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                               LE 12e CUIRASSIERS EN 1940

 

 

 

 

Onze ans se sont à peine écoulés depuis sa dissolution, que renaît en pleine guerre, le 1er janvier 1940, le 12e Régiment de Cuirassiers.

Pour s'adapter à tous les genres de combat, depuis 1668, le Régiment s'est transformé sans cesse ; au lendemain de la course à la mer, pour tenir sa place sur un front stabilisé, il a abandonné ses chevaux ; en 1940, c'est encore à l'avant-garde du progrès qu'il re­trouve la vie comme Régiment de découverte de la 3e Division légère mécanique (3e D.L.M.) aux ordres du Général LANGLOIS, ancien Officier du 12e Cuirassiers.

Equipé d'A.M.D. Panhard, de motocyclettes side Gnome-Rhône, il dispose de la puissance de feu, du blindage, de la vitesse, du rayon d'action nécessaires pour remplir contre les forces blindées ennemies les missions de découverte et de couverture qui vont lui incomber.

Il est articulé en deux Groupes d'escadrons de l'Escadron d'automitrailleuses à 4 pelotons de 5 voitures et de 1 Escadron moto à 4 pelotons de 13 side-cars, soit 16 patrouilles mixtes et un E.H.R. A partir du 10 mai, cette organisation du Régiment sera du reste modifiée à plusieurs reprises, en raison des pertes qu'il subira.

Son uniforme kaki est celui de toute l'armée française avec le casque des motorisés à visière de cuir fauve. Son étendard avec sa croix de guerre à deux palmes est resté celui auquel, le 20 janvier 1918 le Général FAYOLLE, à MAYENCE, accrocha la fourragère.

 

LA CAMPAGNE DE 1940.

 

I - Du 1er Janvier au 10 Mai 1940.

Le 12e Cuirassiers est formé à MONTLHERY par le Centre d'organisation d'unités motocyclistes et d'automitrailleuses de la cavalerie.

Il est composé d'éléments très divers, réservistes pour la plupart, dont beaucoup de classes anciennes n'ayant reçu que l'instruction de cavaliers à cheval ; quelques sous-officiers d'active provenant de Régiments mécaniques ; la plupart des chefs de pelotons n'ont pas trois mois de grade de sous-lieutenant ou d'aspirant.

Ancien cuirassier à pied de la guerre 1914-1918, le Colonel LEYER prend le commandement du Régiment. Il ne tardera pas à insuffler dans le cœur de chacun sa flamme, en même temps que les plus belles traditions de l'Arme.

Le Régiment est superbement équipé. Tout le matériel, des automitrailleuses jusqu'au plus petit détail de l'habillement, est entièrement neuf.

Les délais de mise sur pied sont réduits et le Régiment n'a pas deux mois d'existence quand il embarque pour MORTIERS au Nord de LAON, où pendant cinq semaines il va perfectionner activement son instruction militaire. Là encore les délais prévus sont réduits : Le 2 mars, le Régiment quitte MORTIERS pour le CAMBRAISIS où la 3e D.L.M. va relever la 1ère D.L.M. Il fait alors partie du Corps de cavalerie aux ordres du Général PRIOUX, composé des 2e et 3e D.L.M. et dont la mission, en cas d'invasion de la BELGIQUE, est de renseigner dans la zone comprise entre HASSELT et LIEGE et de couvrir jusqu'au jour J.5 l'organisation de la position de résistance WAVRE-GEMBLOUX.

 

II - Du 10 Mai au 8 Juin. Campagne de BELGIQUE et des FLANDRES.

Le 10 mai, à 7 h 20, au moment où les escadrons partent exécuter un tir en forêt de MORMAL, sans alerte préparatoire, parvient l'ordre suivant : « L'ennemi a passé la frontière belge. Exécutez la manœuvre Dyle. »

La découverte et la sûreté éloignée de la Division sont aux ordres du Colonel LEYER. Pour remplir sa mission de sûreté, le Régiment a été renforcé des trois escadrons motos du 11e Régiment de Dragons Portés, de l'escadron anti-chars divisionnaire et de 3 sections de sapeurs mineurs.

La découverte a pour mission de renseigner sur la situation de l'ennemi dans le secteur compris entre HASSELT et MAESTRICHT (inclus) de se relier aux forces belges qui tiennent le canal ALBERT ; de retarder, le cas échéant, l'avance ennemie sur les axes HASSELT, SAINT-TROND, TIRLEMONT, MAESTRICHT, TONGRES, WAREMME, HANNUT.

C'est au milieu des acclamations d'une foule qui se presse sur leur passage que les premiers éléments français, les patrouilles mixtes d'automitrailleuses et de motocyclettes, du 12e franchissent, vers 10 heures, la frontière belge à PERUWELZ, QUIEVRAIN et BAVAY. A 12 heures, elles ont atteint la ligne WAVRE - GEMBLOUx (130 kilomètres) où s'installe peu après la sûreté éloignée. Vers 19 heures, ayant parcouru plus de 200 kilomètres, le détachement de découverte du Capitaine RENOULT au Nord, celui du Capitaine de MONTARDY au Sud, surveillent les ponts du canal ALBERT, de HASSELT à MUNSTERBILZEN, et les routes TONGRES - MAESTRICHT et TONGRES - EBEN-EMAEL dont le fort, nœud de la défense, est depuis le matin entre les mains des Allemands. A l'Ouest de MAESTRICHT l'ennemi s'est déjà emparé des deux ponts de WILBRE et MOPERTINGEN.

Le 11, dès 6 heures du matin, les renseignements des patrouilles commencent à affluer. La situation alarmante de la veille ne s'est pas améliorée. A l'Ouest de MAESTRICHT les forces ennemies ont franchi le canal ALBERT et poussent en direction de TONGRES et BILZEN.

