrivent en pleine caisse, ébranlant le char tout entier, faisant sauter des boulons. Mais GUYNEMER tient bon. “Hausse 500 court !"
Il y a maintenant une belle fumée, une telle poussière soulevée que je vois mon adversaire dans une espèce de halo. “Hausse 550 !" Dans mes oreilles sonne encore le cri de mon pilote : “Je l’ai !" Deux ou trois hommes ont sauté du char ennemi et roulé dès que nous avons vu une énorme lueur rougeâtre à l’avant de l’appareil. Joie immense dans GUYNEMER ; notre première victoire indiscutable.
Mais le martèlement sur notre blindage n'a pas décru. Je m'aperçois alors que tout notre flanc gauche est garni de ces gros chars ! On devine plus ou moins leurs silhouettes, car ils sont camouflés, embossés, immobiles ; mais toutes leurs gueules crachent leurs coups précis atteignent le but. Ma porte latérale est à demi arrachée par un obus qui a cogné juste au-dessous d’elle : elle s’ouvre ! Millard plonge à l'extérieur, la rattrape et la tient fermée tant bien que mal. Sous le choc du projectile le casier de porte a été projeté à l'intérieur est venu me frapper durement à la cuisse. Un obus explose sur la face avant tout près du volet du pilote, piquetant de paillettes incandescentes le triplex protecteur que j'ai fait disposer derrière la fente de vision.
De tous côtés les coups pleuvent maintenant; une véritable grêle ! Les casiers à obus du fond du char ont eu leurs supports cisaillés et se promènent dans le couloir machines. L’ambiance y est. On en découd. Ce coin de plateau est un véritable enfer.
Le 75 et le 47 de GUYNEMER parlent à qui mieux mieux. Soudain, le pilote me crie : “Legac ! Legac est là !" Legac, aide-pilote du capitaine... J'ouvre ma porte de tourelle et j’aperçois l’homme, couvert de terre et de cambouis, mais calme, debout dans l’ouragan de ferraille qui s’abat en ce moment sur GUYNEMER : “Capitaine blessé ! Prenez le commandement !"
Je saurai plus tard que le char ADOUR a été touché par une bombe d'avion. Legac rescapé a raconté au capitaine Raberin (1ère compagnie) la fin de l'histoire : l'équipage évacue l'ADOUR ; le capitaine, légèrement blessé envoie Legac vers GUYNEMER ; quelques instants après il est touché à la nuque par une rafale de mitrailleuse d'un char allemand, alors qu'il se préparait à quitter le fossé qui l’abritait. Le radio, sergent chef Baur, et l’aide-pilote Erhardt furent également mitraillés au sol et tués comme leur chef de char. Le pilote sergent Vandelet fut blessé à la main et au visage (prisonnier). Le deuxième radio Guyard est indemne mais prisonnier.
Je retourne mon canon cherchant la hausse correcte contre un char qui me canonne avec une précision et une régularité mathématiques. « 550 : trop court ! ». Il me faut donc augmenter ; tourner légèrement le tambour de hausse. S'astreindre à cet effort précis, minutieux, alors que chaque fraction de seconde perdue peut coûter la vie de tous, est un véritable supplice. On a une telle envie de tirer, de tirer sans contrôle ! « 600 ! » Mon obus de rupture a fait une flamme en touchant le blindage allemand ; l'adversaire reste muet définitivement.
Je donne au pilote un secteur boisé d’où j'ai vu naître des lueurs rouges. Sous ses explosifs ce coin de boqueteau devient bientôt silencieux et calme. Pendant que le pilote besogne, je m’escrime contre un deuxième char que je réduis au silence ; il a failli gagner, car un de ses projectiles a cogné sur mon masque de mitrailleuse et j'ai eu les mains piquetées de fines aiguilles brûlantes qui ont passé dans les déchirures du cuir d'étanchéité.
