JOURNAL DE MARCHE DU

2e REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE

 

LES VOSGES - L'ALSACE

SEPTEMBRE 1944 - AVRIL 1945

Le 9 septembre au soir, le régiment se trouve rassemblé sur une étroite "AREA" aux environs de COGOLIN.
Il s'agit maintenant de rejoindre les autres éléments de la 1ère D.B. qui sont déjà loin vers le nord. DIJON est pris, les C.C. 1 et 2 poussent vers LANGRES. Arriverons-nous trop tard pour libérer la PATRIE ?

Il faut marcher au canon à toute vitesse. Le 11 au matin, le 2e Chasseurs se met en route, il campe le soir même à ROUSSET (sud d'AIX-EN-PROVENCE). Le 12, il est à SORGUES, le 13 à LORIOL, le 14 à SAINTE-COLOMBE en face de VIENNE. Les difficultés du ravitaillement en essence le contraignent à stopper pendant une journée. On ne louera jamais assez le dévouement du personnel du peloton essence qui, sous la direction de son chef, le sous-lieutenant CASSASSUS roulera jour et nuit pendant toute la durée de la campagne. Ce jour là, ils ont fait plus de 700 kilomètres pour nous apporter le précieux carburant. Le 16 septembre, le régiment arrive à PRISSE (6 km ouest de MACON) et y séjourne jusqu'au 20 septembre. Le 21, la course vers le nord reprend et nous cantonnons dans la zone des grands crus de BOURGOGNE : CHAMBOLLE MUSIGNY, VOUGEOT, MOREY. Le 22 nous gagnons une région plus austère FRESNES-SAINT-MAMES, au sud-ouest de VESOUL. Enfin le 24 septembre nous rallions dans la région de LURE les autres éléments de la division au contact avec l'ennemi sur les premiers con­treforts des VOSGES.

Le 25 septembre, l'escadron d'USSEL reçoit la mission d'appuyer l'attaque du 2e Zouave sur le mont de VANNES, à l'est de LURE. Il tire ce jour là les premiers coups de canon. Cependant que l'escadron de CHARNACÉ et le peloton de mortiers EYRIN appuient une action du 3e Zouaves sur MELISEY.

Le 27 septembre, l'escadron de CHARNACÉ et le peloton de mortiers sont intégrés dans un groupement aux ordres du commandant DEWATRE. Ils doivent progresser sur l'axe BELONCHAMPS­-FRESSE - LA CHEVESTRAYE et battre de leurs feux la vallée de RAHIN entre PLANCHER-BAS et RONCHAMPS. Le groupement, après une progression rendue difficile par la présence de nombreux abatis, enlève LE VOLVET et FRESSE après avoir détruit deux canons allemands de 75 pak. Une trentaine d'ennemis sont capturés et le groupement poursuit sa route vers le col de la CHEVESTRAYE. Le char ROUSSILLON est perforé par un obus de 75 pak le chasseur DESJARDIN et le chasseur JANNOD sont blessés, les autres membres de l'équipage sont indemnes. Le village de l'ARMETT est libéré. Le lendemain la progression continue. A l'entrée ouest de CHEVESTRAYE, le détachement est pris à partie par des armes automatiques et un violent feu de minen. L'adjudant BELLIOT qui a mis pied à terre pour guider un char en difficulté de terrain est mortellement blessé au ventre par une rafale de mitraillette. C'est le premier de nos compagnons d'armes tombé au champ d'honneur ; son corps est transporté à LURE où il sera enterré.

A 15 heures malgré une violente réaction ennemie, le col de la CHEVESTRAYE, objectif final, atteint. Le 29 septembre, les allemands contre-attaquent vigoureusement avec de nombreux chars. Le char NORMANDIEest perforé par un obus, tout son équipage est sauf. Le char CHAMPAGNE est atteint à son tour le maréchal des logis chef DARME et le chasseur BUIZ sont tués. L'escadron de CHAR­NACÉ rallie le village de l'ARMET et l'ennemi ne peut déboucher du village de la CHEVESTRAYE.
Le 3e escadron a perdu dans cette opération quatre tués et huit blessés. L'E.H.R. et le peloton de mortiers ont eu quatre blessés. Les sacrifices consentis sont récompensés puisque le détachement a progressé de douze kilomètres, libéré deux localités et infligé à l'ennemi des pertes sévères.
Le 4 octobre, le 1er escadron est engagé sur l'axe LAGREVE-MIELLIN-BALLON de SERVANCE qu'il doit déblayer en coopération avec le 2e Zouaves et un bataillon de choc. Malheureusement, la visibilité est rendue très mauvaise par un brouillard épais, de plus l'itinéraire est abondamment miné et le sol détrempé ne permet pas aux chars légers de quitter la route. Le char de tête saute sur une mine et trois membres de l'équipage sont blessés. L'infanterie d'accompagnement est stoppée par un tir nourri d'armes auto­matiques dissimulées dans les nombreux couverts. L'attaque doit être stoppée.

Plus à l'ouest, l'escadron de LAMBILLY est mis à la disposition du Colonel commandant le 3e R.C.A. pour appuyer la progression d'un groupement sur la route SERVANCE-LE THILLOT. Par ses tirs précis il arrête brutalement plusieurs contre-attaques allemandes. Le 10 octobre, dans la nuit, l'ennemi exécute un vigoureux coup de main sur le P.A. de GRANDS-CHAMPS. Le peloton COSSEVIN intervient aussitôt, tous phares allumés et fait refluer l'infanterie allemande. Le char SAINT GERARD saute sur une mine mais son équipage est sauf.

Le 12 octobre, le régiment dirige sur la région de VAGNEY un détachement commandé par le chef d'escadrons GARDY et comprenant les escadrons d'USSEL et de CHARNACÉ. Le peloton FAL­GAYRAC est engagé le 15 en direction de ROCHESSON. Il est arrêté à l'entrée d'ORIMONT par une barricade et le char LIMOGES est incendié par un coup de 88. Le chef de char, maréchal des logis NICOT, quoique très grièvement blessé, a pu sortir de son char près duquel il meurt quelques instants après. Tous les membres de l'équipage, le brigadier chef FOURNOUX, cavaliers EVRARD, SFORZINI et MALLAPET sont gravement blessés. Le brigadier BEAUPUY, les chasseurs CARBONEL et GAZELLES tentent par deux fois sous le feu violent des armes automatiques de ramener le corps du maréchal des logis NICOT. Le chasseur GAZELLES est blessé. La devise des équipages Tous pour un, un pour tous n'est pas un vain mot.

Le même jour, le peloton GODARD de l'escadron de CHARNACÉ, opérant dans la région de CORNIMONT détruit une automitrailleuse allemande. Le chef d'escadrons GARDY, blessé par un éclat de mine, garde cependant son commandement.

Le 16 octobre l'escadron de CHARNACÉ reçoit la mission d'appuyer une attaque d'infanterie sur le HAUT du FAING, au nord-est de CORNIMONT. Au cours de l'action, le char MAROC saute sur une mine, mais le personnel est sauf, le lieutenant GODARD et le lieutenant FALGAYRAC sont légè­rement blessés par éclats d'obus.Le 21 octobre, le régiment tout entier est articulé dans la région de TRAVEXIN-THIEFOSSE où il apporte l'appui de ses feux à l'infanterie installée sur le terrain conquis.

Quatre jours plus tard, le 2e Chasseurs d'Afrique est regroupe dans la région de MEURCOURT où il aura quelques semaines de repos. Ces combats des VOSGES ont été particulièrement durs. Les vallées étroites, le sol détrempé par les pluies abondantes de l'automne entravaient le déploiement de nos unités. A ces difficultés s'ajoutaient celles crée par les champs de mines et les destructions. Et puis le canon de 88, notre ennemi mortel, embusqué dans l'ombre des forêts perforait impunément nos blindages.

Le capitaine de CHARNACÉ muté au début de novembre à l'E.M. de la Division, est remplacé à la tête du 3e escadron par le capitaine VIE. Le lieutenant de NAUROIS prend alors le commandement du 1er escadron.

L'accueil fraternel des populations de la Haute-Saône permettait à tous de se reposer des fatigues des derniers combats. Le bruit courait d'un proche départ pour la région sud-ouest vers les poches de ROYAN ou de la ROCHELLE. Alors que tout semblait confirmer cette hypothèse, l'ordre arrive au régiment le 14 novembre dans la nuit, d'être prêt à faire mouvement dans un délai de trois heures. Le 15, bien avant l'aube, l'on se met on route sur la région de CHAZOT ; le régiment doit appuyer l'action de déga­gement de la boucle du DOUBS par la 9e D.I.C. Les escadrons d'USSEL et de LAMBILLY, participent Ces opérations qui se déroulent les 16 et 17 novembre dans la région d'ECOT. Le char DENAIN du 4e escadron est détruit par un coup de panzerfaust mais son équipage est sauf.

Le 18 novembre, le 2e Chasseurs d'Afrique est regroupé dans la région de BLAMONT, prêt à exploiter en direction de DELLE les succès de la 9e D.I.C. et du C.C.2. La mission du régiment est de forcer le passage de la LARGUE, amorcer le débordement de MULHOUSE et mettre la main sur tout passage du Rhin signalé libre entre HUNINGUE et KEMBS. Les escadrons sont répartis entre trois groupements.

GROUPEMENT N° 1 aux ordres du colonel de LEPINAY
Escadron de NAUROIS
Escadron VIE
Compagnie FAUGERE (du 2e Zouaves)
1 Section du 88/3e Génie
Batterie COUDERT du 2/68e R.A.

GROUPEMENT N° 2 aux ordres du chef d'escadron GARDY
Escadron de LAMBILLY
Peloton de Mortiers EYRIN (2e R.C.A)
Compagnie CLIEVILLOTTE (2e Zouaves)
1 Section du 88/3e Génie.
Batterie CAIRE du 2/68e R.A.

GROUPEMENT N° 3 aux ordres du chef d'escadrons DEWATRE
Escadron d'USSEL
Bataillon du 2e Zouaves (moins 2 compagnies)
1 Section du 88/3e Génie
Batterie DAVID du 2/68e R.A.

Le groupement de LEPINAY se heurte à une première résistance ennemie à LEPUIX que l'esca­dron de NAUROIS dégage rapidement. Une dizaine de prisonniers sont faits et la progression continue vers la vallée de la LARGUE. A FRIESEN, le détachement se heurte à une vive résistance qu'il parvient à surmonter au milieu de l'après-midi. Il fait de nombreux prisonniers mais il ne peut déboucher de FRIE­SEN sur LARGITZEN car les pentes à l'est de la LARGUE sont défendues par des engins anti-chars habilement camouflés. La nuit tombant vers 18 heures oblige le Commandant du groupement à remettre l'action de force au lendemain. Vers 23 heures, le Commandant du détachement capte un télégramme annonçant que le groupement GARDY qui opère plus à l'est a atteint le RHIN.

Le groupement GARDY se porte par DELLE et COURTELEVANT sur SEPPOIS où il livre un court mais brutal combat. Puis il continue sa progression sur BISEL où il rencontre à nouveau une vive résistance qu'il réduit. Sans s'attarder au nettoyage de cette localité, il continue sa marche sans désemparer, semant la panique parmi les éléments ennemis éparpillés sur son itinéraire. C'est avec tous ses phares allumés que le groupement GARDY, peloton, de LOISY en tête, atteint le RHIN à ROSENAU. Il est 17h30. Dans la nuit, les habitants surpris regardent passer avec étonnement cette colonne blindée. Lors­qu'ils s'aperçoivent que ce sont des chars français, ils manifestent une joie délirante et font au détachement un accueil inoubliable.

Le 19 novembre l'escadron de LAMBILLY a atteint le RHIN à ROSENAU, premier de l'armée française pour la plus grande gloire du régiment. Le groupement DEWATRE qui agît en bordure de la frontière suisse avec HUNINGUE comme objectif est entré en ALSACE à PFETTERHOUSE le 19 novembre à midi. La population lui réserve un chaleureux accueil mais il ne peut s'attarder et la progression continue. Au passage de la LARGUE, à l'ouest de MOOS, le char TOURS est touché par un panzerfaust et brûle, le chef de char est tué. MOOS et MOERNACHsont libérés, une soixantaine d'allemands y sont capturés.

Le colonel CALDAIROU décide, dans la nuit du 19 au 20 de faire passer tous les éléments du C.C. par la porte ouverte par le groupement GARDY.

Le 20 novembre, à 10 heures, tous les groupements se trouvent dans la région MAGGSTADT-­SIERENTZ à une quinzaine de kilomètres au sud-est de MULHOUSE. A 13 heures ordre est donné aux groupements de LEPINAY et GARDY de continuer la progression sur MULHOUSE pendant que le groupement DEWATRE prendra comme objectif le carrefour de l'ILE NAPOLEON, 2 kilomètres nord-est de MULHOUSE.

BRUNSTATT est pris le 20 au soir par le groupement de LEPINAY. L'escadron VIE perd un char atteint par un panzerfaust, quarante allemands sont capturés. Le groupement GARDY, après une vigoureuse action sur les lisières des faubourgs sud de MULHOUSE pénètre dans l'agglomération, peloton COQUART en tête. La nuit tombe et il est difficile de conserver la bonne direction ; heureusement, un courageux F.F.I. alsacien, Arthur BROBST, s'offre comme guide. Le groupement atteint le canal du RHÔNE au RHIN aux abords de la gare sud et met la main sur le pont d'ALTKIRCH intact. Le Commandant installe son PC dans l'ancienne poste militaire allemande dont le personnel surpris vient de décamper.