Trois nouveaux ponts sur le canal, ceux d'EIGENBILZEN, GELLIK et LANAKEN sont tombés aux mains des Allemands. Dans la région Est d'HASSELT la pression s'accentue. Maîtresse absolue de l'air, l'aviation allemande bombarde et mitraille sans arrêt, s'acharnant jusque sur les petits éléments. L'armé belge surprise le 10 au matin n'a pas pu se ressaisir. La sûreté éloignée, suivie de près par les reconnaissances de la 5e Brigade de combat. (5e B.C.) arrive sur la PETITE GETTE.

En fin de matinée, au moment où les premiers chars de la 3e D.L.M. arrivent, la menace se précise sur SAINT-TROND, et TONGRES est déjà aux mains des Allemands, tandis que, déferlant vers l'Ouest, commence le long des routes l'interminable exode des réfugiés et des troupes qui lâchent pied. En plus de sa mission de renseignement et d'action retardatrice sur le front de la 3e Division légère mécanique ; le régiment reçoit l'ordre de couvrir la Division vers le nord, dans la région d'OPHEILISSEN - ORSMAAL, jusqu'à l'arrivée du 11e Régiment de Dragons portés dans la nuit du 11 au 12. Laissant les détachements du Capitaine RENOULT et du Capitaine de MONTARDY poursuivre leur mission, le Colonel porte les éléments disponibles à la garde des débouchés de TIRLEMONT, aux lisières, d'OPHEILISSEM et ORSMAAL.

En fin de journée le détachement du Capitaine RENOULT tient toujours la sortie Est de SAINT-TROND en liaison avec des éléments belges.

Celui du Capitaine de MONTARDY, renforcé par la patrouille du sous-lieutenant PAUMÉ, couvre la droite de la Division, à l'Est et au Sud-Est d'HANNUT.

La journée a été chaude. Toutes les patrouilles ont eu de violents engagements avec les détachements blindés et motorisés qui de TONGRES et BILZEN, rayonnent dans toutes les directions : Plusieurs d'entre elles, submergées par l'ennemi, ne rejoignent qu'après s'être fait jour à travers des colonnes blindées.

Il convient, en particulier, de signaler, la belle conduite des patrouilles des Sous-Lieutenants de VASSELOT et du CHAZEAU.

Le Sous-Lieutenant de VASSELOT, qui fait partie du détachement de MONTARDY, a pour mission de tenir le carrefour kilomètre nord de LENS, jusqu'au repli de la patrouille du Sous-Lieutenant CHAZEAU. VASSELOT, engagé à fond contre des chars nombreux, en détruit quatre et en immobilise un cinquième ; il tiendra jusqu'à l'arrivée de CHAZEAU. A ce moment, automitrailleuses et chars allemands sont à moins de 50 mètres les uns des autres. La lutte est si serrée qu'au carrefour la dernière auto-mitrailleuse de la patrouille CHAZEAU heurte, en passant, un char allemand.

De son côté, le Sous-Lieutenant du CHAZEAU qui fait partie du détachement RENOUAT, a vu sa retraite coupée par des colonnes ennemies vers 15 heures. Il ne ralliera que le lendemain soir après avoir passé 36 heures dans les lignes allemandes. Il ne se contente pas de se cacher ou de se battre pour s'ouvrir un passage, il profite de toutes les occasions pour attaquer et semer le désordre dans les arrières de l'ennemi. C'est ainsi qu'apprenant par des civils que des chars ennemis sont en train de faire leur plein d'essence à GUIGELOM, il décide de les attaquer. Debout sur le moteur d'une automitrailleuse, il dirige l'opération. Il détruit 4 automitrailleuses, un char et met le feu au distributeur d'essence, avant que sa blindée ne soit elle-même détruite par une arme anti-char.

Dans la nuit du 11 au 12, les éléments qui tiennent la PETITE GETTE à la gauche de la 5e Brigade de combat, sont relevés par le 11e Régiment de Dragons portés.

Le Régiment reçoit la nouvelle mission de couvrir le flanc gauche de la Division sur la ligne TIRLEMONT. Il s'installe aussitôt, appuyant sa gauche aux inondations de la PETITE GETTE qui constituent un obstacle sérieux au Nord de la route SAINT-TROND-TIRLEMONT. Ainsi, au lever du jour, il couvre les deux ailes de la Division à HANNUT au Sud, TIRLEMONT au Nord, tandis que le détachement du Lieutenant MORIO qui a relevé dans la nuit celui du Capitaine RENOULT, poursuit sa mission d'action au nord et à l'est de SAINT-TROND. Le Sous-Lieutenant PROT y est blessé.

En fin de matinée, sur la PETITE GETTE, le secteur Nord est calme.

Au Sud, il n'en est pas de même : avec l'attaque et la prise de GREHEN par les Allemands, s'engage, de l'aveu même de l'ennemi après l'armistice, la plus grande bataille de chars de la campagne. Elle durera le 12 et le 13 et s'étendra, peu à peu vers le nord. La 3e D.L.M. en est l'élément principal. Mordant, l'ennemi s'infiltre ; il contraint de replier le détachement qui tient les lisières Est de SAINT-TROND.

A 18 heures, le contact est pris sur tout le front du Régiment. Des engagements plus ou moins violents se poursuivront tard dans la nuit, mais nulle part l'ennemi n'atteindra la voie ferrée TIRLEMONT­ LANDEN.