Mais les réelles difficultés commencent : « un obus dans les radiateurs ! » crie Millard. Le moteur s'est arrêté de lui-même. Angoisse mortelle ; nous écoutons le glougloutement de l'eau qui s'échappe, aussi précieuse que du sang. Cependant un coup de démarreur et le moteur tourne….. ! Millard me dira plus tard : « c’est miracle ! » De l'eau sortait par une bougie !
« 75 foutu ! » annonce Reverberi. Je constate que le tube est au recul maximum, inutilisable : un coup sur la tranche de bouche probablement.
Le 47 est intact ! Continuons ! Me sentant trop bien repéré, et voyant que de tous côtés des tubes tirent sur moi, je me déplace et veux entrer dans le bois qui est à une cinquantaine de mètres de moi ; des entonnoirs énormes se creusent à la lisière ; je sent le souffle et les explosions à travers les épiscopes PPL ; on dirait un barrage d'artillerie de fort calibre. Depuis j'ai pensé qu'à ce moment j'avais été attaqué par de l'aviation. Je reste au milieu de la clairière et démolit sans conteste mon troisième char lourd : je vois les tôles de s'ouvrir et voler en morceaux !
Les coups augmentent de densité sur la droite ; un tour de ce côté là. J’aperçois le GARD, immobile, porte de tourelle ouverte par laquelle le radio, Waslet, brandit un pistolet automatique. Que signifie... ? Nulle explication ne se présente à l’esprit, sauf celle de la porte ouverte volontairement, par laquelle un projectile malencontreux aura blessé ou tué le chef de char. Quelle que soit la vérité, l’issue fut fatale à tout l’équipage, dont les cinq membres trouvèrent la mort : lieutenant Lelong, sergents Barbet et Waslet, chasseurs Baumgartner et Frechin.
Je ne puis interrompre mon combat car je suis une cible parfaite pour tous mes adversaires des boqueteaux Ouest. À ce moment, les deux chars de la première section, OURCQ et ISERE m’encadrent et nous formons section. Quel bon travail ils font ; je les dois tirer, changer de place, tirer encore. Sur eux aussi les coups pleuvent ; mais nos carapaces tient debout, tandis que les tôles adverses, suivant les paroles du sous-lieutenant Bruthiaux, de l’OURCQ, « s'ouvraient comme du carton ».
Nos adversaires Ouest sont si nombreux que, au début, durant un instant je les ai pris pour un de nos bataillons de H 39 étrangers en lisière, aussi bien alignés que pour la parade. Cependant ces chars sont des Panzer III, armés du 37 ; ils n'acceptent pas le combat. Ils tirent tous avec précision, vitesse, mais dès que l'un d’eux se sent menacé par une de nos tourelles, il rentre sous bois ; j'ai tout de même la consolation d'en faire sauter un qui n'a pas battu assez vite en retraite.
Nous avons dû rentrer entre deux échelons de chars renseignés par l'aviation : un échelon avancé, léger, qui a fait front sur notre droite ; un lourd qui tient à gauche.
Mais où sont les nôtres ? je cherche vainement des yeux ; nous ne sommes plus que trois sur ce coin du plateau, pris dans ce croissant d'appareils allemands dont le nombre a été évalué par les chefs de char de GUYNEMER, OURCQ et ISERE à une soixantaine.
Le bilan exact des pertes de l'adversaire est impossible à faire mais sans préjudice des chars allemands détruits par ADOUR et GARD, sans tenir compte du travail fait par la deuxième section, sans parler des coups douteux,GUYNEMER, OURCQ et ISERE sont sûrs d'avoir détruit chacun au moins quatre adversaires.