Le char PRAGUE de l'escadron de LAMBILLY est allé dans la nuit reconnaître les ponts sur le canal à proximité de la gare. Au moment où il s'engage sur un pont intact, le pont saute et le char tombe de cinq mètres de hauteur dans le canal. Le conducteur est tué et les autres membres de l'équipage sont rescapés par miracle.

A la droite du groupement GARDY, le commandant DEWATRE pousse en direction de l'ILE NAPOLEON. Il se heurte à RIXHEIM à une forte résistance allemande le char de tête (le l'escadron d'USSEL est atteint par trois panzerfaust et a la chance de ne pas être incendié. Le village est enlevé de haute lutte avec l'appui du 2e Zouaves et une cinquantaine d'ennemis sont capturés. A 16 heures, le grou­pement atteint l'ILE NAPOLEON et sollicite l'autorisation de pousser vers le nord en direction de ENSISHEIM. Les villages de SAUSHEIM et de BALDERSHEIM sont libérés, plus de deux cents alle­mands sont capturés. De nombreux ennemis qui tentent de fuir de MULHOUSE sont tués ou faits pri­sonniers.

Le lendemain 21 novembre, le groupement GARDY fait irruption dans MULHOUSE au lever du jour. Il traverse la ville très rapidement du sud au nord et se porte vers les ponts sur la DOLLER qu'il prend intacts. Au cours de cette progression, il attaque à la mitrailleuse des détachements allemands complètement surpris et les décime. L'ennemi retranché dans les bâtiments militaires prend sous son feu ceux qui tentent d'approcher. Le chef d'escadrons GARDY passant devant la caserne COEHORN en half-track est pris sous une rafale de balles incendiaires. Le véhicule prend feu, le commandant est blessé d'une balle à la jambe et deux chasseurs sont atteints. La caserne est nettoyée dans l'après-midi avec l'appui des chars du lieutenant de LOISY.

Le groupement de LEPINAY a mission de se porter sur DORNACH, faubourg sud-ouest de MULHOUSE.

Les reconnaissances lancées sur le pont sur le canal à l'ouest de BRUNSTATT signalent le passage détruit et sont prises à partie par des feux nourris d'armes automatiques venant des villages voisins de DIDENHEIM.

Le brigadier-chef LACOMBE, du peloton de mortiers est tué et plusieurs chasseurs sont blessés. Le Colonel décide de se porter sur DORNACH par MULHOUSE dans le sillage du groupement GARDY. L'accueil des mulhousiens libérés laissera chez tous un souvenir inoubliable : fleurs, baisers, gâteaux, cigarettes nous sont prodigués. Il n'est malheureusement pas possible de prolonger ces effusions d'allégresse et, escadron de NAUROIS en tête, le détachement pénètre dans DORNACH où il capture plus de 150 allemands complètement éberlués par notre présence. Des reconnaissances sont poussées sur MORSCHWILLER et HEIMSBRUNN où une vingtaine de prisonniers sont faits.

Le groupement DEWATRE qui a prêté main forte dans l'après-midi du 21 à des éléments du R.I.C.M. pressés par l'ennemi dans BATTENHEIM reçoit l'ordre d'organiser un P.A. à l'ILE NAPOLEON et MODENHEIM.

Dès le 22 novembre, les allemands se remettent de la surprise causée par notre entrée dans MUL­HOUSE et d'importants renforts sont signalés passant au pont de CHALAMPE. En outre, ils contr­e-attaquent vigoureusement en direction de SEPPOIS menaçant dangereusement notre ligne de communi­cation. Nos ravitaillements nous rejoignent au prix de mille difficultés, conducteurs et convoyeurs doivent faire le coup de feu. Des avions allemands lancent des tracts qui rendent hommage à notre audace et à notre courage, mais nous dépeignent notre situation comme désespérée en raison de notre encerclement ; ils nous incitent à la reddition. Le tract obtient un gros succès d'hilarité. Le 23 novembre, les points d'appui de l'ILE NAPOLEON et MODENHEIM sont violemment attaqués par une nombreuse infanterie appuyée par des canons automoteurs.

Le groupement DEWATRE maintient ferme ses positions.

A MULHOUSE des noyaux de résistance subsistent encore dans les casernes. Le 23 novembre après-midi le lieutenant de LOISY est tué dans son char par un panzerfaust dans la cour de la caserne LEFEVRE an cours d'une opération de nettoyage. La mort de cet officier d'une valeur exceptionnelle est un deuil pour tout le régiment.

Le 25 novembre, le Combat Command reçoit la mission de se porter sur le PONT D'ASPACH (17 km. ouest de MULHOUSE) afin de couper la retraite aux troupes allemandes refluant vers le nord.

Les escadrons de NAUROIS et VIE entrent dans la composition d'un groupement aux ordres du colonel de LEPINAY. DIDENHEIM, HOCHSTATT sont enlevés à l'ennemi après de durs combats. A DIDENHEIM l'ennemi laisse quarante cadavres sur le terrain et trente prisonniers tombent entre nos mains. A la tombée de la nuit, les éléments de tête, escadron VIE, et compagnie FAUGERE du 2e Zouaves, atteignent les lisières est de GALFINGUE fortement tenues par l'ennemi. Il est décidé, de passer immé­diatement à l'attaque. Au clair de lune, les chars de l'escadron VIE pénètrent dans les étroites rues du village, propices aux embuscades. Plusieurs maisons brûlent, des chars sont atteints par des panzerfaust mais ne subissent pas de grosses avaries. Une vingtaine de S.S. sont retranchés dans une maison et refusent de se rendre. L'immeuble devra être détruit au canon. Après deux heures de lutte, les allemands contre-attaquent le village de tous côtés, appuyés par des Jagdpanther. Un déluge d'obus explosifs, faustpatronen et de balles traceuses s'abat sur la localité. Le lieutenant de SAINT TRIVIER est tué près de son char, le sous-lieutenant EYRIN et le maréchal des logis chef COLONNA d'ISTRlA, du peloton de mortiers sont grièvement blessés. Plusieurs chars sont atteints par la grêle de projectiles. Le char du sous-lieutenant BERNARD réussit à atteindre un Jagdpanther qui flambe immédiatement. Après qua­rante minutes d'un combat extrêmement violent, l'ennemi se replie en désordre.

Cette nuit de GALFINGUE ne sera pas oubliée de longtemps pour ceux qui la vécurent.

Le 27 novembre, le mouvement en avant est repris et le village de BERNWILLER est libéré après un bref combat et l'on poursuit aussitôt sur BURNHAUPT-le-BAS. Les deux chars de tète de l'escadron VIE sont pris à partie à plus de deux mille mètres par des canons de 88 et mis en flammes. Les deux chefs de chars, aspirant CHEVALLIER et maréchal des logis chef MICHAUD sont tués avec leurs équipages, seuls les conducteurs sont indemnes.

Le 29 novembre, BURNHAUPT-le-BAS et BURNHAUPT-le-HAUT sont libérés et le PONT ­d'ASPACH, objectif final est atteint.

Plus au nord, l'escadron d'USSEL et l'escadron de LAMBILLY combattent avec le groupement du colonel LABARTHE, commandant le 9e R.C.A. Le 24 novembre, l'escadron d'USSEL passant à RIXHEiM est pris sous un feu intense d'artillerie au cours duquel le sous-lieutenant HENRARD trouve la mort. Le 26, l'aspirant POUMAROUX du 4e escadron est tué au cours des combats de MORSCH­WILLER. Enfin, le même jour à HEIMSBRUNN, le char FLANDRES du 4e escadron est incendié par le feu ennemi au cours de l'action entreprise pour s'emparer du village. Le lieutenant COSSEVIN, chef du char est gravement brûlé. Le char CASTIGLIONE (maréchal des logis chef DENIER) du même escadron après avoir sauté sur une mine est également mis en feu.

A partir du 29 novembre, le 2e régiment de Chasseurs d'Afrique est regroupé dans la région de BERNWILLER et ses unités entrent dans le cadre d'une organisation défensive. Le stationnement des escadrons est plusieurs fois modifié au cours du mois de décembre le régiment exécute des tirs de harcèlement presque quotidiennement. C'est une période de stagnation qui, malheureusement se prolonge jusque vers le milieu de janvier.

Le 20 janvier 1945, l'on apprend que la situation générale étant favorable, l'armée française va tenter de réduire la tête de pont de l'Alsace centrale.

Les 20 et 30 janvier, en effet, le régiment rassemblé dans la région d'ASPACH-le-BAS est prêt à passer à l'exploitation vers le nord-est. Mais les opérations prévues initialement n'ayant pas donné le résultat escompté, cette exploitation ne peut avoir lieu. Les escadrons VIE et de LAMBILLY (renforcés du peloton d'accompagnement QUENTIN) ont toutefois été engagés dans de durs combats dans la région de THANN­-CERNAY. Le maréchal des logis chef HERMANN du 3e escadron trouve la mort devant CERNAY ; un brigadier et un cavalier du peloton QUENTIN sont blessés.

Le 31 janvier enfin, le régiment est entièrement regroupé à BOURTZWILLER (nord de MUL­HOUSE) en vue de participer à une action offensive en coopération avec la 9e D.I.C.

Le 1er février l'attaque est déclenchée dès l'aube. Le 3e escadron sous les ordres du lieutenant GODARD,avec l'appui de compagnies de Zouaves, d'un peloton du 1er escadron et d'un peloton de T.D. doit s'emparer de SCHOENENSTEINBACH. L'action est très dure et les difficultés de terrain rendent l'opération encore plus délicate. Un Jagdpanther, bien camouflé, nous cause des pertes sensibles. Les chars PROVENCE et GASCOGNE sont détruits, le char MORBIHAN endommagé. Il est impos­sible de s'emparer du village.

La journée nous coûte un tué (cavalier BERNARD) et deux blessés du 3e escadron.

L'opération sur SCHOENENSTEINBACH est reprise avec succès le lendemain 2 février avec l'aide d'un fort appui d'artillerie, le village est complètement détruit.

A 8h45, le groupement se porte sur la route MULHOUSE-ENSISHEIM dans la région de WITTENHEIM prêt à exploiter vers le nord. Le chef d'escadrons HERAULT qui commande un sous-groupement dont fait partie le 2e escadron est blessé par des éclats de minen dans les environs de la CITE KULMANN. Le 2e escadron participe au nettoyage de la CITÉ SAINTE-BARBE qui a été conquise par des éléments de la 9e D.I.C.

Le 3 février, l'escadron de LAMBILLY mis à la disposition du Colonel commandant le 21e B.I.C., s'empare en fin d'après-midi de PULVERSHEIM et de sa cité et capture 150 prisonniers. Au cours de la nuit, le brigadier BEOLINE et le cavalier BENCHORA de l'E.H.R. sont blessés mortellement à la cité SAINTE-BARBE.

La situation n'est pas modifiée dans la journée du 1er février. La mission du C.C. 3. est de porter l'effort principal de la division vers le nord, en direction de SAINTE-CROIX-EN-PLAINE pour donner la main aux éléments de la 5e D.B. qui descendent du nord, à l'ouest de l'ILL.

­Le groupement DEWATRE qui comprend en particulier, le 4e escadron et le peloton de mortiers (adjudant chef HENRY) a reçu l'ordre d'exploiter en direction de SAINTE-CROIX-EN-PLAINE. Dans la nuit du 4 au 5 février, il fait un mouvement pour se porter sur UNGERSHEIM par BOLLWILLER, malgré de grosses difficultés de terrain.

Dès 6h30, il attaque simultanément les villages de REGUISHEIM et de MEYENHEIM. Le peloton HAENTJENS s'empare de la gare de REGUISHEIM, mais ne peut traverser l'ILL dont le pont est détruit. Il maintient ses positions sous un violent tir de mortiers. Plus au nord, l'escadron LAMBILLY renforcé des pelotons de mortiers du peloton de choc QUENTIN, d'un peloton d'A.M. et d'une compagnie de zouaves, parvient à conquérir à 9h30, après un violent combat de rues, le village de MEYENHEIM où il capture 110 prisonniers et un abondant matériel.

Cette opération nous a valu des pertes sérieuses, le maréchal des logis BIGARD du peloton de choc et les cavaliers LEPAGE et PEYTAVI ont été tués ; 3 cavaliers en outre ont été blessés.

Sans désemparer, le peloton COQUART et le peloton d'A.M. poussent vers le nord en direction SAINTE-CROIX-EN-PLAINE où ils parviennent à 13h15 après avoir capturé 200 prisonniers. Ils n'y trouvent aucun élément des troupes alliées, mais essuient un tir très violent de l'artillerie américaine.

De son côté, le groupement de LEPINAY parvient à UNGERSHEIM sans avoir livré de combat.

ENSISHEIM et REGUISHEIM ayant été pris au début de la matinée du 6 février, le groupement de LEPINAY a reçu l'ordre de pousser vers l'est. Malheureusement, le franchissement de l'ILL est pour le moment impossible. La crue de la rivière, en effet, n'a pas encore permis de lancer le pont.