Il convient de signaler la belle conduite de la patrouille du Sous-Lieutenant PAUME encerclée à l'est d'HANNUT. Avec ses deux automitrailleuses, PAUME n'hésite pas à attaquer cinq chars légers suivis de motocyclistes, pour ouvrir à sa patrouille un passage vers le Nord : Au canon, il en incendie deux, tandis que les autres s'enfuient. Le cercle est brisé les restes de la patrouille ne tardent pas rallier.

Au soir de la troisième journée de Combats ininterrompus toutes les unités ont été engagées. Les pertes déjà sont lourdes, mais aux yeux de tous, ces sacrifices sont récompensés largement par d'ordre particulier qu'adresse au Régiment le Général LANGLOIS :

"Le Général Commandant la 3e Division légère mécanique a suivi point par point la merveilleuse activité des reconnaissances du 12e Régiment de Cuirassiers. Il adresse à tous ses félicitations pour leur magnifique entrain, leur bravoure et ce mépris du danger qui doit animer tout soldat français. Ancien du 12e Régiment de Cuirassiers, le Général Commandant la 3e Division légère mécanique, qui a vu à l'œuvre leurs devanciers, est fier de voir les traditions de son Régiment aussi bien maintenues par tous, cadres et troupe."

HUPPAYE, le 12 mai 1940.

Signé. LANGLOIS.

 

La matinée du 13 reste calme dans le secteur du Régiment bien que le contact devienne à chaque instant de plus en plus pressant. L'aviation s'acharne sur TIRLEMONT soumis en même temps à de violents bombardements d'artillerie, et de mines. Par contre, les nouvelles qui parviennent du Sud sont de plus en plus alarmantes. Attaqués par des moyens très supérieurs, la Brigade de chars et le Régiment de Dragons portés de la Division ont subi de lourdes pertes.

A 15h30, arrive l'ordre de repli sur TOURINNES-LA-GROSSE où le Régiment doit poursuivre sa mission de couverture du flanc gauche de la Division. Il y passera sa première nuit calme depuis le 10 mai, derrière les obstacles de COINTET, dont la ligne est loin d'être continue, du reste, dans ce secteur.

Le 14 au matin, liant son mouvement au reste de la Division, le Régiment franchit la DYLE et passe à l'ouest de la position WAVRE-GEMBLOUX sur laquelle le haut commandement français a décidé de livrer bataille. Il est tout d'abord en réserve dans les bois de RIXENSART.

En fin d'après-midi, alors qu'il faisait mouvement pour rejoindre la zone d'articulation de la Division à SÉNEFFE, il reçoit l'ordre de se porter à WAGNELÉE en soutien de la position de résistance déjà fortement ébranlée. Il passe la nuit dans cette localité.

Le 15, il n'est pas engagé. Au début de l'après-midi, sous de violents bombardements d'avion, il fait mouvement sur SENEFFE où il passe la fin de la journée.

Le 16, à 0 heure, après le décrochement de la position de résistance, le Régiment reçoit l'ordre d'assurer la défense, du canal de CHARLEROI entre ARQUENNE et le tunnel au nord de GODARVILLE et de renseigner en direction de FRASNES LES GOSSELIES-GENAPPE-NIVELLES.

Poussées à l'Est de la route BRUXELLES – CHARLEROI jusqu'à COURT-SAINT-ETIENNE, FAUX, VILLERS-LA-VILLE, MARSAIS, WAGNELÉE, les patrouilles ne tardent pas à prendre le contact. Sans cesse arrivent des renseignements précieux qui permettent au commandement de se faire une idée précise de la situation, en dépit de la confusion que fait régner la horde massive des isolés et des réfugiés qui refluent de toutes parts. Les patrouilles du Régiment ont pris l'avantage sur l'ennemi partout où il a été rencontré. Travaillant seules ou en liaison avec des éléments des 1er et 2e Cuirassiers, leur activité n'a pas cessé de la journée. Celles du Sous-lieutenant KELLER et de l'Aspirant ZOBRIST exterminent chacune un peloton cycliste allemand. Celle du Lieutenant PAUMÉ, au Nord de NIVELLES, s'engage pour permettre le repli de certains éléments de cavalerie et détruit 2 chars. Immobilisée, l'auto-mitrailleuse du Maréchal-des-Logis RIGAUDEAU continue la lutte contre des chars lourds allemands, rendant coup pour coup jusqu'à la mort du dernier membre de l'équipage.

Dans la journée du 16, les derniers défenseurs de la position WAVRE-GEMBLOUX se sont repliés à l'ouest du canal de CHARLEROI que l'ennemi franchit dans la matinée du 17. Ce jour-là, le Régiment remplit diverses missions de reconnaissance et d'action retardatrice. En fin de journée des éléments sont engagés dans la région de CHAPELLE-LEZ-HERLAIMONT pour permettre le décrochage du 11e Régiment de Dragons portés.

Dissous le matin, le Corps de Cavalerie a été reformé le soir même.

Le 18, le Régiment fournit des reconnaissances au profit du 5e Corps d'Armée (Général de la LAURENCIE) dont les éléments sont installés à l'Ouest de la route ATH-MONS. Les reconnaissances poussées à l'Est ne tardent plus à prendre le contact de l'ennemi qui occupe déjà SOIGNIES et progresse en direction de LENS.

Au soir de cette journée parvient l'ordre de repli à l'Ouest de CAMBRAI. Rendu difficile en raison de l'encombrement des routes, de l'obscurité et d'un changement d'itinéraire reçu au cours de déplacement, le mouvement durera toute la nuit.

Le 19 au matin, face au sud, le Régiment, en attendant l'arrivée du 11e Régiment de Dragons portés qui doit le relever, tient le canal de la SENSÉE, de WASNES-AU-BAC au MOULINET.

L'ennemi est à CAMBRAI.

