Equipage : Chef de char : Sergent Jean Bouclet † Tireur : Georges Douillon Pilote : Lafont Aide-pilote : Vercher Radio-chargeur : Philippe Cadiot †
13 août 1944 en forêt d'Ecouves (Orne). La 2e section (lieutenant Meyer) progresse dans les bois environnants quand soudain le char l'Ourcq est atteint en pleine tourelle par un perforant ennemi et prend feu ; le conducteur Lafont réussit à éviter le deuxième coup de l'antichar, en reculant dans les broussailles. L'obus a tué net le chef de char Bouclet et le radio-chargeur Cadiot. Le tireur Douillon, qui ne peut sortir par en haut à cause des cadavres, réussit, en déchirant ses vêtements, à se glisser hors de cet enfer par un des postes avant. Il nous rejoint en courant, couvert de sang et de cervelle ; la manière dont il nous raconte cela en souriant nous fait frissonner : il est "sonné" ! C'est un brave petit gars de dix-huit ans, qui a rejoint par l'Espagne, accroché sous une locomotive. Le sergent Bouclet s'était engagé à seize ans, et son frère avait été tué sur un navire lors du bombardement anglais de Mers-el-Kébir. C'est un des meilleurs de la compagnie qui s'en va ; Cadiot, lui, venait du Pérou ; il adorait la poésie et, en Libye, nous amusait tous lorsque nous l'entendions déclamer, seul sous sa tente, des tirades de Cyrano. L'aide-conducteur Vercher, un Espagnol, vétéran de la guerre d'Espagne, remonte sur le char, éteint son incendie, et le ramène malgré l'antichar qui sûrement est là à le guetter. Je grimpe sur l'Ourcq, l'intérieur de la tourelle est sens dessus dessous. Le poste de radio a fait plusieurs fois le tour de la paroi avant de tomber au fond du char ; le radio-chargeur est décapité et le chef de char est coupé en deux : ils n'ont pas souffert.
Extrait de DU COTENTIN A COLMAR de Maurice BOVERAT EDITIONS BERGER-LEVRAULT PARIS 1947
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