J'aperçois le char du 28e bataillon qui « tenait la crête ». C'est un char cadavre ; nous avons été leurrés par cette carcasse. Mais où est la deuxième section ? elle n'a pas dépassé le thalweg médian du plateau ; le SAONE (sous-lieutenant Moine) est tombé en panne de terrain en essayant de franchir le chemin creux dans le premier petit vallon que la compagnie a rencontré sur son axe d'attaque. Il a été tiré de là par l’HERAULT (sous-lieutenant Harauchamps). Les deux chars ont continué et ont été accrochés par des adversaires non identifiés camouflés dans le bois de Biert-l’Abbé. Les deux chars ont été immobilisés en plein combat : le SAONE par une panne mécanique (rupture de commande d'arbres à cames) ; l’HERAULT par un obus dans le barbotin gauche. Les équipages voyant leur char inutilisable, les brûlèrent pour ne pas les laisser aux mains de l'ennemi. À signaler que le chef de char de l’HERAULT bien qu'ayant été vu après le combat a été fait prisonnier.
Je cherche aussi des yeux des autres compagnies du bataillon qui immanquablement ont dû partir en protection derrière nous. Rien ! Quelque chose s'est passé que je ne comprends pas ; mais mon premier devoir est de rendre compte au commandant de Cissey de l'importance de la colonne blindée ennemie, pour que le reste du bataillon puisse être engagé avec profit. Car j'ai la certitude que si les trois compagnies étaient entrées dans cette poche, nous étions vainqueurs, …. Et de loin ! Nos B était de taille à lutter un contre deux ; un contre quatre, j'ose dire !
Ma mécanique réclame impérieusement ; l’eau de mon radiateur commence à s’épuiser. La chenille droite, touchée, grogne d’une inquiétante façon ; le blindage s’est disjoint en plusieurs endroits. Surtout, GUYNEMER n’a plus d'armement ! Le 47, dont l’huile du frein s’est dilatée, ne revient plus en batterie.
Je suis maintenant convaincu qu’il faut rendre compte sans plus attendre, afin de permettre aux deux autres compagnies de venir balayer cette vermine.
Seul le 47 de l’OURCQ parle encore. Ma radio ordonne “Ralliement !" L’OURCQ et l’ISERE obéissent en empruntant un chemin creux, je les suis et j’aperçois au passage l’HERAULT qui flambe.
Arrivés à la base de départ, les trois appareils sont à bout de souffle. Le moteur de l’OURCQ, avarié, s’arrête définitivement. La chenille droite de GUYNEMER casse. L’lSERE subit le même accident, quelque cent mètres plus loin. En sortant, je fais le tour de GUYNEMER... Toutes les superstructures de l’appareil sont arrachées ; un des gardes-boue a disparu, l’autre est vertical. Les chaînes de dépannage sont brisées, les tôles sont labourées, entaillées, beaucoup de boulons cisaillés. Plus de cinquante points d’impact dans la carcasse ! Mais sur la face avant, miraculeusement intact, le fanion du Sacré-Coeur flotte toujours. Je l’arrache !”
J'ai donné l'ordre de brûler ces trois appareils, puis je l'ai retiré, estimant que c'était manquer de confiance ; les autres compagnies avaient sûrement venir et reprendre le terrain.
À pied, avec les équipages, salué par quelques rafales allemandes, je vais vers la troisième puis vers la première, cherchant le commandant afin de lui rendre compte : il sait déjà ; le sous-lieutenant Harauchamps m'a précédé de quelques minutes.
Le Haut Commandement a donné l'ordre de lancer une compagnie seule et après l'engagement de la compagnie Gilbert à fait replier les deux autres.
Elles ne sortiront du reste pas de Belgique : la compagnie Lehoux finissant le soir même sur des batteries allemandes, son capitaine y trouvant la mort ; la compagnie Raberin, le lendemain, sur des pièces également et le capitaine et le commandant sérieusement blessés.
Le capitaine Gilbert, blessé après avoir détruit lui-même trois chars ennemis, sort de son char, inutilisable, avec son pilote dont la joue est déchiquetée et la main en charpie, et son radio, criblé d’éclats dans la poitrine. Tous trois se cachent dans un petit bois. Le capitaine essaie de s’en sortir; il sera tué d’une balle en pleine tête.
Du char sort une épaisse fumée. La porte latérale est ouverte; sur la face blanche, éclairée par le grand soleil de mai, apparaît une inscription peinte en bleu par la marraine, Jeanne Boitel, le jour du baptême des chars : “Mes vœux accompagnent l’ADOUR, le capitaine Gilbert et ses hommes.”