En fin de matinée, le Corps de Cavalerie ayant reçu l'ordre de se regrouper entre DOUAI et ARRAS en vue de contre attaquer sur SAINT-QUENTIN, confie au 12e Cuirassiers la mission le renseigner et de le couvrir face à l'Est et au Sud, en direction CAMBRAI et BAPAUME. A l'Est, les patrouilles ne peuvent dépasser le canal du Nord dont l'ennemi cherche à déboucher sur les rives Ouest. Au Sud, sur la route de BAPAUME-PÉRONNE, après avoir dispersé des éléments composés d'automitrailleuses légères et de motocyclistes, la patrouille du Sous-Lieutenant PAUMÉ pousse jusqu'à SAILLY-SAILLISEL. Le soir, à elle seule, elle aura détruit une moto-solo, trois side-cars, une auto-mitrailleuse lourde à huit roues, un char lourd.

Des éléments légers ennemis ont déjà à atteint la route PÉRONNE-ALBERT. Au cours d'une liaison isolée l'automitrailleuse du Maréchal-des-Logis COL aperçoit cinq autos-mitrailleuses légères ennemies. Il les attaque sans hésiter et a la joie de libérer 50 prisonniers.

Pour la nuit, le Régiment est regroupé au Nord de la SCARPE, dans la région BIAGHE-SAINT-WAAST.

Le 20 mai, le 12e Cuirassiers reçoit la même mission de couverture au profit du Corps de Cavalerie. A 4 heures, les patrouilles sont dé­couplées en direction de CAMBRAI et PÉRONNE. Mais l'ennemi a mis la nuit à profit pour amener des renforts. Plus de 100 chars allemands venant de CAMBRAI se portent sur ARRAS. La patrouille du Sous-Lieutenant SABATIER a reçu PÉRONNE pour objectif. En dépit de cette situation nouvelle, SABATIER n'hésite pas, il poursuit sa mission à VIS-EN-ARTOIS il s'ouvre le passage en détruisant un premier char : à CHÉRIZY la patrouille se heurte à des chars lourds : Le conducteur de l'automitrailleuse de tête est tué, mais deux chars ennemis sont détruits. Rompant le contact, la patrouille s'échappe par un chemin de terre. Peu après à 800 mètres, au canon elle attaque une colonne d'automitrailleuses, de fantassins portés et de motocyclistes, lui infligeant des pertes sévères et y semant le plus grand désordre. Elle se heurte à de nouveau chars, les attaque résolument mais, cette fois, l'auto-mitrailleuse de tête est détruite ; les restes de l'équipage sautent dans la deuxième auto-mitrailleuse et la folle chevauchée en direction de PÉRONNE reprend. Croisant à toute allure des colonnes allemandes arrêtées, se frayant le passage au pistolet quand la mitrailleuse s'enraye, bousculant, écrasant des motocyclistes ; l'auto-mitrailleuse arrive à PÉRONNE, mais elle tombe dans la tranchée du canal dont le pont sauté n'a pu être évité. L'équipage est fait prisonnier ; le Maréchal-des-Logis Chef ROSSET, blessé, est retiré de force, alors qu'il essaye de mettre le feu au véhicule.

De son côté, la patrouille de l'Aspirant CHESQUIÈRE, axée sur CAMBRAI, est encerclée par l'ennemi. Elle ne parvient à se dégager et à rallier que tard dans la nuit. Le 21, les Anglais décident de défendre ARRAS. La 3e Division légère mécanique a pour mission de couvrir leur droite. Elle est regroupée dans la région d'ANZIN couverte, face au Sud, par le 12e Cuirassiers.

Dès 10 heures du matin le contact est pris avec des éléments ennemis venant de l'Est. Personne dans le secteur d'ARRAS ne se doutait alors que des détachements légers allemands avaient atteint SAINT-POL, où ils bousculaient du reste les trains du Régiment.

A midi les Britanniques font connaître qu'ils vont attaquer en direction de CAMBRAI. La Division liant son mouvement au leur, a mission de couvrir le flanc droit de l'attaque sur l'axe WARLUS-HAMELINCOURT. Le 12e Cuirassiers fournit diverses missions de renseignements et se tient prêt, en cas de percée, à pousser sur BAPAUME.

L'attaque ne donne pas les résultats qu'on avait pu espérer. En fin d'après-midi les Franco-Britanniques n'ont pas dépassé la ligne VARLUS-BEAURAINS-TILLOY.

La journée a encore été dure pour les patrouilles. Elles ont toutes été engagées même celle du Sous-Lieutenant PAUME, envoyée, patrouiller entre SAINT-POL et FRÉVENT, en vue du passage du Général WEYGAND qui doit se rendre du G.Q.G. au P.C. du Général BILLOTTE. A SIBIVILLE elle attaque une colonne d'artillerie, détruisant une quinzaine de tracteurs avec leurs canons et caissons. Les pertes infligées à l'ennemi ce jour-là, suffisent du reste à prouver leur activité : sept chars, une auto-mitrailleuse, treize voitures tout terrain, les canons d'une batterie de 105, sans parler de trois colonnes d'artillerie qui ont été dispersées et en partie détruites entre MARCEUIL et DUIZANS, par la patrouille NEVEUX, bientôt soutenue par celle du Sous-Lieutenant GOLDSCHMIDT qui accourt au bruit de la fusillade ;

à ETRUN, par la patrouille de l'Aspirant GHESQUIERE ;

à SIBIVILLE, par celle du Sous-Lieutenant PAUME.