Le 7 février, il est enfin possible de traverser l'ILL. Le 4e escadron se porte immédiatement sur HIRTZFELDEN et le 2e escadron sur REGUISHEIM. Au cours du déplacement, la Jeep du capitaine de LAMBILLY a sauté sur une mine et, par miracle, lui et son conducteur ne sont que légèrement blessés.

La mission dévolue au groupement pour la journée du 8 février est de s'emparer successivement de FESSENHEIM, RUMERSHEIM et de mettre la main sur le pont de CHALAMPE dont la prise permettra la capture des éléments ennemis qui restent encore dans la forêt de la Hardt. La progression des escadrons LAMBILLY et d'USSEL est considérablement ralentie par de nombreuses mines. Toutefois, vers 8 heures, le 4e escadron pénètre dans FESSENHEIM évacué par l'ennemi. Deux chars ont sauté sur des mines; l'un d'eux : LES FLANDRES a pris feu l'équipage peut évacuer le char, à l'exception du cavalier CALVET qui trouve la mort dans cette circonstance. Un violent tir d'artillerie se déclenche sur le village aussitôt après l'arrivée de nos éléments.

Il est exécuté par l'artillerie de la 2e D.B. qui ignore encore la prise de FESSENHEIM.

Vers 11 heures, le 4e escadron et le 2e escadron pénètrent dans BLODELSHEIM. Le 2e escadron l'a abordé par l'ouest après une progression rendue difficile par le terrain abondamment miné.

L'escadron d'USSEL poursuit sa marche vers RUMERSHEIM. Mais l'ennemi qui veut couvrir à tout prix les avancées de sa tête de pont de CHALAMPE tient encore le village et arrête la progression du 2e escadron.

Le char MORBIHAN est détruit.

Ces opérations nous ont valu la perte de 5 gradés et cavaliers blessés, dont l'un mortellement le brigadier BIMET.

Le 9 février, au petit jour, l'escadron JULLIEN du 9e R.C.A., tâtant les lisières ouest de RUMERSHEIM à proximité desquelles il est parvenu la veille au soir en profitant des couverts de la forêt de la HARDT, constate que le village a été abandonné par l'ennemi au cours de la nuit.

Il y pénètre immédiatement puis renforcé du peloton FALGAYRAC, du 2e escadron, il se porte sur CHALAMPE-le-BAS et pousse ensuite sur CHALAMPE où il entre à 11h30.

La campagne d'ALSACE est ainsi terminée. Le régiment aura pris une part aussi glorieuse à son achèvement qu'à son début. A COLMAR, il profite d'un repos bien gagné tout en se préparant à de nouveaux et ultimes combats.

 

 

QUELQUES ÉPISODES DE LA CAMPAGNE VOSGES-ALSACE


LA FIN DU "LIMOGES"

Le 12 octobre, le 2e escadron, qui se trouve dans la région de LURE, reçoit l'ordre de se porter à VAGNEY à la disposition de la 3e D.I.N.A. Il s'agit de faire effort par la vallée de la RUPT et celle du BOUCHOT. Le pays est hostile aux chars : collines boisées dévalant à pente raide sur d'étroits vallons, terrain détrempé par les pluies ne permettant pas à nos engins de sortir des chemins.

Le 14, au matin, l'attaque est déclenchée. A travers un épais bois de sapins, le char LIMOGES du maréchal des logis NICOT, progresse en tête du peloton FALGAYRAC. Deux kilomètres sont parcourus sans difficulté. Tout à coup, sur la droite, venant de la direction de vergers touffus, jaillissent les traits de feu rouge des projectiles traceurs. Un petit flocon apparaît sur le flanc droit du LIMOGES puis, une grande flamme éblouissante. Dans un tourbillon de fumée noire, la silhouette du char s'estompe. Le TREGUIER de l'aspirant GIRARDOT, puis le MARSEILLE du maréchal des logis GUIOL fouillent de leurs obus les haies et les vergers. Où est donc l'équipage du LIMOGES ?

Un tir d'obus et d'armes automatiques d'une violence inouïe est concentré par l'ennemi sur l'engin en feu. Cela ne saurait empêcher la fraternité d'équipages de se manifester. BEAUPUIS, CARBONNEL et CAZELLES sautent à terre pour porter secours à leurs camarades. En rampant dans les fossés, ils tentent d'approcher du brasier. Ils ont la joie de retrouver quatre du LIMOGES, blessés et brûlés. Mais le maréchal des logis NICOT, chef du char, est couché dans le fossé, la cuisse affreusement déchiquetée. A deux reprises, ils tentent de rejoindre le blessé sous un déluge de minen et de balles. CAZELLES est blessé à son tour. Le sous-officier, malgré le garrot posé sur sa blessure, perd des flots de sang et ne tarde pas à expirer.

BEAUPUIS et CARBONNEL réussissent sous le feu infernal des Allemands, à ramener CAZELLES en arrière. Le jour tombe prestement. Le premier peloton a perdu deux tués : MALARET et NICOT et quatre blessés : CAZELLES, FOURNOU, ÉVERARD et SFOR­ZINI. Le LIMOGES n'est plus que de la ferraille brûlante,déchiquetée par l'explosion des soutes à munitions.

 


L'AFFAIRE DE FRIESEN

Le peloton de ravitaillement essence a subi, pendant cette campagne des fatigues exceptionnelles. S'il n'a connu le danger que par intermittences, il n'en a pas moins en à faire face à des situations pleines d'imprévu.

Le 19 novembre, le Groupement de LEPINAY marchant sur KEMBS, libère FRIESEN, premier village en terre d'ALSACE, après un vif combat. Les chars sont ravitaillés en carburant à la tombée de la nuit et, le lendemain, avant l'aube, le maréchal des logis chef, OLIVE, achemine ses camions vides vers le lointain dépôt d'essence pour refaire ses pleins. Cette opération effectuée, il reprend la route pour rejoindre le régiment dans la région sud de MULHOUSE. Vers onze heures, le convoi est en vue de FRIESEN qu'il va aborder sans méfiance, puisque quelques heures auparavant des éléments amis y stationnaient. Il est arrivé à quelques centaines de mètres du village lorsqu'une rafale de mitrailleuse crépite. Sans doute quelques Allemands isolés qui ne peuvent résister à la tentation de faire un carton sur le convoi. Nos cavaliers, habitués à ce genre de surprises scrutent, calmement, le terrain environnant et les véhicules continuent de rouler. Mais, ce n'est plus une seule mitrailleuse qui se révèle de tous côtés, des armes automatiques entrent en action des mortiers se mêlent à ce vacarme. Il faut se rendre à l'évidence l'itinéraire est barré. Il ne reste qu'à cher­cher une autre route pour rejoindre au plus vite le régiment qui doit recevoir à tout prix le précieux carburant.

Du geste, le maréchal des logis chef OLIVE indique : « STOP, demi-tour». Il est dans le camion de tête, et avec sa mitrailleuse de 50, il ouvre un feu d'enfer sur les lisières suspectes afin de permettre aux autres véhicules du convoi de faire demi-tour. Les équipages des camions ont sauté dans les fossés et font le coup de feu, pendant que les conducteurs manœuvrent leurs voitures sur la route étroite.

Le brigadier indigène S.N.P. MAHMOUD est tué d'une balle dans les reins ; le camion de Jean MARTINEZ criblé de balles, prend feu ; le conducteur saute en voltige dans un autre véhicule.

Enfin, grâce au sang-froid de tous le convoi à l'exception du camion incendié, peut faire demi-tour et rejoint au début de l'après-midi le régiment tout près de MULHOUSE.


L'EPOPEE DU LIEUTENANT DE LOISY

"Enfin on va pouvoir faire une guerre de cavalier et foncer."

Ainsi s'exprimait le lieutenant Jean de LOISY du 4e escadron, le 19 novembre au soir, au sud de DELLE, en apprenant que la mission des trois grou­pements commandés par des officiers de son régiment était de se porter le lendemain sur le Rhin, à 60 kilomètres de l'endroit où il se trouvait.

Le 20 novembre à 13 heures, après un retard de plusieurs heures dû à l'encombrement des routes, le groupement du chef d'escadrons GARDY auquel LOISY appartient, débouche de COURTELEVANT. Peu de temps après, LOISY qui est en avant-garde avec son peloton, arrive à SEPPOIS, où il rejoint les éléments du R.I.C.M. qui sont accrochés par l'ennemi. Il s'en­gage aussitôt un vif combat pour forcer les lignes ennemies, et se frayer un passage vers l'Est.

Après une demi-heure de lutte, où tous les chars de l'Escadron sont engagés avec une compagnie de zouaves, le passage est libre.

Sans s'attarder à nettoyer le village, le commandant du groupement donne l'ordre de continuer la progression pour profiter de l'effet de surprise. De LOISY qui n'attendait que cela fonce de nouveau, bouscule l'ennemi à BISEL où il tue un Allemand avec sa mitraillette de sa tourelle de char, prend FELBACH et WALDIGHOFFEN où il fait une véritable hécatombe de boches qui défendaient un pont marqué "8 tonnes" et sur lequel il se lance sans hésiter avec son char de 32 tonnes.

A 16 heures, il est à OBERDOF, puis à HUNBSBACH. "Les fritz sont débordés de toutes parts" dit-il au capitaine de LAMBILLY qui commande son escadron. "Continuez à pousser à fond de culottes" vers ROSENAU sur le RHIN, répond celui-ci.

Détruisant au passage de nombreux véhicules et des groupes d'Allemands surpris, LOISY et son peloton arrivaient le 20 novembre à 17 heures 30, à ROSENAU. Jean de LOISY était le premier officier français qui ait eu l'honneur d'atteindre le RHIN.

Il était si heureux que le soir il dit à l'un de ses camarades "Voyez-vous mon vieux, pour un officier de cavalerie, voir ça et mourir". Son vœu héroïque allait être exaucé trois jours après.

En effet, le 21 novembre, le groupement GARDY est chargé de prendre MULHOUSE. LOISY toujours en tête de son peloton, débouche dans la rue du Sauvage, la parcourant de bout en bout, et se dirige vers son objectif le pont de la DOLLER. Canonnant et mitraillant tout sur son passage, il prend le pont intact et va patrouiller dans BOURTZWILLER. Son char a été touché par des obus de Bazookas. "Ils sont quand même rudement gonflés, mais j'ai eu du pot. J'ai vu le premier coup de bazooka passer par-dessus ma tourelle ; le second a touché une de mes chenilles pour comble de malheur ma mitrailleuse était enrayée, j'ai dû tuer les deux Allemands au canon". Premier au RHIN, LOISY était aussi le premier à montrer à la population de MULHOUSE libérée, le réconfortant spectacle de la nouvelle armée française.

Cependant les Allemands ont réussi à se maintenir dans des îlots de résistance, et le 23 novembre à 16 heures, le lieutenant de LOISY reçoit l'ordre d'appuyer l'action d'une unité marocaine sur la caserne LEFEBVRE encore occupée par les Allemands. Une brèche ayant été effectuée au canon dans l'un des murs extérieurs de la caserne, LOISY se place devant la brèche, et avec l'appui de son peloton commence à tirer au canon et à la mitrailleuse, sur toutes les issues de la caserne. De l'emplacement qu'il occupe, LOISY voit mal l'intérieur de la cour il craint que ses feux soient insuffisants pour dégager les fantassins dans un beau geste de fraternité d'armes, il pousse sur la brèche avec son char, l'élargit et entre dans la caserne, soutenu par le char du maréchal des logis chef LAROCHE qui l'a suivi. Tous deux ne cessent de tirer à la mitrailleuse et au canon.
Arrivé à l'angle du bâtiment, un premier coup de bazooka traverse la tourelle et tue LOISY quelques secondes
après un second coup de bazooka met son char en flammes.
Lorsqu'on apprit la mort de LOISY ce fut une consternation générale parmi les hommes qui l'adoraient. Le Lieutenant était trop courageux, partout il marchait le premier.

Le RHIN-MULHOUSE, le lieutenant Jean de LOISY symbolise ces deux noms qui résument tous les exploits accomplis par le 2e Régiment de Chasseurs d'Afrique dans la bataille d'ALSACE.

 


LA JOURNEE DU 25 NOVEMBRE ET "LA NUIT DE GALFINGUE"

Le 25 novembre, le 3e escadron est rattaché au groupement du colonel de LEPINAY, qui, par une action vers le S.O. de MULHOUSE va s'intégrer à la vaste manœuvre conçue par le général de LATTRE pour détruire et refouler les Allemands qui nous gênent encore beaucoup dans le SUNDGAU et le long des VOSGES. Cette manœuvre aura son plein épanouissement quelques jours plus tard, et obtiendra un entier succès. L'escadron y paiera cher sa contribution... Il y vivra des heures émouvantes, angoissantes... Mais il y trouvera surtout, et encore, urne occasion de se grandir et d'être fier.

Le matin est clair et le soleil se fait précéder de quelques effets de nuages de fort bon aloi... Tant mieux... car, quoi de plus agaçant et de plus imprécis qu'un périscope envahi de gouttelettes tenaces devant un horizon bouché ?..