Vers 16 heures, Cissey est avisé de la destruction de la 2e Cie. Il donne l’ordre à la 1ère et à la 3e de s’installer défensivement à l’Est de Mettet où il se rend avec les deux chars de commandement ESCAUT et BEARN et la 1ère compagnie. La 3e semble suivre mais, surprise, elle s’oriente ensuite vers Furnaux et rapidement disparaît... Cinq mois après la bataille, en octobre 1940, le lieutenant Gaudet reviendra sur les lieux, pour y découvrir les cadavres de tous les chars de la 3e Cie et, dans le cimetière, les tombes de 16 de ses camarades. Ce n’est qu’au début de 1941 qu’il recevra le compte rendu du lieutenant Perrier sur l’engagement, rédigé dans son Oflag, en Allemagne. Le voici, résumé :
“Le char POITOU passe devant moi. Ne voyant pas venir les chars de la 1ère section, je dis à mon pilote de se placer derrière le char du capitaine. Les autres chars arrivent en colonne. Nous traversons le village d’Ermeton-sur-Biert.
Parvenu à la hauteur du pont du chemin de fer, la colonne s’arrête quelques instants. Le capitaine demande des renseignements à des fantassins du 77e régiment d’infanterie et nous repartons en direction de Mettet. Comme nous allions atteindre la route nationale bordée d’arbres, je vois distinctement à la lunette, sur ma droite, à deux cents mètres, une arme anti-char qui émerge d’une haie et qui est dirigée sur le char du capitaine. Je fais stopper et pointe, et, comme je vais tirer, je vois que l’arme anti-char a fait feu exactement au même instant que le 75 du char POITOU ; le capitaine tire aussitôt après un coup de 47, ainsi que moi-même. L’arme anti-char est neutralisée.
La colonne tourne aussitôt à droite et s’engage sur la route nationale. Elle est alors prise à partie par de nombreuses pièces anti-char. Mon char reçoit des coups venant de toutes parts ; ces coups ne percent pas le blindage. J’observe avec attention dans le tourelleau. Les chars de la compagnie ont abandonné la route et engagé le combat. Mon pilote et moi repérons des objectifs nombreux, sur lesquels nous tirons l’un et l’autre sans répit.
Nous longeons, en tirant, les lisières du bois, toujours sous le feu intense des batteries ennemies. Bientôt, la compagnie se dirigeant sur Mettet parait hors de portée des armes anti-char, mais le capitaine Lehoux (qui devait trouver, quelques instants plus tard, la mort en pleine action) ne veut sans doute pas arriver au point de ralliement sans avoir anéanti les batteries ennemies déjà dépassées, car il fait demi-tour. La compagnie suit l’exemple du capitaine et se dirige à toute vitesse sur les lisières du village de Denée où la résistance allemande paraît le plus solidement organisée. Les sept chars sont alors complètement isolés et sans appui.
Le combat se poursuit avec le même acharnement, mais bientôt, mon pilote me signale qu’un obus a rendu le 75 inutilisable. Je continue de tirer, à la mitrailleuse et au 47. Quelques instants plus tard, j’aperçois à cinq cents ou six cents mètres une batterie de deux pièces de 77 ou 88 (une troisième se trouvait à droite en flanquement, à cent mètres des premières, et une quatrième derrière) dont les servants sont debout, et qui, vraisemblablement, prend mon char pour cible. Je tire, arrêté, un premier coup de 47, puis je décide de foncer sur la batterie à toute vitesse afin que, parvenu tout près, je ne puisse manquer mon but. Mes moyens sont très limités mais je compte beaucoup sur l’effet moral produit par l’arrivée rapide du char.