Le 22, l'attaque de la veille doit reprendre au matin, mais ce projet est abandonné quand on apprend l'importance du débordement ennemi à l'ouest du dispositif. La Division reçoit l'ordre de s'organiser, cette fois face à l'Ouest, sur la ligne MARCEUIL-DAINVILLE. La défense de MARCEUIL et ETRUN est confiée au 12e Cuirassiers qui doit fournir en plus des reconnaissances en direction de SAINT-POL et AVESNES LE COMTE. L'ennemi occupe HAUTE AVESNES-ACQ. Il progresse en direction de VILLERS-AU-BOIS. La situation du Régiment tourné par le Nord devient critique, quand il est touché, vers midi par l'ordre de repli sur MÉRICOURT (4 kilomètres Sud-Est de LENS).

Dans la nuit du 22 au 23, le Colonel LEYER est convoqué par le Général PRIOUX, commandant le Corps de Cavalerie. Il reçoit l'ordre de couvrir le Corps de Cavalerie, face à l'Ouest, sur le front BÉTHUNE - NOEUX-LES-MINES - SOUCHEZ, et d'interdire à l'ennemi, pendant toute la journée du 23, l'accès de la route BÉTHUNE-ARRAS.

Depuis le 10 mai, le Régiment a perdu les 3/5e de ses auto-mitrailleuses. Il est réduit à 20 auto-mitrailleuses et 6 petits pelotons motos. Pour remplir cette mission, il est renforcé d'un peloton de chars Hotchkiss du 2e Cuirassiers et d'une Compagnie de chars d'infanterie qui ne rejoindra pas.

Le front à tenir, sans esprit de recul, s'étend sur plus de 16 kilomètres. Les renseignements sur l'ennemi sont inquiétants.

Le Régiment est articulé en trois groupements :

- celui du Sud à NOULETTE, aux ordres du Chef d'Escadrons GUIBOURD de LUZINAIS - celui du Centre à NOEUX-LES-MINES, aux ordres du Chef d'Escadrons ALBESSARD - celui du Nord à VERQUIGNEUL, aux ordres du Capitaine ROBELIN.

Ce dispositif est réalisé au lever du jour. Des patrouilles sont poussées au contact de l'ennemi. Avec l'aide de la population civile, les points d'appui sont rapidement organisés. Certaines barricades s'élèvent jusqu'au 1er étage des maisons.

La précision des renseignements fournis par les patrouilles permet d'assister, de 7 heures à 10 heures, au glissement de forces allemandes du Sud-Ouest au Nord-Est, en direction de NOEUX-LES-MINES et BÉTHUNE, puis de 10 heures à 12 heures, à la miseen place d'une attaque, face à ces deux localités. Elle permet surtout au Général PRIOUX, devant l'imminence de la menace, de prélever dans le secteur de SOUCHEZ, qui ne semble pas menacé, les derniers chars de la Division, soit 9 Somua et 10 Hotchkiss, aux ordres du Capitaine de BEAUFORT, et de les mettre à temps à la disposition du Colonel LEYER.

Il est midi quand débouche l'attaque sur NOEUX-LES-MINES. Les chars du Capitaine de BEAUFORT arrivent. Déjà les reconnaissances en vue d'une contre-attaque ont été faites. Les chars s'élancent, neutralisent en un instant toutes les armes anti-chars qui avaient été soigneusement repérées, clouent au sol les fantassins ennemis, anéantissant des effectifs d'une valeur de deux Compagnies. Encouragés par ce succès, ils poursuivent leur progression pour attaquer des chars allemands repérés dans la région de BARLIN, mais cette fois ils se heurtent à une deuxième ligne d'armes anti-chars. En cinq minutes, 7 Somua sur 9 sont mis hors de combat.

A 13 heures, le Groupement Nord, violemment attaqué, est bous­culé. Le Capitaine ROBELIN réussit à se rétablir dans la région de LABOURSE. Le Groupement Sud n'est pas inquiété sérieusement au cours de la journée.

Vers 16 h 30, l'attaque allemande repart en direction de NOEUX LES MINES - PETIT SAINS. A nouveau elle est stoppée, à bout de souffle, aux lisières Est de ces deux localités.

Quand l'ordre de repli sur MONTIGNY-EN-GOHELLE arrive à 19 h, dans le secteur du Régiment, l'ennemi n'a franchi la route ARRAS - BÉTHUNE qu'à VERQUIGNEUL, mais il n'a pas pu en déboucher. Au prix de sacrifices nouveaux, la mission a été remplie. La journée du 23 mai n'en comptera pas moins comme une des plus rudes de la campagne pour ceux du 12e Cuirassiers.

Le 24 la Division reçoit l'ordre de tenir le canal de la HAUTE DEULE entre PONT-A-VENDIN et DOURGUES. Dans la matinée, le Régiment couvre le repli sur la nouvelle position du 11e Régiment de Dragons portés qui tient depuis la veille la voie ferrée LENS, PONT-AVENDIN, et est au contact sur plusieurs points. Il passe l'après-midi au repos à WANAGNIES.

Le 25 il ne fournit que quelques patrouilles sur le canal de la HAUTE-DEULE. La journée est employée à mettre sur pied une nouvelle organisation du Régiment imposée par les pertes subies depuis le 10 mai. Il est articulé en 2 escadrons de marche à 5 patrouilles mixtes chacun. Le Général de la FONT remplace, à la tête de la 3e Division légère Mécanique, le Général LANGLOIS, appelé à prendre le commandement du Corps de Cavalerie.