L'escadron est précédé du peloton de chars légers du lieutenant de SAINT-TRIVIER. Nous avons le concours de la compagnie du capitaine FAUGERE d'une excellente section du génie... Et, nous voilà, démarrant lentement vers DIDENHEIM, premier objectif, où l'on sait trouver une centaine de Boches décidés. La première crête franchie ne révèle aucune arme anti-char... On va donc pouvoir, en toute liberté user de notre brutalité, et à coups de masse assénés à bout portant, sans trop savante stratégie, écœurer les plus coriaces et ramollir les plus durs de ces "Messieurs" .. Nous débouchons sur le village, légèrement en contrebas, entouré d'une petite chapelle, d'un cimetière, d'un haricot vaguement poilu et coiffé d'une maison rouge. et, dépassant juste, à droite, quelques maisons et vergers, tous objectifs suspects, qui "vont comprendre leur cas" comme dit l'autre. Un bref ordre, à la radio fixe à chacun sa zone de destruction et voilà les TONKIN, MAROC, ILE-DE-FRANCE, ANJOU et BEARN qui s'en donnent à cœur joie.. Bravo, CHEVALIER.

Celui-ci se spécialise dans les tirs d'embrasure, et, pour être plus sûr du résultat, tire à un maximum de 15 mètres.

Pan, dans la Chapelle... Bien, MORIN... C'est dommage, elle est jolie et agréable, mais on vient d'y apercevoir quelques habits verts qui tentent de s'y réfugier. Ah, un malheureux Bazooka, mal ajusté vient d'éclater à 20 mètres à gauche... D'où cela vient-il ?., Là dans le buisson. Bing.., ça suffit...

Les mitrailleuses, n'en parlons pas.., elles en rougissent de plaisir. Pendant ce temps, voilà nos fantassins qui dévalent à droite et à gauche et nettoient les couverts. Joli travail et.., spectaculaire. Les premiers bras levés commencent à apparaître. Ils ont l'air dégoûté et fatigué. Malheureusement notre élan est arrête, car nous tombons sur les classiques mines qui interdisent l'entrée du village. Allez, le génie, en avant... Et pendant que le tir continue pour les soutenir, voilà nos sapeurs au travail. Un tir ennemi se déclenche ; ce sont des "minen" qui nous encadrent d'ailleurs assez bien il ne tardera pas à s'arrêter car, nous l'avons su plus tard, le peloton GODARD qui nous soutient efficacement sur la gauche, a repéré les délinquants et les met hors de combat par un tir bien ajusté.

Les sapeurs mettent plus de trois heures pour déterrer une cinquantaine de mines anti-chars, plus ou moins piégées et nous livrent ainsi, enfin, l'entrée du village. Tout le monde s'y précipite, les chars en gardant les issues. Le nettoyage est rapide et efficace. MORIN en profite pour ramener quelques prisonniers et un gigantesque bazooka…Brrr…qu'il est vilain ! !

A ce moment, parait le commandant DEWATRE, muni de son porte-carte. Au milieu du bruit des moteurs, ses maxillaires s'agitent rapidement et nous comprenons qu'il faut continuer dare-dare. Quelques minutes d'observation à la crête. RAS. Et nous repartons avec le même dispositif.

HOCHSTATT est atteint sans difficulté et traversé sans coup férir.

On ne sait comment le 3e escadron se trouve dès lors en tête, et le 3e peloton ouvre la marche, juste derrière le lieutenant de SAINT-TRIVIER. Il est 17 heures. Le jour commence à tomber. Tout, peu à peu s'estompe dans un agréable imbroglio, d'ombres et de lumières. La marche continue un peu plus lentement, car nous abordons une forêt à la mine peu engageante, et le souvenir des VOSGES n'est pas si lointain. Tout le monde observe et scrute ardemment les buissons, bas-côtés, arbres, bouts de route.., d'où peut partir à tout moment, le coup fatal. Il est maintenant 8 heures, elle est longue cette forêt. Mais tout se passe bien, et nous voilà enfin, débouchant de la verdure. Il fait presque nuit, et, devant nous, nous distinguons notre dernier objectif le petit village de GALFINGUE à l'aspect calme et endormi. Nous ne nous doutons, certes pas que ce paisible endroit allait, dans quelques heures, après un charmant prélude, être le théâtre d'une étourdissante symphonie, pour  "panzerfaust" et "frein de bouche" qui faillit bien tourner en "Marche funèbre".

Dès les premières maisons, un bazooka immobilise un char léger, aussitôt, le TONKIN s'avance, au plus près, lâche quelques rafales et un obus de représailles met le feu à une grange, La fumée est gênante, mais les flammes nous apportent une réconfortante clarté, Les fantassins mettent pied à terre et commencent à tirailler, on n'y voit pas grand-chose, mais il est jugé préférable de liquider cette affaire tout de suite plutôt que d'attendre le jour. Le TONKIN reprend sa marche, lentement, suivi du peloton ; les mitrailleuses prennent à partie tout ce qui est encoignures et recoins. Le capitaine VIE marche en tête, à pied sa mitraillette sous le bras… Bing... TONKIN est bazooké, mais sans mal. CHEVALIER en descend, l'œil mauvais, suivi de son char, il commence à faire des cartons. Les coups de feu et les rafales se succèdent rapidement, les incendies se propagent et l'atmosphère n'est pas très rassurante. A un moment où le TONKIN passe devant l'Eglise, il reçoit un deuxième panzerfaust en plein dans le réservoir, qui l'immobilise. Il commence à flamber mais heureusement, les extincteurs fonctionnent et l'incendie est vite maîtrisé... FERNANDEZ est tué. L'équipage met pied à terre et interdit l'approche du char. Les zouaves, enfin arrivés à notre hauteur, nettoient rapidement les maisons environnantes.

Les premiers prisonniers arrivent ; ce sont pour la plupart des Russes volontaires encadrés par des S.S. Bientôt, une bonne partie du village est entre nos mains et, à 23 heures nous pouvons considérer que l'affaire est liquidée.

Nous avons environ 80 prisonniers, 2 canons de 77 abandonnés et... une caisse de beurre !..

Le Colonel arrive sur les lieux, suivi de son immense colonne qui embouteille complètement la partie centrale du village. Les ordres sont aussitôt distribués et le dispositif de nuit, pris. Les issues seront gardées par les chars vers HEIMSBRUNN, par l'ALSACE, le TOURAINE, le MOSELLE et le MORBIHAN vers BERNWILLER, par l'ILE-DE-FRANCE, le MAROC, L'ANJOU et le BÉARN (on y adjoindra deux 57), vers SPECHBACH, par une charrette placée en travers et les chars de volant ; le centre recevra le P.C. du Colonel ; l'infirmerie, etc… Tout le monde s'organise, se restaure, et prend ses dispositions pour passer la meilleure nuit possible dans les chars, car, si la fatigue se fait sentir, on a malgré tout, l'impression d'être un peu en l'air dans ce petit village à peine conquis.

Vers une heure du matin, un ronronnement continu tire l'oreille d'une sentinelle du troisième peloton. Lointain, mais pas comme les autres et bientôt accompagné d'un et de deux et de plusieurs. Le silence total de la nuit nous permet de bien écouter, Il n'y a pas de doute ce ne sont pas des moteurs de chez nous,.. Mais le bruit paraît prendre une direction autre que la nôtre, et bientôt s'efface et disparaît peu à peu. Bah.., on verra bien demain, et tout le monde, sauf un homme de garde par char, de se replonger dans un sommeil réparateur.

Les chars du 3e peloton sont en quinconce dans la rue. Devant eux, un 57, à droite, près du transformateur, un autre à gauche, une section de zouaves occupe les lisières de cette partie du village.

Une première fusillade surgit dans la nuit tout d'un coup, vers 1h50... assez soutenue, nourrie. Puis, subitement, l'orage éclate, tonitruant et fantastique de tous les côtés, les obus arrivent en trombe, déchirant l'air à une vitesse impressionnante. Au-dessus de nous. les mitrailleuses de 20, emmêlent rageusement leurs traînées de feu, rasent les toits et leurs éclatements secs sont bientôt renforcés des magnifiques et flamboyantes explosions des panzerfausts qui tombent un peu partout, tirés d'on ne sait d'où... Deux secondes pour que tout le monde soit à son poste, mais, qu'y comprendre dans tout ce tintamarre, on n'y voit rien, et d'où cela vient-il ?

Soudain, une forme imprécise, mais, impressionnante surgit droit devant nous, tout près. Avant de se rendre compte de quoi que ce soit, cette ombre crache une flamme gigantesque.. Le 57 du transformateur reçoit de plein fouet un obus qui le met en morceaux. Pauvres servants ; qu'êtes-vous devenus ? La pièce à gauche tire à bout portant, mais son intervention attire une réplique brutale qui la met hors de combat. Un, deux, trois coups partent rapides, la maison de droite est en feu et dégage une fumée âcre et épaisse du même coup, l'half-track qui est juste au pied du mur est lui-même touchée en plein.., il vomit immédiatement une lourde fumée noire qui prend des aspects terrifiants sous les lueurs de l'incendie... Une forme, probablement le conducteur, en jaillit en torche, et, frénétiquement, se roule à terre dans d'horribles souffrances.

L'half-track de gauche subit le même sort. Et bientôt, la nuit devient dantesque. La fumée nous gêne terriblement un écran opaque s'est formé devait nous. De grosses volutes lourdes et denses passent lentement et nous empêchent de distinguer quoi que ce soit. Tout le monde tire au jugé il faut se garder de tous côtés car les fantassins boches se sont infiltrés et nous prodiguent les bazookas et les rafales d'armes automatiques. Des deux côtés, une gigantesque sarabande de mitraille et d'obus se déchaîne et le duel devient sauvage. La rue où nous sommes est maintenant prise d'enfilade. L'ANJOU n'évite de justesse un boulet qui fracasse le mur contre lequel il se trouve. Le MAROC et l'ILE-DE-FRANCE tirent tant qu'ils peuvent, le BÉARN est touché de plein fouet heureusement pour lui ce n'est qu'un explosif. Soudain, l'écran de fumée se déchire.

Un "frein de bouche" apparaît alors à 40 mètres, crachant fumant, sûr de lui. Puis soudain plus rien, une fumée noire et rouge l'entoure et le happe au même moment, le lieutenant de SAINT-TRIVIER qui, descendu de son char, est venu en personne se rendre compte de la situation, tombe au milieu de la rue, mortellement atteint.

L'ILE-DE-FRANCE se déplace alors et, prenant la rue d'enfilade, lâche droit devant lui, au ras du sol, deux perforants coup sur coup ; une immense flamme jaillît là-bas. Touché, victoire ! !

Ah, comme il flambe bien… Une avalanche d'obus et de balles déferle sur cette carcasse qui commence à exploser et soudain la fusée verte (signe du repli chez les boches), monte et illumine le sol. Nos zouaves se précipitent dans un magnifique élan, embrochent quelques fuyards, mais le gros s'est déjà sauvé. Un calme impressionnant succède à l'infernal tapage de tout à l'heure rien, on n'entend rien, si ce n'est les craquements des maisons qui brûlent et s'effondrent et la chanson des étincelles qui s'envolent. Les minutes passent toujours rien. Et nous attendrons ainsi jusqu'au lever du jour, les yeux brûlés de sommeil et les nerfs en pelote.

C'est alors seulement que nous réaliserons.., devant le triste spectacle, éclairé d'un jour sale et grisâtre de ces cadavres, de ces carcasses tordues par le feu, de ces deux canons détruits, écrasés par le gros fantôme qui est là, lui-même, encore fumant et lamentable.

Nous pouvons alors nous rendre compte qu'après avoir fait ses premiers dégâts, il s'est aventuré confiant ; et qu'un obus, probablement tiré par le MAROC lui a coupé une chenille c'est alors qu'il a voulu reculer et que, ce faisant, il a fort agréablement présenté le flanc aux perforants de l'ILE-DE­FRANCE.

Nous apprenons également que 77 blessés sont passés au poste de secours durant cette nuit où le médecin auxiliaire TEBOUL a été grièvement blessé. (aspirant LAVIGNE, BARTEL, FIEUJAN qui mourra quelques jours plus tard et combien d'autres). Les renseignements nous arrivent et nous apprenons avec un certain froid dans le dos que 10 de ces automoteurs avaient encerclé le village, et que profitant de leur soutien massif, l'un d'eux avait tenté de forcer le passage escorté d'une compagnie de fantassins abondamment dotés de panzerfaust et d'armes automatiques.

Mais l'ennemi a fui, le village a souffert mais il nous est resté. Et leurs monstres n'ont pas fait peur à nos braves petits gars. Et c'est avec une juste fierté qu'ils se souviennent de cette nuit de cauchemar, de cette nuit de victoire.

 


LA PRISE DE BERNWILLER

Le peloton GODARD, laissé en appui avec ses trois chars et un half-track des mortiers à ZILLISHEIM, où pendant 4 jours il essuya de violents tirs de minen et de mitrailleuses à balles explosives (maréchal des logis ADRIAN blessé) rejoint le reste de l'escadron le 27 novembre au matin.

Dans l'après-midi, l'escadron reçoit pour mission de délivrer BERNWILLER, Le peloton BERNARD partira par la droite et progressera par l'axe GALFINGUE - SPECHBACH-LE-HAUT - BERNWILLER. Le peloton GODARD et le peloton CHEVALLIER suivront l'itinéraire direct.

