DIJON 12e RC 2e Escadron
M 4 A2 | n° 27 matricule : 420-900 | |
Détruit à La Hutte (Sarthe) le 11 août 1944. Souvenirs de Jacques Grillot, chef de char
"Cela fait déjà près d’une heure que nous sommes en attente près du passage à niveau sur la R.N. 138.
Devant nous, le combat fait rage. Soudain, nous recevons l’ordre de partir en avant. Je garde la tourelle demi-ouverte avec les yeux au ras du blindage. À ce moment-là, je n’ai aucune information sur la localisation de l’ennemi. Nous avons coupé la radio : le brouillage, les interférences sont tels près du passage à niveau que plus rien n’est audible. Ne sachant où sont les Allemands, nous gardons le canon dans l’axe de la route, chargé, sécurité enlevée, prêt à tirer. En franchissant le carrefour, je ferme la tourelle et je prends la vision périscopique. Devant nous se trouve le char "COMPIEGNE" qui passe sans encombres. Soudain, nous sommes tirés par un antichar allemand depuis la dernière petite maison située à droite sur la route d'Alençon. Il est environ 10h40. Une charge perforante vient de faire un trou sur le côté droit de la tourelle à la hauteur du bras droit de Michaud alors en position de tir, main sur la poignée de rotation électrique de la tourelle, gyrostabilisateur en marche. Le soleil fait irruption dans la tourelle par ce trou. Elle devient rouge de sang en quelques secondes. Le char est stoppé brutalement. Le moteur droit touché s’est arrêté. Comme les deux moteurs sont couplés, le gauche a calé. Le feu se développe. Assis devant moi à son poste, le tireur Clément Michaud a été littéralement déchiqueté. Son corps m’a protégé la poitrine. Moi, j'ai l'épaule gauche réduite en bouillie. Je perds mon sang. Le chargeur Ravon à côté de moi a un oeil arraché qui pend. En bas, Louvet (conducteur) est blessé à un doigt et Moulinier (aide-conducteur et mitrailleur) n’a que des égratignures. Après quelques secondes, je dis "Ne bougeons pas. Ils nous croient morts. Si on fait un geste, ils vont tirer à nouveau sur nous". Puis, petit à petit en nous vidant de notre sang, Ravon et moi, perdons connaissance. Les pensées les plus incohérentes me traversent l’esprit. Sans pouvoir parler ni intervenir, j'entends, à l’interphone qui marche toujours, le dialogue entre Louvet et Moulinier. Ils sont en train d'analyser la situation : un mort, deux blessés graves, le feu qui se développe et s’ils sortent, il se feront tirer comme des rats. Une seule solution : tenter de relancer le second moteur. Louvet essaie et y parvient. Il ramène alors le char en marche arrière. Avec la vue étroite dans le périscope, il s’aligne tant bien que mal sur l’axe de la route pour reculer en aveugle. Malheureusement, il perd la direction et percute une maison au Sud-est du carrefour. Quelques minutes plus tard, le char brûle et explose. Entre temps, le personnel d’un Half-track sanitaire nous a extraits. Nous sommes évacués vers l'arrière." source : Sarthe, août 1944 - Histoire d'une Libération
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