Le 26, l'ennemi a franchi la DEULE de part et d'autre de PONT-AVENDIN, il déborde CARVIN au nord et au sud. La situation est confuse. Le 12e Cuirassiers reçoit l'ordre de renseigner dans le secteur limité au Nord par BAUVIN et au Sud par OIGNIES. Les patrouilles sont découplées. Elles fournissent toute la journée des renseignements précieux et joignent leurs efforts à ceux des défenseurs de CARVIN et du bois d'EPINOY pour endiguer l'avance allemande. On se bat aux portes de CARVIN quand parvient, à 19h30 l'ordre de repli au Nord de la Lys, que l'ennemi a déjà franchie de part et d'autre de COURTRAI.

Le 27 la Division est chargée de tenir la Lys, d'ARMENTIERES à la CROIX-DU-BAC. Le 12e Cuirassiers reçoit l'ordre de chercher des renseignements et de reprendre le contact de l'ennemi au plus loin, en direction du Sud, vers la BASSÉE-FOURNES-WAVRIN. Cette mission est confiée à l'escadron RENOULT qui reprend le contact au nord de la voie ferrée la BASSÉE-WAVRIN.

Vers 13h30, le Corps de Cavalerie signale qu'au Sud-Ouest l'ennemi progresse en direction de MERVILLE. L'escadron VALAT-MORIO est aussitôt chargé d'assurer la surveillance des passages de la LAWE, entre LESTREN et VIEILLE-CHAPELLE. Là aussi des contacts sévères sont bientôt pris. Ainsi, quand, le soir la patrouille du Sous-Lieutenant KELLER ralliera LAVENTIE il ne lui restera plus qu'une auto-mitrailleuse sur trois, et encore le canon de celle-ci est-il hors d'usage et son blindage percé en plusieurs endroits.

Le 28, le Régiment est chargé de tenir la Lys d'ARMENTIÈRES à SAILLY, et de chercher le renseignement au Sud et à l'ouest, vers la FOSSE et LESTREM. Les patrouilles prennent bientôt le contact. La pression s'accentue, particulièrement dans la région BOIS-GRENIER FROMELLES, AUBERS. Elles mènent une action retardatrice extrêmement sévère jusqu'à 16 heures, puis reçoivent alors l'ordre de se replier au nord de la Lys. Elles portent à l'ennemi des coups cruels.

Elles-mêmes subissent de lourdes pertes. C'est ainsi qu'à ROUGE-CROIX la patrouille KELLER voit détruire tout ce qui lui reste de matériel. A ROUGE-DE-BOUT les 3 autos-mitrailleuses qui font partie des patrouilles NEVEUX et GOLDSCHMIDT ont leur blindage percé, les équipages tués ou blessés.

Quand la nuit tombe, les débris du Régiment se regroupe en autour de NIEPPE. Il reste 7 autos-mitrailleuses portant toutes les traces béantes du combat et une cinquantaine de motos. La journée une fois de plus, a été rude, les équipages harassés s'endorment lourdement. Les nouvelles qui parviennent au P.C., ne laissent pas d'être inquiétantes :

- le pont d'ESTAIRES n'a pas, sauté et est attaqué par des chars ;

- les Allemands sont à ARMENTIÈRES, isolant la garnison de LILLE ;

- au MONT-DES-CATS, défendu héroïquement par les Anglais et les restes de la 1ère Division légère mécanique, la bataillé fait rage ;

- à l'est d'ARMENTIÈRES, les brigades anglaises qui tiennent la Lys ont reçu ordre de se replier dans la nuit ;

- les Belges ont déposé les armes.

Le 12e Cuirassiers est au fond de la poche, l'heure est angoissante. Vers 22 heures parvient l'ordre de repli sur les dunes de la mer du Nord. Il s'effectue dans des conditions difficiles en raison de l'embouteillage inextricable des routes. Il dure toute la nuit et une partie de la matinée du 29. La plupart des véhicules devront être abandonnés. Le 30, le Régiment se porte de GHYVELDE à MALO-LES-BAINS.

Le 31, peu avant l'ordre d'embarquement, paraît la citation

" Le 12e Régiment de Cuirassiers, sous les ordres du Colonel LEYER, a splendidement accompli toutes les missions de découverte et de combat qui lui ont été confiées, apportant aux autres troupes de la Division une aide qui s'est toujours montrée particulièrement efficace. Grâce à la formation d'un personnel d'élite et malgré de lourdes pertes, a su conserver un moral élevé et une ardeur combative magnifique."

Ordre N° 15/ C, le 30 mai 1940.

Le Général d'Armée commandant l'ensemble des Théâtres d'opération
Signé : WEYGAND.

 A sa lecture, un éclair d'orgueil et d'espoir illumine les yeux brûlés par la poussière et l'insomnie, de ceux qui sous le fier écusson du 12e, ont fait leur devoir sans compter. A 16 heures, sous un bombardement sévère, dans le plus grand calme, il embarque sur deux bateaux anglais. Quelques heures plus tard il est à DOUVRES.

Le lendemain matin, il quitte WEYMOUTH pour CHERBOURG. Il y débarque le 2 au matin. Le soir même, il est à CONCHES où doit être réarmée la 3e Division Légère Mécanique. Quelques jours plus tard le Général de la FONT la quitte pour prendre le commandement de la 4e Division cuirassée ; elle passe alors aux ordres du Général TESTARD.

Le 7 juin, commence la dislocation du Régiment par le départ d'un petit détachement aux ordres du Lieutenant VALAT-MORIO. Il va former à MONTLHÉRY l'ossature d'un escadron léger anti-parachutistes qui sera rattaché 48 heures plus tard au département de MELUN, puis la 23e Division d'infanterie avec laquelle il terminera la campagne..

Le même jour, en fin d'après-midi, on apprend que le Régiment va être réarmé, mais, faute de matériel, ses effectifs seront extrêmement réduits.