A l'heure H fixée, 13 heures, nous débouchons accompagnés des zouaves et sommes accueillis à la première crête par quelques rafales de 88 explosifs qui mettent à mal un certain nombre de nos fantassins. Des automoteurs nous attendent à l'objectif. La progression s'arrête et notre artillerie arrose copieusement le village.

L'ennemi n'ayant plus de réactions, nous débouchons de la crête prudemment et nous avançons vers le village mitraillant de tous nos tubes. Les maisons des lisières se mettent à flamber et nous pénétrons dans les premières rues du village à travers un épais rideau de fumée. A peine sommes nous là que de toutes parts derrière nous surgissent les habitants qui viennent nous acclamer alors que nous mitraillons encore systématiquement devant nous par crainte des panzerfaust.

A nous le bon vin d'Alsace, le schnaps et les baisers des charmantes alsaciennes. Par un hasard dû aux manœuvres effectuées pour aborder le village, l'ALSACE, avec l'aspirant CHEVALLIER se trouve en tête pour le nettoyage des rues et, autour de lui, c'est une foule en délire.

Le boche s'est dérobé et nous ne réussissons à faire que quelques prisonniers. Ce voyant, le commandant DEWATRE décide de se lancer à la poursuite des fuyards malgré la nuit qui est proche, et de gagner le prochain village BURNHAUPT-LE-BAS.

Il faut faire vite, les chars devront foncer seuls sur la route. En avant !

Ainsi s'élancent dans l'ordre l'ALSACE (CHEVALLlER), le MORBIHAN (MICHAUD), le GASCOGNE (REYNET), le MOSELLE (ROSSI), le SAVOIE (DARNEAU), le ROUSSILLON (lieutenant GODARD-SALETES), le TOURAINE (JAMET) et un T.D.

Un kilomètre se passe sans incidents puis on entend à la radio :"allô lieutenant GODARD de CHEVALLIER, il y a des coups qui tombent devant moi, cela doit être notre artillerie qui tire trop court, veuillez les prévenir".

"allô, CHEVALLIER, les tirs d'artillerie ne sont pas déclenchés, observez bien... - allo à tous de CHEVALLIER, ça y est vu ! on me tire de la gauche à 2 000 mètres, concentration de feux ". Effectivement, à une crête sur notre gauche s'allument des éclairs de départs et se dessinent dans la fumée qu'ils crachent, la silhouette massive des automoteurs… "allô de JAMET, on nous tire aussi du bas du clocher du petit village sur notre gauche". En effet, là aussi, à 600 mètres est embossé un automoteur. La colonne s'est immobilisée, toutes les tourelles sont à gauche et crachent tout leur feu. D'un seul coup, le MORBINAN touché explose. De toutes parts les obus pleuvent sur nous. Beaucoup de nos coups sont au but, mais on les voit ricocher dans une gerbe d'étincelles. De gigantesques flammes s'élèvent de l'ALSACE brusquement, il vient lui aussi d'être touché.

Dans les chars, c'est un enfer, les chargeurs enfournent les obus à toute vitesse, ruisselant de sueur ; les mitrailleuses sont rouges. Maintenant, c'est au tour du SAVOIE et du ROUSSILLON d'être pris à partie. En effet, ces deux chars là touchés, tout le reste de la colonne aura sa retraite coupée car le tout-terrain est détrempé et il n'est pas question de quitter la route. Il n'est plus question d'avancer, "Tirez vos fumigènes, embossez-vous aux lisières du village…" L'écran de fumée s'élève peu à peu devant nous, les automoteurs continuent à nous tirer au hasard. Sous le tir des explosifs, les chefs de chars à pied guident leur engin en marche arrière. La nuit tombe et nous apercevons au loin devant nous, les lueurs rougeoyantes des deux malheureux chars qui continuent à flamber et exploser.

Le calme revient, les rescapés nous rejoignent, hélas, ils ne sont que deux (GARCIA R. et IBANEZ) ils nous signalent qu'il y a un blessé par terre à côté de l'ALSACE. FERRER, IBANEZ et le chef JAMET y retournent en rampant : c'est MONSO qui est là dans le fossé, une jambe arrachée, désespéré, cherchant à se tuer avec son colt qui heureusement s'est enrayé.

D'un seul coup, nous venons de perdre l'aspirant CHEVALLIER, le maréchal des logis MICHAUD, CARRIERE, CHARLET, BARDOUILLE, MUNOZ. Mais ils seront vengés ! Dès le lendemain, nous fonçons de nouveau, matraquant les fuyards jusqu'à BURNHAUPT-LE-HAUT où, jonction faite avec la 5e D.B. on arrête notre progression.

 


L'ILE NAPOLEON

C'est le 21 novembre. La veille, le 2e escadron, parti de DELLE, s'est ouvert la route vers le RHIN après une demi-journée de combat où, la main dans la main avec les ZOUAVES, sans reprendre le souffle, trois villages ont été pris d'assaut et de nombreux prisonniers faits. Une étape de nuit tous feux allumés, souvenir inoubliable, avait porté tout le monde, exténué et joyeux, sur les bords du RHIN.

Il s'agissait maintenant de bondir sur MULHOUSE et particulièrement pour l'escadron d'en commencer l'encerclement.

Parti de SIERENTZ, le peloton SOUBIROUS fonce rapidement. Objectif cette mystérieuse ILE NAPOLEON, clef de la grande cité alsacienne, curieuse rosace de routes et de canaux, en lisière de la forêt de la HART pleine de menaces et d'inconnu, il fallait prendre intact ces quelques six ou sept ponts, pour cela gagner de vitesse l'allemand encore étourdi de surprise et terminer la manœuvre avant la nuit.

HABSHEIM est rapidement traversé par le tonnerre des Sherman marchant au maximum des moteurs.

"Une barricade suspecte devant à un kilomètre" signale la radio du maréchal des logis GOURLAND qui, sur le PARIS a aujourd'hui l'honneur d'être en tête. "En avant. Allez voir ; on vous appuie". Le peloton repart.

Dans chaque char, les tireurs s'écrasent le front contre leurs lunettes et fouillent le terrain. La batterie d'artillerie qui suit tout près, s'arrête en travers de la route, prête à déclencher un barrage sur ce village de RIXHEIM qui n'a pas l'air de vouloir se laisser aborder facilement.

L'aboiement sec d'un 75, l'écho de l'éclatement de l'obus ; le PARIS a tiré. Brusquement une grosse fumée noire monte dans une explosion, on voit l'équipage sauter à terre tandis que les artilleurs et les autres chars déclenchent sur le village un tir écrasant et rapide. Mais sous les balles allemandes qui partent des caves, l'équipage bondit à nouveau dans son char et son tir reprend. Allons, ce n'est pas grave mais il faut le dégager et surtout continuer en avant. Rapidement le reste du peloton SOUBIROUS contourne RIXHEIM par la droite "détruit les canons" d'une unité de D.C.A. qui tentait de se défendre et fonce sur son objectif sans s'occuper du reste. Le peloton HENRARD pousse en avant dans le village, tandis que les zouaves nettoient les vergers à gauche de la route. Les allemands encerclés se rendent au nombre de 80. Qu'était-il arrivé au PARIS ? Touché, à bout portant par un bazooka, blindage traversé, aveuglé par la flamme qui avait jailli dans la tourelle, l'équipage croyant le char en feu avait sauté dans le fossé.

Au bout de trente secondes, voyant que rien ne brûlait, sauf à 400 mètres en avant le camion essence que le premier obus du PARIS avait touché, tout le monde reprenait sa place et continuait le combat. La course éperdue recommence, MULHOUSE doit être coupée avant la nuit.

Lorsque le soir tombe, L'ILE NAPOLÉON forcée en quelques minutes, l'objectif largement dépassé, encombré de 400 prisonniers, l'escadron couche au nord de la grande ville empêchant toute fuite allemande vers l'est et enlevant tout espoir de renfort de ce côté.

Ce soir là l'équipage du PARIS a bien dormi.

 

 
CERNAY

Le 4e escadron était arrivé à THANN au prix de nombreuses difficultés les chars ayant dû traverser de vastes hauteurs boisées dans plus de 50 centimètres de neige, et descendre dans la plaine par un étroit chemin en lacets.

Vers 21 heures, le Capitaine avait rapporté du Grand P.C. l'ordre d'attaque pour le lendemain et donné ses instructions aux officiers, sans cacher que ce serait dur. Chacun était allé procéder aux derniers préparatifs et profiter des quelques heures de sommeil qui lui restaient encore.

30 Janvier 1945.
L'aube n'est pas encore levée que les pelotons s'ébranlent, traversant VIEUX-THANN en ruines. Empruntant la route de CERNAY, ils gagnent le P.C. de la Compagnie de Tirailleurs, avec laquelle ils doivent opérer. Déjà, quelques coups de feu partis des crêtes nord, martèlent nos blindages, une balle traverse la cuisse d'un des hommes du peloton de choc, montés sur les chars et deux autres viennent s'écraser, après ricochet, fort heureusement, sur le casque du Lieutenant HAENTJENS.

A 6 heures 30, la liaison est prise avec la compagnie les unités gagnent leur base de départ. Le peloton COQUART déboîte sur la droite avec une section, pour mener l'attaque le long de la THUR le peloton HAENTJENS avec une deuxième section débouchera sur l'axe, et le peloton COQUILLEAU, embossé plus en arrière, couvrira de ses feux leur progression.
Le jour commence à poindre et l'on peut apercevoir, tout au fond de l'immense tapis blanc les lisières de CERNAY
l'heure H ne va pas tarder...
Soudain, tout s'éveille, les moteurs vrombissent, les monstres rugissent et le feu répond au feu.., l'attaque est
déclenchée.
Malgré les traces de nos chenilles, les tirailleurs ont de la peine à suivre, la neige leur arrivant au-dessus des
genoux, et l'ennemi sournois qui les guette, les frappe, un par un, dans le dos.
Il fait - 25° transis de froid dans leur carcasse d'acier, leur regard rivé aux périscopes, les chasseurs surveillent
et mitraillent les points suspects.
Brusquement, la radio se fait entendre : "Allô, Nicolas, sommes en O.I., mais mon véhicule vient de sauter sur
une mine, envoyez-moi le CASTIGLIONE pour me remorquer".
"Compris".
D'ailleurs, les équipages peuvent voir, devant eux, le RIVOLI immobilisé près de la route, mais appuyant de ses feux le MARENGO qui a atteint les premières maisons de CERNAY.
On se croirait plongé dans un mauvais rêve tant le drame est affreux, de la masse grouillante d'amis, qui, tout à
l'heure, marchait dans le sillage des chars, on ne voit plus que quelques taches brunes maculant çà et là l'immense tapis blanc : formes à peine distinctes, enfouies dans la neige, ou moribonds rampant vers l'abri le plus proche.
Remontant le peloton, le CASTIGLIONE passe... De l'AUSTERLITZ, le Lieutenant crie à l'Aspirant de "FAIRE VITE", puis après avoir jeté un coup d'œil sur la gauche, déclenche une bourrade dans le dos de son tireur.
"Attention, regarde... tiens, là, sur la crête, près du pylône... tu ne vois pas les Fritz ? ces c… là ont leur capuchon blanc."
"Vu, mon Lieutenant, BENES, prépare un explosif" répond le père BIRAT.
Et le canon mène la danse.
Pourtant la radio couvre le vacarme.
"Allo, URSULE, de RAOUL, éléments de tête près de la fabrique je n'ai presque plus de fantassins et les fusils sont gelés. "
Dehors, les minen pleuvent, de partout et les éclatements entourent nos chars de petites cuvettes noires.
Sur nos arrières, les tubes du peloton COQUILLEAU crachent sans arrêt sur les hauteurs nord.
Dans cet enfer de feu, il se joue pourtant une partie serrée le remorquage du RIVOLI. A peine le CASTIGLIONE est-il arrivé près de lui, que l'aide-conducteur CAGNARD, d'un bond, saute à terre ; puis, très calmement, sans s'occuper des six cadavres amis couchés le long des galets, il décroche son câble et l'arrime.
Quelques Fritz, attirés par ce bel appât, se glissent, en rampant vers les chars pour les détruire, mais l'œil vigilant
du chef LAROCHE aperçoit le danger et, une seconde après, un violent coup de canon projette en l'air quelques membres humains, tandis que deux boches, devenus à demi-fous, viennent se rendre en hurlant. Puis, tels deux frères, dont le plus âgé, blessé à la jambe, s'appuierait sur l'épaule du plus jeune, le CASTIGLIONE emmène le RIVOLI.
Maintenant, il ne reste plus que deux équipages dans le peloton, deux équipages qui fouillent la plaine et ne
peuvent détacher leurs regards des malheureux blessés qui disputent au froid un souffle de vie. MARENGO et AUSTERLITZ crachent de temps en temps sur ce maudit fossé anti-chars où des ombres semblent bouger.
Faute de renfort, on ne peut plus avancer et les deux pelotons stoppés à la même hauteur s'appellent l'un
l'autre pour tuer le temps. "Allô, Raoul, rien de neuf ?... "
"Non, je n'ai plus de fantassins, le PRAGUE vient de se faire bazooker, heureusement dans le barbotin,
et on attend sur place."
"Ici, même topo, terminé."
On attend, mais quoi ? Ah, faire quelque chose, si seulement on pouvait balayer ces hauteurs et en chasser les salopards qui l'occupent.
C'est la mission qui, dans l'après-midi, est confiée au lieutenant HAENTJENS, mais, ni l'AUSTERLITZ ni le CASTIGLIONE ne peuvent atteindre la cote 425, Les chenilles refusant de mordre dans la neige.
Et les heures passent, tout semble fini.., seul, le crépitement de quelques incendies trouble encore le
silence de mort qui plane maintenant tout autour des chars.
La nuit descend, enfin...
Soudain, poussés dans un élan irrésistible, quelques chasseurs sautent à terre, ils courent disputer à cette plaine qu'ils maudissent les camarades qu'elle leur voulait ravir puis, lentement, avec une délicatesse extrême, ils ramènent les blessés et les étendent à l'arrière des chars sur les bâches.
Ecœurés par la tragédie qui s'est jouée tout le jour sous leurs regards impuissants, on eut dit que les
équipages s'étaient donné le mot "Non, ils ne les auront pas".
Deux pelotons s'enfoncent maintenant dans la nuit. Ils ramènent chacun une vingtaine de blessés, roulant
très lentement, pour ne pas secouer leur précieux fardeau dont l'un d'eux, Capitaine Médecin du Bataillon, repose de son dernier sommeil sur le char AUSTERLITZ