Mon pilote, qui a fait preuve depuis le début de l’engagement du plus grand sang-froid et qui, comme nous tous, a une confiance illimitée dans son matériel, exécute mon ordre avec rapidité. (...) Les coups pleuvent sur la tourelle elle blindage. Mon char atteint la route, à cent cinquante mètres de la batterie; je fais stopper, pointe et fais feu. Que se passe-t-il alors ? Je n’ai pas vu l’obus arriver, et cependant je n’ai pas tiré long. D’ailleurs je ne vois plus l’objectif (après le combat, je me suis rendu compte qu’un obus ennemi avait cassé ma chenille gauche, déportant le char sur la gauche). Je remonte rapidement dans le tourelleau pour repérer de nouveau la batterie; j’y suis à peine installé qu’un nouvel obus atteint de plein fouet le tourelleau, le faisant sauter.
Je suis atteint moi-même près de l’œil gauche par un éclat ou un boulon cisaillé par le choc, et je m’écroule au fond du char, perdant mon sang en abondance. Lameger, Petit et Rebiffé s’empressent autour de moi, mais je ne perds pas connaissance. Dans l’impossibilité de continuer le combat, je dois au moins sauver mon équipage.
De nouveaux obus, tirés à moins de deux cents mètres, tombent sur le char immobilisé. Je me glisse vers la porte latérale et me laisse tomber à l’extérieur. Suivant mon exemple, mon équipage sort à son tour. L’ennemi tire maintenant sur nous à la mitrailleuse. Nous rampons dans le fossé de la route. Je quitte le fossé dans l’espoir de trouver un petit bois qui surplombe la route mais, en relevant la tête, je vois à une dizaine de mètres un soldat allemand qui, debout, me vise avec son fusil. Mon pistolet est resté dans le char. Je n’ai que le temps de baisser la tête pour parer le coup. Je redescend alors vers le fossé où je retrouve mon équipage indemne.
Le sergent Caquard panse avec dévouement ma blessure. Je suis alors dans un grand état de faiblesse. Quelques secondes après, deux Allemands, pistolet au poing, nous cernent. Il n’y a plus qu’à se rendre, la mort dans l’âme. Il est environ 18 heures. Mon char, à trente mètres de là, flambe, sans tourelleau, la chenille gauche cassée, le bouclier du 75 démoli, traversé par plusieurs obus; il est gravement mutilé. Tout près aussi, le char du capitaine, toutes portes tombées, flambe et explose.”
D’après les témoignages des officiers survivants, il faut estimer à dix ou quinze le nombre des pièces antichar (d’un calibre de 77 à 105) qui étaient en batterie devant nous, sur un front de un à deux kilomètres. La moitié au moins a été neutralisée au cours du combat, sans compter les canons de petit calibre et les mitrailleuses.
J’ajoute qu’après le combat, le commandant allemand des batteries anti-char, s’adressant aux membres survivants des équipages de la 3e compagnie, pour la plupart blessés, s’est exprimé ainsi, en français: “Vous êtes des soldats braves, vous vous êtes battus merveilleusement”.
A 18 heures la 1ère compagnie et les deux chars de commandement sont en bataille, face à l’Est sur la route Oret-Estroy, mais l’ennemi, ce soir-là, ne viendra pas.
Le lendemain matin, 16 mai, de Cissey a envoyé le lieutenant Gaudet à Acor pour orienter la colonne.
Elle n’arrive pas. Après deux heures d’attente, l’officier, persuadé qu’une erreur d’itinéraire s’est produite, se remet en route. A 14 heures, peu avant Beaumont, il découvre trois chars immobilisés. Cissey et Raberin, commandant de la 1ère Cie sont assis contre un arbre, livides, le visage ensanglanté. David est inerte, étendu dans le fossé, la cuisse arrachée. Dans le ravin, en contrebas, le GARONNE est complètement renversé. Les trois blessés sont placés avec précaution dans une voiture Laffly de cavalerie. Beaumont est traversé sans problème. Dans la ville, les derniers chars de la compagnie brûlent. A Maubeuge, les trois blessés sont déposés à l’hôpital.
Après 36 heures de combat, le commandant et les 4 capitaines sont morts ou blessés. Les trois compagnies sont détruites.