Dans la nuit, les éléments destinés à sa mise sur pied sont enlevés par camion et transportés à GOMETZ-LA-VILLE. Le reste, momentanément stationné à CONCHES, forme un détachement aux ordres du Chef d'escadrons GUIBOURD de LUZINAIS . . .

Sans armes, à pied d'abord, par la voie ferrée ensuite, ce détachement gagnera SAUMUR où il est en partie réarmé. Il est articulé en 3 patrouilles formées chacune de 1 Somua,1 side, 2 solos, et disposant de 1 fusil mitrailleur pour tout armement. De la Loire à la Charente, elles n'en fourniront pas moins au Commandement des renseignements précieux. Mal ou même pas armés, ceux du 12, jusqu'au 25 juin, sans défaillance, continueront à servir la FRANGE.

A GOMETZ-LA-VILLE, c'est au milieu de la consternation générale que le 12e Cuirassiers apprend, le 8 juin, le départ du Colonel LEYER appelé à prendre le commandement d'un groupement de 4 groupes francs dans la région de ROUEN. En partant il laisse dans le cœur de chacun un souvenir que le temps n'estompera pas. Le Chef d'Escadrons ALBESSARD le remplace à la tête du Régiment.

 

III - Du 9 Juin au 25 Juin Campagne de FRANCE.

L'après-midi du 8 et le 9 sont consacrés à la mise sur pied du Régiment. Il est articulé en 2 Escadrons mixtes à 1 peloton de 3 automitrailleuses, 2 pelotons motos et 1 E.H.R. Alerté dans la nuit du 9 au 10, ses premiers éléments quittent GOMETZ à 14 heures pour le FRESNE. (4 kilomètres à l'est de CONCHES). Le soir même, il fournit deux reconnaissances sur EVREUX et LOUVIERS. L'ennemi a franchi la SEINE depuis la veille.

Le 11, pour couvrir l'installation du 11e Régiment de Dragons portés sur le plateau qui domine la rive gauche de l'Eure, le 12e Cuirassiers a mission de renforcer la défense des lisières Nord de LOUVIERS et de tenir au Sud de cette ville les ponts de PINTERVILLE et d'ACQUIGNY. L'ennemi occupe les hauteurs qui surplombent l'Eure à l'Est. En dépit d'un bombardement intense d'aviation et d'artillerie et d'infiltrations hardies, l'escadron GOLDSCHMIDT, d'abord en liaison avec des éléments du 4e Régiment de Dragons portés, puis seul, tiendra LOUVIERS jusqu'à ce qu'il reçoive, vers 21 heures, l'ordre de repli.

Au Sud, dès 8 heures, la situation s'aggrave. Aucun des deux ponts n'a pu être détruit. L'ennemi s'infiltre hardiment. A 9 heures, il attaque le pont de PINTERVILLE, à 10 heures celui d'ACQUIGNY. L'action est si chaude qu'en quelques minutés l'Aspirant de SAINT-EXUPÉRY et 6 hommes de son peloton moto sont blessés. Sans l'intervention d'un peloton Somua qui brise de quelques coups de boutoirs l'élan de l'ennemi, la défense du pont d'ACQUIGNY aurait été submergée.

A midi, quand l'escadron RENOULT reçoit l'ordre de décrocher et de retarder la progression de l'ennemi sur l'axe ACQUIGNY - LES PLANCHES - AMFREVILLE, pour couvrir le flanc droite de la Division, la situation est intenable.

Le repli du peloton de VASSELOT sur le MESNIL-JOURDAIN est particulièrement difficile en dépit des bois.

A 10 heures, AMFREVILLE est attaquée à son tour. Là encore les pertes sont lourdes. Le Sous-Lieutenant ERNY est blessé. Le Sous-Lieutenant du CHAZEAU, qui a pris le commandement du point d'appui, réussira néanmoins à tenir jusqu'à 19 heures.

Le 12, le 11e Régiment de Dragons portés se replie sur une nouvelle position. Une fois de plus le Régiment est chargé de couvrir ce mouvement.

Le 13, après avoir fourni l'arrière-garde de la Division qui se porte dans la forêt de CONCHES, il assure l'après-midi des missions de renseignements à l'Est sur le flanc découvert de cette unité.

Le 14, il conserve la même mission de flanc-garde que la veille. Les patrouilles signalent de fortes colonnes se portant sur la route EVREUX-CHARTRES. Le voile se déchire. L'investissement de PARIS se dessine. L'après-midi, le Régiment fournit l'arrière-garde du 11e Régiment de Dragons portés, qui se porte sur GRANVILLIERS et DAMVILLE. A l'ouest de ces localités les patrouilles prennent le contact d'éléments légers qu'elles bousculent.

Le 15, il constitue l'avant-garde et l'arrière-garde de la Division qui se replie sur LONGNY. Arrivé sur la nouvelle position, après avoir assuré un moment la flanc-garde de la Division à l'Ouest, il est renvoyé vers le Nord pour reconnaître et interdire les lisières Sud de VERNEUIL. Il s'y heurte à des éléments ennemis important qui attaquent, mais n'ont pas réussi à déboucher à 20h30, quand parvient l'ordre de rallier LONGNY.

Le 16, le Régiment accomplit diverses missions de couverture au Nord de LONGNY. Il est au contact à la FERTÉ-VIDAME et MOULICENT.

Il passe la nuit du 16 au 17 et celle du 17 au 18 à couvrir le repli de la Division de LONGNY sur la MEME et de la MEME dans la région du MANS.

Le 18, le 19 et le 20 on le retrouve à l'arrière-garde, en flanc garde et à l'avant-garde de la Division qui se porte du MANS sur ANGERS, puis au sud de la Loire à CREZELLE, enfin dans la région de FENIOUX (20 kilomètres Nord de NIORT) où elle a été envoyée en vue de contre-attaquer de flanc les colonnes ennemies qui ont franchi le fleuve.