 

AU FAUBOURG DE BELFORT, A CERNAY

L'annonce de la grande offensive générale du 20 janvier nous surprend à HECKEN (6 kilomètres au nord de DANNEMARIE) petit village d'Alsace semblable à tant d'autres ; où, depuis le début de décembre, nous vivons dans l'inaction et l'inconfort.
Enfin, on va pouvoir se détendre de cet engourdissement dans lequel nous plongent le froid et l'inaction
des longues veillées.
Nous voici maintenant à TRAUBACH, un peu plus loin de la ligne d'attaque. Que va-t-on faire de nous ?
La neige tombe à gros flocons, le froid devient plus vif cela promet de l'amusement mais cette fois-ci, il faut en finir ; les "Fritz" nous paieront bien de ces souffrances que nous fait endurer le froid.
Enfin, en pleine nuit, l'ordre arrive et à 4 heures du matin l'escadron démarre. La route est couverte de
verglas, les chars chassent de tous côtés ; la neige a recouvert les fossés et, par endroits, lorsqu'on n'a plus le secours des arbres pour trouver la trace de la route, on voit un char qui s'échoue dans le fossé. Le thermomètre est à -15° les équipages sont transis. Black-out complet ; chefs de chars et conducteurs scrutent la route pour en suivre le tracé, le visage couvert de givre.
Le point de destination est la ferme LUTZELHOF, objectif conquis de la veille. Ferme fantôme qui a subi
avec fruit, au cours de l'hiver, plusieurs de nos matraques ce ne sont que pans de murs et débris calcinés.
Les honneurs nous sont aussitôt rendus par une brève matraque de "88" explosifs. Nous voilà dans le bain.
Sont déjà installés dans la ferme le P.C. du chef de bataillon du 6e Marocain, avec qui nous allons travailler et une compagnie muletière. Chacun profite du moindre pan de mur pour s'abriter et de la neige qui cingle, et des 88 qui arrivent de temps en temps par rafales.
Le chef de bataillon a installé son P.C. dans l'unique cave qui demeure intacte sous un bâtiment d'habitation
déjà bien amoché, réduit humide et sombre où l'on heurte du pied des tirailleurs affalés et transis autour des braseros de fortune dont l'âcre fumée prend à la gorge et fait pleurer les yeux. Il faut se cramponner aux murs car la neige que les visiteurs ont amenée sous leurs pieds, forme, malgré ces quelques braseros, une couche verglacée et bosselée sur laquelle on ne peut se tenir. Le Commandant est là, dans une pièce à part, assis devant la seule table qui a pu être sauvée de cet enfer ; ses adjoints dorment encore, roulés dans leurs couvertures sur cette paille humide et glacée.
Nous sommes en mission défensive et devrons poster nos chars à proximité des positions de ses tirailleurs
dont la ligne forme un arc de cercle d'un km environ en avant de la ferme. Nous avons également à notre disposition un peloton de T.D. (lieutenant de BOUILLAS) et l'escadron lui-même, qui ne compte que 10 chars :
peloton BERNARD : 5 chars ; peloton SALETES : 4 chars, le LORRAINE. Le Capitaine étant en mission à
PARIS, c'est le lieutenant GODARD qui commande l'escadron.
Avant le lever du jour, les chars devront être placés.
La moitié du peloton T.D. et un peloton de chars tiendront les positions pendant que le reste sera maintenu en réserve à la ferme. Aux reconnaissances d'itinéraires et de positions, le terrain apparaît comme abondamment miné et, après avoir écrasé plusieurs "shuemines", un T.D. saute sur une mine anti-char.
Des lisières où sont postés les chars, on aperçoit CERNAY et le faubourg de BELFORT dont nous ne
sommes alors séparés que par un glacis de cinq cents mètres occupé par un fossé anti-char. Parfois, quelques minen et l'on voit passer au-dessus de nos têtes les fameuses rafales de 88 destinées à la ferme.
Le boche ne se montre pas ; rares sont les objectifs signalés par les tirailleurs, nous les matraquons et recevons quelques ripostes. S'avançant vers une maison abandonnée d'où semblent partir les coups, le chef DARNEAU fait 5 prisonniers qui servaient une mitrailleuse. Et, pour les uns comme pour les autres, les journées se passent à grelotter dans le char d'où il ne faut pas sortir à cause des mines, des obus,
de la neige qui monte jusqu'aux genoux et, parce que même à la ferme il n'y a pas d'autres abris.
La nuit venue, ceux qui ont passé la journée en position vont coucher à ASPACH-LE-BAS dans une cave à
paille humide où l'on peut toutefois s'allonger complètement et se rouler dans ses couvertures autour d'un brasero fumant. Détente fort appréciée. Aucune maison du village n'a été épargnée et chacun se loge comme il peut, cherchant le meilleur abri contre le froid et les obus qui, jour et nuit, ne cessent de nous harceler.
Là, est installé l'échelon dont on retrouve les hommes le soir, en rangs d'oignons sous le mufle des vaches, dans
une étable basse à l'atmosphère lourde et puante mais tiède.
Ceux qui ont passé la journée à la ferme y passent la nuit et couchent dans les chars. Quelle n'est pas leur
surprise un matin, au réveil (pour ceux qui ont réussi à dormir) de se sentir prisonniers de leur carapace.
Les portes résistent, enfin, après un violent effort on réussit à les ouvrir c'était le poids de la neige tombée durant  la nuit qui résistait. Spectacle unique la neige a entièrement recouvert les chars supprimant tout relief, plus de tourelle, plus de carcasse, une seule énorme boule de neige dont sort le canon, coiffé, lui aussi, de blanc. Ceux qui arrivent d'ASPACH-le-BAS pestent contre cette saleté de neige qui a effacé toute trace de chemin et les a envoyés plusieurs fois dans les fossés verglacés d'où les chars patinant, ne veulent plus sortir. Les chefs de char, malgré le froid, sont couverts de sueur pour avoir couru devant leur véhicule en pataugeant dans la neige qui leur arrive jusqu'à mi-cuisse.

Le 29 dans la matinée, nous recevons comme mission à la suite de la prise d'une partie du faubourg de BELFORT par les MAROCAINS de nous rendre avec un peloton à cet endroit pour appuyer l'action d'un autre bataillon qui devra libérer la partie résistante. Le peloton SALETES se dirige donc au lieu de rendez-vous par un itinéraire prétendu déminé mais qui, en fait, ne l'est pas et le char de tête ROUSSILLON, après avoir fait sauter plusieurs "shuemines" saute sur une mine anti-char en plein terrain découvert. Les "88" et les minen entrent aussitôt en action mais le char et son équipage sont remorqués hors de leur portée sans être touchés.
Entre temps, un contre-ordre est arrivé. L'attaque est remise au lendemain. Dans la nuit, le ROUSSILLON
est dépanné sous les feux ennemis et par une température de –25°. Le génie n'arrivant pas à déminer par suite de la dureté du sol et de la proximité de l'ennemi qui le prend sous ses feux, arrose notre lieu de passage sur le champ de mines et la couche de verglas qui se forme pardessus les mines est si dure que, le lendemain matin, au petit jour, tous les chars de l'escadron passent dessus sans être inquiétés.
Nous prenons alors position aux lisières du faubourg de BELFORT pour battre les abords de CERNAY qui se
trouvent à 100 mètres de nous de l'autre côté de la THUR.
L'attaque est déclenchée à sept heures alors qu'il fait nuit encore ; nos objectifs, les usines, qui nous ont été
désignés sur des photos aériennes nous apparaissent estompés et en partie cachés par des buissons. Les chars s'avancent sous un enfer d'artillerie, les obus pleuvent de toutes parts, des snipers tirent les chefs de char qui hasardent leur tête hors de la tourelle. Nous mettons le feu aux usines. Les chars ne peuvent rester en place ; ils sont tirés aussitôt. Les fantassins parviennent à leur objectif, mais derrière les murs de l'usine, une mêlée se poursuit, un piège leur était tendu, en dehors de l'atteinte de nos coups ; peu en reviendront.
Le chef de bataillon demande que les chars se rapprochent d'avantage des objectifs et même franchissent la
THUR. La THUR et ses rives sont pourtant signalées minées. Les berges sont d'un accès impossible, mais qu'importe ? En avant les chars ; Quatre du peloton SALETES partent ; le premier, FRANCHE-­COMTÉ s'enlise en voulant franchir le dernier bras de la THUR qui, à cet endroit, est faite d'une multitude d'arroyaux ; son chef de char (chef HERMANN) blessé à la cuisse en allant prendre liaison avec son voisin car sa radio est en panne.
Le feu de l'ennemi interdit toute évacuation de blessés et on retrouvera plus tard son corps dans la THUR où il est
probablement mort de froid.
Les chars restent devant ce dernier obstacle sous de violents tirs de mine et d'artillerie. Les boches sont là, à
50 mètres. On les aperçoit dans leurs trous, ou bien courant d'une maison à l'autre; nous matraquons dans la mesure du possible, car un rideau d'arbres fait exploser nos obus pour la majorité des objectifs. Une mitrailleuse là-bas, au pied d'un arbre ; deux explosifs dans les branches, elle se tait. Des têtes apparaissent derrière les trous d'obus que nous avons fait dans le mur d'un hangar ; explosifs, fusée à retard. Plus personne ne se montre.
Mais le Commandant de compagnie juge ses effectifs insuffisants, l'attaque ne peut être remontée. La nuit
commence à tomber, les obus pleuvent toujours, I'ordre nous est donné de rentrer. Le FRANCHE-COMTÉ, enlisé ce matin, a réussi à sortir de la THUR ; un peu plus loin, en rentrant dans un autre bras de la THUR, de nouveau il s'enlise et déchenille encore. Il est décidé de laisser là sa chenille et de le remorquer jusqu'à la route. Le char remorqueur ANJOU détériore ses embrayages mais n'arrive pas à le sortir et il aura de la peine, le soir, à rentrer lui-même.
A onze heures du matin nous recevons l'ordre d'aller nous remettre à la disposition du commandant
ARFOUILLOUX dont le P.C. est à PFASTATT (faubourg nord de MULHOUSE). Traversée de MULHOUSE où tout le monde circule paisiblement et nous fait des signes d'amitié. Les ordres nous sont donnés le soir.

