LA MARNE       501e RCC    3e Compagnie

 

M 4  105mm   

 

 

24 août 1944  Devant Paris !
Fresnes, et en particulier la prison, est très fortement tenu, à en juger par la dégelée de projectiles de mortiers et d'obus de 88 que nous recevons. Nos chars en voient de très dures.
Deux chars "La Marne" et "Uskub", commandés par le sous-lieutenant Héry, qui remplace comme chef de section le lieutenant Meyer blessé à Ecouché, foncent à l'attaque, suivis de l'infanterie d'accompagnement ; quoique guidé par un civil, « La Marne» tombe sur un 88 qui le perfore à 60 mètres. Le chasseur Landrieux est tué sur le coup. Le sous-lieutenant Héry et le chasseur Dort, tous deux sérieusement brûlés, sont ramenés au P. C. couchés à l'avant de l' "Uskub". Le lieutenant Héry, bien que sa peau se détache par lamelles, raconte d'une voix calme ce qui s'est passé. Le chasseur Laroche, âgé de 18 ans, a sauté du char les deux jambes coupées et a couru sur ses moignons brûlés. Mis dans une voiture d'ambulance, il nous dit en nous quittant :"Vous direz au revoir aux copains de ma part". Il mourra dans l'ambulance peu après, ayant encore le courage de blaguer : "Si ce n'est pas malheureux d'être cul-de-jatte à mon âge".
Quant au cinquième membre de cet équipage, le caporal conducteur Sarre, c'est un Français venu du Mexique, volontaire dans les forces françaises libres. Il a sauté également du char par le tourelleau avant, les vêtements en flammes et a été atteint au bras droit par des balles de mitrailleuses au moment où il a bondi (lorsqu'un char est atteint l'équipage doit presque obligatoirement, pour ne pas y être brûlé vif, affronter les rafales de mitrailleuses de l'ennemi qui guette sa sortie). Se roulant par terre il réussit à éteindre sa combinaison et se met relativement à l'abri derrière un tas de gravier sur le bas-côté de la route ; mais il voit des fantassins ennemis s'approcher de lui en courant ; il saisit de la main gauche son pistolet automatique et constate avec horreur qu'il n'est pas armé ; il essaye frénétiquement, mais sans succès, de l'armer en lui donnant des secousses, puis y réussit enfin en le coinçant entre ses genoux. A ce moment précis une mitrailleuse française ouvre le feu sur les fantassins allemands ; les balles sifflent au-dessus de lui ; il s'aplatit de plus en plus à mesure que la rafale descend mais les balles traçantes finissent par l'effleurer, mettant une deuxième fois le feu à sa combinaison. Malgré sa blessure il réussit à l'éteindre au prix de terribles efforts. Des camarades du Tchad viennent le chercher sous une grêle de balles ennemies, l'adossent contre un mur de l'autre côté de la rue, puis repartent à l'attaque ; à ce moment un obus arrive dans le toit de la maison qui l'abrite, les poutres enflammées et les tuiles s'écroulent sur ses jambes, mettant en flammes, une troisième fois, ce qui reste de sa combinaison. Malgré cela il se tirera d'affaire et nous rejoindra au front.

Equipage :
chef de char : Lieutenant Jacques Herry, grièvement brûlé
tireur : chasseur Geoffroy de Laroche, mortellement blessé
pilote : caporal Pierre Sarre, blessé, bras droit arraché
aide-pilote : chasseur Georges Landrieux, tué
chargeur : chasseur Christian Dorff, grièvement brûlé

Extrait de DU COTENTIN A COLMAR de Maurice BOVERAT    EDITIONS BERGER-LEVRAULT     PARIS 1947
Source : Laurent Fournier 

 

 

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