Le 21, à la suite d'un contre-ordre, la Division fait mouvement vers le nord sur THOUARS, éclairée par son régiment de découverte qui a mission de pousser jusque sur la Loire. Le Sous-Lieutenant du CHAZEAU arrive à SAUMUR au moment où l'ennemi commence à franchir le fleuve. Axée plus à l'ouest, la patrouille KELLER trouve CHEMILLE occupé.

Vers 14 heures, envoyée sur MONTREUIL-BELLAY, la patrouille KELLER capture une dizaine de cyclistes allemands à BRION. Par eux, KELLER apprend qu'une colonne motorisée se dirige sur THOUARS. II ne dispose que de 2 automitrailleuses. Il n'hésite pas, se lance à sa rencontre. La voici, elle est forte d'un bataillon au moins ; sans ralentir, les deux blindées ouvrent le feu de toutes leurs armes. La charge est menée à fond. La mort fauche à grand bras. Déjà les A.M. ont parcouru plus de 1.500 mètres et la queue de colonne est en vue quand, mortellement touchée, la voiture du Sous-Lieutenant KELLER en flammes verse dans, le fossé.

Immobilisée à son tour la deuxième voiture continue un combat inégal jusqu'à ce que toutes les armes soient devenues inutilisables.

Sur les 8 membres de l'équipage, 3 ont été tués, 4 sont blessés, un seul sort indemne de cette charge digne des sabreurs de LASSALLE. Sans parler des véhicules détruits, l'assaut de ces deux blindées a coûté à l'ennemi plus de 200 hommes hors de combat.

Nos morts seront enterrés avec les honneurs militaires, et sur leur tombe un officier allemand exaltera leur sacrifice et les citera en exemple.

Quand la nuit tombe, le 12e, une fois de plus, a rempli sa mission ; grâce à lui, sans être inquiétés, les Dragons portés de la Division. ont pu s'installer sur leur position à 10 kilomètres au Sud de THOUARS.

Le 22 juin trouve le 12e Cuirassiers posté en point d'appui à BRESSUIRE et BOUSSAIS. La situation est des plus confuse. Les Allemands sont partout. Des colonnes importantes défilent déjà sur la route POITIERS - NIORT. Au Nord, au Sud, à l'Est, à l'Ouest, patrouilles ou liaisons rencontrent l'ennemi à chaque instant. Des coups de feu partent de tous côtés, des prisonniers sont faits.

Quand, vers 19 heures, le Corps de Cavalerie, liant son mouvement à celui de l'Armée de PARIS qu'il a mission de couvrir, décide d'exécuter son repli de nuit à travers les colonnes ennemies, le Régiment tient les lisières nord du bois d'ARMAILLOUX. Avec tout le Corps de Cavalerie, il franchit la route POITIERS - NIORT entre deux colonnes ennemies, dans la nuit du 22 au 23.

Le 23, par CIVRAY, il gagne LUXE.

Le 24, il atteint CHALAIS à l'arrière-garde de la Division qui continue à couvrir vers l'ouest, le repli de l'armée de PARIS. Dans cette dernière journée de la campagne il a des contacts nombreux avec l'ennemi qui occupe déjà ANGOULÊME où il s'est emparé des trains de la Division.

Quand l'ordre de cesser le feu arrive, il vient de faire sauter la voie ferrée BORDEAUX-PARIS.

Le 25, le Régiment fait mouvement sur RIBERAC, CHALAIS se trouvant à l'Ouest de la ligne de démarcation. Plus tard il gagnera JAVERLHAC, TARASCON et enfin ORANGE, sa garnison définitive.

Si la campagne dont nous venons de retracer les jours sombres fut courte, elle fut rude. Elle prouva qu'en 1940 les Cuirassiers du 12e frappaient des coups aussi durs que leurs ancêtres des périodes épiques.

Tout cet héroïsme valut au 12e Cuirassiers de compter parmi les Régiments de cavalerie de l'Armée de l'armistice.

A ORANGE, le Régiment s'est reconstitué, en grande partie, au moyen d'éléments. venant de la 3e Division légère mécanique, sur le type des nouveaux Régiments Divisionnaires : 3 groupes d'escadrons, le 1er monté, le 2e cycliste, le 3e mixte (A.M. et cycliste). Belle unité où tout de suite ont afflué les engagés, il s'est mis au travail et garde précieusement avec les étendards des 1er et 2e Cuirassiers, les traditions de la 3e D.L.M.

Le 7 Octobre 1941, devant le Régiment massé à l'intérieur et sur le pourtour du Théâtre Antique, dont les pierres dorées constituent un décor unique, le Général HUNTZIGER épinglait à la cravate de notre étendard la Croix de Guerre au ruban endeuillé : "Cet étendard promené depuis des siècles à travers les plus légendaires champs de bataille, les plus belles des fastes françaises, dit-il aux cuirassiers, sera pour vous un ami, un guide, un soutien. Il vous a menés sur le chemin de l'honneur, c'est sur ce chemin que vous le suivrez aveuglément, groupés autour du Maréchal, libérateur et rénovateur de notre Pays." Le Régiment défila ensuite devant le Chef de notre Armée ; quelques jours plus tard, le destin devait priver la FRANCE d'un de ses plus nobles serviteurs

Les nuages sont encore bien noirs sur la FRANCE au moment où, nous terminons ce récit. Puisse-t-il contribuer à donner à nos Cuirassiers, à la lumière du passé, confiance en leur Arme, en leurs Chefs, en la destinée de la Patrie immortelle !