 

LE TROISIEME ESCADRON A SCHOENENSTEINBACH

Ceux qui ont pris part à cette opération ne sont pas près de l'oublier et en évoquent les souvenirs avec une certaine émotion.
L'escadron comprend à ce moment là 8 chars ; le LORRAINE, peloton BERNARD 3 chars ; peloton SALETES
4 chars. Notre mission est de faire sauter la croûte qui se trouve au niveau du hameau SCHOENENSTEINBACH de façon à livrer la route de PULVERSHEIM et ENSISHEIM au 2e escadron dont la mission sera alors d'exploiter sur cet axe.
Nous avons, pour ce faire, avec nous, une section de T.D. et l'appui d'un peloton de Sherman du 2e Cuir.
L'opération est montée sur une photo aérienne avec une grande confiance, vu que les renseignements sont favorables ; il n'y aurait, dans ce secteur qu'un seul anti-char de 75 et certains prétendent même qu'il serait parti.
A 5 heures du matin, le terrain étant complètement découvert et plat, le peloton BERNARD part tout doucement
prendre sa position le plus près possible de son objectif. L'obscurité est complète et il gagne sans encombre sa base de départ qui est derrière un mur qui forme l'enceinte d'un château. Son objectif la corne d'un petit bois appelé le JUNGHOLTZ est là, tout près ; un petit glacis de 200 mètres seulement l'en sépare.
Une reconnaissance à pied ne révèle rien si ce n'est quelques mines. L'ennemi semble avoir abandonné cette
importante position. Le Commandant déclare aux chefs de chars présents : "Ce sera du billard".
A 7 heures, les trois chars font le classique débouché en ligne, suivis dans leurs traces, à cause des
nombreuses "shuemines" (qui explosent sous les chenilles) d'une section d'infanterie.
La direction dangereuse nous est signalée comme étant sur notre gauche. En fait, c'est de la droite que nous
recevons le premier coup qui atteint le MORBIHAN à la tourelle. Il s'arrête pile, une grande gerbe d'étincelles en jaillit, il ne répond plus à la radio mais ne prend pas feu. Les deux autres chars, par un rapide mouvement vers la gauche au cours duquel, d'ailleurs, ils voient passer au-dessus d'eux quelques boules rouges, sans pouvoir en déceler la provenance, réussissent à gagner l'abri d'un petit boqueteau. La neige qui recouvre encore tout, ne permet pas de distinguer les accidents de terrain, et par suite du brusque dégel, le MAROC s'enfonce dans un bourbier jusqu'à la tourelle. Il se trouve alors dans une position telle qu'il ne peut ni tirer ni observer.
Quelques instants plus tard, on voit avec joie le MORBIHAN qui s'ébranle et vient se placer derrière le MAROC.
Pas de blessés, ses moteurs sont indemnes. Sa tourelle est endommagée, il ne peut plus tirer. Il essaie de remorquer le MAROC hors de son bourbier, mais cette manœuvre occasionne une rupture de ses embrayages.
Il ne restera plus aux équipages qu'à assurer la protection des deux carcasses sous le tir ininterrompu de
l'artillerie en attendant le dépannage lourd.
Le 3e et dernier char, le TOURAINE réussit à gagner les lisières du bois d'où il pourra plus facilement atteindre
son objectif. Pendant ce temps, notre artillerie se déchaîne sur la partie du bois d'où semblaient venir les coups.
Le TOURAINE parvient à sa corne de bois après avoir détruit au passage une mitrailleuse qui arrêtait l'infanterie
et franchit la voie ferrée "au nez et à la barbe" d'un automoteur qui, à 60 mètres de là, la prenait on enfilade.
Pendant ce temps, le génie, pris sous un violent tir d'artillerie, démine la route qui devra livrer le passage au
peloton SALETES.
Sur un espace de quelques mètres, plus de 50 mines anti-char et plus de 150 shuemines sont retirées au prix
d'une quinzaine de morts et d'une multitude de jambes arrachées et de ventres étripés.
Un automoteur ennemi se révèle à une lisière sur la droite, un des chars de soutien du 2e Cuir le tire mais se
fait mettre en flammes par un autre char que personne n'avait vu et qui se dérobe aussitôt.
Il est 10 heures du matin.
Protégé par un violent tir d'artillerie à base de fumigènes sur toutes les lisières, le peloton SALETES part de sa base de départ, la cité FERNAND. Il doit traverser d'abord le glacis qui le sépare du château. Prévenus du danger, les chars s'élancent en colonne par un sur la route à vive allure. Peu avant d'arriver à la hauteur du château ils se font tirer à plusieurs reprises par le même automoteur qui a déjà touché le MORBIHAN. Notre vitesse nous sauve ; chaque char est frôlé par les boules rouges mais aucun n'est touché. Impossible de repérer cet apprenti tireur de malheur. Et les chars s'enfoncent dans le bois escortés par les zouaves de la compagnie FAUGERES en direction de SCHOENEN­STEINBACH.
La marche est difficile pour tous. Les shuemines explosent sous les chenilles dont les fantassins suivent le tracé,
les arbres ploient devant les chars qui avancent prudemment ; le sol est détrempé par le dégel et l'enlisement nous guette. Le boche nous a aperçu et, de tous côtés, dans les branches, pètent les explosifs. Enfin, nous voici parvenus près de la lisière en vue de l'objectif. Le calme se fait, rien ne bouge dans le village qui n'est plus qu'à 150 mètres de nous. Les fantassins se déploient le long de la lisière. Les chefs de chars viennent à pied reconnaître le franchissement du petit ruisseau qui les sépare de cette lisière où ils prendront position pour appuyer l'assaut des fantassins. Le ruisseau franchi péniblement et les chars placés, les fantassins s'élancent sur le glacis boueux qui nous sépare encore de l'objectif. Les 4 tubes, les 8 mitrailleuses crachent tout leur feu, quelques maisons commencent à fumer ; encore 50 mètres et les zouaves seront parvenus à leur objectif et nous pourrons nous élancer à notre tour.
Mais, tout d'un coup, de droite et de gauche, arrivent sur eux un déluge d'explosifs ; les chars sont également
tirés, le PROVENCE et le GASCOGNE ont chacun une chenille coupée. Un tué, deux blessés graves. De nouveau, le SAVOIE et le ROUSSILLON voient les infernales boules rouges les frôler. Les fantassins se sont tapis, les voilà tirés à la mitrailleuse. Le lieutenant BORIN, le chef de section est tué net d'une balle en plein front et les zouaves qui sont là allongés et pour la plupart blessés à côté de lui, nous désignent du doigt la fenêtre d'où semblent partir les coups. Deux explosifs bien ajustés ; plus rien de ce côté. L'artillerie déverse sur notre tête un déluge de minen, 88, gros calibres et terrifiants mortiers à six tubes.
Les équipages des chars touchés ont mis leur mitrailleuse à terre et s'occupent à réparer le PROVENCE qui, seul
est réparable sur place. Le GASCOGNE est de nouveau pris à partie aux perforants et, touché à la tourelle, le voici en flammes. Impossible dans cet enfer de repérer le point de départ de tous ces coups. Notre artillerie se déchaîne sur le village et les deux derniers chars matraquent avec rage. Probablement gênés par ces tirs, un automoteur de 75 se révèle passant juste devant nous d'une maison à une autre derrière laquelle il va s'abriter. Vite, des perforants... autant de coups, autant de ricochets. La riposte nous vient presque aussitôt de la droite, nous obligeant à nous replier de quelques mètres dans le bois.
De toutes parts tombent encore plus drus, dans un beuglement sinistre, suivi d'un épouvantable fracas, les
mortiers à six tubes. Les fantassins se font décimer petit à petit et ceux qui sont encore valides nous désignent en criant dans les moments de silence, des objectifs que nous matraquons. Dès que nous tirons, profitant de la flamme de nos tubes pour régler leur tir ; les automoteurs nous tirent à leur tour au perforant. Et les infernales boules rouges passent encore sans nous toucher : Tout mouvement vers l'objectif nous est interdit ; devant nous, dans le glacis boueux nos chars s'enliseraient ; sur la gauche, derrière un rideau d'arbres qui pourrait seul permettre notre mouvement vers le village, les fantassins ont aperçu un automoteur. Sur la droite c'est le glacis immense d'où sont partis la plupart des coups qui nous ont touchés. Le PROVENCE sur le point d'être remis en état est, à nouveau, pris à partie et touché à la tou­relIe, il flambe. Quelques instants plus tard, le GASCOGNE qui a pourtant déjà brûlé, est une fois de plus pris à partie et très endommagé. Les tirs d'artillerie amis, sur le village ennemi, sur nous, mettent tout en feu autour de nous ; de partout s'élèvent de la fumée et des flammes et, dans cet enfer, impossible de voir d'où nous viennent tous ces coups. Le TOURAINE voulant découvrir ceux qui nous tirent s'avance vers la lisière et s'enlise.
Des obus de très gros calibre (au moins du 210) se mettent à tomber, les blessés affluent au Poste de secours,
installé dans le château. Ils ne sont pas au bout de leurs peines car voilà un de ces monstres qui pulvérise la pièce où est le poste de secours. Le toubib n'est pas touché, c'est encore heureux ; il s'installe en pestant dans une pièce voisine.
Là-bas en avant, les deux derniers chars se font de nouveau tirer aux perforants qui semblent cette fois arriver
en rafales et ils doivent, toujours aveuglés et impuissants, se camoufler davantage. Le SAVOIE s'enlise dans le ruisseau, l'eau inonde ses moteurs ; il faut, lui aussi, l'abandonner.
La nuit va tomber, l'artillerie ne cesse de nous harceler les arbres sont déchiquetés ; un bruit de moteur ennemi
en arrière de nous, sur la gauche... Serions-nous contournés ? Seul reste le ROUSSILLON, la situation devient critique car nous voilà à la merci (et presque sans défense) d'une contre-attaque ennemie.
Heureusement, rien ne se passe.
Notre artillerie s'en donne à cœur joie sur le malheureux village qui n'est plus qu'un amas de décombres, rougeoyant dans la nuit tombante.
Le ROUSSILLON devenant inutile dans l'obscurité, reçoit l'ordre de regagner le château. Il rentre péniblement à
travers bois. Les défenseurs du château, devinant ce bruit de moteurs au milieu du vacarme de l'artillerie, se croient contournés et prennent leurs dispositions pour détruire à bout portant ce sale "boche" un peu trop culotté. Heureusement, le chef de char, précédant son char à pied, est reconnu à temps.
Le dispositif de sécurité est assuré pour la nuit par les fantassins de la 9e D.I.C. qui viennent d'arriver.
Les derniers membres de l'escadron se réfugient dans une cavé du château où ils s'entassent pêle-mêle sur les tas de charbon et s'endorment d'un sommeil de plomb, malgré les 88 et les 210 qui continuent à tomber.
Dehors, il s'est mis à pleuvoir, le sol n'est qu'un cloaque.
Du château, il ne reste guère que notre soute et une cave où s'entassent les P.C. des différents Commandants et les propriétaires. Le lendemain, l'attaque entreprise avec appui d'aviation et large débordement ; le sol est devenu absolument impraticable aux chars. Dans la soirée l'ennemi est contraint d'abandonner la position, non sans continuer à nous pilonner de son artillerie. Mais de toutes parts nous fonçons et, bientôt, le boche fuit en débandade.
Quelques jours plus tard, avec nos chars enlisés récupérés, nous reprenons cette même route vers
PULVERSHEIM et saluons au passage les cadavres de nos deux chars arrêtés à la lisière du bois devant ce qui fut SCHOENENSTEINBACH.

