PNOM-PENH          RCCC             4e Escadron

     

Chef de char : Adjudant Fafin.

Détruit le 24 avril 1945 à Lörrach (D).

Témoignage d'Armand SPITALIER, aide-pilote.

Le 24 avril au matin, en sortant d’une maison (Lörrach) où nous avons dormi, un copain de Tunis, TOMAZINI, s’écrit : " bientôt la quille". Le sergent chef MOUISSET nous rassemble pour partir en reconnaissance avec les deux chars. Nous avançons pendant un certain temps sans trouver de résistance. Le calme qui nous entoure est vite brisé car nous nous retrouvons encerclés par des Allemands sortant des trous creusés de leurs mains pour se camoufler. Le sergent crie : "prenez position sur la hauteur ". Les deux
chars se mettent de côté pour se diriger vers les hauteurs de la prairie.
Tout à coup, je vois une fumée derrière. L’autre char a pris feu. Le chef de notre char, FAFIN sort de la
tourelle, tente aussitôt de revenir mais il reçoit une balle qui lui traverse le dos et il s’effondre sur moi. THOBOIS, touché par une balle qui lui a sectionné l’abdomen, sort du char en hurlant : "remet mes boyaux dans le ventre". Il s’effondre derrière le char. Il est mort. C’est un jeune de 17 ou 18 ans qui s’était évadé de France par l’Espagne pour rejoindre le Maroc. ENDERLIN me demande d’un air interrogateur : « Que fait-on
? ». J’essaie l’interphone mais rien.
Panique dans ce char immobilisé et vulnérable car sans capot de tourelle pour nous protéger ! Je prends mon couteau pour ouvrir la chemise du chef de char afin d’examiner sa blessure ; pas une goutte de sang mais FAFIN est mort. C’est un homme marié qui a plusieurs enfants. ENDERLIN met son casque au bout de son fusil ; chaque fois qu’il le sort de la tourelle : "cling, cling" ; les Allemands nous ont en ligne de mire. Impossible de sortir par la tourelle. Je prends ma mitraillette ainsi que mon revolver et j’ouvre la trappe qui se trouve en dessous du char pour en sortir.
Je rampe suivi de mon camarade. Nous ne sommes même pas à deux mètres du char qu’un premier obus passe au-dessus de nous suivi d’un autre qui percute la soute à munitions et le réservoir rempli de gasoil
et  plus de soixante dix obus. Le char s’enflamme, l’acier devient blanc. Tétanisés, nous reculons en rampant. Des fantassins ayant reçu des éclats reculent sur une pente. Quant à moi, l’arme à la main, je m’avance sur l’autre pente. Soudain, à mes pieds : un trou avec cinq Allemands ! D’instinct, je les fais prisonniers et les oblige à descendre la pente ; j’entends siffler les obus derrière moi !
Le soir, on descend au village de LORRACH pour y dormir. Mon camarade ENDERLIN et moi-même,
nous ne parvenons pas à fermer l’oeil de la nuit.
J’ai allumé une bougie ; trop d’émotions : l’explosion assourdissante, la chaleur du char en feu, les cinq occupants de l’autre char qui ont péri carbonisés, mes deux camarades morts et moi encore en vie ! 

 

 

 

 

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