SAINTE-CROIX-EN-PLAINE

Deux de leurs meilleurs camarades venaient de tomber, frappés mortellement, tout à côté d'eux, par des minen.
Embossés derrière le barrage qui bouchait le carrefour de MEYENNEIM, ceux du CASTIGLIONE , la rage au cœur, n'avaient même plus l'occasion de tirer, les boches accourant de tous côtés pour se rendre. Ils étaient au moins 400, les mains en l'air.
Debout, au milieu du déluge d'acier et de feu, SARAOUI, un du peloton de choc, a l'intrépidité légendaire, faisait
des cartons à la carabine.
Mais la progression continue, l'ordre de départ arrive bientôt. SAINTE-CROIX-EN-PLAINE, village situé à une
dizaine de kilomètres au nord, voilà l'objectif. C'est là que les nôtres doivent faire leur jonction avec les américains qui, venant de COLMAR, foncent vers le sud.
Une petite colonne se forme aussitôt trois A.M. et deux half-tracks, chargés de zouaves, le CASTIGLIONE et le
RIVOLI derrière, prêts à ouvrir le feu sur toute résistance ennemie.
Viennent ensuite les chars du lieutenant COQUARD, du chef HENGY et du maréchal des Logis ARNOLD :
PHILLIPSBOURG, FRIBOURG et PRAGUE.
A la radio, RAOUL (indicatif du lieutenant COQUART) ordonne : "En Avant, En Avant" retransmet CELESTIN.
Cette voix, celle du chef LAROCHE, chef du RIVOLI résonne encore dans les écouteurs quand la colonne s'est ébranlée.
Mais que font-ils donc en avant ?
Sur la route, A.M. et half-tracks se traînent... CASTIGLIONE, en avant, doublez et foncez.
GEGENE en 5e, accélérateur au plancher, répond dans l'interphone le maréchal des logis WEISS.
Le groupe de chars fonce vers l'inconnu dépassant ces camarades trop lents.
Au travers des périscopes, les équipages voient devant eux un immense ruban gris qui s'étire sans fin, tout droit, sur 5 kilomètres de long, vers SAINTE-CROIX­-EN-PLAINE.
De grands arbres squelettiques jalonnent la route, de chaque côté d'immenses champs dénudés et boueux, hérissés de tas de fumier ne se terminant qu'à l'horizon, de multiples traces partant des villages voisins et se dirigeant sur notre axe marquent la fuite éperdue des colonnes ennemies. Des cadavres jonchent le sol et, sur les bas-côtés, des voitures incendiées indiquent que nos obus ont fait bonne besogne.
Dans la tourelle, René, le chargeur, s'affaire à régler sa mitrailleuse qui ne marche pas à son gré. L'œil tissé à sa
lunette, la main sur la commande électrique de tourelle, Jeannot le tireur, scrute le terrain. Jumelle aux yeux, le chef du CASTIGLIONE observe.
Et tout à coup, ce paysage sinistre et lugubre s'agite. Sur la droite, telle une volée de moineaux, une
quarantaine de boches s'éparpillent dans toutes les directions.
Mais la garde était bonne et ils n'ont pas sitôt bougé que les mitrailleuses crépitent et le canon aboie. Les
balles rattrapent les boches, les obus les hachent et, en quelques instants, plus un n'est en état de se relever.
On dirait que ces premières rafales ont réveillé la plaine endormie. Les tas de fumier s'animent, s'agitent. Les b
as-côtés remuent, il semble qu'on ait soudain ouvert une fourmilière.
Calmement, comme à l'exercice, Jeannot fait des cartons tandis que Henri l'aide-conducteur rivalise de
précision avec lui.
Et pourtant le char roule, moteur emballé. Jamais il n'a roulé si vite.
La mitrailleuse de tourelle s'enraye aussitôt elle est remplacée par celle de capot et réparée en vitesse.
Le tir continue, rapide, haché.
Les boîtes de bandes de mitrailleuses se vident aussitôt placées. Ecoutez bien, ils brûleront plus de 6 000 cartouches.
Du haut du tourelleau, WEISS a des cibles de choix.
A bout portant, à la mitraillette, il règle un compte avec une bande de boches sournoise et malfaisante, snipers, armés de panzerfaust qui s'échelonnent dans les trous, le long de la route.
Et le groupe de chars roule, roule toujours.
Le ruban gris est interminable.
Sur la droite, au loin encore, quelque chose de suspect, le char de tête ralentit. Un coup de jumelle ce n'est qu'une maison qui brûle.
En avant, fonce, fonce ordonne WEISS et Gégène écrase l'accélérateur...
Brusquement un même étau étreint les cœurs. Tous au même instant ont vu, à 1 200 mètres, un point noir mais ce point noir a une allure sinistre. Instinctivement chacun se tourne vers le chef de char, attend de lui une décision ; Très calmement, après un rapide coup de jumelle, l'ordre est lancé, impératif "Fonce, fonce".
Malgré lui, Gégène a de la peine a appuyer sur l'accélérateur, Henri est suspendu à son périscope, Jeannot,
l'œil toujours rivé à sa lunette sent de grosses gouttes de sueur perler à son front. René a rapidement chargé un 75 perforant et observe de tous ses yeux.
La présence du RIVOLI derrière eux les rassure cependant un peu. Le point noir grossit démesurément dans
les appareils de visée. A chaque instant, nos gars s'attendent à voir jaillir la longue flamme sournoise d'un 88.
Et le char fonce, à tombeau ouvert.
Tout à coup, à 500 mètres, un cri jaillit de la caisse. C'est Henri qui, libéré brusquement d'un poids énorme exulte sa joie.
"Ce n'est qu'une voiture brûlée".
"Fonce, fonce" ordonne WEISS et le char fonce.
Le ruban gris finit par tourner et à 300 mètres de là, les premières maisons de SAINTE-CROIX-EN-PLAINE apparaissent soudain.
Au milieu de la route, un alsacien fait, avec deux drapeaux français, de grands signes pour leur indiquer qu'ils
peuvent rentrer dans le village.
Le CASTIGLIONE qui avait ralenti, repart à belle allure et va aussitôt s'embosser au carrefour principal.
Quelques secondes après, le RIVOLI était là au milieu d'une foule délirante.
SAINTE-CROIX-EN-PLAINE était libérée.
Tandis que les bouchons de bouteilles sautent et que les verres se vident, René, pour se détendre, joue de l'harmonica.
Il y a à peine une demi-heure, deux TIGER occupaient encore le village.

LA COURSE VERS CHALAMPE

Le 8 février à 6 heures, le régiment part de HIRTZFELDEN pour fermer la dernière poche allemande en terre alsacienne et atteindre le RHIN au pont de CHALAMPE. Le 2e escadron doit rejoindre à ROGGENHOUSE une compagnie du 4e R.T.M. Vers 7h30, les chars du lieutenant SOUBIROUS atteignent les lisières ouest de la forêt de la HARDT qu'il faut traverser pour atteindre BLODELSHEIM, petit village le long du RHIN qui marquera le premier bond.
Dès l'entrée de la forêt, la route et les abords sont minés, heureusement hâtivement et les mines mal camouflées
sont facilement repérables. Le temps manque pour attendre les démineurs ou pour commencer le travail soi-même et pendant 6 kilomètres, les Sherman s'infiltrent avec la souplesse du serpent à travers les mines, les pièges et les abattis. BLODELSHEIM est atteint sans autres incidents que les appels de la radio de l'adjudant ROUSSEAU qui veut absolument prendre en remorque de son char une magnifique Simca 8 abandonnée intacte sur le bord de la route, L'heure n'étant pas à la récupération, on passe outre : En attendant que l'infanterie rejoigne, les chars sont violemment pris à partie par les batteries d'au-delà du RHIN, 3 hommes sont grièvement blessés dont le chef BECADE du peloton de choc et Gilles du peloton FALGAYRAC. L'escadron déployé repart à travers champs vers CHALAMPE. Les allemands semblent s'être repliés ; les chars prudemment n'en prennent pas moins un dispositif déployé, prêts à ouvrir le feu. Subitement le char de tête MARSEILLE du maréchal des logis GUIOL est environné des sillages lumineux bien connus des obus traceurs allemands, sautant brusquement vers le ciel après avoir ricoché contre le blindage ou sur le sol les autres aussi sont pris à partie. Immédiatement une pluie d'obus fumigènes tend un écran protecteur devant les lisières des maisons d'où semblent partir les coups. Le MARSEILLE s'est arrêté, il a reçu 5 obus anti-chars de 75 dont un est encore enfoncé dans le masque du canon qu'il a bloqué.
L'équipage l'évacue et rampe vers l'arrière ; le conducteur CARBONNEL s'apercevant que le moteur tourne
encore, remonte à bord et essaie de ramener le char en marche arrière ; il fait quelques mètres puis le moteur s'arrête définitivement. Il n'y a plus rien à faire pour le moment, la fumée protectrice dégagera les lisières dangereuses dans quelques minutes, l'équipage indemne rejoint à pied.
On s'est heurté à un fort bouchon de chars et d'anti-chars allemands qu'il faut manœuvrer largement. Une
heure après, un panzer se profile sur la crête et manque de peu le LOURDES qui se promène à la lisière. Le lieutenant SOUBIROUS impuissant à cette distance contre cet adversaire, rentre précipitamment dans le bois.
Le MARSEILLE, victime facile et inoffensive reçoit un 88 qui perce sa tourelle de part en part.
L'escadron à pied du 9e R.C.A. appuyé par le peloton FALGAYRAC, prend à son compte une manœuvre par les bois qui lui permet d'attaquer les maisons suspectes par le flanc. La nuit arrête l'opération qui est reprise au lever du jour. Une avance rapide amène les chars du 1er peloton aux lisières de CHALAMPE que le lieutenant FALGAYRAC atteint vers 10 heures, terminant ainsi la campagne d'ALSACE.

 

 

ORDRE DE BATAILLE

 

ETAT MAJOR MF 42210
 

RENNES

439555 Col de LEPINAY
  BRETAGNE 437110 -
  CHERBOURG - -
ESCADRON HORS RANG Cne TAISNE aucun renseignement

1er ESCADRON

 

Cne VIE puis Lt de NAUROIS

 

MF 42211
1er PELOTON Lt de NAUROIS

M 5 A1

SAGITTAIRE

-

-

M 5 A1

LION

-

Adj-C BEAUSSIRE

M 5 A1

EPERVIER

-

-

M 5 A1

FAUCON

-

-

M 5 A1 AIGLE    

2ème PELOTON

Lt de SAINT TRIVIER

M 5 A1

JUPITER

-

-

M 5

JUPITER II

-

-

M 5 A1

NEPTUNE

-

-

M 5 A1

NEPTUNE II

446055

-

M 5 A1

SATURNE

-

-

M 5 A1

URANUS

-

-

M 5 A1

SIRIUS

-

-

M 5 A1

PHENIX

-

-

3ème PELOTON

Adj-C BEAUSSIRE

M 5 A1

LOUP

-

MdL LEROY

M 5 A1

BELIER

-

MdL PENICHOT

M 5 A1

TAUREAU

-

-

M 5 A1

CENTAURE

-

-

M 5 A1

DRAGON

-

-

 

 

-

-

2ème ESCADRON

MF 42212

M 4 A?

VERSAILLES

457037

Cne d'USSEL

M 4 A?

ANGERS

-

-

M 4 A3 E2

Lt FALGAYRAC

-

-

1er PELOTON :

Lt FALGAYRAC

M 4 A1 76mm

COLMAR

-

-

M 4 A4

ALBI

-

-

M 4 A4

LIMOGES

-

MdL NICOT

M 4 A4

LIMOGES II

-

MdL BUJON

M 4 A4

MARSEILLE

-

MdL GUIOL

M 4 A4

TOURS

-

-

M 4 A4

MULHOUSE

-

-

2ème PELOTON

Lt SOUBIROUS

M 4 A4

LOURDES

-

Lt SOUBIROUS

M 4 A4

ANGERS

-

-

M 4 A4

BEAUVAIS

-

-

M 4 A4

BECON LES BRUYERES

-

-

M 4 A4

PARIS

-

-

M 4 A4

CHAMPEAU

-

-

M 4 A4

METZ

-

-

3ème PELOTON

Asp GIRARDOT

M 4 A4

TREGUIER

 

Asp GIRARDOT

M 4 A4

LIMOGES

-

MdL NICOT

M 4 A4

TARARE

-

-

M 4 A4

BLOIS

-

-

M 4 A4

GRENOBLE

-

-

M 4 A4

RODEZ

-

-

M 4 A4

VALENCE

-

-

M 4 A4

REIMS

484540

-

3ème ESCADRON

Cne de CHARNACÉ

Lt LEFAY puis Cne VIE (11/1944)

MF 42213

M 4 A4 LORRAINE 53950. Cne de CHARNACÉ

M 4 A2

LORRAINE

-

-

M 4 A4

ANJOU

-

MdL-C HERMANN

1er PELOTON :

-

Lt GODARD

M 4 A4

ROUSSILLON

-

MdL-C DEVAUX

M 4 A2

ROUSSILLON II

-

Lt GODARD

M 4 A4

PICARDIE

-

-

M 4 A4

ALSACE

-

Asp CHEVALLIER

M 4 A?

ALSACE II

-

-

M 4 A4

GASCOGNE

-

MdL-C REYNET

M 4 A4

GASCOGNE II

-

-

M 4 A?

GASCOGNE III

-

-

M 4 A4

MORBIHAN

-

MdL MICHAUD

M 4 A2

MORBIHAN II

-

-

M 4 A4

MAROC

-

-

M 4 A1 76mm

MAROC II

-

MdL-C MORIN

M 4 A4

MOSELLE

-

MdL ROSSI

M 4 A4

TOURAINE

-

MdL-C JAMET

 

2ème PELOTON

-

Lt SALETES

M 4 A2

BEARN

-

MdL PICHOT

M 4 A2

FRANCHE-COMTE

-

MdL-C HERMANN

M 4 A2

JOUBERT

-

-

M 4 A2

ILE DE FRANCE

-

-

M 4 A4

ALGERIE

U.S.A. 3.018.513

-

M 4 A4

CORSE

-

-

3ème PELOTON

S-Lt BERNARD   puis Lt COUTANCAIS

M 4 A4

PROVENCE

-

-

M 4 A?

PROVENCE II

-

Lt COUTANCAIS

M 4 A4

CHAMPAGNE

-

MdLC DARME

M 4 A?

MAINE

-

-

M 4 A4

NORMANDIE

439515

 

M 4 A2

POITOU

   

M 4 A4

SAVOIE

-

MdL-C DARNEAU

M 4 A4

-

-

-

4ème ESCADRON

MF 42214

M 4 A1

LUNEVILLE

420475

-

M 4 A2

LUNEVILLE

 

Cne De LAMBILLY

1er PELOTON

 

M 4 A4

PHILIPPSBOURG

437094

MdL-C HENGY

M 4 A4

PRAGUE

 

MdL-C DENIER

M 4 A?

PRAGUE (II?)

 

MdL-C ARNOLD

M 4 A4

FRIBOURG

   

M 4 A1

FRIBOURG II

   

M 4 A4

FONTENOY

   

M 4 A4

DENAIN

 

MdL ARNOLD

M 4 A1 76mm

DENAIN II

 

MdL-C DENIER

M 4 A4

LA MORTAGNE

   

2ème PELOTON

Lt De LOISY    puis Lt HAETJENS

M 4 A4

AUSTERLITZ

432678

USA 3018423

Lt De LOISY

M 4 A4

AUSTERLITZ II

 

Lt HAETJENS

M 4 A4

MARENGO

439946

MdL DEPOLLIER

M 4 A4

RIVOLI

 

MdL-C LAROCHE

M 4 A4

RIVOLI

   

M 4 A1 76mm

 

   

M 4 A4

CASTIGLIONNE

 

MdL-C DENIER

M 4 A4

CASTIGLIONNE II

   

3ème PELOTON

Lt COSSEVIN

M 4 A4

LES FLANDRES

 

Lt COSSEVIN

M 4 A4

LES FLANDRES II

   

M 4 A4

LES FLANDRES III

   

M 4 A4

HEILSBERG

   

M 4 A4

HEILSBERG II

   

M 4 A4

St GERARD

   

M 4 A4

St GERARD II

   

M 4 A4 → M 4 A1

MARNE

   

M 4 A4

IENA

 

 

M 4 A4

WAGRAM